Gideon Levy, Haaretz, 12/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Dans la nuit du 7 octobre, au milieu des atrocités de la journée, Israël a pris une décision : nous en avons fini avec la conscience. Désormais, il n’y a que nous et que la force.
Un garçon palestinien regarde une mare de sang dans une école de l’ONU hébergeant des personnes déplacées qui a été touchée lors d’un bombardement israélien à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 6 juin 2024.Photo : AFP
Une société peut-elle exister sans conscience ? Un État peut-il continuer à fonctionner après la suppression de celle-ci ? La conscience est-elle un organe vital, comme le cœur ou le cerveau, ou, comme la rate ou la vésicule biliaire, peut-on s’en passer ?
Peut-être est-ce comme la thyroïde : on peut vivre sans, à condition de prendre un substitut de l’hormone ? Ces questions, chaque Israélien·ne devrait se les poser aujourd’hui, après que le pays a subi une “consciencectomie” totale le 7 octobre 2023. Depuis, Israël est sans conscience. Pour l’instant, il semble être toujours en vie.
Le processus qu’Israël a connu au cours des derniers mois ne peut être décrit que comme une séparation d’avec sa conscience. Il était malade depuis des années, il est maintenant mort. Il y a une myriade d’explications et de justifications, mais la question demeure, dans toute sa force : comment une société peut-elle perdurer dans le temps sans conscience ?
Dans la nuit du 7 octobre, après toutes les atrocités de la journée, Israël s’est dit : « Nous en avons fini avec la conscience. Désormais, il n'y a que nous, il n'y a personne d'autre. Désormais, il n'y a que la force, rien d'autre. Pour nous, il n'y a pas d'enfants morts par milliers, ni de mères mortes ; pas de destruction totale ou de famine, pas d'expulsion de personnes démunies ou d’imposition d'une terreur totale ».
Rien d’autre
n’intéresse plus Israël que son sacrifice, le châtiment qu’il a subi, sa
souffrance et son courage. Les derniers jours en ont apporté la preuve
définitive. Dès lors, il n’y a plus lieu de s’interroger sur son sens moral. Il
n’existe plus.