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04/06/2025

MALAININ LAKHAL
Néo-colonialisme 2.0 : le changement de cap de la Grande-Bretagne sur le Sahara occidental

Malainin Lakhal, The Panafrikanist, 3/6/2025


L’auteur est représentant
  permanent
adjoint de la RASD auprès de l’Union africaine
Traduit par Solidarité Maroc

 

Dans un virage controversé qui contrevient aux principes les plus fondamentaux du droit international et de la Charte des Nations Unies, le ministre britannique des Affaires étrangères, dans une déclaration conjointe avec son homologue marocain, a exprimé le soutien du Royaume-Uni à ce qui a été appelé « l’autonomie marocaine au Sahara occidental », la décrivant comme la solution « la plus crédible, la plus viable et la plus pragmatique » au conflit.

Cette déclaration n’est pas passée inaperçue ; elle a été largement rejetée et condamnée, non seulement par la République sahraouie et le Front Polisario, mais aussi par un certain nombre de politiciens et d’experts britanniques et non britanniques sur la question du Sahara occidental. Ils l’ont considéré comme une rupture dangereuse avec la position traditionnelle du Royaume-Uni et comme un soutien injustifié à une puissance occupante dans un différend international classé par les Nations Unies comme un cas de décolonisation.

David Lammy et Nasser Bourita

Ce changement de position de la Grande-Bretagne, malgré l’hypothèse que Londres ne reconnaît pas la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, reflète une contradiction flagrante entre les paroles et les actes. Il soulève de sérieuses questions quant à l’engagement du Royaume-Uni, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, envers le droit international et ses responsabilités morales envers les peuples qui luttent encore pour leur droit à l’autodétermination.

Bien que la Grande-Bretagne ait affirmé à plusieurs reprises l’importance d’un « ordre international fondé sur des règles » et exprimé son soutien de principe au droit à l’autodétermination, son approbation explicite de la soi-disant « proposition d’autonomie » du Maroc révèle un deux poids deux mesures troublant. Comment le Royaume-Uni, prétendument défenseur du droit international, peut-il considérer une initiative unilatérale d’une puissance occupante qui exploite illégalement des terres et des ressources comme une solution « réaliste » à une question de décolonisation que les Nations unies supervisent depuis 1963 ?

La proposition marocaine n’est rien d’autre qu’une manœuvre politique destinée à contourner la légalité internationale et à consolider l’occupation par le biais d’un langage trompeur tel que le « réalisme » et la « viabilité ». En réalité, le Maroc continue, par la force militaire, les violations systématiques des droits humains et le soutien de puissances néocoloniales et d’acteurs fonctionnels profondément complices dans l’alimentation des crises mondiales, à imposer un fait accompli à un peuple sans défense, privé de ses droits civils et politiques les plus élémentaires.

Toutes les juridictions internationales et régionales, y compris la Haute Cour du Royaume-Uni (2019), ainsi que tous les organes de l’ONU, ne reconnaissent aucune souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. En effet, la Cour internationale de justice, dans son avis consultatif de 1975, a conclu qu’il n’y avait pas de liens souverains entre le Maroc et le Sahara occidental. De même, les arrêts de la Cour européenne de justice, dont le plus récent date de 2024, affirment que tout accord économique impliquant le Sahara occidental sans le consentement du peuple sahraoui, représenté par le Front Polisario, est juridiquement nul. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est parvenue à une conclusion encore plus forte dans son arrêt de 2022.

Dans ce contexte juridique et politique clair, comment le Royaume-Uni, nation historiquement connue pour ses positions prudentes sur les différends internationaux, peut-il ignorer ces faits et apporter un soutien implicite à un État qui occupe un territoire sur lequel il ne détient aucune souveraineté légitime ?

Pour toutes ces raisons, le Front Polisario et l’ensemble de la communauté sahraouie rejettent la proposition marocaine d’autonomie comme un stratagème colonial destiné uniquement à conférer une fausse légitimité à une occupation militaire illégale. La proposition n’accorde pas au peuple sahraoui son droit inaliénable à l’autodétermination ; au contraire, elle présume à l’avance de la souveraineté marocaine sur le territoire et refuse aux Sahraouis la possibilité même de choisir l’indépendance.

De plus, le fait que la déclaration conjointe Royaume-Uni-Maroc se concentre exclusivement sur la proposition marocaine, sans faire référence à la proposition du Front Polisario soumise en 2007 et incluse dans le même paragraphe dans toutes les résolutions du Conseil de sécurité depuis lors, sape le principe de neutralité et expose un parti pris politiquement motivé. Une telle position ne sert pas la cause de la paix ; au contraire, elle aggrave l’impasse et encourage le Maroc à persister dans son intransigeance et ses tactiques dilatoires.

La vérité est que le Royaume-Uni, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, a une responsabilité encore plus grande de faire respecter le droit international et les résolutions de l’ONU - qu’il s’agisse du Sahara occidental ou d’autres questions globales. En approuvant implicitement la proposition du Maroc, la Grande-Bretagne abdique cette responsabilité, fournit une couverture diplomatique à l’occupation illégale, et porte gravement atteinte à sa crédibilité, du moins aux yeux du peuple sahraoui et de ceux qui comprennent les complexités du conflit. Plus dangereux encore, ce soutien encourage le Maroc à continuer à faire obstruction au référendum convenu de longue date et accepté par toutes les parties en 1991.

Une paix véritable en Afrique du Nord ne peut être fondée sur la récompense de l’expansionnisme militaire et de l’occupation illégale et brutale. Elle doit être fondée sur le respect du droit des peuples à déterminer librement et honorablement leur propre destin. Donner la priorité à des intérêts économiques perçus ou à des alliances régionales plutôt qu’à des principes juridiques ne sert qu’à saper l’ensemble de l’ordre international et à affaiblir la crédibilité des institutions mondiales.

À la lumière de ces développements, la Grande-Bretagne doit être invitée à réévaluer sa position et à se réaligner sur la légitimité internationale, et non sur une occupation brutale et arrogante. Soutenir le peuple sahraoui dans sa lutte pour la liberté n’est pas simplement une position politique, c’est un véritable test des valeurs dont la Grande-Bretagne s’enorgueillit depuis longtemps : la justice, les droits humains et le respect des peuples.

En conclusion, il faut reconnaître que l’occupation marocaine a perdu le peu d’autonomie politique qu’elle prétendait avoir. Elle est désormais de plus en plus dirigée de l’extérieur de Rabat, parfois de Tel Aviv, parfois de certains États du Golfe bien connus ou de la France, qui sèment tous activement la discorde et alimentent l’hostilité régionale pour servir l’agenda d’un nouvel ordre colonial. Cet agenda se manifeste aujourd’hui par les préparatifs d’Abou Dhabi pour accueillir une nouvelle conférence réunissant les États que l’alliance coloniale émergente a réussi à influencer, dans le but de réimposer les réalités coloniales dans la région et en Afrique, en commençant par le Sahara occidental.

Cela ne fait-il pas écho à la tristement célèbre conférence de Berlin de 1884, qui a divisé le continent africain et ses peuples ?

Il est temps pour les nations occidentales, en particulier la Grande-Bretagne, d’abandonner les doubles standards et de prendre une position claire en faveur de la justice et de la légalité internationale dans le dernier cas de décolonisation en Afrique. Il est également temps pour les peuples qui résistent de reconnaître leurs adversaires et de se préparer à une confrontation décisive entre le pouvoir du droit et des principes et la force de l’agression et de la dépossession. 

16/03/2025

ASIER ALDEA
Faire de Dakhla le “Benidorm” du Sahara occidental : l’écran de fumée de l’occupation marocaine

La ville de Dakhla, située au Sahara occidental, est occupée par le Maroc, qui s’est lancé dans une stratégie visant à stimuler le tourisme dans la région, alors que les dénonciations de la population sahraouie se poursuivent.

Asier Aldea, elDiario.es, 6/3/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

 L’auteur a été refoulé du Sahara occidental par la police marocaine en février dernier.

Dakhla (Sahara occidental occupé) - À peine deux heures après que des dizaines de touristes étaient descendus de l’avion Ryanair pour visiter Dakhla, une des villes occupées par le Maroc du Sahara occidental, la famille de Lahbib Ahmed Aghrishi a de nouveau dénoncé sa disparition. Deux fois par semaine, ils se rassemblent à l’entrée de l’ancienne boutique d’Ahmed, aujourd’hui fermée par la police, pour exiger une réponse. Munis d’affiches à son effigie, de banderoles et d’un mégaphone, ses proches expriment leur angoisse après trois ans de silence de la part des autorités marocaines.


La famille de Lahbib Ahmed Aghrish brandit sa photo devant son ancien magasin, fermé par la police marocaine, après trois ans sans nouvelles de lui. Photo Asier Aldea

Le magasin est situé dans l’une des rues principales de la ville, à proximité de la plage et du marché. La plupart des gens qui marchent près d’eux semblent ignorer la protestation, à l’exception des approches timides de quelques connaissances. C’est une partie de l’arrière-boutique où le Maroc ne veut pas voir arriver ces touristes qui débarquent à Dakhla sans beaucoup d’informations sur la charge symbolique de leur voyage. De l’autre côté de la ville se trouve le décor où Mohamed VI tente d’orienter ses visiteurs : une vitrine d’offres touristiques d’hôtels, de plages, de surf et de dunes que le gouvernement marocain utilise pour tenter de séduire le visiteur étranger. La promotion de Dakhla comme attrait pour les voyageurs masque les allégations d’enlèvements, d’abus policiers et de persécution de la population sahraouie vivant dans les territoires occupés de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental.

À leur arrivée dans la ville côtière, les touristes sont accueillis par un immense drapeau marocain déployé à l’aéroport, où un panneau leur souhaite également la bienvenue : « Bienvenue à la destination touristique de Dakhla Oued Eddahab », peut-on lire sur le panneau, qui est également rédigé en anglais, en français et en arabe. Divers symboles le long des rues revendiquent la marocanité supposée de la zone occupée, des affiches montrant le territoire du Maroc et du Sahara occidental unis en un seul pays, aux avenues portant le nom des anciens rois de la dynastie alaouite, tels que le boulevard Hassan II ou Mohamed V. L’image du monarque actuel, Mohammed VI, est omniprésente.

Parmi les voyageurs, on note une certaine méconnaissance de la région. Plusieurs ont souligné le prix du voyage comme l’une des principales raisons de vouloir visiter la région - moins de 60 euros aller-retour, bien qu’il y ait des offres allant jusqu’à 14,99 euros pour un aller simple. Un touriste finlandais dit qu’il passera quelques nuits à Dakhla, profitant du faible coût du vol, et qu’il visitera ensuite Marrakech. « Je ne sais rien de la ville », dit-il avant de monter dans l’avion, en parlant de Dakhla. Sur le chemin de l’avion, un couple de Colombiens explique avec enthousiasme qu’il a réservé quelques nuits dans un bungalow construit dans le désert après avoir trouvé une bonne affaire. Un autre couple, espagnol celui-là, est un peu inquiet. Ils ont appris l’expulsion d’un journaliste espagnol. Mais, avouent-ils, ils ont choisi cette destination pour une seule raison : « C’était bon marché ».

L’engagement du Maroc en faveur de la touristification de Dakhla, qui compte déjà plus de 20 hôtels et résidences de vacances, vise à transformer la ville occupée en une sorte de Benidorm. L’investissement dans cette tentative de création d’un nouveau paradis pour les voyageurs se fait au détriment de familles comme celle d’Ahmed.

09/02/2025

Je prends Gaza, tu gardes le Sahara occidental : grandes manœuvres entre Washington et Rabat, via Tel Aviv et Abou Dhabi

L’intérêt des USA pour le Maroc passe maintenant par Gaza, au cas où celui-ci pourrait contribuer d’une manière ou d’une autre à imposer la Pax Americana dans ce territoire, pour lequel le président usaméricain a déjà esquissé un plan.

Ignacio Cembrero, El Confidencial, 09/02/2025
Traduit par 
Tafsut Aït BaâmraneTlaxcala


Photo d’archives de Trump avec le président des Émirats arabes unis Mohammed bin Zayed al-Nahayan (Reuters/Jonathan Ernst).

Donald Trump est de retour à la Maison Blanche. Il a été le premier président d’une démocratie à reconnaître, en 2020, la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Rabat réfléchit actuellement à la manière de tirer le meilleur parti du magnat new-yorkais pour ce qu’il appelle sa « cause nationale », à savoir l’ancienne colonie espagnole.

En décembre 2020, Trump s’était engagé à ouvrir un consulat usaméricain à Dakhla, la deuxième ville du Sahara, mais son successeur, Joe Biden, a retardé l’ouverture de ce consulat. Rabat espère désormais qu’il franchira le pas, mais il s’agit d’une initiative mineure par rapport aux rêves que la diplomatie marocaine nourrit pour les terres dont elle s’est emparée il y a un demi-siècle grâce à la Marche verte.

Selon une source diplomatique au fait des intentions marocaines, le plan diplomatique du Maroc est de tenir une conférence internationale aux Émirats arabes unis (EAU), son principal allié arabe, sous l’égide des USA et des puissances européennes, à commencer par la France, qui donnerait sa bénédiction à la « marocanité » du Sahara occidental.

« Le Maroc espère maintenant obtenir le feu vert international final » sur le Sahara « lors d’une conférence qui se tiendra aux EAU en avril écrit. Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen pour les relations internationales, dans un article publié par le think-tank barcelonais CIDOB [voir version française ci-dessous].  Rabat tenterait ainsi de « forcer les États européens récalcitrants [Royaume-Uni, Italie, etc.] et l’ONU elle-même à se rallier », prédit Lovatt, dans un entretien avec El Confidencial. « Il y a déjà eu des contacts diplomatiques en ce sens », affirme-t-il, tout en doutant que la date initiale d’avril soit respectée.

Le gouvernement socialiste espagnol pourrait difficilement éviter de participer à une telle conférence s’il souhaite continuer à entretenir des relations harmonieuses avec son voisin marocain. La conférence s’inscrirait également dans la lignée de la lettre que le Président Pedro Sánchez a adressée le 14 mars 2022 au roi Mohammed VI, s’alignant sur la solution d’autonomie que ce dernier préconise pour résoudre le conflit du Sahara.

Les autorités marocaines refusent de donner plus de détails sur ce plan d’autonomie de trois pages, qu’elles ont présenté en 2007, comme l’a souligné en octobre devant le Conseil de sécurité Staffan de Mistura, l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental. Elles s’efforcent cependant de promouvoir des associations sahraouies qui, aux yeux de l’Occident, pourraient faire de l’ombre au Front Polisario, le mouvement qui représente la majorité.

Il y a d’abord eu le Mouvement sahraoui pour la paix, dirigé par Hach Ahmed Barical, qui a été discrédité après qu’un rapport du Centre national du renseignement espagnol, révélé par El País en 2022, l’a décrit comme le chef d’une  « organisation-écran » des services de renseignement extérieur marocains.. Les services marocains ont maintenant parrainé à El Ayoun Initiative sahraouie, dirigée par une femme, Gasmula Ebbi, ancienne députée à Rabat, qualifiée par la propagande de "Pasionaria du Sahara".

En échange de la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara en 2020, le roi Mohamed VI a dû offrir une contrepartie à Trump : établir des relations diplomatiques avec Israël. Il s’est ainsi rallié aux « accords d’Abraham » finolés par le gendre du président, Jared Kushner, auxquels d’autres pays musulmans (EAU, Bahreïn, Soudan) avaient déjà adhéré.

Aux yeux de l’administration Trump, le Maghreb n’a que peu d’importance. Pour le mobiliser en sa faveur, le Maroc doit lui offrir quelque chose en retour, comme il l’a fait en 2020 avec Israël. Que peut-il faire maintenant ? « Jouer un rôle quelconque dans la bande de Gaza post-conflit avec le consentement des parties », a répondu Hugh Lovatt dans son article. En mai dernier, l’administration Biden a déjà sondé le Maroc, l’Égypte et les Émirats arabes unis sur leur volonté d’intégrer une force de maintien de la paix à Gaza une fois la guerre terminée, comme l’a révélé le Financial Times.

08/02/2025

Dehors les journalistes, bienvenue aux influenceurs espagnols : la stratégie du Makhzen pour blanchir l’occupation de Dakhla

Pillage, surveillance extrême et blocage de l’information... Telle est la réalité de Dakhla, l’ancienne Villa Cisneros. Le Maroc utilise des influenceurs espagnols pour blanchir son image.

Sara S. Bas et Francisco CarriónEl Independiente, 8/2/2025
Traduit par Tafsut Aït BaâmraneTlaxcala


 « Dakhla, jouez les Robinsons des sables », propose le site ouèbe Visit Morocco. Dakhla, l’ancienne Villa Cisneros espagnole, est un paradis de plages et de dunes vierges et de vagues qui font le bonheur des surfeurs les plus intrépides. Une destination que le régime alaouite veut faire figurer sur la carte, en essayant d’ignorer un immense détail : elle se trouve en effet au Sahara occidental, un territoire occupé « manu militari » par le Maroc depuis un demi-siècle et en attente de décolonisation, selon l’ONU. Un territoire interdit à la presse internationale où de graves violations des droits humains sont commises contre la population sahraouie et où, dans le même temps, les autorités occupantes déroulent le tapis rouge aux influenceurs et aux youtubeurs.

Ces dernières semaines, deux journalistes espagnols ont été expulsés de Dakhla. Ce mercredi, le Maroc a refusé l’entrée dans la ville à Francisco Carrión, reporter d’El Independiente. Il y a une semaine et demie, José Carmona, de Público, a été expulsé. Depuis janvier, en revanche, le régime de Mohamed VI a invité des dizaines d’influenceurs espagnols dans le but de promouvoir Dakhla comme une destination de vacances économique et proche de la péninsule, à seulement trois heures de vol. Selon nos informations, le gouvernement marocain organise des voyages pour promouvoir l’image de cette ville, située au sud du Sahara occidental. Dans le cadre du premier vol direct reliant Madrid à Dakhla, plusieurs influenceurs, se désignant eux-mêmes comme « créateurs de contenu », et des journalistes de voyage ont pu se rendre sur place et visiter la ville pendant plusieurs jours.

Une centaine de personnes - parmi lesquelles des agents de voyage, des journalistes et des influenceurs d’Espagne et du Portugal - ont été invitées à Dakhla par l’Office national marocain du tourisme (ONMT). Le « voyage de familiarisation » - « Fam Trip », comme on l’appelle dans le jargon des agents et des journalistes du tourisme - s’est déroulé du 8 au 11 janvier et avait pour objectif de « promouvoir Dakhla comme destination principale pour les marchés ibériques » en pleine offensive du régime alaouite pour obtenir un soutien international à sa revendication de marocanité de l’ancienne colonie espagnole, un territoire non autonome en attente de décolonisation, selon l’ONU.

Huîtres et dunes : un voyage royal

« Le Fam Trip offre une introduction complète au potentiel touristique de Dakhla, en mettant en avant ses atouts culturels, ses paysages naturels et ses opportunités d’investissement », expliquent les autorités touristiques marocaines. Selon le programme, les participants ont visité les principales attractions touristiques de l’enclave, ont assisté à des « sessions de réseautage » et à des « présentations conçues pour montrer l’attrait croissant de la région pour les visiteurs internationaux ». Rabat ne cache pas que son objectif est de positionner Dakhla comme « une porte d’entrée pour les touristes latino-américains via le centre d’opérations de Madrid ». Ryanair a rejoint trois autres compagnies aériennes proposant des liaisons internationales avec Dakhla : Royal Air Maroc (RAM), Binter Canarias et Transavia. Toutes opèrent sur des routes subventionnées par l’État marocain.

« Visit Morocco nous a contactés par l’intermédiaire de Bushido Talent, une agence d’influenceurs et de marketing digital basée à La Corogne, pour réunir un certain nombre de personnes et faire ce voyage », a expliqué à El Independiente l’une des personnes qui s’est rendue à Dakhla et qui préfère garder l’anonymat. Visit Morocco est la marque sous laquelle opère l’autorité touristique du pays voisin. L’objectif, détaille cette source, est de dissocier Dakhla du conflit découlant de l’occupation par le Maroc du Sahara occidental et d’en faire une destination touristique. « Je n’avais aucune idée de l’endroit où se trouvait Dakhla ni de ce à quoi elle ressemblait avant de voyager », admet-il. Depuis que le Front Polisario a rompu le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 en novembre 2020, les hostilités ont repris le long du mur de 2 720 kilomètres de long qui sépare le territoire occupé par Rabat de celui libéré par le Polisario.

04/02/2025

HÉCTOR BUJARI SANTORUM
Soukeina Yed Ahlou Sid : « L’ONU, pour nous, c’est pire que le Maroc »

Chacun de ses mots porte le poids d’un peuple qui résiste alors que le monde continue de regarder ailleurs.

Héctor Bujari SantorumNueva Revolución,   20/1/2025
Traduit par Tafsut Aït BaâmraneTlaxcala

Au bout du fil, avec l’aide d’une traductrice, j’entends la voix de Soukeina Yed Ahlou Sid. Elle est grave, directe, chargée d’une fermeté qui ne laisse aucune place à la pitié.

Au bout du fil, avec l’aide d’une traductrice, j’entends la voix de Soukeina Yed Ahlou Sid. Elle est grave, directe, chargée d’une fermeté qui ne laisse aucune place à la pitié.

Elle parle sans fioritures, comme quelqu’un qui a raconté son histoire trop de fois, mais qui n’a pas encore réussi à s’en libérer. Militante sahraouie, survivante de 12 ans de prisons secrètes. Chacun de ses mots porte le poids d’un peuple qui résiste alors que le monde continue de regarder ailleurs.


Tu as subi de nombreux abus tout au long de ta vie, de la torture aux disparitions forcées. Comment as-tu réussi à rester fidèle à ton combat pendant si longtemps, malgré toutes les souffrances que tu as endurées ?

J’ai été emprisonné pendant 12 ans. Ils m’ont attrapée à l’âge de 24 ans et j’avais quatre enfants. L’aîné avait 6 ans et le plus jeune 5 mois. La plus grande souffrance a été la séparation d’avec ma famille. Dès que la séparation a commencé, ma famille est allée dans les camps [de réfugiés en Algérie, NdlT]. Je suis restée dans les territoires occupés avec la famille de mon mari. Je n’ai pas été emmenée dans une prison, c’était plutôt une disparition, on ne savait rien de nous. Je n’étais pas enregistrée et je n’avais aucune condamnation. J’avais 24 ans. Un an plus tard, ma fille cadette est décédée.

Dans ton témoignage, tu mentionnes que tu as passé 12 ans dans des prisons marocaines secrètes. Quelle a été la partie la plus difficile de cette période et comment t’en souviens-tu maintenant que tant d’années se sont écoulées ?

Mes enfants ont souffert de la séparation. Certains sont allés chez leur père et d’autres sont restés ici. J’étais émotionnellement dévastée. J’étais une mère et j’avais laissé quatre enfants derrière moi. Je n’avais aucune sécurité, rien, aucun soutien de qui que ce soit. C’est l’incertitude que j’ai ressentie, c’était très dur. Je me consolais en me disant que ce que je faisais n’était pas vain. C’était pour le Sahara, pour voir ma terre libérée, pour la détermination. C’est la seule consolation qui m’a permis de tenir pendant cette période.

De toute façon, il n’y avait pas que moi ; dans chaque famille sahraouie, on a perdu un frère, un père, un fils, même des femmes pour cette cause...

Comment as-tu vécu le cessez-le-feu de 1991 et la trahison du processus de paix qui s’en est suivie ?

En 1991, lorsque l’accord de paix a été conclu, ils nous ont laissés partir. Je suis allée rejoindre ma famille, mes enfants. Il ne s’est même pas écoulé un an et j’ai été à nouveau emprisonnée, avec mon fils aîné, celui qui avait 6 ans la première fois qu’ils m’ont fait disparaître.

L’accord de cessez-le-feu était une trahison, une tromperie écrite sur le papier. Le peuple sahraoui y a cru, pensant que nous allions arrêter la guerre, que nous allions cesser de perdre des gens et vivre en paix. C’était une tromperie qui n’a rien changé. L’agresseur marocain a suggéré cette idée, c’était son plan. Tout ce qu’ils voulaient, c’était avoir tout le territoire du Sahara.

Je veux voir un Sahara libre. Demain, des générations vont vivre et elles ne peuvent pas trahir cette cause. C’est eux ou rien. Ils doivent la défendre.

29/01/2025

Le Révérend chanoine J Peter Pham,
le Mister Africa “réaliste” de Donald Trump II

 Ayman El Hakim, 29/1/2025

Cette fois-ci sera la bonne : en 2017, la nomination par Mike Pompeo de J Peter Pham comme Secrétaire d'État assistant aux Affaires africaines de Trump I avait été bloquée au Sénat par James Inhofe (Oklahoma), un défenseur acharné des droits du peuple sahraoui, qui avait invoqué la proximité du candidat avec le Makhzen marocain. Depuis, Inhofe a quitté le Sénat en 2023 et notre bas monde en juillet 2004. Il ne devrait donc plus y avoir d’obstacle à la nomination du Révérend chanoine Pham, 55 ans. Ci-dessous son curriculum, qui a de quoi donner le vertige.

J Peter Pham, célèbre pour les nœuds papillon qu’il arbore en toutes occasions, est arrivé à l’âge de 5 ans aux USA, où sa famille, liée au régime sud-vietnamien, avait fui après la chute de Saïgon. Il a effectué un double cursus d’études.

Après avoir obtenu une licence en économie à l'université de Chicago, Pham s'est orienté vers la prêtrise et a finalement obtenu un doctorat, rédigeant sa thèse de doctorat en théologie systématique à l'université pontificale grégorienne de Rome (université jésuite fondée en 1551 par Ignace de Loyola), sur la théologie de Hans Urs von Balthasar. Chercheur postdoctoral à l'Académie pontificale ecclésiastique, il a été diplomate au Vatican et assistant du Vicaire général de Sa Sainteté au Vatican et du président du Conseil pontifical pour la justice et la paix. Il a ensuite rejoint la faculté du Centre des sciences sociales libérales et appliquées de la JMU, l'université James Madison à Harrisburg (Virginie).

En 1995, Pham est ordonné prêtre de l’église épiscopalienne (catholiques anglicans) et exercera son ministère à l’église Saint-Paul de Washington, située dans la K Street, qui est au lobbying ce que Wall Street est à la finance, vu qu’elle est le siège de nombreuses firmes de lobbying, cabinets d’avocats et think tanks.

Nommé en août 2004 professeur associé en études de justice (sic) à la JMU, il y devient ensuite professeur de sciences politiques et d’« Africana Studies » et directeur du  Nelson Institute for International and Public Affairs, dissertant sur le Libéria, les relations entre Taiwan et la Chine et la terreur islamiste au Moyen-Orient, bien qu'il n'ait aucune qualification reconnue dans ces domaines.

Il se retrouve progressivement dans des postes de responsable dans une série d’organismes, tous liés au Parti républicain, notamment l’Acton Institute for the Study of Religion and Liberty, qui regroupe des catholiques libertariens, l’Atlantic Council, la Fondation pour la défense des démocraties et quelques autres.

En 2018, après son rejet comme secrétaire d’État assistant aux Affaires africaines, Pompeo le nomme Envoyé Spécial US pour la Région des Grands Lacs, avec rang d’ambassadeur, jusqu’en 2020, puis Envoyé Spécial pour la Région du Sahel africain jusqu’en 2021. En 2022, il a été élu membre de l’Académie diplomatique américaine.

Peter Pham a fait partie du groupe consultatif supérieur du Commandement militaire US pour l'Afrique (USAFRICOM) de 2008 à 2013 et est conseiller principal du Krach Institute for Tech Diplomacy à l'Université de Purdue. Depuis 2015, il est membre du conseil d'administration du Smithsonian National Museum of African Art à Washington, DC, dont il a été le vice-président (2016-2021) et dont il préside le comité des finances depuis 2022.

Le Révérend Pham a publié un nombre invraisemblable d’articles, d’essais et de livres sur tous les sujets possibles, de la doctrine sociale de l’Église au Liberia, la Sierra Leone, la Somalie et, last but not least, le Sahara occidental. Nous avons choisi de traduire son essai sur ce sujet [cliquer sur l'image en fin d'article], datant de 2010, qui donne une très bonne idée de ce à quoi les Sahraouis, les Marocains, les Mauritaniens et les Algériens peuvent s’attendre de la part de l’administration Trump II. Plus makhzénien que Pham, tu meurs !

Pour conclure ce portrait, nous présentons le quatrième volet du personnage, le volet business. En effet, notre bon chanoine n’est pas seulement prêtre, universitaire et diplomate. Il est aussi businessman, comme tout bon politicien usaméricain.

Business

J Peter Pham est actuellement directeur non exécutif d'Africell Global Holdings et de Rainbow Rare Earths, président non exécutif de HPX et conseiller stratégique de dClimate, bitt et de quelques autres entreprises.

Africell Global Holdings

La compagnie, fondée en 2000 et dirigée par le Libano-Américain Ziad Dalloul, est comme il se doit domiciliée sur l’île britannique de Jersey, petit paradis fiscal dans le Channel. C’est une des entreprises de téléphonie mobile à la croissance la plus rapide, avec plus de 11 millions d’abonnés en Gambie, Sierra Leone, RDC, Angola et Ouganda.

Rainbow Rare Earths

Le phosphogypse (parfois abrégé en PG) est un gypse non naturel, déchet industriel, issu du traitement industriel des minerais calciques fluorophosphatés utilisés pour la fabrication de l'acide phosphorique et des engrais phosphatés. De Salonique au Guadalquivir en passant par la Tunisie, l’Afrique de Sud et le Brésil, des centaines de millions de tonnes de ce résidu radioactif s’entassent, constituant une menace grave pour l’environnement. L’entreprise Rainbow Rare Earths, cotée à la Bourse de Londres, est engagée dans deux sites, Phalaborwa en Afrique du Sud et Uberaba au Brésil, où elle expérimente  un procédé -qu’elle présente comme « écologique » - consistant à extraire des oxydes de terres rares de ce phosphogypse. Selon Rainbow, « ce devrait permettre de produire des oxydes de terres rares séparés par le biais d'une seule usine hydrométallurgique sur le site, en se concentrant sur la récupération du néodyme, du praséodyme, du dysprosium et du terbium. Il s'agit de composants essentiels des aimants permanents à haute performance utilisés dans les véhicules électriques, les turbines éoliennes, la défense et de nouveaux marchés passionnants tels que la robotique et la mobilité aérienne avancée ».

dCLIMATE

C’est une entreprise de collecte et d’exploitation de données climatiques permettant de naviguer sur le marché des émissions de carbones et fournissant ce qui s’appelle « climate intelligence » (renseignement climatique), permettant entre autres d’évaluer les risques. dClimate se présente ainsi : « dClimate est un réseau décentralisé d'infrastructures de données climatiques qui transforme la façon dont les applications technologiques climatiques sont mises en œuvre pour favoriser un avenir résilient. » Son slogan publicitaire : « Libérer la puissance des données climatiques pour un avenir durable ». Pham siège au conseil consultatif de l’entreprise aux côtés de Mark Cuban, « investisseur, entrepreneur, star de l'émission Shark Tank sur ABC, propriétaire de l’équipe des Dallas Mavericks de la NBA (National Basketball Association) », de « SergeyNazarov, cofondateur de Chainlink » et de « D.J. Mbenga, 2 fois champion NBA de la RDC et éminent philanthrope congolais ». Du basket à la déforestation, il n’y a qu’un pas.

HPX
High Power Exploration Inc. (HPX) est une des entreprises du groupe minier dirigé par Robert Friedland, chargée de l'exploitation du gisement de minerai de fer du Mont Nimba, en Guinée.
Robert Friedland, fils d’un rescapé d’Auschwitz, a tout pour être le héros d’une série Netflix. À 19 ans – on est en 1970 – il est arrêté à Portland en possession de LSD pour une valeur de 100 000 $ qu'il avait vendu à...un agent du FBI. Il sera rapidement libéré et bénéficiera d’un non-lieu. Copain de Steve Jobs, dont il partage l’intérêt pour les philosophies orientales, il l’invite dans un verger de pommes appartenant à son oncle millionnaire en Oregon, où il créera une communauté. C’est là que Steve Jobs a trouvé le nom de son invention, Apple. Mais rapidement, Robert passe aux choses sérieuses et se lance dans les activités minières. De l'Oregon, il passe au Colorado, où il gagne le surnom de "Toxic Bob", après la catastrophe de pollution que provoque la mine qu'il a acquis à Summitville avant de se déclarer en faillite, de payer une petite amende de 20 millions de $ et de partir à la conquête de mines en Alaska, en Australie, au Myanmar, en Mongolie et en Afrique. [Lire TOXIC BOB, l’homme qui a trouvé mieux que le LSD : l’or, le cuivre et le fer. Un dossier Tlaxcala sur Robert Friedland, l’Elon Musk du sous-sol]
Frère Pham, comme président non exécutif de HPX, livre depuis quelques mois une bataille contre le monopole d’Arcelor Mittal sur les transports de minerai de fer provenant des mines du Mont Nimba sur la ligne de chemin de fer de Yekepa au port de Buchanan (360 km)  au Liberia, faisant pression sur le président Boakai pour qu’il fasse jouer la concurrence et brise le monopole du géant indien. Ce dernier a restauré et remis en route cette ligne de chemin de fer - construite par le consortium yankee/suédois LAMCO et mise en ruine par la guerre civile -, qu’il a pu refaire tourner grâce aux commandes de minerai de fer chinoises. HPX, argumente l’oncle Pham dans la presse libérienne, entend exporter 30 millions de minerai par an dans les 25 prochaines années, ce qui pourrait rapporter à l’État libérien, au tarif de 2,10 $ par tonne, la coquette somme d’ 1,6 milliard de dollars. Pourquoi laisser ce pactole entre les griffes de Tonton Lakhsmi (Narayan Mittal) ?  Bref, notre théologien sait aussi compter.

bitt

Et last but not least, en 2022, Brian Popelka, un p’tit gars du Nebraska qui vit à Salt Lake City, la capitale des Mormons (Utah),  PDG de l’entreprise bitt (Banking Innovation Through Technology) a recruté le Révérend chanoine Pham comme conseiller. Bitt propose aux banques centrales d’installer des système de monnaie numérique de banque centrale (CBDC en anglais), ce dont elle a déjà convaincu l’ Union monétaire des Caraïbes orientales et la Banque centrale des Caraïbes orientales, qui regroupent 6 États insulaires indépendants (Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie) et 2 territoires d’outre-mer britanniques (Anguilla et Montserrat). Pham a ainsi commenté sa nomination comme conseiller : « « Je suis ravi de rejoindre le conseil consultatif de bitt.  Je suis impatient de mettre à profit mon expérience en Afrique et ma connaissance des défis et des opportunités présents sur le continent pour renforcer la relation existante de bitt avec la Banque centrale du Nigeria, et aussi pour aider à forger des partenariats similaires avec d'autres institutions africaines ; contribuant ainsi au développement de la région en faisant progresser l'inclusion financière et en facilitant les échanges panafricains. »  Ite, missa est.




12/01/2025

SABRINA NELSON
La migration illégale comme monnaie d’échange : le jeu diplomatique du Maroc à Ceuta et Melilla

Sabrina Nelson , The McGill International Review, 9/1/2025
Original édité par Rafay Ahmed
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

Sabrina est une étudiante de quatrième année qui poursuit un diplôme en sciences politiques avec une mineure en développement international à l’Université McGill à Montréal (Québec). Elle s’intéresse aux droits humains, à la justice sociale, aux crises humanitaires et à la résolution des conflits. Elle est passionnée par les langues et en parle actuellement six.

Immigrants africains à la barrière frontalière entre l’Espagne et le Maroc par ¡¡¡¡ !!!, sous licence CC BY-NC-SA 2.0

Situées sur le continent africain et bordées par le Maroc, Ceuta et Melilla, les enclaves nord-africaines de l’Espagne, sont depuis longtemps des points chauds dans les relations hispano-marocaines, en raison de différends historiques profondément enracinés sur la souveraineté. Le Maroc considère Ceuta et Melilla comme des reliques coloniales espagnoles, affirmant ses liens historiques avec les enclaves à travers les conquêtes islamiques des VIIe et VIIIe siècles, lorsqu’elles ont été intégrées dans l’héritage culturel et historique de l’Afrique du Nord. Dans une lettre adressée à l’ONU en 2022, le Maroc a décrit les enclaves comme « une prison occupée par l’Espagne » et a nié avoir des frontières terrestres avec l’Espagne. L’Espagne, en revanche, affirme sa souveraineté de longue date, citant le contrôle de Melilla depuis 1497 et de Ceuta depuis l’existence de l’Union ibérique (1580-1640), la cession formelle de Ceuta au Portugal ayant eu lieu dans le cadre du traité de Lisbonne en 1668. L’Espagne règne désormais sur Ceuta et Melilla depuis des siècles et les deux enclaves sont actuellement reconnues internationalement comme des villes autonomes régies par le droit espagnol et le droit communautaire européen.

Au-delà du conflit de souveraineté, Ceuta et Melilla sont devenues des sources de tension récurrentes en raison du défi que représente l’immigration clandestine. La situation unique de Ceuta et Melilla sur le continent africain en fait des points d’entrée privilégiés pour les demandeurs d’asile et les migrants qui tentent d’atteindre l’Europe. Le Maroc a stratégiquement utilisé le défi de l’immigration clandestine comme un outil diplomatique, en contrôlant le flux de migrants pour faire pression sur l’Espagne afin qu’elle fasse des concessions politiques, en particulier en ce qui concerne le Sahara occidental. Ainsi, le Maroc a transformé les enclaves en puissantes monnaies d’échange géopolitiques, obligeant l’Espagne à naviguer dans un jeu d’équilibre complexe et délicat.

Carte de Ceuta et Melilla, par Anarkangel, sous licence CC BY-SA 3.0.

Le défi persistant de l’immigration clandestine

Alors que la migration illégale à Ceuta et Melilla a atteint un sommet en 2018 avec 6 800 entrées enregistrées, le problème reste d’actualité. En 2023, on estime à 1 243 le nombre d’entrées enregistrées, ce qui est considérable compte tenu de la taille des enclaves. Toutefois, ces chiffres ne tiennent compte que des migrants interceptés qui ont réussi à franchir la frontière ; l’ampleur réelle des tentatives de franchissement est bien plus importante. Par exemple, pour le seul mois d’août 2023, les autorités marocaines ont bloqué plus de 3 300 tentatives de passage vers Melilla et 11 300 vers Ceuta. La plupart des personnes qui tentent d’entrer dans les enclaves sont originaires du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et d’Afrique subsaharienne. Leurs voyages sont principalement motivés par le désir d’une vie meilleure.

Les migrants interceptés à la frontière sont généralement renvoyés au Maroc ou dans leur pays d’origine, sauf s’ils demandent l’asile ou s’ils sont mineurs. Toutefois, la vérification de ces demandes est difficile en raison du manque de documents, et les autorités espagnoles, auxquelles les lois internationales et nationales interdisent d’expulser les mineurs non accompagnés, sont tenues de les prendre en charge. Les demandeurs d’asile sont temporairement détenus pendant que leurs demandes font l’objet d’une évaluation juridique.

 

Migrants résidant dans le Centre de séjour temporaire de migrants (CETI) entrant dans la mairie de Ceuta, par Fotomovimiento, sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

L’immigration clandestine, un embrouillamini de coopération et de conflit

Depuis les années 1990, alors que l’afflux de migrants augmentait, l’Espagne et le Maroc ont coopéré étroitement en matière de migration illégale et de contrôle des frontières, signant même un accord bilatéral en 1992 pour permettre à l’Espagne de demander la réadmission de migrants provenant du Maroc. Au fil du temps, l’Espagne s’est de plus en plus appuyée sur le Maroc pour gérer des portions importantes de sa frontière, une délégation soutenue par l’UE, qui a renforcé ses relations avec le Maroc en tant qu’allié essentiel dans la gestion de l’immigration clandestine. Cette collaboration comprend un soutien financier et politique, comme le programme d’aide de 148 millions d’euros en 2018 pour améliorer la gestion des frontières du Maroc, ainsi que des projets cofinancés par l’Espagne et l’UE pour renforcer les barrières frontalières autour des enclaves.

Si la dépendance de l’Espagne à l’égard du Maroc pour la gestion de ses frontières favorise la coopération, elle a également créé une dépendance stratégique que le Maroc a de plus en plus exploitée ces dernières années. Le Maroc a utilisé la gestion de l’immigration clandestine comme un outil pour exercer une pression politique et faire avancer ses revendications territoriales, notamment en ce qui concerne le Sahara occidental. Le Sahara occidental est un territoire contesté d’Afrique du Nord-Ouest revendiqué par le Maroc et par le peuple sahraoui, qui cherche à obtenir l’autodétermination par l’intermédiaire du Front Polisario.

L’exploitation par le Maroc de la dépendance stratégique de l’Espagne est devenue évidente en avril 2021 lorsque, en réponse à la décision de l’Espagne de fournir un traitement médical au chef du Front Polisario, Brahim Ghali - un acte que le Maroc considérait comme une atteinte à ses revendications de souveraineté - le Maroc a délibérément relâché ses contrôles frontaliers, permettant à environ 8 000 migrants d’entrer à Ceuta. La crise s’est aggravée, poussant l’Espagne à déployer son armée et déclenchant une impasse diplomatique majeure entre les deux pays. Le Parlement européen est intervenu, reconnaissant que le Maroc manipulait l’immigration clandestine comme un outil de pression géopolitique. L’assouplissement délibéré des contrôles frontaliers par le Maroc met en évidence l’équilibre délicat que doit trouver l’Espagne entre la coopération avec le Maroc en matière d’immigration clandestine et la lutte contre ses manipulations politiques.

La stratégie d’apaisement de l’Espagne

Au lieu d’adopter une position ferme contre l’utilisation par le Maroc de l’immigration clandestine comme monnaie d’échange géopolitique, l’Espagne a poursuivi une stratégie d’apaisement ces dernières années, en accordant des concessions au Maroc et en évitant les actions susceptibles de le provoquer. Cette approche est devenue particulièrement évidente en 2022, lorsque l’Espagne a approuvé le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental, soutenant ainsi la souveraineté marocaine sur le territoire et abandonnant des décennies de neutralité.  


Pedro Sanchez rencontre le Premier ministre du Maroc, Saadeddine Othmani, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale sur le Pacte mondial sur les migrations qui s’est tenue à Marrakech, en 2018. Photo de La Moncloa - Gobierno de España, sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

La nouvelle stratégie d’apaisement de l’Espagne a été renforcée lors d’un sommet à Rabat en 2023. Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a exprimé l’intention de l’Espagne de réinitialiser et de réparer les relations avec le Maroc, en s’engageant au « respect mutuel » et à éviter les actions qui pourraient offenser « l’autre partie » ou les « sphères de souveraineté respectives » de l’une ou l’autre nation.

Cette stratégie d’apaisement a influencé le comportement politique au niveau national, le Parti socialiste ouvrier de Sanchez restant silencieux ou votant contre les résolutions critiques à l’égard du Maroc. En février 2023, le parti de Sanchez a notamment voté [aux côtés des députés du Rassemblement National français, NdlT] contre une résolution du Parlement européen exhortant le Maroc à respecter les droits humains. En poursuivant son objectif d’apaisement par-dessus tout, l’Espagne a compromis son engagement en faveur des droits humains, exposant une contradiction entre son image de défenseure ces derniers et ses actions dans ce contexte.

Les remarques de Sanchez soulignent les efforts de l’Espagne pour se positionner comme un partenaire mature et coopératif, prêt à faire des concessions sur les exigences politiques du Maroc en échange de la coopération de ce dernier sur des questions telles que la gestion de l’immigration clandestine, tout en plaidant subtilement pour une responsabilité réciproque de la part du Maroc.

En toute justice pour le Maroc, la stratégie d’apaisement de l’Espagne ne repose pas uniquement sur l’utilisation par le Maroc de la gestion de l’immigration clandestine comme monnaie d’échange. Elle reflète également l’alignement du Maroc sur les ambitions énergétiques de l’Espagne. Dans le contexte de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les pays européens sont à la recherche de sources d’énergie alternatives, et le potentiel d’énergie renouvelable du Maroc ainsi que sa position stratégique en font un partenaire clé. L’Espagne, qui aspire à devenir une plaque tournante de l’énergie en Europe, a renforcé ses liens énergétiques avec le Maroc, continuant à rechercher l’apaisement non seulement pour faire face à l’immigration clandestine, mais aussi pour soutenir sa stratégie énergétique plus large. [en 2030, 50% de l’énergie éolienne produite par le Maroc devrait provenir du Sahara occidental occupé, NdlT]

L’utilisation par le Maroc de l’immigration clandestine comme monnaie d’échange s’est avérée efficace, en particulier dans le contexte actuel de l’UE, où la montée des mouvements d’extrême droite et le soutien croissant aux partis politiques d’extrême droite ont entraîné une évolution vers des politiques d’immigration clandestine plus dures et plus sécuritaires parmi les États membres. Dans ce contexte, le Maroc peut tirer parti de son contrôle sur les flux migratoires illégaux dans les enclaves espagnoles pour exercer une plus grande influence sur l’Espagne et d’autres États de l’UE - en l’utilisant finalement comme un outil pour faire avancer ses intérêts politiques et territoriaux.



09/01/2025

FRANCISCO CARRIÓN
“Quiconque a une once d’humanité doit soutenir les Sahraouis”
Interview de Greta Thunberg

Francisco Carrión, El Independiente, 9/1/2024
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

Francisco Carrión (Grenade, 1986) est un journaliste espagnol qui travaille pour El Independiente. Au cours de la dernière décennie, il a été correspondant du quotidien El Mundo au Caire, couvrant les années les plus dramatiques de l'histoire de l'Égypte. Il a reçu une vingtaine de prix pour son travail et ses chroniques.

Elle vient de prendre le chemin du retour. Une semaine de voyage s’annonce, d’abord par la route à travers l’Algérie, puis par bateau jusqu’à la côte espagnole. L’activiste suédoise Greta Thunberg rentre chez elle après quelques jours sous les tentes de l’exil sahraoui, les yeux encore fascinés par la rencontre avec la cause du Sahara occidental, dernière colonie d’Afrique.

« Ma première impression est la détermination des Sahraouis à lutter sans relâche pour leurs droits, même s’ils ont été privés et dépouillés de leurs droits humains les plus fondamentaux et se voient constamment refuser le droit à l’autodétermination, le droit à la dignité et à la liberté, et sont privés de justice », déclare l’activiste climatique dans une conversation avec El Independiente avant d’entamer son voyage de retour.

Thunberg a participé à une réunion d’activistes climatiques organisée par Solidarity Rising, une organisation créée par les activistes suédois Sanna Ghotbi et Benjamin Ladraa, qui ont parcouru 30 000 kilomètres à vélo à travers 26 pays en deux ans et demi pour sensibiliser au Sahara occidental, l’ancienne province espagnole occupée par le Maroc depuis 1975. L’activiste suédoise de 22 ans (qu’elle a eu le 3 janvier), qui est devenue le visage de l’activisme climatique, a passé trois jours dans le camp de Boujdour.

Des enfants sahraouis lors d’un des événements organisés avec Greta Thunberg

De la Palestine au Kurdistan et au Sahara

Cette expérience lui a permis d’être captivée par l’hospitalité des Sahraouis. « J’ai été surprise de voir à quel point ils ont essayé de nous faire sentir chez nous, et ils ont réussi », a-t-elle déclaré à ce journal. Après avoir défendu la cause palestinienne l’année dernière, en pleine opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, et s’être rendue au Kurdistan - le plus grand peuple sans État-nation de la planète - fin 2024, Greta  a visité les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf (Algérie), où vivent quelque 175 000 personnes. En 2025, cela fera 50 ans que l’Espagne s’est retirée de l’ancien Sahara espagnol, la 53e  province espagnole.
Selon Thunberg, le soutien à la cause sahraouie devrait être un exercice universel. « Il devrait être évident pour toute personne qui prétend avoir la moindre parcelle d’humanité de se solidariser avec le peuple du Sahara occidental et tous les groupes marginalisés, occupés ou opprimés ». « Bien sûr, leur lutte est notre lutte. Personne n’est libre tant que tout le monde ne l’est pas. Et tant que des gens souffrent, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à cette souffrance.
Thunberg, qui, adolescente, a inspiré les Fridays for Future et est devenue une éveilleuse de consciences pour une génération préoccupée par les ravages du changement climatique et la santé de la planète, affirme qu’« il n’y a pas de justice climatique sans droits de l’homme » et s’en prend au Maroc et à ses politiques. « En tant qu’activiste climatique, il existe des liens tels que le fait que cette région est l’une des plus durement touchées par la crise climatique alors que ses habitants sont parmi les moins responsables de celle-ci ».
Le séjour de Thunberg dans la hamada algérienne a laissé des traces. « Il lui a fallu une semaine pour venir de Stockholm en train, en voiture et en ferry, y compris un court séjour à Paris », explique Benjamin Ladraa, l’un des organisateurs. « Sa participation a été une occasion importante de discuter de la manière dont nous incluons et impliquons le mouvement climatique dans la lutte pour un Sahara occidental libre. Le Maroc fait de l’écoblanchiment en construisant de l’énergie « verte » dans le territoire occupé sans le consentement du peuple sahraoui. En tant qu’organisateurs, nous avons pensé qu’il était important de favoriser les relations entre le mouvement de solidarité, le peuple sahraoui et le mouvement climatique et nous ne pouvions pas penser à une meilleure personne que Greta pour faciliter cela », ajoute Ladraa.
Tant que les gens souffrent, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à cette souffrance.

« Sans droits de l’homme, il n’y a pas de justice climatique »

« Il est difficile de trouver des exemples plus clairs de l’injustice climatique et, bien sûr, de la surextraction et du pillage des ressources naturelles auxquels se livre le Maroc, qui vont de pair avec l’occupation et constituent eux-mêmes une étape de l’occupation. « En tant qu’activistes climatiques, nous devrions nous préoccuper et parler de questions telles que le Sahara occidental, le conflit et l’occupation parce qu’en fin de compte, nous sommes passionnés et soucieux du bien-être humain et de mettre fin aux injustices, qu’elles soient sociales ou climatiques », affirme-t-elle.

Nous devons nous joindre aux appels pour un Sahara occidental libre. Nous n’avons tout simplement pas d’autre choix

Pour Thunberg - qui a été la cible d’attaques israéliennes au cours de l’année et demie écoulée et qui devra maintenant ajouter les attaques du régime marocain - les injustices sociales, politiques et climatiques « font partie de la même lutte » dans un monde confronté aux conséquences dramatiques du réchauffement dû aux combustibles fossiles.
« Nous luttons contre les mêmes systèmes. Ce sont les mêmes systèmes qui alimentent le colonialisme et les occupations qui alimentent aussi l’exploitation capitaliste et la surexploitation de la nature et des êtres humains. Et tous ceux qui ont une plateforme, tous ceux qui ont la possibilité d’agir doivent élever leur voix, faire connaître le Sahara occidental et le peuple sahraoui, et se joindre aux appels pour un Sahara occidental libre. Nous n’avons tout simplement pas d’autre choix », conclut-elle.

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  Francisco Carrión, El Independiente, 6/1/2024
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

L’activiste climatique Greta Thunberg dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf (Algérie). Photo Mahfud Bechri

« Il n’y a pas de justice climatique sous occupation, personne n’est libre tant que nous ne sommes pas tous libres ». C’est par ces mots que l ‘activiste climatique Greta Thunberg a rallié la lutte du peuple sahraoui, ce lundi, depuis les camps de réfugiés de Tindouf (Algérie), après un long voyage et après avoir été accueillie dans l’océan de tentes, l’un des endroits les plus inhospitaliers de la planète, « avec une hospitalité touchante ».
« L’hospitalité est très touchante et j’en apprends beaucoup plus sur l’occupation actuelle et sur la répression, la violence, le pillage et l’exploitation des ressources naturelles que le peuple sahraoui a dû endurer », a déclaré la jeune Suédoise de 22 ans, qui est devenue le visage mondial de l’activisme climatique.
Depuis l’une des tentes qu’elle a visitées après être arrivée d’Espagne par bateau et avoir traversé l’Algérie, Thunberg a affirmé que « le peuple du Sahara occidental a le droit à l’autodétermination, à la liberté et à la dignité ». « A l’heure actuelle, ces droits lui sont violemment refusés. Le monde regarde et reste silencieux. Je veux être l’une des personnes qui ajoutent leur voix aux appels à la libération du Sahara occidental », a-t-elle déclaré à propos d’un territoire occupé depuis 1975 par le Maroc.


L’activiste climatique Greta Thunberg dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en Algérie Photo Mahfud Bechri

« Personne n’est libre tant que tout le monde ne l’est pas »

« Tous ceux qui peuvent parler doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour en savoir plus sur la situation et essayer de briser le silence, car personne n’est libre tant que tout le monde n’est pas libre, et c’est également vrai pour le peuple sahraoui« , a plaidé la jeune femme, qui défend la cause palestinienne depuis plus d’un an, estimant qu ‘ « il n’y a pas de justice climatique sans droits de l’homme ». Une recette que Thunberg applique aussi bien au Maroc qu’à Israël, à un moment marqué par le revers de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a annulé les accords de pêche et d’agriculture entre Bruxelles et Rabat au motif qu’ils n’ont pas le consentement du peuple sahraoui.
Le sort du peuple du Sahara occidental - l’ancienne colonie espagnole et le dernier territoire africain à devoir être décolonisé - « est un exemple typique de l’injustice climatique, de la façon dont l’une des régions les plus vulnérables au climat est affectée de manière disproportionnée par la crise climatique, et de la façon dont les personnes les moins responsables d’avoir causé la crise climatique, sont celles qui en subissent les pires conséquences, ainsi que l’exploitation des ressources naturelles et le colonialisme vert que le Maroc entend mener ». « Mais nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour essayer de leur demander des comptes et de réclamer justice pour le peuple sahraoui », a-t-elle déclaré.
En tant que l’une des principales voix alertant sur l’urgence climatique et confrontant le manque d’action des dirigeants mondiaux, elle participe jusqu’à mardi à une réunion organisée par les militants suédois Benjamin Ladraa et Sanna Ghotbi, qui ont parcouru 48 000 kilomètres à vélo autour du monde pour sensibiliser à la question du Sahara occidental. Il est prévu que Greta rencontre le président de la République arabe sahraouie démocratique Brahim Ghali et d’autres responsables sahraouis et qu’elle discute de la lutte pour le climat au Sahara avec des activistes locaux.
Thunberg a reconnu qu’« il est absolument honteux que le monde continue de trahir le peuple sahraoui et de passer sous silence les massacres et les pertes extrêmes auxquels les gens sont confrontés quotidiennement, étant forcés de vivre dans des camps de réfugiés, incapables de retourner sur leurs terres, avec des familles séparées et constamment confrontées à la répression et à l’oppression et à la violence extrêmes ». « Je suis scandalisée par le silence du monde et des médias, mais aussi de la communauté internationale, et par le fait que l’incapacité persistante des institutions internationales à rendre des comptes crée l’impunité pour les responsables de ces crimes de guerre extrêmes et écologiques », a-t-elle insisté.
Pour l’activiste, candidate récurrente au prix Nobel de la paix, il est essentiel que « les voix sahraouies soient au centre de nos demandes de justice ». « Leur situation et la poursuite de l’occupation sont un exemple de l’injustice du système actuel », a-t-elle déclaré. « Nous devons nous assurer que nous nous éloignons de l’idée que la crise climatique est une crise future qui affectera les générations à venir. La crise climatique est ici et maintenant et elle affecte les gens depuis longtemps, en particulier le peuple sahraoui qui vit ici dans ces camps de réfugiés et qui subit de plein fouet la crise climatique, même s’il n’a pratiquement rien fait pour la provoquer ».