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Sergio Rodríguez Gelfenstein
¿Qué hará Marcos Rubio? 

31/01/2023

CHIARA CRUCIATI
Ramy Shaath : “Tahrir était animée par l’ espoir, le prochain soulèvement sera motivé par la faim”

 Chiara Cruciati, il manifesto, 25/1/2023
English:
Ramy Shaath: Tahrir was driven by hope, the next revolt will be driven by hunger
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

L’Égypte du 25 janvier. Douze ans après la révolution, la misère dicte la vie quotidienne : il y a pénurie de nourriture et de médicaments. Il n’y a pas de devises étrangères : les importations sont bloquées, mais le régime dépense des milliards en armes occidentales. Interview de l’activiste Ramy Shaath : « Le pays est sur le point d’exploser. Mais avec l’opposition emprisonnée, il y a un manque de vision politique ».

Douze ans plus tard, la place Tahrir a changé de visage. La restructuration voulue par le gouvernement né du coup d’État de juillet 2013 l’a défigurée. Pour l’empêcher de rester ce qu’elle a toujours été, la place de la libération, on l’a transformée en rond-point pour les automobilistes et on a rempli son cœur d’obélisques pour célébrer le plus ancien empire et oublier les réalisations modernes.

Autour de Tahrir, la vie quotidienne a également changé. Les Égyptiens ont faim. Jamais ils n’avaient eu aussi faim, disent-ils. Le journal en ligne The New Arab titrait hier : « Forcés de devenir végans », parce que la viande coûte trop cher. Les bouchers ferment boutique, les uns après les autres. Ils n’ont pas de clients. Il y a également une pénurie de producteurs : élever une vache n’est plus rentable. Douze ans après la révolution qui a dévoilé l’autre Égypte, Tahrir est de plus en plus lontaine. Au moins en apparence. La colère monte.

Ramy Shaath, l’un des militants les plus connus d’Égypte, en est convaincu. D’origine palestinienne, cofondateur de BDS Égypte et visage de la place Tahrir, il fête un an de liberté : il a été libéré en janvier 2022, après deux ans et demi de détention provisoire, sans jamais passer en jugement. Semi-liberté : le Caire lui a retiré sa citoyenneté, il a été expulsé vers Paris immédiatement après avoir mis “les pieds sur l’asphalte”, comme disent les Égyptiens lorsqu’un prisonnier sort de prison.

Ramy Shaath et son épouse Céline Lebrun-Shaath à l'aéroport de Roissy, le 8 janvier 2022, après leur expulsion. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Pour comprendre l’Égypte d’aujourd’hui, on ne peut que commencer par la situation socio-économique. Deux tiers de la population vivent dans la pauvreté, tandis que le gouvernement achète un jet présidentiel à 500 millions de dollars, dépense 50 milliards pour une capitale flambant neuve, neuf milliards pour des navires de guerre italiens. On pourrait continuer.

La situation économique ne se détériore pas, elle explose. Au cours des deux derniers mois, la livre égyptienne a perdu 50 % de sa valeur. Les produits de première nécessité ne sont plus disponibles : riz, huile de cuisson, médicaments. Ils ne sont pas là parce que 70% de ce que les Égyptiens consomment vient de l’étranger, mais il y a une pénurie de dollars dans le pays et les importations sont bloquées. Et ce qu’il y a coûte trop cher, certains produits de base ont connu une hausse de prix allant jusqu’à 300 %. Avec un budget intérieur dont un tiers va aux méga-projets d’infrastructure voulus par le régime, il ne reste rien pour la santé, l’éducation, les subventions alimentaires pour les pauvres. Mais la réduction des subventions n’a pas amélioré la situation économique de l’État.

L’Égypte ne produit presque plus rien, elle vit essentiellement des transferts de fonds des Égyptiens à l’étranger. La seule véritable exportation de l’Égypte est la population, une main-d’œuvre bon marché qui va travailler dans le Golfe, en Europe, aux USA, et qui renvoie 30 milliards de dollars par an au pays. Mais même cela ne suffit plus : l’Égypte a une dette extérieure officielle de 170 milliards de dollars, bien que les chiffres officieux parlent de 220 milliards. Chaque jour, je reçois des appels d’amis, de politiciens, de membres de ma famille restés en Égypte, qui me parlent de l’impossibilité de trouver de la nourriture et des médicaments, des chats et des chiens errants qui meurent dans les rues parce que les gens vident les poubelles à la recherche de restes.

Le régime a-t-il une stratégie ?

Il n’y a pas de vision gouvernementale. Le régime a multiplié la dette extérieure, de 30 milliards en 2013 à 170 milliards aujourd’hui, à laquelle s’ajoute la dette intérieure, de 40 milliards à 251 milliards aujourd’hui. De l’argent qui n’a pas été utilisé en faveur de l’économie de production, mais qui a été dépensé dans des projets inutiles, comme l’élargissement du canal de Suez ou la nouvelle capitale, le Nouveau Caire, symbole du besoin du régime de se fortifier, de s’éloigner du peuple afin qu’en cas de soulèvement, le désert et les postes militaires protègent le gouvernement. Des projets visant à enrichir les entreprises contrôlées par l’armée, qui détient aujourd’hui 50 à 60% de l’économie sans payer d’impôts ni de factures. Les généraux sont devenus très riches, envoyant de l’argent à l’étranger sur des comptes secrets pendant que le pays sombre. Et pour la première fois, les classes riches sombrent aussi, les entrepreneurs privés souffrent aussi. Et ne parlons pas de la classe moyenne : elle a disparu, elle n’existe plus. Il n’y a que la pauvreté.

Pourtant, de nombreux pays occidentaux racontent une histoire différente : une Égypte qui est une source de stabilité dans une région en proie à des conflits. Un régime qui emprisonne 60 000 personnes pour des raisons politiques et affame un peuple entier peut-il générer la stabilité ?

Il n’y a pas de stabilité avec la pauvreté et la persécution de dizaines de milliers de personnes pour leurs idées politiques. Il n’y a pas de stabilité avec la censure des médias et l’armée qui contrôle l’économie. Il n’y a pas de stabilité avec l’armée qui augmente son pouvoir et avec l’argent qui est dépensé pour les armes au lieu de la santé et de l’éducation. Les gouvernements occidentaux qui arment le Caire devraient faire pression pour la démocratisation, des élections libres, la fin de l’oppression politique et une gestion équitable de l’économie. Cela garantira la stabilité. Au lieu de cela, nous avons un régime qui achète des jets de guerre usaméricains au milieu de la plus grande crise de l’histoire de l’Égypte et avec neuf milliards de dollars d’importations alimentaires qui n’entrent pas dans le pays parce que nous n’avons pas de dollars pour les payer. Lorsque la situation explosera, l’Occident nous traitera de dictature du tiers monde. Nous ne sommes pas seulement cela, nous sommes un colonialisme du tiers monde, car c’est l’Occident qui maintient cette réalité de corruption et d’oppression. Il y a trois semaines, aux USA, j’ai rencontré le département d’État : ils m’ont dit que je ne devais pas placer mes espoirs dans la démocratisation, que nous pouvions au mieux travailler à améliorer le respect des droits de l’homme. Non merci, nous ne voulons pas d’une “amélioration”, nous voulons la liberté et la démocratie.

Dix ans après le coup d’État, le régime d’Al Sissi est-il stable ou existe-t-il des dissensions internes ?

Les fractures viendront. Aujourd’hui, les services secrets et l’armée soutiennent le régime parce qu’il leur accorde le pouvoir économique et l’impunité. Lorsque cette puissance économique sera mise à mal par la crise économique, qui affectera aussi inévitablement leurs entreprises, nous assisterons à des dissensions internes. En s’appuyant sur l’armée, Al Sissi a tenté de se constituer une base solide. Et il a mis les forces armées au premier plan, après des décennies de pouvoir dans les coulisses. Il n’y a plus de zone tampon entre le peuple et l’armée. Le prochain soulèvement ne peut avoir que l’armée comme interlocuteur et rien de bon n’en sortira.

Les oppositions existent-elles encore dans un climat aussi répressif ?

Les oppositions sont très faibles. Le mouvement islamique est complètement détruit et ce qui reste est divisé : il y a des divergences entre les frères musulmans en prison et ceux à l’extérieur, entre l’ancienne et la nouvelle génération. Je pense que c’est une bonne chose : au sein de la Fraternité, des voix s’élèvent désormais contre les tentatives de nouvelles ascensions vers le pouvoir. Cela pourrait pour la première fois donner à l’Egypte une chance de changement vers un gouvernement laïc, ni militaire ni religieux. Mais la société civile ne se porte pas bien non plus : des dizaines de milliers de militants sont en prison, des centaines ont dû quitter le pays. Il est difficile de former une opposition organisée. Il y en a une dans la diaspora qui essaie d’entrer en contact avec celle du pays, mais c’est dangereux : beaucoup de militants en Égypte ont peur de nous parler à l’étranger. C’est suffisant pour être arrêté.

Un nouveau soulèvement est-il encore possible ?

C’est certain, mais je crains que ce ne soit dangereux. Si vous détruisez les oppositions, le peuple qui se révolte par la faim se retrouvera sans direction politique. La révolution de 2011 était une révolution pour la liberté, lancée par la classe moyenne et soutenue par tous les secteurs sociaux. Elle avait une vision politique claire et des revendications précises : démocratisation, liberté, changements constitutionnels. Sans scénario politique, le mouvement populaire sera dépolitisé et moins organisé, animé par la colère et la faim plutôt que par l’espoir et la vision politique. La situation va exploser. Et ça va bientôt exploser. Cela peut arriver à tout moment. Avec une opposition forte, l’explosion se produirait dans un filet de sécurité qui évite l’abîme. Une révolution conduite par la colère et non par l’espoir est dangereuse. Tahrir était magnifique parce qu’elle était animé par l’espoir.

Cependant, Tahrir a changé la société égyptienne, elle a montré qu’elle était capable de faire une révolution.

Le peuple sera toujours créatif et trouvera les moyens de se soulever. Ce que le régime a fait, c’est frapper tous ceux qui ont participé à la révolution. Elle a été faite par les activistes ? Il les a emprisonnés ou déportés. Elle a été faite par le mouvement islamique ? Il a tué ses membres, les a emprisonnés. Elle a été faite  par les ONG ? Il les a fait fermer par décret et a confisqué leur argent. Elle a été faite grâce à Internet ? Les services ont intensifié le contrôle de masse des réseaux sociaux. Elle s’est faite dans les lieux de rencontre des mouvements et des intellectuels de gauche ? Il a fermé des cafés, des librairies, des lieux culturels. Le régime a visé tout espace pouvant représenter un lieu de débat politique. Il a réorganisé la place Tahrir pour rendre les manifestations difficiles. C’est une façon stupide de penser, c’est l’armée et les services. Ils n’ont pas compris que lorsque les gens veulent se rebeller, ils trouvent un moyen de communiquer et de se rassembler.

La place Tahrir le 18 février 2011 (à dr.) et le 11 novembre 2020

 

 

30/01/2023

HAGAR SHEZAF
Depuis l'attaque terroriste de vendredi, 35 actes criminels de vengeance présumés ont été commis contre des Palestiniens

Hagar Shezaf, Haaretz, 30/1/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Après la fusillade de la semaine dernière à Jérusalem-Est qui a suivi le raid meurtrier de Tsahal à Jénine, la police israélienne enquête sur ces incidents - des attaques de vengeance par des colons -, mais n'a procédé à aucune arrestation jusqu'à présent.

La voiture incendiée dans le village de Turmussya, dimanche

Une voiture a été incendiée et une inscription “Les Juifs se réveillent” a été peinte à la bombe dimanche soir dans le village palestinien de Jalud, dans le cadre d'une vague de crimes de vengeance présumés contre des Palestiniens après la série d'attentats du week-end dernier à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.

Depuis vendredi, Israël a enregistré 35 cas de crimes nationalistes visant des Palestiniens en Cisjordanie, notamment des jets de pierres sur des voitures et des actes de vandalisme, principalement dans la région de Binyamin, au nord de Jérusalem. Aucune arrestation n'a été effectuée dans ces cas.

La police a ouvert une enquête et soupçonne que des colons juifs ont mis le feu au véhicule. Le village de Jalud, situé près de l'avant-poste de Shiloh, a souvent été la cible de crimes nationalistes commis par des colons au fil des ans.

Dimanche soir également, des pierres ont été lancées sur des véhicules palestiniens sur la route menant à la ville de Rawabi, pour la deuxième nuit consécutive.

Samedi soir, six voitures ont été incendiées dans le village de Majdal Bani Fadil, où des pierres ont également été lancées en direction d'une ambulance. Les médias palestiniens ont également rapporté qu'un stand de légumes a été endommagé dans la vallée du Jourdain, mais des sources de sécurité israéliennes ont déclaré ne pas être au courant de cette affaire.

La police enquête sur ces incidents comme des crimes de vengeance potentiels après que sept personnes ont été tuées dans une fusillade devant une synagogue à Jérusalem-Est vendredi soir, suivie d'une autre fusillade à Jérusalem par un Palestinien de 13 ans qui a blessé deux personnes.

Ces récentes attaques mettent en évidence un cycle de violence en Israël et dans les territoires palestiniens qui s'est accéléré après que les forces israéliennes ont tué dix Palestiniens lors des affrontements qui ont suivi un raid à Jénine jeudi dernier.

À la suite de ce raid meurtrier, au cours duquel les forces israéliennes ont tenté d'arrêter des personnes soupçonnées de planifier des attaques terroristes, l'Autorité palestinienne a annoncé qu'elle mettait un terme à sa coordination sécuritaire avec Israël.

 

29/01/2023

LUIS HERNANDEZ NAVARRO
Paco Ignacio Taibo II : “Revendiquer Pancho Villa va nous permettre de mettre en avant ce qu’était et ce qu’est l’insurrection populaire”

Luis Hernández Navarro, La Jornada, 29/1/2023
Original:
Reivindicar a Villa permitirá poner en relieve la insurgencia popular: Taibo II
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Comme s’il s’agissait de la station de métro Balderas à l’heure de pointe, l’œuvre de l’écrivain Paco Ignacio Taibo II est encombrée. Héctor Belascoarán Shayne, le célèbre détective de ses romans policiers, est de retour (s’il est jamais parti). Sa biographie en espagnol de Pancho Villa en est à sa 27e édition et une nouvelle édition sera publiée à l’occasion de la commémoration nationale [centenaire de son assassinat le 20 juillet, NdT]. Cette année également, la version anglaise paraîtra aux USA. Enfin, on peut trouver ses deux derniers livres en librairie : La libertad, Tres historias de la historia et La historia del gueto de Varsovia.

L’écrivain Paco Ignacio Taibo II, dans les locaux de La Jornada. Photo Yazmín Ortega Cortés

 

Peut-on parler d’une renaissance belascoaranienne?

Oui, c’est vrai. Les œuvres complètes de Belascoarán seront publiées en Espagne en deux volumes. Le premier est déjà sorti, le second paraîtra en février. Et puis il y a la série télévisée sur Netflix, le revival bélascoaraniste qu’elle a provoqué et la façon dont les ventes de ses livres ont explosé.

Bon, ce n’est pas vraiment un revival. ‘Belascoarán a toujours vendu régulièrement, tant ses romans complets que les versions individuelles. Il a été en vie. Mais la série télévisée a créé un renouveau de ses lectures qui a commencé à être remarqué dans les salons du livre ces derniers mois. Il a connu un grand succès dans des pays tels que le Mexique, l’Italie et la Grèce. En fait, il y a la possibilité d’une deuxième saison de la série.

Avant que Rafael Ramírez Heredia et toi ne vous aventuriez dans le genre, Rafael Bernal a écrit Le complot mongol. Après cela, il a proliféré. Pourquoi as-tu commencé à écrire des romans policiers et que s’est-il passé ?

Lorsque Rafael Ramírez et moi avons lancé le genre néo-policier au Mexique, nous avons voulu faire revivre Le complot mongol. Le livre était une pièce détachée qui est restée détachée, par un auteur très inégal. Lorsque nous nous sommes adressés à l’éditeur Joaquín Mortiz pour le suggérer, il a répondu : “Pourquoi pas, vu que j’ai les trois quarts de l’édition invendus”.

Les autres qui étaient là, et qui auraient dû fonder le néo-polar mexicain, étaient Jorge Ibargüengoitia, avec Las muertas et Dos crímenes, et Vicente Leñero, avec Los albañiles. Mais ils ont refusé de dire qu’il s’agissait de romans policiers. Comme s’ils avaient le syndrome de la haute littérature. Ils n’ont pas créé de genre. Ce que Rafael Ramírez et moi avons fait, ça a été de créer un genre au Mexique.

Nous étions accompagnés par une vague qui, nous le savons aujourd’hui, était internationale, mais nous ne le savions pas à l’époque car c’était une vague invisible. Quand j’écrivais Días de combate, Manuel Vázquez Montalbán écrivait Tatuaje. Aux USA, Roger L. Simon était en train d’être pûblié. Ross Thomas était un challenger à New York. Jürgen Alberts le faisait en Allemagne et Jean-Patrick Manchette en France.

Lorsque nous nous sommes rencontrés, grâce aux bons offices de la Semana Negra de Gijón, nous avons réalisé que nous étions un courant. Le premier à l’établir de manière évidente a été une émission en France intitulée Du drapeau rouge au roman noir, qui commençait en disant : « Où étiez-vous en 67, 68, 69 ? », puis recensait les romans policiers.

La génération de 68 était entrée dans le roman policier avec l’idée claire, transparente et décisive que la guerre continuait par d’autres moyens et que la lutte contre le système avait trouvé refuge dans le roman policier. Nous étions la génération qui disait : « Le capitalisme, c’est nul ».

On se connaissait et on écrivait des avant-propos l’un pour l’autre. C’était un phénomène courant pour nous aider à être publiés à l’échelle internationale, en brisant les frontières.

Pourquoi était-il considéré comme un genre mineur ?

Il existe un analphabétisme fonctionnel. Aujourd’hui, au Mexique, les architectes du politiquement correct continuent de penser que le roman policier est un genre mineur. Ce qui se passe, c’est qu’ils n’osent pas le dire. Et pourtant, certains auteurs de première ligne de l’expérimentalisme littéraire se sont approchés du roman policier, car ils y trouvent une source narrative très intéressante.

En Espagne, la bataille a été gagnée par Vázquez Montalbán, qui était un intellectuel tout terrain. Il était très difficile de discuter avec quelqu’un qui était un leader politique, un excellent poète, un romancier expérimental et aussi avec le créateur du néo-polar espagnol, accompagné par Andreu Martín et Juan Madrid. Il était beaucoup moins difficile pour eux de gagner la bataille en Espagne qu’au Mexique.

 

Villa est de retour grâce à “quatre personnes (Jesús Vargas, Friedrich Katz, Pedro Salmerón et Taibo II) qui, au cours des 20 dernières années, ont écrit des livres sur lui et liquidé la légende noire", déclare Paico Ignacio Taibo II dans son interview. Photo Yazmín Ortega Cortés

Pancho Villa est de retour.

-Oui, et je ne suis pas le seul à meen attribuer le mérite. Le mérite revient à quatre personnes qui, au cours des 20 dernières années, ont écrit des livres sur Villa qui ne sont pas discutables, qui ont balayé la légende noire. Le travail de Katz, le mien, celui de Chuy Vargas et de Pedro Salmerón l’ont balayée. Nous avons réduit en bouillie la légende noire qui était cachée, dissimulée, qui résistait à reconnaître Villa comme un héros populaire, et qui lui collait des étiquettes comme “sauvage, assassin, polygame”, et blablabla.

Les livres qui ont raconté la véritable histoire de qui était Pancho Villa ont changé le ton avec lequel il est reconnu aujourd’hui. Il y aura de nombreux films gringos dans lesquels Villa apparaît bourré, mais un Mexicain moyennement informé sait qu’il ne buvait pas d’alcool.

C’est un personnage vraiment intéressant. Très mauvais dans les discours publics, merveilleux dans les conversations courtes. Le verbiage autour du feu de camp, les discussions, les potins, les anecdotes, étaient fabuleux. Sa conversation avec Zapata est mémorable. Heureusement, elle a été notée en sténographie. Nous savons qu’ils n’avaient aucun désir d’être président, bien au contraire. Ils disiaent des choses comme : « À Mexico, quand je monte sur le trottoir, j’ai le vertige ». « Allons-y ! Tu vas au sud pour faire la Réforme Agraire et je vais au nord pour faire les brigades avec la División del Norte, les Développements Agraires Paysans ».

Pour quelqu’un comme moi, qui venait du roman, il avait le mérite d’être un tiroir sans fin d’anecdotes. Ainsi, quand tu écris l’histoire de Villa, tu as une accumulation d’histoires qui mettent du sel et te donnent le personnage. Cela permet une lecture ouverte qui laisse le lecteur juge.

Ton livre sur Villa fait des centaines de pages, comment un ouvrage aussi volumineux peut-il en même temps être aussi populaire?

Parce que c’est la même chose pour beaucoup de gens que pour moi : quand tu aimes un livre, tu ne veux pas qu’il se termine.

Des choses incroyables me sont arrivées avec le livre de Villa. Je suis à Durango et on s’arrête chez une dame qui fait des gorditas* sur le comal. Mon guide, Jerry Segura, me présente. Elle s’essuie les mains sur son tablier et sort de sous le comal une édition de Pancho Villa, à moitié noiricie par la fumée. Neuf ou dix personnes l’avaient lu. « Wow, c’est génial ! » me dit-elle. « Vous savez pourquoi nous l’avons lu ? » Je lui ai demandé, avec une énorme curiosité : « Pourquoi ? » « Parce que le général nous l’a recommandé. Il dit que c’est très bon », répond-elle. Allez ! Je sors ma timidité du placard et partage mes doutes : « Excusez-moi, madame, quel général ? » « Pancho, parce qu’il vient parfois. Madero ne vient jamais, mais Pancho vient parfois et quand il le fait, il dit, lisez le livre de Taibo parce qu’il est très bon ».

« Bonne mère ! », me suis-je dit. Je l’ai embrassée et enlacée pour lui dire au revoir et j’ai signé son exemplaire.

Lorsque je suis arrivé à la conférence que j’allais donner, je me suis dit : « Tu n’as pas le cran, hein que tu n’oses pas dire au public que ce livre est intéressant parce que Pancho Villa l’a recommandé ? « Et je n’ai pas osé, je ne suis pas allé si loin.

Pourquoi revendiquer Villa aujourd’hui ?

La revendication de Villa va nous permettre de mettre en avant ce qu’était et ce qu’est l’insurrection populaire. C’est un homme qui, pendant 50 jours en tant que gouverneur de Chihuahua, a créé 50 écoles. Dans la 4T [la « Quatrième Transformation » proclamée par le président Manuel Lopez Obrador, NdT], nous devons encore sortir du labyrinthe bureaucratique de la gestion d’un État. Villa l’a résolu par des actes. Je pense que cette image va avoir un impact sur les lecteurs et leur dire que le problème des choses, c’est de les faire.

Mettre Villa à l’ordre du jour, c’est la même chose que de parler de Madero, Zapata ou Juárez. C’est le passé qui vit avec nous. Il a des règles. Vous ne pouvez pas le sortir et le transporter à notre époque et l’utiliser comme exemple. Mais, grâce à lui, tu peux réfléchir à nos origines, à notre identité et à notre avenir.

C’est là toute l’importance de Villa. J’ai écrit sa biographie pour l’intégrer dans le calendrier des saints laïc. Je suis sans vergogne un villista dans l’âme.

 

NdT

^Gorditas : litt. « petites grosses », equivalent mexicain des empanadas, arepas, börek, samoussa, ftayer, ou pirojki, autrement dit des chaussons de pâte feuilletée et farcis de divers ingrédients selon les régions et les goûts.

 

ANTONIO MAZZEO
L’Italie et Israël lancent un projet ambitieux de collaboration aérospatiale dans les Pouilles

Antonio Mazzeo, 29/1/2023
Original :
Tra Grottaglie e Bari droni e progetti aerospaziali in partnership con Israele
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La “chasse” par drones aux décharges illégales va démarrer dans les  Pouilles : les aéronefs sans pilote seront produits par un partenariat sans précédent entre les universités des Pouilles, les centres de recherche nationaux, les autorités locales, les grandes industries militaires et les entreprises israéliennes de technologie avancée et de renseignement. Tout cela grâce au financement du ministère italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.


Le projet s’appelle “Drone-Tech” et se concentrera sur l’utilisation commerciale des drones et de l’intelligence artificielle pour détecter et “réduire” la dispersion illégale de déchets dans l’environnement (Building a commercial solution for reducing illegal waste dumping based on drones and artificial intelligence technologies). Dans un communiqué, le ministère italien des Affaires étrangères a annoncé qu’il a admis “Drone-Tech” parmi les programmes qui bénéficieront d’un soutien financier suite à la décision de la Commission mixte italo-israélienne sur l’appel à projets de recherche conjointe (track industriel) sur la base de l’accord de coopération dans le domaine du développement industriel, scientifique et technologique entre l’Italie et Israël.


Les partenaires du projet d’utilisation de drones pour la surveillance des décharges sont le district technologique aérospatial des Pouilles (dont font partie les universités de Salento-Lecce et Aldo Moro de Bari, le Politecnico de Bari, l’ENEA, le CNR, Leonardo SpA, Avio Aereo, IDS - Ingegneria dei Sistemi, etc. ) et High Lander Aviation Ltd, une société basée dans la ville israélienne de Ra’anana, près de Tel Aviv, spécialisée dans la conception de logiciels et de programmes de contrôle de vol pour les avions sans pilote à usage civil, d’ordre public et de surveillance. La société - fondée et dirigée par d’anciens militaires chargés du contrôle de l’espace aérien - travaillera avec le groupe Sightec, basé à Tel Aviv, qui est actif dans le domaine de la recherche sur les technologies aérospatiales automatisées. Sigtech a « plus de 30 ans d’expérience académique sous la direction du prof. Joseph Francos, professeur d’ingénierie électrique et informatique à l’université Ben Gurion » ; l’année dernière, elle a fourni au géant industriel IAI - Israel Aerospace Industries - les technologies de balayage utilisées à bord du “MultiFlyer”, le nouveau petit drone-hélicoptère commercialisé pour effectuer un grand nombre d’opérations de sécurité duales, civiles et militaires (surveillance des zones sinistrées, guidage des unités de recherche dans les missions de sauvetage, contrôle aérien lors d’événements de masse, protection des infrastructures “sensibles” et de l’ordre public, surveillance des grandes zones agricoles et maritimes, etc.) ). « Grâce au projet Drone-Tech, il sera possible de surveiller automatiquement de vastes zones territoriales, y compris les zones les plus cachées et les plus difficiles à patrouiller, en un temps beaucoup plus court et à un coût bien moindre », rapporte le site spécialisé droneblog.news. « Selon les techniciens en charge du projet, les images acquises grâce à l’intelligence artificielle, qui exploite les données recueillies par des capteurs spéciaux aéroportés, permettront d’identifier et de reconnaître le type d’accumulation, rendant les opérations d’enlèvement plus efficaces et efficientes ».

Les essais en vol des chasseurs-drones italo-israéliens auront lieu à partir de l’aéroport de Grottaglie (Tarente), au banc d’essai aéroportuaire mis en place grâce à un accord de coopération entre le district technologique aérospatial, l’ENAC et la municipalité de Bari, qui vise à transformer l’aéroport des Pouilles en « principal centre méditerranéen » pour tester les services et les technologies des aéronefs pilotés à distance et des satellites en milieu urbain et pour tester de nouvelles procédures d’interopérabilité entre les différents types de trafic aérien. Dans le grand centre industriel et militaire de Grottaglie, outre le banc d’essai de l’aéroport, se trouvent les usines du groupe Leonardo qui produisent les fuselages en fibre de carbone pour l’avion de transport Boeing 787 et la station aéronavale (Maristaer) avec le seul département de vol à voilure fixe des forces armées, équipé de l’avion à décollage et atterrissage vertical AV-8B Plus Harrier II et qui servira de base de soutien pour les chasseurs-bombardiers F-35B de cinquième génération affectés à la marine.

« Drone-Tech est un projet expérimental qui se présente comme un développement ultérieur du Drone Living Lab de Bari et des activités menées dans le banc d’essai de l’aéroport de Grottaglie », a expliqué à Ansa Giuseppe Acierno, président du District Technologique Aérospatial. « Nous sommes heureux d’avoir été jugés éligibles pour le programme de coopération industrielle italo-israélien soutenu par le ministère des Affaires étrangères. La consolidation de notre collaboration avec des partenaires israéliens nous aide à rester proches des plus hauts niveaux d’innovation et nous permet de renforcer les collaborations avec un pays qui représente l’excellence mondiale dans le domaine des drones. Le projet poursuit l’effort de renforcement et d’internationalisation des connaissances et des compétences que le district technologique capitalise dans l’expérimentation de services innovants de drones pour la Smart City de Bari, et rapproche le système aérospatial israélien, parmi les plus avancés et dynamiques, de celui des Pouilles, pour générer de nouvelles opportunités de développement des compétences et de nouvelles formes d’entrepreneuriat ».

Drone Tech “récompense” la collaboration entamée il y a quelques années par le district technologique aérospatial et la municipalité de Bari avec l’ Israel National Drone Initiative (INDI) pour “promouvoir conjointement l’intégration des drones dans les villes intelligentes”. INDI est le programme promu par l’Autorité israélienne de l’innovation, Ayalon Highways Co LTD, l’Autorité de l’aviation, le ministère des Transports et le Centre israélien pour la quatrième révolution industrielle (C4IR) avec le soutien du Forum économique mondial pour « renforcer la chaîne d’approvisionnement » des nouvelles technologies aérospatiales et leur utilisation dans les environnements urbains et pour créer un réseau pour le déploiement de drones en Israël à des fins économiques-commerciales. Dans le cadre de ce partenariat, fin mars 2022, Antonio Zilli et Uri Bornstein, du Distretto Tecnologico Pugliese, ont visité les entreprises israéliennes membres d’INDI et le “centre de contrôle” du réseau, situé dans la ville de Be’er Sheva, dans le désert du Néguev.

Les initiatives de recherche du Drone Living Lab de Grottaglie ont été officiellement présentées lors de la manifestation internationale intitulée “Drones Beyond” (17 et 18 novembre 2002), organisée dans la capitale des Pouilles par le district technologique aérospatial en collaboration avec la municipalité de Bari, la région des Pouilles et l’ANCI (Association nationale des communes italiennes). 3Drones Beyond a été l’occasion de présenter les défis, les produits et les solutions de la mobilité aérienne urbaine », ont expliqué les promoteurs. « L’initiative s’inscrit dans le plan à moyen et long terme de valorisation et de développement d’une gamme/infrastructure unique entre Grottaglie et Bari, sans exclure la possibilité de générer au fil du temps une connexion entre les deux nœuds à travers une future autoroute expérimentale pour drones ».

La rencontre a mis l’accent sur les technologies de conduite autonome et semi-autonome et sur les communications/navigation de nouvelle génération (5G, multilatération, satellite), ainsi que sur l’acquisition et la “manipulation” des données (IoT, Cloud, A/I, Deep Learning). En outre, des démonstrations en vol de drones doubles ont eu lieu, pour le contrôle territorial urbain, la livraison d’objets, les patrouilles et l’observation navales et côtières, et les enquêtes sur le patrimoine architectural. « Plus de 300 élèves des écoles des Pouilles ont participé à l’événement, s’affrontant dans des compétitions de vol d’obstacles avec des drones », ajoutent les chroniques locales.

En vue du développement de la recherche technologique à l’aéroport de Taranto-Grottaglie, une réunion officielle s’est tenue le 25 février 2019 à l’université  Aldo Moro de Bari entre les dirigeants du district aérospatial, le président de la région des Pouilles Michele Emiliano et l’ambassadeur d’Israël en Italie de l’époque Ofer Sachs. « L’entente institutionnelle avec les autorités israéliennes est importante pour l’avenir de l’aéroport : les accords et les collaborations avec des entités et des entreprises de ce pays, où la recherche et les applications de ces technologies sont très avancées, peuvent donner un élan significatif au projet Distretto Pugliese », a déclaré le président Giuseppe Acierno. Le diplomate israélien a tenu des propos tout aussi optimistes. « Nous regardons avec intérêt les possibilités concrètes de coopération stratégique avec les réalités présentes à l’aéroport de Taranto-Grottaglie ; l’intégration du système industriel et académique au service du secteur aéronautique et aérospatial fait du district technologique un exemple de portée internationale », a expliqué Ofer Sachs. Ont également participé à la réunion de Bari des responsables de diverses industries (Leonardo, Avio, etc.) et des chercheurs italiens et israéliens impliqués dans le projet Apulia Israel Joint Accelerator, coordonné par le District aérospatial, le Politecnico de Bari et l’Israel Institute of Technlogy - Technion de Haïfa, fer de lance dans l’expérimentation et la production de systèmes avancés pour le secteur militaro-industriel.

Toujours dans l’optique de la planification de l’autoroute des drones Bari-Grottaglie, le MAM - Mediterranean Aerospace Matching s’est tenu à l’aérogare de Tarente du 22 au 24 septembre 2021. L’initiative était axée sur la présentation et la promotion de nouvelles technologies aérospatiales et de projets de grandes entreprises et de start-ups concernant l’utilisation et la “sécurité” des drones. Parmi les principaux exposants du MAM figuraient un certain nombre d’entreprises israéliennes spécialisées, dont SpacePharma, la start-up qui a mis au point le laboratoire permettant de réaliser des “expériences médicales” en conditions de microgravité qui sera lancé en septembre 2020 avec le satellite Dido III dans le cadre d’un programme de coopération scientifique entre l’Italie et Israël, et Starburst Aerospace Israel, l’accélérateur aérospatial qui met en réseau des start-up, des entreprises, des investisseurs et des institutions israéliennes. Étaient également présents des représentants de l’initiative Naama, l’initiative israélienne de mobilité aérienne urbaine visant à établir un réseau de routes aériennes nationales pour que les drones puissent transporter et livrer des produits et des marchandises légères. Par coïncidence, les promoteurs de Naama sont les mêmes que ceux d’INDI, avec en plus la présence du secrétariat à la mobilité intelligente du Premier ministre israélien, « en coopération avec l’armée de l’air israélienne ».

Sur la base de l’accord de coopération dans le domaine de la recherche et du développement industriel, scientifique et technologique entre l’Italie et Israël, les projets suivants ont été identifiés pour recevoir un soutien financier du ministère italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale :

 

LUIS PORTILLO
La grève du prisonnier politique sahraoui Abdallahi Elouali Lakhfawni et la dérive scandaleuse des socialistes espagnols
Lettre au ministre des A.E. José Manuel Albares

 Luis Portillo Pasqual del Riquelme, Mouvement pour les Prisonniers Politiques Sahraouis (MPPS), 24/1/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

M. le Ministre des Affaires étrangères, de l'Union européenne et de la Coopération
Plaza de la Provincia
28012 Madrid

Madrid, le 23 janvier 2023

Objet : La grève du prisonnier politique sahraoui Abdallahi Elouali Lakhfawni et la dérive scandaleuse des socialistes espagnols

Monsieur le Ministre,

C'est la 52e  lettre que nous vous adressons depuis votre arrivée au ministère le 10 juillet 2021. Dans tous ces cas, le Mouvement des Prisonniers Politiques Sahraouis (MPPS) a dénoncé la situation dégradante et cruelle des prisonniers politiques sahraouis dans les prisons marocaines et a demandé votre intervention pour contribuer à leur libération ou, au moins, pour humaniser leurs conditions de détention et les protéger des abus auxquels ils sont soumis. Jusqu'à présent, cependant, nous n'avons pas connaissance qu'une telle action ait été entreprise.  

Abdallahi Elouali Lakhfawni (né en 1974), condamné à la prison à vie pour son implication dans le camp de protestation de Gdeim Izik (novembre 2010)

Aujourd'hui, nous souhaitons attirer votre attention en particulier sur le prisonnier politique sahraoui Abdallahi Elouali Lakhfawni, membre du groupe de Gdeim Izik, détenu à la prison centrale de Kenitra, au nord de Rabat. La Ligue pour la protection des prisonniers sahraouis dans les prisons marocaines a informé de la grève de la faim d'avertissement entreprise par Abdallahi pour dénoncer la politique de discrimination raciale et la négligence médicale à laquelle il est soumis (il souffre de maladies chroniques) par la délégation générale de l'administration pénitentiaire marocaine, ainsi que pour protester contre les obstacles à sa capacité à terminer ses études à l'Université Ibn Tufail dans la ville de Kenitra.[1]

La grève de la faim est le dernier recours des prisonniers politiques sahraouis pour donner de la visibilité à leur situation et faire valoir leurs droits ; avec les effets néfastes conséquents sur leur santé, déjà très détériorée par les conditions épouvantables d'emprisonnement et les mauvais traitements auxquels ils sont soumis.

Comme vous le savez, en 1884, l'Espagne a conclu un accord à l'amiable avec les tribus sahraouies vivant sur la côte du Sahara occidental. Par cet accord, la population sahraouie s'engageait à permettre la présence espagnole - principalement intéressée par les ressources halieutiques - en échange de la protection de l'Espagne contre d'autres puissances.

C'est ainsi que commence la pénétration pacifique de l'Espagne dans ce que la dictature franquiste transformera plus tard en sa “Province 53”[2]. Aujourd'hui, c'est le Maroc qui contrôle militairement la majeure partie du territoire sahraoui qu'il appelle par euphémisme les “provinces du Sud”. Dans les deux cas, il s'agit de la même colonie, la dernière colonie d'Afrique. L'Espagne se l'est appropriée par le biais de cet accord pacifique - qu'elle oubliera progressivement - tandis que le Maroc l'a simplement envahie et occupée dans le sang et le feu après l'abandon irresponsable de l'Espagne, en violation de ses obligations internationales. Juan Carlos de Bourbon lui-même promettra cyniquement de protéger la population civile sahraouie lors de son voyage éclair à El Ayoun en 1975, peu avant l'abandon du territoire par l'Espagne, habilement mis en scène par les accords tripartites illégaux de Madrid. [3]

En vertu du droit international, et malgré l'occupation militaire illégale d'une grande partie du territoire sahraoui par le Maroc, l'Espagne reste la puissance administrante de jure du Sahara occidental et est donc tenue de protéger la population civile sahraouie en général et les prisonniers politiques sahraouis en particulier.

Lors de son 16ème  Congrès qui s'est tenu récemment (13-17 janvier) à Dakhla, dans les camps de réfugiés sahraouis, le Front Polisario [4] a appelé la communauté internationale à agir pour accélérer la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis détenus dans les prisons marocaines et pour mettre fin immédiatement au pillage intensif des ressources naturelles sahraouies par le Maroc. [5]

Par ailleurs, à moins que le monarque marocain ne procède à de nouveaux reports capricieux, un sommet de haut niveau (RAN) entre les gouvernements espagnol et marocain se tiendra à Rabat au début du mois de février. A cette occasion, trois organisations humanitaires (la Ligue espagnole des droits de l'homme, la Fédération espagnole des droits de l'homme et la Fédération internationale des droits de l'homme-Espagne) ont envoyé une lettre au président Pedro Sánchez suggérant que deux questions liées à la défense des droits de l'homme et à la cause du peuple sahraoui soient incluses dans l'ordre du jour de la réunion : 1) que le harcèlement judiciaire du Royaume du Maroc contre le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, victime d'espionnage par le programme malveillant Pegasus, cesse[6] et 2) que tous les prisonniers sahraouis soient libérés et que la violation des droits de l'homme du peuple sahraoui cesse. [7]

 

Baby Hamday Boujemaa

À cet égard, les organisations susmentionnées rappellent au président Sánchez que la Ligue espagnole des droits de l'homme a déjà déposé une plainte contre le Royaume du Maroc pour l'assassinat du citoyen sahraoui-espagnol Baby Hamday, et que c'est précisément l'actuel ministre de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, qui, dans une ordonnance judiciaire, en tant que président de la chambre pénale de l'Audience nationale, en avril 2014, a transformé une enquête préliminaire en une mise en examen pour crimes contre l'humanité et génocide. [8] Dans cet ordre, le statut de l'Espagne en tant que puissance administrante du Sahara Occidental a été affirmé et la prétendue compétence du Royaume du Maroc pour administrer la justice dans un territoire qui ne lui appartient pas a été niée, comme établi dans les résolutions de divers organismes internationaux et de l'ONU elle-même. 9]

Dans ce contexte, et suite à l'inqualifiable volte-face du président Sánchez qui a fait siennes les revendications alaouites concernant le territoire non autonome du Sahara occidental, en attente de décolonisation, l'Association espagnole des professeurs de droit international et de relations internationales (AEPDIRI), dans une déclaration soutenue par 600 juristes, a dénoncé publiquement a dénoncé publiquement la “violation du droit international” que le gouvernement espagnol commet en soutenant le plan d'autonomie marocain pour le Sahara occupé, niant ainsi l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui, contribuant à blanchir l'occupation marocaine du territoire, empêchant une solution juste au conflit et prolongeant la souffrance du peuple sahraoui. [10]

Pour sa part, la prestigieuse Revista Española de Derecho Internacional (REDI) a consacré, dans son dernier numéro, une section monographique au virage unilatéral du président Sánchez. Sous le titre « Le gouvernement espagnol et la proposition d'autonomie pour le Sahara occidental », plusieurs experts juridiques critiquent la décision unilatérale du Premier ministre. [11]

Le président sahraoui lui-même, Brahim Ghali, l'a fait savoir dans les médias espagnols, à l'occasion du 16e congrès du Front Polisario qui s'est tenu la semaine dernière dans les camps de réfugiés sahraouis : « Le gouvernement espagnol, a déclaré Gali, a commis la deuxième trahison du peuple sahraoui en moins de 50 ans »[12].

Après tout ce qui a été dit jusqu'à présent, au moment où nous écrivons ces lignes, nous avons reçu la nouvelle embarrassante que les eurodéputés socialistes espagnols se sont honteusement soumis aux demandes alaouites - transmises par le ministre marocain des Affaires étrangères à son homologue espagnol - de voter contre une enquête surle Maroc au Parlement européen pour le Marocogate, sous la menace marocaine de faire dérailler la tant vantée RAN qui doit se tenir en février. [Et comme le ministre marocain l'avait demandé, les députés socialistes espagnols ont voté comme le Maroc le souhaitait, les laissant seuls aux côtés d’une douzaine de députés de l'extrême droite de Le Pen. Je suis dégoûté et honteux de ce scandale socialiste qui ne fait que soulever de plus en plus de remous. [14]

Malgré la dérive réactionnaire du président du gouvernement et de ce ministère des Affaires étrangères par rapport à la cause sahraouie, en se soumettant continuellement aux exigences alaouites, je continue à attirer votre attention, Monsieur le Ministre, sur la situation du prisonnier sahraoui Abdallahi Elouali Lakhfawuni, dans le cadre de la demande faite par les trois organisations des droits humains mentionnées ci-dessus et par le 16ème congrès du Front Polisario. Et je réitère la même demande que le Mouvement pour les prisonniers politiques sahraouis vous a fait dans des lettres précédentes : que fassiez preuve de la même sensibilité que vous avez montré avec une telle efficacité apparente envers le peuple ukrainien, à l’égard du peuple sahraoui, lui aussi en guerre et envahi.

Certes, on ne peut pas attendre grand-chose de votre gestion à cet égard, compte tenu de la dérive honteuse entreprise par le président du gouvernement, imitant le suprémaciste Donald Trump dans les soubresauts de son mandat présidentiel. [15] [Mais cela ne signifie pas que nous cesserons de dénoncer et de récriminer contre ce comportement réactionnaire par lequel le PSOE s'est placé du mauvais côté de l'histoire. Et nous continuerons à exiger le respect des droits inaliénables du peuple sahraoui.

Notes

[1]El preso político saharaui Abdallahi Elouali Lakhfawni inicia una huelga de hambre de advertencia”, SPS RASD Info, 16/01/2023, https://www.spsrasd.info/news/es/articles/2023/01/16/43658.html

[2]Provincia 53”, https://www.provincia53.com/#/

[3] “El Acuerdo Tripartito de Madrid y la traición española a los saharauis”, SPS RASD Info, 12/11/2022, https://www.spsrasd.info/news/es/articles/2022/11/12/42772.html

– Carlos Ruiz Miguel: “Los Acuerdos de Madrid, inmorales, ilegales y políticamente suicidas”, La Ilustración Liberal nº 26, https://www.clublibertaddigital.com/ilustracion-liberal/26/los-acuerdos-de-madrid-inmorales-ilegales-y-politicamente-suicidas-carlos-ruiz-miguel.html

[4] Carlos Ruiz Miguel, “El Frente Polisario. Desde sus orígenes hasta la actualidad, Ed. Almuzara, Madrid 2022, https://almuzaralibros.com/fichalibro.php?libro=6177&edi=1

[5]“Frente Polisario pide a la comunidad internacional que actúe para la liberación de todos los presos políticos saharauis”, Por Un Sahara Libre (PUSL), 16/01/2023, https://porunsaharalibre.org/2023/01/16/frente-polisario-pide-a-la-comunidad-internacional-que-actue-para-la-liberacion-de-todos-los-presos-politicos-saharauis/

[6]Ante el acoso de Marruecos a Ignacio Cembrero”, Periodistas-es, 08/01/2023; https://periodistas-es.com/ante-el-acoso-de-marruecos-a-ignacio-cembrero-164050,

– “El apabullante silencio de los socialistas españoles ante el acoso judicial de Marruecos a un periodista”, El Confidencial, 12/01/2023, https://blogs.elconfidencial.com/espana/tribuna/2023-01-12/silencio-socialistas-espanoles-acoso-judicial-marruecos-periodista_3555347/

[7]Organizaciones de derechos humanos solicitan a Pedro Sánchez que incluya la libertad de los presos saharauis en la próxima cumbre hispano marroquí”, Mundo Obrero, 13/01/2023, https://www.mundoobrero.es/2023/01/13/organizaciones-de-derechos-humanos-solicitan-a-pedro-sanchez-que-incluya-la-libertad-de-los-presos-saharauis-en-la-proxima-cumbe-hispano-marroqui/

[8]DILIGENCIAS PREVIAS 309/10, TRANSFORMADAS EN «SUMARIO 4/2014» (Caso Baby Hamday – AkdeimIzik)”, Centro de Estudios sobre el Sáhara Occidental (CESO), Universidad de Santiago de Compostela, https://www.usc.gal/es/institutos/ceso/Caso-Hamday.html

[9]La Audiencia Nacional avala la jurisdicción española sobre el Sáhara Occidental”, El Correo, 23/03/2022, https://www.elcorreo.com/politica/audiencia-nacional-avala-20220323195736-ntrc.html

[10]DECLARACIÓN SOBRE EL SAHARA OCCIDENTAL Y EL DERECHO INTERNACIONAL”, https://www.aepdiri.org/index.php/actividades-aepdiri/declaracion-sahara

– “Profesores de Derecho Internacional ven una «grave violación» del derecho internacional con el Sáhara”, El Confidencial, 24/03/2023, https://www.elconfidencial.com/espana/2022-03-24/profesores-derecho-internacional-moncloa-sahara-marruecos_3397586/

– “Expertos en Derecho Internacional y RRII advierten a Pedro Sánchez de la «grave violación» que comete en Sáhara Occidental y la inviabilidad del plan marroquí”, SPS RASD Info, https://www.spsrasd.info/news/es/articles/2022/03/24/38861.html

– “600 especialistas en Derecho Internacional denuncian la ilegalidad de la política antisaharaui del Gobierno español”, Rebelión, 03/10/2022, https://rebelion.org/600-especialistas-en-derecho-internacional-denuncian-la-ilegalidad-de-la-politica-antisaharaui-del-gobierno-espanol/

[11] Revista Española de Derecho Internacional (REDI), Vol. 47/2022, Num. 2 (Julio-Diciembre): “EL GOBIERNO ESPAÑOL Y LA PROPUESTA DE AUTONOMÍA PARA EL SÁHARA OCCIDENTAL”:

– Alcaide Fernández, “Nota Introductoria”, pp. 427-429.

– González Vega, J.A., “¡Triste España!: los aspectos formales y contextuales del cambio de posición español”, pp. 431-446.

– Yturriaga Barberán, J. A., “Giro copernicano de Sánchez en el conflicto sahariano”, pp. 447-461

– Soroeta Liceras, J., “Por qué la integración en Marruecos (la autonomía) no es la forma de resolver el conflicto (la descolonización) del Sáhara Occidental”, pp. 463-471.Disponible en Internet, en edición pre-print, bajo el título “Sáhara Occidental: apoyando la autonomía marroquí, España viola una vez más sus obligaciones ante la ONU”, piensa Chile, 04/10/2022,https://piensachile.com/2022/10/04/sahara-occidental-apoyando-la-autonomia-marroqui-espana-viola-una-vez-mas-sus-obligaciones-ante-la-onu/

– Aznar Gómez, M.J., “Consecuencias territoriales marítimas de la (presunta) cesión en el Sáhara”, pp. 473- 480.
[12] Brahim Ghali, Front Polisario : « Le gouvernement espagnol a commis la deuxième trahison du peuple sahraoui en moins de 50 ans »
Interview sur TVE (Télévision espagnole)

<<Brahim Gali, líder del Frente Polisario: “España ha repetido una traición en el Sáhara”>>, El País, 18/01/2023,  https://elpais.com/internacional/2023-01-18/brahim-gali-lider-del-frente-polisario-espana-ha-repetido-una-traicion-en-el-sahara.html

[13]Marruecos pidió a Albares que los eurodiputados del PSOE votaran contra la investigación de la UE”, Voz Pópuli, 19/01/2023, https://www.vozpopuli.com/espana/marruecos-pidio-albares-eurodiputados-psoe-votaran-contra-investigacion-ue.html

– “Diecisiete eurodiputados socialistas españoles votan en contra de la resolución que condena a Marruecos por violación de los derechos humanos y reprimir a los periodistas”, Contramutis, 19/01/2023,  https://contramutis.wordpress.com/2023/01/19/ddhh-el-parlamento-europeo-condena-a-marruecos-con-el-voto-en-contra-del-psoe/ 

– “El PSOE ordena a sus eurodiputados votar contra la condena a Marruecos en el Parlamento para salvar la cumbre”, El Periódico de España, 20/01/2023,  https://www.epe.es/es/politica/20230120/psoe-eurodiputados-votar-condena-marruecos-parlamento-europeo-salvar-cumbre-rabat-81421926

– “Parlamento Europeo pide a Marruecos respeto a la libertad de expresión y prensa”, Por Un Sahara Libre (PUSL), 19/01/2023,  Parlamento Europeo pide a Marruecos respeto a la libertad de expresión y prensa – POR UN SAHARA LIBRE .org – PUSL https://mobile.twitter.com/Alilmrabet/status/1616081284047962113

– “El Parlamento Europeo tira de las orejas a Marruecos por no respetar los derechos humanos”, El Español, 19/01/2023,  https://www.elespanol.com/mundo/20230119/parlamento-europeo-marruecos-no-respetar-derechos-humanos/734676964_0.html

– “El PSOE se alinea con los intereses de Rabat pese a la reprimenda de Europa por el Marruecosgate y los derechos humanos”, Público, 19/01/2023,  https://www.publico.es/internacional/psoe-alinea-intereses-rabat-pese-reprimenda-europa-marruecosgate-y-derechos-humanos.html

– “Otra vergonzosa cesión de Sánchez ante Mohamed VI: los eurodiputados del PSOE votan en contra de investigar los sobornos de Rabat para ocultar las violaciones de derechos humanos”, Hispanidad, 20/01/2023, https://www.hispanidad.com/politica/internacional/nueva-cesion-sanchez-marruecos-eurodiputados-psoe-votan-en-contra-denunciar-posible-participacion-rabat-en-trama-sobornos-ganar-peso-politico-en-instituciones-europeas_12039845_102.html

– “El PSOE vota en contra de una resolución del Parlamento Europeo que denunciaba la vulneración de derechos humanos en Marruecos”, El Liberal, 20/01/2023, https://www.elliberal.com/el-psoe-vota-en-contra-de-un-resolucion-del-parlamento-europeo-que-denunciaba-la-vulneracion-de-derechos-humanos-en-marruecos/

– “Escándalo de corrupción MoroccoGate: El Parlamento Europeo pone fin a la impunidad del régimen marroquí”, SPS RASD Info, 20/01/2023, https://www.spsrasd.info/news/es/articles/2023/01/20/43741.html

– “El PSOE vota en contra de una resolución europea que exige libertad de prensa en Marruecos”, La Marea, 20/01/2023, https://www.lamarea.com/2023/01/20/psoe-vota-contra-resolucion-europea-libertad-de-prensa-en-marruecos/

– “El PSOE se queda solo y rompe la unidad de su grupo en la Eurocámara votando contra una resolución crítica con Marruecos”, 19/01/2023, El Mundo, 19/01/2023, https://www.elmundo.es/espana/2023/01/19/63c95d3321efa0247a8b45a4.html

– “El PSOE ordenó desde Madrid no condenar a Marruecos para blindar la cumbre de Rabat: «A veces toca tragar”, El Mundo, 20/01/2023, https://www.elmundo.es/espana/2023/01/20/63caf69221efa0c82a8b4594.html

Entrevista a Ignacio Cembrero: «Pensaba que el PSOE defendía los derechos humanos. Es una vergüenza su voto en contra sobre Marruecos»>>, El Mundo, 21/01/2023, https://www.elmundo.es/espana/2023/01/21/63caf26cfc6c83f4438b4590.html

Una llamada del ministro de Exteriores marroquí al Gobierno forzó el cambio de voto del PSOE en Estrasburgo por los periodistas acosados”, ABC, 21/01/2023, https://www.abc.es/espana/llamada-ministro-exteriores-marroqui-gobierno-forzo-cambio-20230121032923-nt.html

– “Ignacio Cembrero: «El Gobierno quiere tener la mejor de las relaciones con Marruecos a cualquier precio»”, ABC, 21/01/2023,  https://www.abc.es/espana/ignacio-cembrero-gobierno-quiere-tener-mejor-relaciones-20230121174543-nt.html

– “El PSOE se queda solo en Europa en el rechazo a los abusos de periodistas en Marruecos”, ABC, 20/01/2023, https://www.abc.es/espana/psoe-queda-solo-europa-rechazo-abusos-periodistas-20230119182420-nt.html

[14]La última «traición» de Sánchez al Sáhara a favor de Marruecos levanta ampollas en Alicante”, El Español, 19/01/2023, https://www.elespanol.com/alicante/vivir/20230119/traicion-sanchez-sahara-marruecos-levanta-ampollas-alicante/734676765_0.html

[15]Trumpistas supremacistas en el Sáhara Occidental ocupado por Marruecos”, Rebelión, 15/02/2021 ,https://rebelion.org/trumpistas-supremacistas-en-el-sahara-occidental-ocupado-por-marruecos/