John Mearsheimer, professeur renommé de relations
internationales à l’université de Chicago et théoricien du « réalisme offensif
» en politique étrangère :
« Je suis prêt à parier que l’Iran développe probablement
une arme nucléaire en secret, et que ni les USA ni Israël ne sont en mesure de
l’en empêcher. Non seulement ils n’ont pas réussi à dissuader l’Iran de ses
ambitions nucléaires, mais ils ont en fait aggravé la situation. Je ne serais
pas du tout surpris si l’Iran finissait par construire une arme nucléaire. »
Ceux qui qualifient l’attaque terroriste contre l’Iran, le
massacre de plus d’un millier d’innocents et le génocide ouvert à Gaza de «
sale boulot nécessaire » mené par un régime belliciste et violent (Israël) au
service de « l’Occident et de ses intérêts » ne méritent aucune confiance
morale ou juridique.
Pour cet Occident sans freins culturels, le vieil adage
reste d’actualité : « Le seul bon Indien est un Indien mort. »
Le seul moyen efficace de dissuasion et de sauvegarde de l’indépendance
et de la sécurité nationales est l’établissement d’un équilibre de la terreur.
Et il faut enfin reconnaître que cet équilibre ne peut être
atteint sans capacités de dissuasion fondées sur des armes non
conventionnelles.
Cet ordre mondial impitoyable et sans compassion, dominé par
les valeurs et les systèmes de connaissance occidentaux, n’est pas une œuvre de
charité.
Les droits ne sont pas accordés, ils doivent être conquis.
Et l’Occident ne les cède jamais sans résistance.
La logique déshumanisante et autoritaire de l’Occident ne
reconnaît aucune limite morale lorsqu’il s’agit de détruire des États ou des
peuples qui résistent à l’exploitation de leurs ressources, à la violation de
leur souveraineté ou à leur assujettissement aux structures de pouvoir
occidentales.
Ni le droit international ni l’autorité morale et
philosophique prétendument universelle – revendiquée principalement par l’Occident
européen – ne sont en mesure de l’arrêter.
Dans ce contexte, même l’impératif catégorique de Kant,
autrefois salué comme le plus haut accomplissement moral et philosophique de la
civilisation occidentale, n’est aujourd’hui qu’une variante banalisée de la «
raison pure » entièrement mise au service de la domination.
Et cette « raison pure » est, surtout en ce qui concerne l’être
humain non occidental, essentiellement intouchable et donc immunisée contre
toute critique.
Dans sa fonction réelle, la philosophie occidentale n’est
pas une voie vers la justice, mais plutôt une construction idéologique utilisée
pour légitimer la domination, la discrimination et le pouvoir hégémonique.
Ni plus, ni moins.
Au final, une seule question subsiste : l’Occident sait-il
encore ce qu’est la moralité ?
L’un des plus aigus et brillants analystes en géopolitique
qui nous a quittés hier, trop tôt.
Adieu, Maestro !
Comme cela devient habituel, , les médias
transnationaux à but lucratif, censés informer, se consacrent paradoxalement à
la désinformation. On peut le constater de manière particulièrement aberrante
lorsqu’il s’agit des événements en Asie occidentale. Bien que la déformation
des faits soit une pratique quotidienne, la situation est aujourd’hui atroce
lorsqu’on tente de reconstruire les péripéties et les actions qui se déroulent
dans cette région depuis deux ans et demi.
Ces derniers jours, ce sont les faits en
Syrie dominent l’actualité régionale. Comme si le génocide en Palestine,
l’agression permanente contre le Liban et la rhétorique belliciste contre les
voisins s’étaient arrêtés, la falsification des faits cache la véritable toile
de fond de l’affaire.
La situation géographique de la Syrie,
située au carrefour des peuples et des civilisations, en a fait, tout au long
de l’histoire, un joyau inestimable pour ceux qui aspiraient à contrôler la
région. La présence de peuples différenciés dans certaines zones du pays a créé
des aires d’influence traditionnelles d’idéologies, de leaders et de tribus
ayant leur propre identité, culture et histoire. Par exemple, les Kurdes se
trouvent au nord, les Druzes au sud-est, les Alaouites sur la côte
méditerranéenne, et les Sunnites dans la zone centrale.
Cette situation, stabilisée sans grands
conflits [sic] sous le gouvernement de Bachar Al Assad, a été détruite
par une intervention étrangère qui, en attisant les différences sectaires et
religieuses à son avantage, a engendré la division et la disparition de la
sécurité fondée sur l’équilibre.
Au-delà de la dynamique interne syrienne,
trois puissances étrangères ont joué un rôle déterminant dans la situation
actuelle : Israël, les USA (avec la France en appendice), et la Turquie.
Comme je l’ai écrit à d’autres occasions,
il est presque impossible aujourd’hui d’analyser un scénario de manière isolée.
De même, tout événement international doit être compris dans ses trois
dimensions — locale, régionale et globale — si l’on veut réellement en cerner
les fondements et les implications.
Ce texte tente donc d’analyser ce
scénario complexe sous une vision holistique, seule capable de fournir des
pistes pour sa compréhension. Malgré l’accord de cessez-le-feu entre Israël et
le Liban conclu en novembre dernier, l’entité sioniste l’a violé à de multiples
reprises. Les USA et la France, garants de cet accord, ont trahi leur
engagement en permettant que l’agression — qui a déjà causé la mort de près de
400 Libanais — se poursuive en toute impunité.
Cet accord était censé prolonger la
résolution 1701 de 2006 du Conseil de sécurité de l’ONU, signée après 34 jours
de guerre suite à l’invasion du Liban par Israël. L’accord établissait un
cessez-le-feu total et le retrait des troupes israéliennes. Israël n’avait pas
atteint ses objectifs à l’époque : détruire le mouvement chiite libanais
Hezbollah et « démilitariser » le Liban.
Ce non-respect de la résolution 1701
reste une épée de Damoclès suspendue au-dessus de toute tentative de
stabilisation. Dans le contexte actuel, Thomas Barrack, envoyé spécial du
président Donald Trump pour la Syrie, a insisté sur l’obligation du
gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, menaçant Beyrouth de détruire
le Liban pour l’annexer à la Syrie si cela n’était pas fait. En réalité, si cet
ultimatum était mis à exécution, il signifierait la fin des Accords Sykes-Picot
de 1916, qui avaient organisé le contrôle de la région selon les intérêts
européens sous le couvert d’une stabilité jamais atteinte.
L’instabilité nécessaire au maintien des
intérêts occidentaux s’est poursuivie ces dernières années. De la première
guerre du Golfe (1990–1991), à celle d’Irak (2003–2011), en passant par
l’Afghanistan (2001–2021), le prétendu Printemps arabe débuté en 2011, la
guerre au Yémen commencée en 2015, le génocide permanent contre le peuple
palestinien, les attaques israéliennes intermittentes contre le Liban,
l’intervention turque en Syrie, ou encore les guerres contre le terrorisme
d’Al-Qaïda et de Daech en Irak et Syrie, toutes ont pour objectif le maintien
de l’instabilité, pour affaiblir, fragmenter, dominer et contrôler la région.
Pour les USA, la priorité stratégique est
d’assurer leur sécurité énergétique. Les centres de production pétrolière sont
donc constamment dans leur viseur, ce qui explique leur présence active en Asie
occidentale — région possédant les plus grandes réserves mondiales. Cela
explique aussi leur implication dans le conflit ukrainien. Dans ce cadre, le
Venezuela est également concerné, mais en tant que pays d’Amérique latine — «
l’arrière-cour » de Washington — sa dynamique est différente et ne sera pas
abordée ici.
Rassemblant tous ces éléments, on peut
commencer à répondre à la question : Pourquoi la Syrie ? Bien avant le conflit
actuel, même avant la guerre du Golfe, des projets de construction d’oléoducs
existaient déjà. L’un devait partir du Golfe Persique, traverser l’Irak et la
Syrie jusqu’à la Turquie pour approvisionner l’Europe. Le second a motivé le
coup d’État de 1953 en Iran contre le Premier ministre Mossadegh, après qu’il eut
nationalisé le pétrole [jusque-là “british”]. Ce projet fut définitivement
écarté après la révolution islamique de 1979. Aujourd’hui, plusieurs projets d’oléogazoducs
partant du Golfe Arabo-Persique vers l’Europe passent par la Syrie.
C’est dans la continuité de ces projets
que, presque en même temps que le Printemps arabe de 2011, une grande
conspiration occidentale a vu le jour pour affaiblir la région et s’emparer de
ses ressources. Les USA et l’OTAN ont ainsi conçu, financé et mis en œuvre un
coup d’État en Ukraine pour atteindre le même but : éliminer la Russie comme
fournisseur énergétique de l’Europe. Il s’agissait de faire venir l’énergie du
Golfe Arabo-Persique, région dominée par des monarchies conservatrices aisément
contrôlables.
Dans un premier temps, après la chute de
l’URSS et devant la faiblesse de la Russie sous Eltsine, l’Occident a tenté
d’exciter les minorités nationales et religieuses russes. Cette tentative ayant
échoué, il a reporté leurs efforts sur l’Asie occidentale.
Bachar Al Assad a été pressé par
l’Occident d’approuver les projets d’oléoducs. Il a toujours refusé. C’est ce
qui explique pourquoi, après avoir renversé Kadhafi en Libye, le Printemps
arabe a « atterri » en Syrie. Ce refus d’Al Assad est l’une des raisons du coup
d’État en Ukraine en 2014, et de l’implication directe de la Russie : Moscou
avait compris que la cible stratégique de cette guerre était la Russie, pas la
Syrie.
Aujourd’hui, après la chute de Bachar Al Assad
et le génocide à Gaza, le plan des oléoducs a été relancé. Le terroriste Ahmed
Al Charaa alias Al Joulani, devenu président de la Syrie, agit comme instrument
des USA et d’Israël. Sur leurs ordres, il a attaqué la province de Soueïda,
peuplée majoritairement de Druzes. Bien qu’ils ne représentent que 3 % de la
population, les Druzes ne sont pas monolithiques et sont divisés politiquement
— ce qui « facilite » l’action des terroristes devenus gouvernement. Une
faction soutient Al Joulani, une autre Israël, menée par Hikmat al Hijri, né au
Venezuela comme beaucoup d’habitants de Soueïda [surnommé « le peitit
Venezuela », ce dernier étant appelé « Venesueida », NdT].
Une troisième est nationaliste et avait de bonnes relations avec Al Assad.
MBS, Trump et Al Charaa, mai 2025
Al Joulani ne gouverne pas vraiment. Sa
coalition est pleine de contradictions ethniques, religieuses, et politiques.
Il se maintient au pouvoir grâce aux USA, à Israël et à la Turquie, et se
consacre au massacre des minorités : d’abord les Kurdes au nord, puis les
Alaouites sur la côte, et maintenant les Druzes au sud.
Pour attaquer Soueïda, Al Joulani utilise
des sunnites de Daraa (frontalière avec la Jordanie), des tribus bédouines
locales, et une armée composée à 40 % de terroristes étrangers (principalement
ouïghours de Chine et du Pakistan, mais aussi Afghans, Tchétchènes,
Daguestanais…), 40 % de terroristes syriens loyaux à Al Joulani, et 20 % de
membres de diverses tribus et courants musulmans. Ensemble, ils forment une
force de 60 000 hommes.
Les attaques visent à justifier
l’intervention israélienne en Syrie sous prétexte que les tribus bédouines
menacent la sécurité du pays. Mais en réalité, c’est Al Joulani qui orchestre
cette instabilité sur ordre de Washington et Tel-Aviv. Le gouvernement syrien
actuel n’a pris aucune mesure contre l’intervention militaire sioniste.
Al-Charaa, vu par Kamal Sharaf, Yémen
Soueïda est devenue la pierre angulaire
des intérêts internationaux. Israël veut y créer un “Corridor de David”
sécurisant le territoire syrien qu’il occupe [le Golan]. Les USA visent les
gisements pétroliers. La Turquie veut des oléogazoducs qui traverseraient son
territoire, ce qui lui rapporterait d’énormes revenus.
Mais les ambitions vont plus loin : les USA
et Israël veulent démembrer la Syrie en quatre micro-États ethnico-confessionnels,
pour justifier l'existence raciste de l'entité sioniste. Ces mini-États,
dirigés par des marionnettes comme Al Joulani, permettraient la réalisation du
plan du “Grand Israël” et la création d’un nouveau Moyen-Orient.
Ainsi, la Syrie serait divisée en :
un secteur kurde au nord sous influence turque,
une région alaouite sur la côte (Lattaquié et
Tartous),
un émirat islamique contrôlé par Al Joulani au
centre,
un corridor israélo-druze au sud-est, aux frontières
jordanienne et irakienne.
Si ce plan est mis en œuvre, toute la
région serait morcelée, permettant à l’Occident de s’approprier les ressources
énergétiques et d’écarter la Russie du marché européen. Le Golfe Arabo-Persique,
via la Syrie et la Turquie, deviendrait le nouveau fournisseur.
Erdoğan le marionettiste, par Adnan Al Mahakri,Yémen
La Turquie cherche à devenir ce pont
énergétique vers l’Europe. Cela explique son rôle dans la chute d’Al Assad. Le
projet des Frères musulmans, dont Erdogan est issu, vise à devenir le
porte-parole des musulmans du monde. Mais cela nécessite un Iran affaibli, ce
qu’ils n’ont pas réussi à obtenir.
Les événements de Soueïda doivent donc
être compris dans une perspective plus large :
Les USA veulent nuire à la Russie et s’approprier le
pétrole.
Israël veut construire son corridor pour fragmenter
davantage le monde arabe.
La Turquie veut des bénéfices énergétiques et un
rôle de leader.
Ce plan n’a pas abouti à cause de la
résistance de l’Iran et de ses alliés (Irak, Liban, Yémen…). Les prochaines
cibles pourraient être la Jordanie et surtout l’Égypte, qui possède une des
plus grandes armées du monde et un fort sentiment national. Un rapprochement
Iran-Égypte serait un obstacle majeur aux projets impérialistes.
Le journaliste égyptien Mohamed Hassanein
Heikal (sunnite et panarabiste) affirmait que seule une alliance stratégique
Iran-Égypte pouvait sauver le monde arabe. C’est la plus grande peur de
l’Occident.
Des erreurs égyptiennes ont empiré les
choses : la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite en 2017,
puis leur probable transformation en bases militaires usaméricaines, a provoqué
une vive opposition au sein de l’armée égyptienne.
De même, les pressions usaméricaines sur
les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) pour réduire leur aide à
l’Égypte après qu’elle les eut pourtant défendus, ont été mal vues.
Une alliance Iran-Égypte créerait un bloc
de 200 millions d’habitants et une armée de plus de 2,5 millions de soldats,
contrôlant le détroit d’Ormuz, le canal de Suez et Bab el-Mandeb — les trois
nœuds clés de la circulation énergétique mondiale.
Dans ce contexte, la désintégration de la
Syrie et de l’Asie occidentale, et la construction d’oléogazoducs passant par
ces territoires, devient un enjeu stratégique majeur.
Voici les acteurs en jeu. Le reste — même
l’Arabie saoudite — compte peu. Les monarchies médiévales ne cherchent qu’à
conserver leur richesse, maintenir leur pouvoir, et apaiser leur population au
strict minimum. La cause palestinienne, arabe ou musulmane ne les intéresse que
si elle ne menace pas le statu quo ni ne dérange les puissances occidentales
qui garantissent leur contrôle sur leurs peuples.
Nous les
simples mortels sans pouvoir et sans gloire, sommes comme « des brins légers
dans le vent et au hasard » [citation de “Canción de la vida profunda”
de Porfirio Barba Jacob, NdT], et nous sommes exposés à être arrosés de
missiles ou mis en pièces comme les enfants palestiniens de Gaza. Tout dépend
si, à un moment donné, lorsque les dirigeants du monde le décident, les
bombardements sont nécessaires pour, en plus de semer la mort et la terreur,
promouvoir la reconstruction ou le chantage afin de voler du pétrole, de forer
des terres avec des soldats envahisseurs, ou effacer une certaine mémoire de l’humanité.
Ou, au cas
où, il faut raser au sol les petits garçons et les petites filles dans leurs
maisons, dans les hôpitaux, dans un abri précaire, parce que, comme l’ont dit
les despotes, ils sont les graines du terrorisme et doivent être pulvérisés au
berceau. Le monde, ou une partie du monde, semble être entre les mains
criminelles de deux ou trois satrapes qui décident quand violer la souveraineté
d’un peuple, quand larguer des bombes, qui peut et ne peut pas avoir la paix et
la tranquillité, à quelles heures semer la panique.
Israël
attaque l’Iran, l’Iran se défend et riposte. Les USA, ultime puissance
impérialiste, dirigés par un matamore, bombardent le pays de l’Ayatollah et
pensent avoir anéanti ses centrales nucléaires. Ils le font d’ailleurs en
violation flagrante du droit international et des thèses de souveraineté, un
pays qui, jusqu’à présent, a été le seul à en attaquer un autre avec des bombes
nucléaires, comme ils l’ont fait contre les Japonais lors de la Seconde Guerre
mondiale.
Pendant ce
temps, le massacre de Gaza se poursuit, dans un génocide qui, pour certains, ne
peut être qualifié de génocide, parce que quiconque le ferait se rendrait
coupable d’« antisémitisme ». C’est l’approche toute nouvelle et erronée de
certains détraqués, avec des arguties arbitraires, comme quoi c’est le « peuple
élu » qui « se défend », qui doit faire respecter la décision absurde d’une
divinité qui l’a désigné comme le sauveur du monde.
Et c’est à
nous, mortels, en attendant que les bombes explosent de ces côtés-ci et
partout, de nous taire dans l’impuissance parce que le monde n’appartient qu’à
quelques « élus ». Il est entre les mains de ceux qui ont la force. Il est manipulé
selon les caprices d’un petit groupe de potentats, qui placent et déplacent les
marionnettes correspondantes à leur guise. Trump, à son tour, manipulé par des
magnats, certains déguisés en « humanistes », en êtres charitables, en
donateurs miséricordieux, croit qu’il peut faire ce qu’il veut. « Je vais
bombarder et alors ! », semble être le message du givré à touffe.
Le monde,
hier comme aujourd’hui, mais plus aujourd’hui qu’hier, marche sur la corde
raide de l’angoisse, et le plus grand nombre, subjugué et terrifié, est la
proie facile de la peur collective, et peut même perdre la parole. Il est, ou
plutôt, nous sommes cloués sur la croix de la domination de quelques puissants,
soutenus par un armement apocalyptique. Que la guerre (et même ses simulacres)
soit la continuation de la politique par d’autres moyens, comme les missiles,
les canons et les bombes, n’est rien d’autre qu’une offense à toute forme de
droit des peuples à se défendre et, surtout, à vivre en paix.
Les
explosions de bombes, le feu destructeur qui tombe du même ciel universel sur d’autres
territoires, affectent ceux d’entre nous qui se croient loin du théâtre des
événements. Il nous brûle et nous insère dans tous les cercles de l’enfer.
Nous, mortels de ce côté-ci du monde, sommes aussi assassinés lorsqu’un enfant
est tué, des centaines d’enfants à Gaza. Et bien que certains puissent dire «
qu’est-ce que j’en ai à cirer », ces mêmes personnes, lorsqu’elles sentiront
leurs entrailles brûler, se rendront compte de ce qu’un poète anglais [John Donne] a dit il
y a des années, et qui est toujours vrai aujourd’hui : « la mort de tout homme (enfant)
me diminue ».
Qu’est-ce
que ça signifie d’être entre les mains criminelles de Trump ou de Netanyahou ?
Qu’est-ce qui attend ceux d’entre nous qui se trouvent de ce côté-ci du monde
troublé lorsque les échos des bombes qui produisent des conflagrations
mortelles au Moyen-Orient nous parviendront ? Nous, mortels, victimes passives
dans ce cas, ne pouvons donc pas rester indifférents, car il est probable qu’à
tout moment, comme le battement des ailes d’un papillon à Pékin, notre souffle, ce qui
reste de nos rêves et nos estomacs seront affectés.
Plan de prise de possession de Gaza, par Emad Hajjaj
Espérons que
la station balnéaire que Trump et ses voraces associés et copains veulent
construire à Gaza deviendra un cauchemar permanent pour eux, que tous les
enfants morts, les personnes âgées mortes, les journalistes morts, les médecins
morts dans cette bande de cimetière vivront dans la mémoire du peuple. Nous
espérons, nous mortels, que tout ce sang, que “toutes les voix toutes”, comme
dirait Tejada Gómez, deviennent un chant dans les vents contaminés par les
bombes.
Trump,
Netanyahou et les autres barbares de la même engeance doivent brûler dans les
flammes de l’histoire et, surtout, de l’enfer. Que leurs noms soient à jamais
marqués du sceau de l’infamie.
Cet article,
paru en juillet 2012 alors que le troisième round de négociations venait de s’achever à Moscou entre
l’Iran et le groupe dit P5+1 (USA, Russie, Chine, Allemagne, France, Royaume-Uni)
avait, lors de sa publication par la prestigieuse revue Foreign Affairs,
suscité bien des controverses. Or, à le lire aujourd’hui, on ne peut que
constater qu’il relève d'un certain bon sens dystopique mais somme toute réaliste. Son auteur, mort en 2013 à 89 ans,
était un théoricien des relations internationales, fondateur du courant dit néoréaliste
dans les sciences politiques aux USA. Un article qui n’a rien perdu de son
actualité.-FG
Carlos Latuff, 2012
Ces
derniers mois ont été marqués par un débat houleux sur la meilleure façon pour
les USA et Israël de répondre aux activités nucléaires de l’Iran. Alors que le
débat faisait rage, les USA ont renforcé leur régime de sanctions, déjà musclé,
à l’encontre de la République islamique, et l’Union européenne a annoncé en
janvier qu’elle commencerait à imposer un embargo sur le pétrole iranien à
partir du 1er juillet. Bien que les USA, l’Union européenne et l’Iran
soient récemment revenus à la table des négociations, un sentiment palpable de
crise plane toujours.
Bibi
après les bombardements sur l’Iran : “ ça
pourrait signifier la fin du régime”
Ben-Gvir : “Il parle bien de l’Iran, hein ?”
Smotrich :“Oui, oui”
Dessin de David Rowe, The Australian Financial Review, 17/6/2025
Cela ne
devrait pas être le cas. La plupart des commentateurs et des décideurs usaméricains,
européens et israéliens avertissent qu’un Iran doté de l’arme nucléaire serait
la pire issue possible de l’impasse actuelle. En fait, il s’agirait
probablement de la meilleure issue possible : celle qui est la plus susceptible
de restaurer la stabilité au Moyen-Orient.
LA PUISSANCE
NE DEMANDE QU’À ÊTRE ÉQUILIBRÉE
La crise
liée au programme nucléaire iranien pourrait prendre fin de trois manières
différentes. Tout d’abord, la diplomatie associée à des sanctions sévères
pourrait convaincre l’Iran d’abandonner sa quête de l’arme nucléaire. Mais ce
résultat est peu probable : l’histoire montre qu’il est rarement possible de
dissuader un pays de se doter d’armes nucléaires. Punir un État par des
sanctions économiques ne fait pas inexorablement dérailler son programme
nucléaire. Prenons l’exemple de la Corée du Nord, qui a réussi à fabriquer ses
armes en dépit d’innombrables séries de sanctions et de résolutions du Conseil
de sécurité des Nations unies. Si Téhéran décide que sa sécurité dépend de la
possession d’armes nucléaires, il est peu probable que les sanctions le fassent
changer d’avis. En fait, l’ajout de sanctions supplémentaires aujourd’hui
pourrait faire en sorte que l’Iran se sente encore plus vulnérable, ce qui lui
donnerait encore plus de raisons de rechercher la protection de la force de
dissuasion ultime.
La deuxième
possibilité est que l’Iran ne teste pas d’arme nucléaire mais développe une
capacité de rupture [breakout capability, capacité de sortir de l’état
de désarmement nucléaire], c’est-à-dire la capacité de construire et de tester
une arme nucléaire assez rapidement. L’Iran ne serait pas le premier pays à se
doter d’un programme nucléaire sophistiqué sans construire de véritable bombe.
Le Japon, par exemple, dispose d’une vaste infrastructure nucléaire civile. Les
experts estiment qu’il pourrait produire une arme nucléaire à brève échéance.
Une telle
capacité pourrait satisfaire les besoins politiques internes des dirigeants
iraniens en assurant aux partisans de la ligne dure qu’ils peuvent bénéficier
de tous les avantages de la bombe (comme une plus grande sécurité) sans les
inconvénients (comme l’isolement et la condamnation de la communauté
internationale). Le problème est qu’une capacité de rupture pourrait ne pas
fonctionner comme prévu.
Les USA et
leurs alliés européens sont principalement préoccupés par la militarisation, et
pourraient donc accepter un scénario dans lequel l’Iran ne parviendrait pas à
se doter d’une arme nucléaire. Israël, en revanche, a clairement indiqué qu’il
considérait une capacité d’enrichissement iranienne significative comme une
menace inacceptable. Il est donc possible qu’un engagement vérifiable de l’Iran
à ne pas se doter d’une arme puisse apaiser les grandes puissances occidentales
mais laisser les Israéliens insatisfaits. Israël serait moins intimidé par une
arme nucléaire virtuelle que par une arme réelle et poursuivrait donc
probablement ses efforts risqués de subversion du programme nucléaire iranien
par le sabotage et l’assassinat, ce qui pourrait amener l’Iran à conclure qu’une
capacité de rupture est finalement un moyen de dissuasion insuffisant et que
seul l’armement peut lui apporter la sécurité qu’il recherche.
La
troisième issue possible de l’impasse est que l’Iran continue sur sa lancée et
devienne publiquement nucléaire en testant une arme. Les responsables usaméricains
et israéliens ont déclaré que cette issue était inacceptable, arguant du fait
qu’un Iran nucléaire constituait une perspective particulièrement terrifiante,
voire une menace existentielle. Ce langage est typique des grandes puissances,
qui se sont historiquement énervées chaque fois qu’un autre pays a commencé à
développer sa propre arme nucléaire. Pourtant, jusqu’à présent, chaque fois qu’un
autre pays a réussi à se frayer un chemin dans le club nucléaire, les autres
membres ont toujours changé d’avis et décidé de s’en accommoder. En fait, en
réduisant les déséquilibres en matière de puissance militaire, les nouveaux
États nucléaires renforcent généralement la stabilité régionale et
internationale, au lieu de la réduire.
Équilibre
fragile, par Thiago Lucas, Brésil
Le monopole
nucléaire régional d’Israël, qui s’est avéré remarquablement durable au cours
des quatre dernières décennies, a longtemps alimenté l’instabilité au
Moyen-Orient. Il n’existe dans aucune autre région du monde un État nucléaire
isolé et incontrôlé. C’est l’arsenal nucléaire d’Israël, et non le désir de l’Iran
d’en avoir un, qui a le plus contribué à la crise actuelle. Après tout, la
puissance ne demande qu’à être équilibrée. Ce qui est surprenant dans le cas
israélien, c’est qu’il ait fallu tant de temps pour qu’un équilibreur potentiel
émerge.
Bien
entendu, il est facile de comprendre pourquoi Israël veut rester la seule
puissance nucléaire de la région et pourquoi il est prêt à recourir à la force
pour garantir ce statut. En 1981, Israël a bombardé l’Irak pour éviter que son
monopole nucléaire ne soit remis en cause. Il a fait de même avec la Syrie en
2007 et envisage maintenant une action similaire contre l’Iran. Mais les actes
qui ont permis à Israël de conserver son avantage nucléaire à court terme ont
prolongé un déséquilibre insoutenable à long terme. La capacité avérée d’Israël
à frapper impunément ses rivaux nucléaires potentiels a inévitablement incité
ses ennemis à développer les moyens d’empêcher Israël de recommencer. Ainsi,
les tensions actuelles ne doivent pas être considérées comme les premières
étapes d’une crise nucléaire iranienne relativement récente, mais plutôt comme
les dernières étapes d’une crise nucléaire qui dure depuis des décennies au
Moyen-Orient et qui ne prendra fin que lorsque l’équilibre des forces
militaires sera rétabli.
DES
CRAINTES INFONDÉES
L’une des
raisons pour lesquelles le danger d’un Iran nucléaire a été largement exagéré
est que le débat qui l’entoure a été faussé par des inquiétudes mal placées et
des malentendus fondamentaux sur la manière dont les États se comportent
généralement dans le système international. La première préoccupation majeure,
qui sous-tend de nombreuses autres, est que le régime iranien est
intrinsèquement irrationnel. Malgré l’idée largement répandue du contraire, la
politique iranienne n’est pas le fait de “mollahs fous”, mais d’ayatollahs
parfaitement sains d’esprit qui veulent survivre, comme n’importe quel autre
dirigeant. Bien que les dirigeants iraniens se laissent aller à une rhétorique
incendiaire et haineuse, ils ne montrent aucune propension à l’autodestruction.
Les décideurs politiques des USA et d’Israël commettraient une grave erreur s’ils
pensaient le contraire.
Pourtant, c’est
précisément ce que de nombreux responsables et analystes usaméricains et
israéliens ont fait. Présenter l’Iran comme un pays irrationnel leur a permis d’affirmer
que la logique de la dissuasion nucléaire ne s’appliquait pas à la République
islamique. Si l’Iran se dote d’une arme nucléaire, préviennent-ils, il n’hésitera
pas à l’utiliser dans une première frappe contre Israël, même si, ce faisant,
il s’expose à des représailles massives et risque de détruire tout ce qui est
cher au régime iranien.
Bien qu’il
soit impossible d’être certain des intentions iraniennes, il est beaucoup plus
probable que si l’Iran souhaite se doter d’armes nucléaires, c’est pour assurer
sa propre sécurité et non pour améliorer ses capacités offensives (ou s’autodétruire).
L’Iran peut se montrer intransigeant à la table des négociations et défiant
face aux sanctions, mais il agit toujours pour assurer sa propre préservation.
Les dirigeants iraniens n’ont par exemple pas tenté de fermer le détroit d’Ormuz,
bien qu’ils aient lancé des avertissements fanfarons à ce sujet après l’annonce
par l’UE de son projet d’embargo pétrolier en janvier. Le régime iranien a
clairement conclu qu’il ne voulait pas provoquer ce qui aurait certainement été
une réponse usaméricaine rapide et dévastatrice à une telle action.
Néanmoins,
même certains observateurs et décideurs politiques qui admettent que le régime
iranien est rationnel craignent qu’une arme nucléaire ne l’enhardisse, en
fournissant à Téhéran un bouclier qui lui permettrait d’agir de manière plus
agressive et d’accroître son soutien au terrorisme. Certains analystes
craignent même que l’Iran ne fournisse directement des armes nucléaires aux
terroristes. Le problème de ces inquiétudes est qu’elles contredisent les
antécédents de tous les autres États dotés d’armes nucléaires depuis 1945. L’histoire
montre que lorsque des pays acquièrent la bombe, ils se sentent de plus en plus
vulnérables et prennent conscience que leurs armes nucléaires font d’eux une
cible potentielle aux yeux des grandes puissances. Cette prise de conscience
décourage les États nucléaires d’agir de manière audacieuse et agressive. La
Chine maoïste, par exemple, est devenue beaucoup moins belliqueuse après avoir
acquis des armes nucléaires en 1964, et l’Inde et le Pakistan sont tous deux
devenus plus prudents depuis qu’ils se sont dotés de l’arme nucléaire. Il y a
peu de raisons de croire que l’Iran sortira de ce moule.
En ce qui
concerne le risque de transfert à des terroristes, aucun pays ne pourrait
transférer des armes nucléaires sans courir un risque élevé d’être découvert.
Les capacités de surveillance des USA constitueraient un obstacle sérieux, tout
comme leur capacité impressionnante et croissante à identifier la source des
matières fissiles. En outre, les pays ne peuvent jamais contrôler entièrement
ni même prévoir le comportement des groupes terroristes qu’ils soutiennent. Une
fois qu’un pays comme l’Iran aura acquis une capacité nucléaire, il aura toutes
les raisons de maintenir un contrôle total sur son arsenal. Après tout, la
fabrication d’une bombe est coûteuse et dangereuse. Il serait insensé de
transférer le produit de cet investissement à des parties qui ne sont pas
dignes de confiance ou qui ne peuvent pas être gérées.
Une autre
crainte souvent évoquée est que si l’Iran obtient la bombe, d’autres États de
la région lui emboîteront le pas, ce qui entraînera une course aux armements
nucléaires au Moyen-Orient. Mais l’ère nucléaire a maintenant près de 70 ans
et, jusqu’à présent, les craintes de prolifération se sont révélées infondées.
Au sens propre, le terme “prolifération” signifie une propagation rapide et
incontrôlée. Rien de tel ne s’est produit ; en fait, depuis 1970, l’émergence d’États
nucléaires s’est nettement ralentie. Il n’y a aucune raison de s’attendre à ce
que cette tendance change maintenant. Si l’Iran devenait la deuxième puissance
nucléaire du Moyen-Orient depuis 1945, ce ne serait pas le début d’un
glissement de terrain. Lorsqu’Israël a acquis la bombe dans les années 1960, il
était en guerre avec nombre de ses voisins. Ses armes nucléaires représentaient
une menace bien plus grande pour le monde arabe que le programme iranien ne l’est
aujourd’hui. Si un Israël atomique n’a pas déclenché de course aux armements à
l’époque, il n’y a aucune raison pour qu’un Iran nucléaire le fasse aujourd’hui.
LE REPOS
ASSURÉ
En 1991, l’Inde
et le Pakistan, rivaux historiques, ont signé un traité par lequel ils s’engageaient
à ne pas prendre pour cible leurs installations nucléaires respectives. Ils ont
compris que l’instabilité engendrée par les défis lancés à la dissuasion
nucléaire de leur adversaire était bien plus inquiétante que cette dernière.
Depuis lors, même face à de fortes tensions et à des provocations risquées, les
deux pays ont maintenu la paix. Israël et l’Iran feraient bien de tenir compte
de ce précédent. Si l’Iran se dote de l’arme nucléaire, Israël et l’Iran se
dissuaderont mutuellement, comme l’ont toujours fait les puissances nucléaires.
Il n’y a jamais eu de guerre totale entre deux États dotés de l’arme nucléaire.
Une fois que l’Iran aura franchi le seuil nucléaire, la dissuasion s’appliquera,
même si l’arsenal iranien est relativement petit. Aucun autre pays de la région
ne sera incité à acquérir sa propre capacité nucléaire, et la crise actuelle se
dissipera enfin, conduisant à un Moyen-Orient plus stable qu’il ne l’est
aujourd’hui.
C’est
pourquoi les USA et leurs alliés ne doivent pas se donner tant de mal pour
empêcher les Iraniens de développer une arme nucléaire. La diplomatie entre l’Iran
et les grandes puissances doit se poursuivre, car des lignes de communication
ouvertes permettront aux pays occidentaux de mieux s’accommoder d’un Iran
nucléaire. Mais les sanctions actuelles contre l’Iran peuvent être abandonnées
: elles nuisent principalement aux Iraniens ordinaires et ne servent pas à
grand-chose.
Plus
important encore, les décideurs politiques et les citoyens du monde arabe, de l’Europe,
d’Israël et des USA devraient être rassurés par le fait que l’histoire a montré
que l’émergence de capacités nucléaires s’accompagne d’une stabilité accrue. En
matière d’armes nucléaires, aujourd’hui comme hier, le plus peut être le mieux.
Pour un autre son de cloche, lire sur le même thème
Pouvons-nous
dire du bien de Benjamin Netanyahou ? Le Premier ministre savait comment et
quand mettre fin à la guerre contre l’Iran.
Pouvons-nous
également dire quelque chose de positif à propos de Donald Trump ? Sans l’intervention
précise et puissante du président usaméricain, ce conflit se serait transformé
en une guerre d’usure démoralisante et sans fin qui aurait dévasté Israël
encore plus qu’elle n’aurait dévasté l’Iran, qui a beaucoup plus d’expérience
en matière de guerre prolongée.
Netanyahou
sur les lieux d’une frappe de missile iranien à Rehovot la semaine dernière.
Photo Itai Ron
Il est très
douteux que les prédécesseurs de Trump, Barack Obama et Joe Biden, tous deux
hésitants, auraient osé ordonner à Netanyahou de mettre fin à la guerre comme l’a
fait leur successeur.
Comme il s’agissait
d’une guerre d’une dangerosité sans précédent, il est impératif d’exprimer
notre gratitude à ceux qui y ont mis fin. Il est facile de dire que la crainte
de Netanyahou envers Trump l’a conduit à mettre fin à la guerre, mais on peut
supposer qu’il avait également la possibilité de la poursuivre, ne serait-ce
que pour une brève période, et de s’attirer des ennuis.
Netanyahou a
fait preuve de leadership et de détermination, quelques instants après que son
grotesque ministre de la Défense eut gazouillé : « J’ai donné instruction à l’armée
israélienne de répondre avec force à la violation du cessez-le-feu par l’Iran.
» Sur les questions les plus importantes, Israël a le plus petit gouvernement
de son histoire : un gouvernement composé d’un seul homme.
Israël est
divisé en deux camps. L’un est convaincu que tout ce que fait Netanyahou est un
acte de Dieu ; l’autre, que tout ce qu’il fait est un acte de Satan. Netanyahu
n’est ni l’un ni l’autre.
Le principal
responsable du massacre du 7 octobre, et en particulier de la guerre sanglante
que mène Israël contre Gaza depuis lors, fait parfois des choses qui peuvent et
doivent être saluées. La conclusion rapide de la guerre avec l’Iran en est un
exemple. Netanyahou mérite d’être salué, car s’il ne l’avait pas terminée
rapidement, nous nous serions retrouvés dans une situation terriblement
compliquée.
Il aurait
été facile de céder à la tentation de continuer à envahir le ciel iranien et à
semer davantage de destruction sous les acclamations des médias israéliens, qui
sont fascinés par chaque sortie et s’inclinent devant chaque communiqué de
presse du porte-parole militaire. Netanyahou a mis fin à la fête alors même que
la droite sanguinaire en voulait davantage. Ce fut la sortie de sa vie, même si
elle fut motivée par la pression de Trump. Il est regrettable que Trump et
Netanyahou refusent depuis des mois de faire la même sortie à Gaza.
La nécessité
de cette guerre, dont les résultats sont tout à fait incertains, est très
douteuse. La plupart, sinon la totalité, des résultats auraient pu être obtenus
par la voie diplomatique. Seul le temps dira s’il s’agissait d’une guerre
trompeuse, qui n’a pas réussi à éliminer l’option nucléaire de l’Iran et l’a
peut-être même fait progresser, ou d’une guerre qui a mis fin au rêve nucléaire
de Téhéran pour de nombreuses années au moins. Il faut également des preuves
supplémentaires pour déterminer l’étendue des dommages causés aux mandataires
de l’Iran à Gaza et au Liban. Peut-être un Moyen-Orient meilleur, peut-être
pas.
On peut s’incliner
devant le Mossad et s’émerveiller des capacités démontrées par l’armée de l’air,
mais sans pouvoir citer de résultats significatifs et durables, ça n’a aucune
valeur, si ce n’est pour faire saliver les fans du genre et pour la performance
embarrassante de Yossi Cohen [chef
du Mossad de 2016 à 2021, NdT] sur Channel 12 news, qui cherche à s’attribuer
le mérite de cette opération.
Nos James
Bond tant vantés ont-ils rendu Israël plus sûr ? Seul le temps le dira. Au
moins, cette guerre n’était pas génocidaire : en Israël, l’amputation massive s’appelle
« Opération Bipeurs » et les gens regardent avec des yeux d’enfants chaque
tuerie pyrotechnique et cinématographique sans s’interroger sur sa véritable
valeur.
Netanyahou a
lancé et gagné cette guerre, et tous ceux qui pensent qu’elle était bonne pour
Israël doivent l’admirer pour cela, même s’ils le considèrent comme « le Juif le plus méprisable de l’histoire», comme c’est
souvent le cas dans le camp « tout sauf Bibi ». D’un autre côté, ses partisans
stupides devraient comprendre à présent qu’il est responsable d’horribles
crimes de guerre à Gaza, crimes qui n’ont fait que s’intensifier sous le
couvert de la guerre avec l’Iran.
Rendez à
César ce qui est à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu, dit le Nouveau
Testament. ça s’applique aussi
bien à un César cruel comme Netanyahu qu’à un dieu matamore comme Trump.
“Si rien
d’autre ne marche, yaka bombarder le comité Nobel norvégien et piquer le prix !” Sajith Kumar, Inde
Est-il
légitime de discuter de l’assassinat du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali
Khamenei ? Est-il légitime de tuer un chef d’État, sauf dans de très rares cas ?
Si oui, quels chefs d’État sont des cibles légitimes et lesquels ne le sont
pas, et qui en décide ? Qui peut affirmer que Khamenei peut être assassiné,
mais pas Benjamin Netanyahou ? Que Vladimir Poutine peut être tué, mais pas
Donald Trump ? Lequel de ces deux hommes représente le plus grand danger pour
le monde ? Tout dépend du point de vue de chacun.
Rick McKee
Quels scientifiques peuvent être tués ? Les scientifiques nucléaires iraniens, oui, les scientifiques nucléaires israéliens, non ? Sur quelle base ? Les deux groupes sont des scientifiques au service de l’industrie la plus monstrueuse qui soit, celle du meurtre. Cela conduit naturellement à la question de savoir si un pays a le droit de posséder des armes nucléaires alors qu’un autre ne l’a pas. Après tout,
le niveau de dangerosité d’un pays peut changer. L’Iran n’a pas toujours été un
pays dangereux, et Israël ne sera pas toujours un pays sans danger. Il y a déjà
beaucoup de politiciens fous en Israël qui représentent un risque pour toute la
région. Serait-il légitime de leur confier le code secret ? Serait-il légitime
de les assassiner ?
Ces
questions sont extrêmement sensibles ; Israël évite d’en discuter et élude les
réponses, invoquant l’argument sacré : « Comment pouvez-vous même comparer ? »
Israël ne peut être comparé à aucune autre entité dans le monde. Yigal Amir,
qui a assassiné l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, estimait que
Rabin représentait une menace existentielle pour l’État d’Israël. Peu d’Israéliens
pensent que cela donnait à Amir le droit d’assassiner le Premier ministre.
Aujourd’hui,
Israël considère que Khamenei représente une menace existentielle et qu’il est
donc permis de l’assassiner : « assassiner » est le mot correct ici, le plus
précis. Si l’on met de côté l’hypothèse qu’Israël s’est inventée, selon
laquelle il est permis de faire ce qui est interdit au reste du monde, il est
très difficile de répondre à ces questions. L’argument selon lequel Israël est
un cas particulier, parce que tout nous est permis, parce que nous sommes les
survivants de l’Holocauste et du massacre du 7 octobre, ne tient pas la route.
Le monde commence également à s’en lasser. La réponse à ces questions doit être
universelle.
Israël
invoque une comparaison entre Khamenei et Hitler pour justifier l’assassinat
imminent. Il est clair qu’Hitler devait être éliminé, mais Khamenei n’est pas
Hitler. Israël affirme qu’il s’abstient de nuire aux civils. Khamenei est un
civil, pas le chef d’état-major ou un général. Nous pouvons également mettre de
côté momentanément la question de la légitimité et nous demander s’il est sage
de le tuer.
La guerre en
Iran est sur le point de se compliquer. Yaniv Kubovich a rapporté que les
responsables militaires israéliens affirment soudainement qu’Israël ne peut
être soumis à un délai. C’est ainsi que l’on commence à s’enfoncer dans le
marécage. Assassiner Khamenei ne ferait qu’empirer les choses.
Pendant ce
temps, le ministre de la Défense joue à Dieu. À ce titre, Isrel Katz a annoncé
que Khamenei ne pouvait pas être autorisé à « continuer d’exister ». Quels sont
les critères de Katz pour être autorisé à « exister » ? Décide-t-il qui doit
vivre et qui doit mourir ? Une cour céleste dirigée par un membre ridicule du
cabinet israélien ? Le ministre iranien de la Défense est-il autorisé à menacer
son homologue israélien de mort ?
Les
commentateurs des studios d’information israéliens parlent de la « chasse aux
scientifiques » en Iran, faisant peut-être allusion à la chasse aux
scientifiques allemands menée par le Mossad en Égypte dans les années 1960. La
terminologie a son importance, et elle est aussi ignoble que les propos du
ministre de la Défense. On ne « chasse » pas les scientifiques, car ce ne sont
pas des animaux (dont la chasse est également horrible), même s’ils sont
iraniens.
Les appels à
l’assassinat de chefs d’État ne sont légitimes de la part d’aucune partie.
Notre Netanyahou est désormais responsable du meurtre de dizaines de milliers
de personnes à Gaza. Est-il permis d’appeler à son assassinat afin de sauver ce
qui reste de la nation là-bas ? De nombreux Israéliens pensent également qu’il
est un tyran, qu’il détruit le pays et ruine la démocratie israélienne, qu’il
est le Juif le plus méprisable de l’histoire et lui adressent une foule d’autres
insultes – mais personne, espérons-le, n’imagine même discuter de son
assassinat.
Le débat sur l’élimination de Khamenei ouvre la
voie à la légitimité : désormais, il est permis d’assassiner des chefs d’État.
La seule question qui reste à débattre est de savoir qui est une cible légitime
et qui ne l’est pas. Les Israéliens ne le sont pas.
Le guide suprême iranien Ali
Khamenei assiste à une cérémonie marquant le trente-sixième anniversaire de la
mort de Ruhollah Khomeini au mausolée Khomeini à Téhéran, le 4 juin. Photo Bureau
de presse du guide iranien
Voici un rapport sur ce qui
va très probablement se passer en Iran, dès ce week-end, selon des initiés
israéliens et des responsables usaméricains qui ont été des sources fiables
depuis des décennies. Cela impliquera de lourds bombardements usaméricains. J’ai
vérifié ce rapport auprès d’un fonctionnaire usaméricain de longue date à
Washington, qui m’a dit que tout serait « sous contrôle » si le guide suprême
iranien Ali Khamenei « disparaissait ». On ne sait pas exactement comment cela
pourrait se produire, à moins qu’il ne soit assassiné. On a beaucoup parlé de
la puissance de feu usaméricaine et des cibles en Iran, mais, pour autant que
je sache, peu de réflexions pratiques ont été menées sur la manière de se
débarrasser d’un chef religieux vénéré qui compte d’énormes partisans.
Je couvre à distance la
politique nucléaire et étrangère d’Israël depuis des décennies. Mon livre
publié en 1991, The Samson Option,
raconte l’histoire de la fabrication de la bombe nucléaire israélienne et la
volonté des USA de garder ce projet secret. La question la plus importante qui
reste sans réponse concernant la situation actuelle est la réaction du monde, y
compris celle de Vladimir Poutine, le président russe qui est un allié des
dirigeants iraniens.
Les USA restent le plus
important allié d’Israël, même si beaucoup de personnes ici aux USA et dans le
monde entier abhorrent la guerre meurtrière que mène Israël à Gaza. L’administration
Trump soutient pleinement le plan actuel d’Israël visant à éliminer toute trace
de programme d’armement nucléaire en Iran, tout en espérant que le gouvernement
dirigé par les ayatollahs à Téhéran sera renversé.
On m’a dit que la Maison
Blanche avait donné son feu vert à une campagne de bombardements intensifs sur
l’Iran, mais les cibles ultimes, les centrifugeuses enfouies à au moins
quatre-vingts mètres sous terre à Fordow, ne seront pas frappées avant le
week-end, à l’heure où j’écris ces lignes. Ce report est dû à l’insistance de
Trump, car le président souhaite que le choc du bombardement soit atténué
autant que possible à l’ouverture de la Bourse de Wall Street lundi. (Trump a
contesté ce matin sur les réseaux sociaux un article du Wall Street Journal
affirmant qu’il avait décidé d’attaquer l’Iran, écrivant qu’il n’avait pas
encore pris de décision quant à la marche à suivre).
Fordow abrite la majorité des
centrifugeuses les plus avancées d’Iran qui, selon les derniers rapports de l’Agence
internationale de l’énergie atomique, dont l’Iran est signataire, ont produit
900 livres [=408 kg.] d’uranium enrichi à 60 %, soit un peu moins que le niveau
requis pour la fabrication d’armes nucléaires.
Les dernières frappes
aériennes israéliennes sur l’Iran n’ont pas cherché à détruire les
centrifugeuses de Fordow, qui sont stockées à au moins 80 mètres sous terre. Il
a été convenu, mercredi, que des bombardiers usaméricains équipés de bombes
capables de pénétrer à cette profondeur commenceront à attaquer les
installations de Fordow ce week-end.
Ce délai permettra aux forces
militaires usaméricaines présentes au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale
(il y a plus d’une vingtaine de bases aériennes et navales usaméricaines dans
la région) de se préparer à d’éventuelles représailles iraniennes. On suppose
que l’Iran dispose encore de certaines capacités en matière de missiles et d’aviation
qui figureront sur les listes de bombardement usaméricaines. « C’est l’occasion
de se débarrasser une fois pour toutes de ce régime », m’a déclaré aujourd’hui
un responsable bien informé, « alors autant voir les choses en grand ». Il a
toutefois précisé qu’il ne s’agirait pas d’un bombardement intensif.
Les bombardements prévus ce
week-end auront également de nouvelles cibles : les bases des Gardiens de la
révolution, qui ont contré ceux qui faisaient campagne contre les dirigeants
révolutionnaires depuis le renversement violent du shah d’Iran au début de
1979.
Les dirigeants israéliens,
sous la houlette du Premier ministre Benjamin Netanyaohu, espèrent que les
bombardements fourniront « les moyens de créer un soulèvement » contre le
régime iranien actuel, qui a montré peu de tolérance envers ceux qui défient
les dirigeants religieux et leurs édits. Les commissariats de police iraniens
seront frappés. Les bureaux gouvernementaux qui abritent les dossiers des
dissidents présumés en Iran seront également attaqués.
Les Israéliens espèrent
apparemment aussi, si j’ai bien compris, que Khamenei fuira le pays et ne
tiendra pas bon jusqu’au bout. On m’a dit que son avion personnel avait quitté
l’aéroport de Téhéran tôt mercredi matin à destination d’Oman, accompagné de
deux avions de chasse, mais on ne sait pas s’il était à bord.
Seuls deux tiers des 90
millions d’Iraniens sont persans. Les plus grands groupes minoritaires
comprennent les Azéris, dont beaucoup ont depuis longtemps des liens secrets
avec la CIA, les Kurdes, les Arabes et les Baloutches. Les Juifs constituent
également une petite minorité dans ce pays. (L’Azerbaïdjan abrite une grande
base secrète de la CIA pour ses opérations en Iran).
Le retour du fils du shah,
qui vit actuellement en exil près de Washington, n’a jamais été envisagé par
les stratèges usaméricains et israéliens, m’a-t-on dit. Mais il a été question,
au sein du groupe de planification de la Maison Blanche dont fait partie le
vice-président J.D. Vance, d’installer un leader religieux modéré à la tête du
pays si Khamenei était destitué. Les Israéliens se sont vivement opposés à
cette idée. « Ils se fichent complètement de la question religieuse, mais
exigent une marionnette politique à contrôler », a déclaré ce fonctionnaire usaméricain
de longue date. « Nous sommes en désaccord avec les Izzies [Israéliens
en argot washingtonien] sur ce point. Il en résulterait une hostilité
permanente et des conflits futurs à perpétuité, Bibi essayant désespérément d’attirer
les USA comme allié contre tout ce qui est musulman, en utilisant le sort des
citoyens comme appât propagandiste. »
On m’a dit que les services
de renseignement usaméricains et israéliens espèrent que des éléments de la
communauté azérie se joindront à une révolte populaire contre le régime au
pouvoir, si celle-ci venait à se développer pendant les bombardements
israéliens. On pense également que certains membres des Gardiens de la
révolution se joindraient à ce qui pourrait être, selon mes informations, « un
soulèvement démocratique contre les ayatollahs », une aspiration de longue date
du gouvernement usaméricain. Le renversement soudain et réussi de Bachar
al-Assad en Syrie a été cité comme un modèle potentiel, bien que la chute d’Assad
soit survenue après une longue guerre civile.
Il est possible que les
bombardements massifs israéliens et usaméricains plongent l’Iran dans un état d’échec
permanent, comme cela s’est produit après l’intervention occidentale en Libye
en 2011. Cette révolte a abouti au meurtre brutal de Mouammar Kadhafi, qui
maintenait sous contrôle les tribus disparates du pays. L’avenir de la Syrie,
de l’Irak et du Liban, tous victimes d’attaques extérieures répétées, est loin
d’être réglé.
Donald Trump souhaite clairement remporter une
victoire internationale qu’il pourra exploiter. Pour y parvenir, lui et
Netanyahou mènent les USA vers des horizons inédits.