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25/04/2022

LUCIANA CASTELLINA
Partisans de la paix de l'Atlantique à l'Oural

Luciana Castellina, il manifesto, 25/4/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

25 avril. Nous autres « pacifistes naïfs et irréalistes », suggérons à nos gouvernants « réalistes » d'arrêter de se croire à cheval, dans une bataille du Risorgimento pour la patrie, de comprendre que la guerre, aujourd'hui, c’est autre chose, plus moche. Et plus inutile.


Si je me souviens bien, les drapeaux arc-en-ciel de la paix, inventés par un mouvement beaucoup plus jeune que la Résistance, ont toujours été mêlés dans les manifestations aux drapeaux rouges des partis auxquels les membres de l'ANPI (Association nationale des partisans italiens) se sont toujours référés. Et, portés par les maires de nombreuses villes, aux fanions bleus avec les médailles reçues de leurs municipalités pour leur participation à cette lutte.

 

Cette année, l'imbrication aura une signification particulière car nous vivons une autre expérience dramatique qui a renforcé le lien entre les associations pacifistes et des partisans. Dans la conviction commune que la guerre est toujours le résultat sanglant d'une paix ratée, un bain de sang qui produit et sollicite d'autres horreurs.

 

Parce que la guerre est toujours laide, elle finit par inciter même les justes à faire les gestes les plus injustes : notre camp, le juste en fait, n'a pas fini de lâcher la bombe atomique sur Hiroshima ou de tuer des milliers et des milliers d'habitants de Dresde avec des bombardements qui n'ont pas beaucoup ému nos cœurs. Parce que nous étions en guerre.

 

Ce n'est pas un hasard si, lorsque la première bataille de masse pour la paix a été menée en Europe dans les années 1950 - en faveur de l'appel lancé aux quatre principaux détenteurs de la bombe atomique pour qu'ils s'engagent à ne pas l'utiliser - ce mouvement a pris le nom de « Partisans de la paix ». Et Picasso a dessiné son symbole, une belle colombe, pour témoigner de l'horreur de la guerre ressentie par ceux qui l'avaient combattue et ceux qui l'avaient apprise par des récits.

 

Cette « répudiation de la guerre », comme le dit notre Constitution avec un adjectif très fort, était-elle en contradiction avec le sacro-saint droit des peuples à se défendre contre l'agresseur ? Ou, pire, une manifestation de lâcheté, une trahison morale de ceux qui, comme les partisans en 1943, ont pris les armes ? Ou n'est-ce pas plutôt une admonition à lutter contre toute agression sans recourir aux armes, d'autant plus qu'elles ne seraient manifestement pas en mesure de mettre fin à l'affrontement de quelque manière que ce soit et risqueraient même de déclencher un terrible conflit mondial ? Les incroyables accusations de trahison portées contre l'ANPI, qui dit aujourd'hui Non à l'envoi d'armes en Ukraine, seraient une offense aux partisans qui ont au contraire utilisé celles qui leur ont été fournies en 43 ?

 

Comme s'il n'était pas évident que cette guerre mondiale durait déjà depuis quatre ans, que ceux qui les ont aidés étaient sur le terrain derrière la même tranchée et que l'ennemi commun était maintenant presque vaincu. La Résistance a empêché les garçons italiens d'être enrôlés de force dans la milice fasciste et les a fait devenir des combattants pour accélérer la fin de la guerre, désormais visible. La différence n'est pas négligeable ; alors que les armes ont contribué à accélérer la fin de la guerre, elles sont aujourd'hui l'instrument qui pourrait finir inévitablement par la faire éclater partout.

 

La « séduction silencieuse » - comme l'a récemment définie un éditorial du quotidien catholique Avvenire - qui consiste à nous faire croire à tous qu'avec des armes entre les mains de la jeunesse ukrainienne, il serait possible de vaincre la Russie et que, si cela s'avérait impossible, l'implication de l'Occident tout entier par le biais de l'OTAN serait tout à fait justifiée, sert à nous habituer à l'idée que la violence est une arme indispensable. Pour nous faire fuir toute conscience réaliste que, ne serait-ce qu'à cause d'un geste imprévisible de quelqu'un sur le terrain, l'énergie nucléaire serait tirée d'une des armes tactiques, plongeant ainsi le monde dans une guerre jamais vue auparavant. Ignorer ce scénario est une mystification mortelle perpétrée contre l'Ukraine et l'humanité.

 

Pourquoi Zelenski ne nous dit-il pas - lui et à ses nombreux et puissants alliés - comment ils comptent mettre fin au massacre de son peuple ?

« La priorité, a déclaré le chancelier allemand Scholz, est d'empêcher l'OTAN d'entrer dans une confrontation militaire avec la Russie ». Enfin, quelqu'un qui raisonne (son interview au Spiegel a été quasiment ignorée). Même son vice-chancelier « vert » l'attaque pour cela.

 

Alors, que faut-il faire ? Nous autres « pacifistes naïfs et irréalistes », suggérons à nos gouvernants « réalistes » d'arrêter de se croire à cheval, dans une bataille du Risorgimento pour la patrie, de comprendre que la guerre, aujourd'hui, c’est autre chose, plus moche. Et plus inutile. Il est nécessaire, aussi difficile que cela puisse être, de rechercher le dialogue, à tout prix, et donc de ne pas se déclarer heureux parce que l'OTAN est désormais plus compacte : parce qu'il ne faut pas des pactes entre amis, mais des pactes avec des ennemis, comme le disait le slogan du mouvement pacifiste des années 80.

 

Et nous devons – si nous devons être réalistes - proposer une conception du monde qui mette fin à la prétention arrogante de l'Occident de pouvoir faire tout ce qu'il interdit aux autres de faire (et c'est beaucoup de choses). Si le monde était plus juste, il serait plus facile de gagner une guerre contre l'horrible agression de la Russie contre l'Ukraine et de trouver le soutien du peuple russe dans sa campagne contre Poutine. Il est moins nécessaire, pour se débarrasser de lui, de menacer de demander au tribunal de La Haye de le pendre, même si nous en serions tous heureux [sic, NdT].

 

Dans sa dernière encyclique, Tous frères, le pape François nous a rappelé l'époque où, en pleine guerre appelée croisades, il y a 800 ans, le saint dont il a pris le nom a pris son bâton et traversé les Balkans pour rencontrer le sultan. L'ennemi. Aujourd'hui, les voyages sont plus faciles, et on pourrait faire plus.

 

En attendant, tous, ANPI, pacifistes, hommes et femmes de bonne volonté, chacun avec son propre drapeau, à la marche de Pérouse et aux célébrations du 25 avril. (Reste tranquille, Provenzano [n°2 du Parti démocrate, NdT], je regrette beaucoup car je te respecte, que tu te sois joint au chœur accusant l'ANPI et nous tous d'être « équidistants » de la Russie et de l'Ukraine. La seule chose dont nous ne soyons pas équidistants, mais résolument contre, c’est l'OTAN).

 

Et « l'Europe se porterait mieux s'il n'y avait plus de bases militaires de l'Atlantique à l'Oural ». Comme on aurait pu le faire lorsqu'une bonne partie de la gauche européenne, les sociaux-démocrates mais aussi Berlinguer en Italie, ont demandé que ce slogan soit transformé en politique concrète. Mais certains ne l’ont pas permis.

 

 

24/04/2022

GIORGIO BERETTA
La Résistance italienne ne peut être assimilée à la « résistance ukrainienne »

Giorgio Beretta, Unimondo, 24/4/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 


À   l'approche du 25 avril, date à laquelle l'Italie célèbre la « Journée de la libération », certains commentateurs ont tenté d'établir un parallèle historiquement insoutenable et politiquement inacceptable entre la résistance italienne et la « résistance ukrainienne ». Une équation délibérément idéologique et instrumentale, mise en place dans le but de discréditer l'Association nationale des partisans italiens (ANPI) et en particulier son président, Gianfranco Pagliarulo, pour avoir exprimé, depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, son opposition à l'envoi d'armes aux forces armées ukrainiennes. « Nous pensons - a déclaré Pagliarulo lors de la conférence de presse présentant les initiatives du 25 avril (ici la vidéo) - qu'il est juste d'appeler la lutte ukrainienne une lutte de résistance, comme il est écrit dans la Charte des Nations unies. Mais il est faux d'identifier la résistance ukrainienne à la résistance italienne. Chaque fois qu'un État en attaque un autre, sa résistance doit être soutenue, mais la résistance italienne est apparue dans un contexte totalement différent ». Je suis tout à fait d'accord avec le président de l'ANPI et je m'explique.

L'affiche de l'ANPI pour le 25 avril

La Résistance italienne était contre le nazi-fascisme : celle de l'Ukraine ?

La Résistance italienne se caractérise dès le départ à la fois comme un mouvement de libération de l'occupation nazie et comme une lutte contre le fascisme pour libérer les territoires du gouvernement fasciste autoproclamé de la République sociale italienne. Bien qu'elle ait pris forme au lendemain de l'armistice du 8 septembre 1943, la lutte partisane n'est pas née du néant, mais trouve sa source dans l'opposition au fascisme qui, depuis son accession au pouvoir en 1922, et en particulier après l'assassinat de Giacomo Matteotti en juin 1924, a mis en œuvre la dictature par une répression féroce des opposants politiques, dont beaucoup ont été emprisonnés, contraints à l'exil ou à la clandestinité. La Résistance italienne était donc clairement antifasciste et antinazie, sans aucune ambiguïté ni concession idéologique ou symbolique au nazi-fascisme.

On ne peut pas en dire autant de la « résistance ukrainienne ». Tout d'abord, des partis ayant une matrice nazie claire sont présents au parlement ukrainien depuis des années, comme Svoboda, la formation la plus ancienne, fondée en 1991 alors qu'elle s'appelait le Parti social-nationaliste d'Ukraine, qui a assumé en 2014 des rôles de premier plan au sein du gouvernement et contrôlant les forces armées, la police, la justice et la sécurité nationale. Mais aussi le parti radical d'Oleh Liashko qui était au parlement jusqu'en 2019. Est également présent sur la scène politique Pravyi Sektor (Secteur droit), un groupe dirigé par Dmytro Jaroš, responsable de nombreux actes de violence, dont le massacre du 2 mai 2014 à Odessa , au cours duquel 48 personnes qui s'étaient réfugiées dans la Maison des syndicats ont été tuées. Il y a aussi le tristement célèbre bataillon Azov, groupe paramilitaire d'extrême droite accusé par l'OSCE de meurtre en masse de prisonniers, de dissimulation de cadavres dans des fosses communes et de recours systématique à la torture, qui a été intégré en 2014 à la Garde nationale ukrainienne et transformé en unité militaire régulière et permanente : son commandant, Denis Prokopenko, s'est récemment vu décerner le titre de « héros national de l'Ukraine » par le président Zelensky. C'est précisément le bataillon Azov qui aurait été approvisionné en armes envoyées d'Italie, comme en témoignent certaines photos publiées sur twitter. Comme l'écrit Matteo Zola, « au-delà de l'exploitation criminelle qu'en fait le Kremlin, les mouvements d'extrême droite ont caractérisé la dynamique politique en Ukraine au cours des vingt dernières années » et continuent d'influencer la scène politique et militaire.

La Résistance italienne était spontanée, démocratique et pluraliste : celle de l'Ukraine ?