Yair Weigler, éducateur et patron d’une organisation appelée « Teachers for Change » [Enseignants pour le changement], vient de rentrer d’un long séjour parmi les réservistes de l’armée israélienne.
« Nous étions des colons, des habitants de Tel-Aviv, des personnes évacuées du bloc Katif [de la bande de Gaza] en 2005 ; nous étions des frères d’armes, des personnes travaillant dans l’éducation et dans la haute technologie... une compagnie de tanks », a-t-il déclaré poétiquement, comme s’il était un jeune homme revenant d’un voyage à l’étranger après l’armée et chantant les louanges des endroits qu’il a visités. Oh, Shujaiyya, oh, quelle unité. Quelle armée, quel peuple !
L’ancien Premier ministre Naftali Bennett s’est empressé de partager les paroles de l’éducateur : « Une génération de lions a vu le jour en Israël. Je n’ai aucun doute sur le fait que ces hommes, les combattants et les réservistes, retourneront à la vie civile en étant plus idéalistes, plus compatissants, et que ce sont eux qui reconstruiront ce pays pour les 50 prochaines années. Il y a de l’espoir ! »
Même si l’on ignore le pathos gnangnan du petit politicien à la calotte tricotée, on ne peut qu’être consterné par le chaos qui se déroule sous nos yeux ébahis et impuissants. Le jour est la nuit et la nuit est le jour. Le nettoyage ethnique et le meurtre de masse sont des idéaux, et les crimes de guerre créent des civils qui sont meilleurs et qui ont plus de valeurs. C’est le sens de l’espoir dans le schéma de Bennett.
On le lit avec incrédulité. C’est ce qu’un enseignant israélien a à dire sur son très problématique service de réserve, et c’est ainsi que réagit un leader de la droite modérée, une personne qui incarne l’espoir d’une alternative. En 2024, en Israël, non seulement il n’y a aucune trace de bilan concernant ce que son armée a fait à Gaza et au Liban - nous nous y sommes habitués - mais on élève maintenant les crimes et la brutalité au rang d’idéaux. Les cours d’éducation civique expliqueront désormais comment le massacre de dizaines de milliers de femmes et d’enfants est devenu une valeur. C’est ainsi que l’on détruit une bande de terre et que l’on fait des Israéliens de meilleurs citoyens. Le génocide comme atelier pédagogique.
Ceux qui s’attendaient à un sentiment de culpabilité, à une comptabilité ou à des points d’interrogation éthiques obtiennent exactement le contraire. Quiconque s’attendait à une génération traumatisée par ce qu’elle a fait, avec des cauchemars incessants et à des pleurs dans le sommeil à cause des atrocités, reçoit en retour une fierté nationale. L’idéal sioniste, c’est maintenant la guerre qui fait rage à Gaza. Un crime terrible qui reste à définir devant les tribunaux internationaux, une guerre qui horrifie le monde entier, à juste titre, un crime qui est maintenant transformé en valeur. Une génération de lions est née ici.
Une génération de lions qui ne regarde pas un instant son œuvre en face. Elle est trop lâche. On peut comprendre la répression et le déni - sans eux, une guerre comme celle-ci ne pourrait être menée, une guerre inutile et débridée. Mais Israël a poussé la chose à un niveau encore plus inconcevable. Jamais une telle fierté n’a été exprimée ici pour des crimes de guerre aussi horribles. Des officiers se promènent parmi les ruines de Gaza devant les caméras de télévision, tels des paons gonflés. Il n’y a pas un seul correspondant pour sauver la dignité de sa profession en demandant quelle est la signification de toute cette destruction. Quel était son but, sa légalité, sa moralité ? De quel droit avons-nous pu perpétrer de telles destructions ? Des convois de personnes les plus misérables vont et viennent sur le sable, en béquilles, en fauteuils roulants, dans des chariots conduits par des ânes affamés, des personnes prêtes à réciter au correspondant de la télévision Ohad Hamo tout ce qu’il leur demande en échange d’une goutte d’eau - et c’est ce qu’on appelle un coup journalistique pour soutenir l’orgueil professionnel d’Hamo.
Il est douteux que la télévision russe ose diffuser un spectacle aussi honteux depuis l’Ukraine. Là-bas, la honte l’empêcherait peut-être. Ici, il n’y a aucun sentiment de honte. Ni Hamo, ni Canal 12, ni les médias, ni Weigler, ni Bennett.
Ce n’est pas seulement qu’Israël a perdu tout sens de la honte. Il est fier de ses exploits. Ce n’est pas que les Israéliens considèrent la guerre comme un mal nécessaire, nous condamnant ostensiblement à vivre avec elle. Aujourd’hui, c’est un modèle de valeurs - la guerre comme poème pédagogique. Les Israéliens ont fait du transfert de troupes dans le nord de la bande de Gaza et du massacre dans le sud un patrimoine national, avec les albums photos et les musées qui suivront bientôt. Il sera beaucoup plus difficile de s’en remettre.
Bennett promet que cette génération de lions, dépourvue de conscience ou de boussole, est celle qui construira le pays pour les 50 prochaines années à venir. Imaginez un peu. Ça promet.
Le puzzle d’horreur
avec lequel les forces de défense israéliennes d’abord, et en cascade à
leur suite divers sites ouèbe et par conséquent les médias en ligne, ont examiné
les dents et les oreilles d’un cadavre excellent (qui n’est pas différent des
milliers qu’Israël a semés le long des 42 kilomètres de la bande de Gaza en une
année de massacres) et découvert qu’il pouvait s’agir du chef militaire du Hamas
Yahya Sinwar, offre à Netanyahou une dose supplémentaire de lymphe vitale. Elle
corrobore son goût macabre pour la tuerie, investi qu’il est du rôle de grand
vengeur, et peu importe si pour frapper un ennemi juré, on entasse des cadavres
plus ou moins mutilés, plus ou moins identifiables.
Dans
le journal Maariv,
le Dr Itai Gal (docteur en quoi ?) explique la procédure pour identifier l’homme
tué à Gaza comme Sinwar. Chapeau de l’article : « Le corps du meurtrier
de masse et leader du Hamas Yahya Sinwar a été retrouvé dans les ruines d'un
immeuble à Gaza, et il suffisait de regarder la structure de ses dents pour
savoir qu'il s'agissait d'un terroriste cruel. Mais pour en être sûr, il était
nécessaire de réaliser un test ADN de son corps ». No comment [NdT]
Peu importe
au gouvernement actuel, mais aussi à une bonne partie des concitoyens qui
cautionnent une guerre d’extermination comme celle en cours. Peu importe au
grand vieillard d’outre-Atlantique qui termine son mandat et n’a rien fait pour
arrêter les mises à mort aveugles, non pas celle du monstre Sinwar, mais celles
de civils sans défense Cela n’a aucune importance pour la ligne de politique étrangère
des USA au Moyen-Orient, qui restera inchangée après les élections de novembre,
avec Harris ou Trump dans le bureau ovale. Car Washington a décidé de remodeler
la région selon la volonté israélienne, avec Tel Aviv comme pilier de l’alliance
interarabe qui passe par Ryad, Le Caire, Abou Dhabi jusqu’aux frontières
jordaniennes et après avoir détruit un Liban déjà en ruine.
Tout cela en
préparation de l’assaut contre l’Iran, qui est depuis des semaines dans le
collimateur d’une punition « éducative », même si elle est de taille moyenne,
comme l’a souhaité la Maison Blanche. Mais à côté de la macro-géopolitique
régionale, absolument mouvante, avec des inconnues et des évolutions à
vérifier, prévaut le goût avec lequel Israël prend plaisir à semer la mort. Une
mort généralisée, même lorsqu’il prétend punir ses ennemis par des assassinats
ciblés, sachant qu’il y aura des « dommages collatéraux » de deux et cinq ans -
tout à fait négligeables, alors que lorsque ces années appartiennent à ses
enfants, l’horreur et la réprobation sont totales. Il n’en va pas de même pour
les misérables Palestiniens, qui méritent tous les châtiments.
En tuant Sinwar, Israël pourrait s’estimer
heureux et « victorieux », surtout après avoir éliminé Haniyeh et des dizaines
de personnalités du Mouvement de la résistance islamique Ce ne sera pas
le cas, puisque son choix stratégique est d’anéantir non pas un État
palestinien inexistant, mais son peuple, en le rendant esclave de sa volonté
politique, des plans d’anéantissement méthodique de la guerre, de la
persécution de la communauté et de l’individu. L’abaisser à une communauté
démantelée et humiliée, réduite à vivre au milieu de décombres amoncelées, de
fuites aliénantes, de peurs constantes, de déprédations périodiques... C’est la
volonté de la « seule démocratie du Moyen-Orient » -louée soit-elle - qu’une
partie du monde devrait accepter et ne peut pas accepter Tout comme ce qui
reste du Hamas et les Palestiniens avec lesquels ce groupe est lié par
choix mutuel ne l’acceptent pas.
Ayyash,
Shehadeh, Yassine, Rantissi, Abu Selmeya, Jamila Al-Shanti, Al-Arouri, la
mémoire de ceux que les habitants de Gaza, et pas seulement les miliciens vêtus
de vert, appellent des martyrs est vivante, comme en témoignent, décennie après
décennie, tous les chroniqueurs qui sont passés par ces lieux. Après Haniyeh et
Sinwar, il s’en trouvera d’autres pour stimuler le désir de punition de la part
du Dieu Israël. Assassins et victimes se condamnent réciproquement.
Le terme « écosystème de la résistance » a longtemps été brandi pour désigner les Libanais qui soutiennent la résistance à l’ennemi israélien.
Je n’ai jamais aimé ce terme. Il implique que la résistance à l’ennemi est d’abord un choix d’une communauté confessionnelle particulière de Libanais*, et deuxièmement, indépendamment des lois libanaises qui déclarent explicitement qu’Israël est un ennemi, c’est une position libre garantie par la démocratie et la liberté d’expression !
Indépendamment de mon interprétation, quelle est la définition d’un écosystème ? Comme tous les termes au Liban, chacun a un codage idéologique/sectaire. Ceux qui utilisent ce terme à l’intérieur du pays, ainsi bien chez l’ennemi, veulent se référer exclusivement à la communauté chiite, alors que les partisans de la résistance libanaise, qu’ils soient islamistes, de gauche ou nationalistes, ne se limitaient jamais à telle ou telle communauté. Les Libanais se souviennent encore que certains des principaux agents de l’occupation israélienne du sud avant la libération de l`an 2000 étaient musulmans chiites et chrétiens maronites. La trahison n’a pas de religion, comme l’ont prouvé les soi-disant « l’armée du Liban-Sud » d’Antoine Lahad, alliée à Israël à l’époque, et les arrestations répétées d’agents [d’Israël] par la suite. Cependant, depuis le début de l’agression israélienne, Israël utilise une définition plus large de l’“environnement nourricier” [du “terrorisme”, autrement dit la résistance]. Ainsi, il a considéré que toute personne hébergeant des Libanais déplacés des zones bombardées par l’ennemi, que ce soit dans la Bekaa, le sud du pays ou la banlieue sud de Beyrouth, en particulier dans les zones mixtes multiconfessionnelles, était accusée de collaborer avec l’écosystème de la résistance, et donc avec la résistance elle-même. Leur punition, malgré leur statut de civil, est tout simplement le bombardement par des missiles lourds de dizaines de tonnes d`explosifs, comme le phosphore, interdits à l’échelle internationale, dont les sources se promènent entre notre mer et notre ciel violés, matin et soir, avec des armes données à Israël par le partenaire usaméricain. Ce même partenaire qui a empêché, et empêche toujours, l’armée libanaise de posséder des armes, même défensives, qui lui permettraient de résister à la domination aérienne israélienne, et de protéger ainsi les civils et le territoire libanais. D’ailleurs c’est ce qui a justifié historiquement la résistance populaire libanaise sous toutes ses formes. Cependant, à l’exception de quelques cacophonies ici et là, amplifiées par les médias anti-résistance, et malgré le bombardement de diverses zones résidentielles accueillant des personnes déplacées, faisant des centaines des morts et blessés, Israël a échoué. Il n’a pas réussi à déclencher le conflit confessionnel sur lequel il misait. Depuis le début des déplacements forcés, les Libanais ont accueilli chaleureusement leurs frères déplacés, quelle que soit la confession à laquelle ils appartenaient, en particulier dans les zones connues pour leur tendance à la « pureté sectaire ». C’était rafraîchissant à entendre et à voir. Les différents dialectes régionaux ont commencé à se mélanger sur toute la carte du pays, à l’image de ce à quoi une nation devrait ressembler. Je l’ai remarqué un jour à Tripoli et un autre jour dans mon village, où l’on pouvait entendre un mélange de dialectes régionaux que l’on n’avait jamais l’habitude d`entendre. À Achrafieh, un quartier christianisé depuis la guerre civile, où je suis allée aider dans une cuisine ouverte par un ami pour nourrir les personnes déplacées, un peu perdue, j’ai arrêté un passant et lui ai demandé l’adresse que j’avais sur moi. L’homme a souri et m’a répondu, à ma grande surprise, avec un « pur » accent du sud, qui m’est tombé dans les oreilles comme une note juste dans une symphonie de cacophonie sectaire, à laquelle, malheureusement, nous étions trop « habitués » pour nous attendre à entendre cet accent dans cet endroit. Achrafieh, Tariq El Jdideh, le Chouf, Zghorta, Akkar, Jbeil [Byblos], Batroun, Deir al-Ahmar... Tous ces lieux sont en train de devenir un environnement incubateur, selon la définition israélienne. Une définition insidieuse et dangereuse, que la récente déclaration de la ministre allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock, qui a justifié les bombardements de civils, a rendu encore plus dangereuse si elle est adoptée comme précédent dans les guerres futures. Et je me suis interrogée : que penserait cette ministre “intelligente” [ouais, enfin…,NdlT], dont le gouvernement a utilisé hier une frégate de la FINUL pour intercepter un drone libanais lancé par la résistance vers l’ennemi avec lequel elle est engagée dans une bataille féroce ? Et si nous utilisions la définition israélienne élargie d’un écosystème, mais dans le sens inverse, et avec une petite réflexion sur la performance collective de l’Occident depuis un an jusqu’à aujourd’hui, que ce soit au Liban ou en Palestine ? Quelles seront les conséquences ? Intuitivement, les États-Unis d’Amérique, avec leur composante sioniste, et la majorité des pays européens complices de la guerre d’Israël, deviendront aussi, dans ce sens, un environnement nourricier ! Avec une différence morale majeure, ils sont une couveuse pour les criminels de guerre, qu’ils soutiennent par la parole, les actes, les armes et la diplomatie. Aujourd’hui, Israël ressemble plus que jamais à une base militaire avancée pour l’Occident collectif. Le poids d’une entité qui n’a aucune morale, aucun respect pour le droit international ou les considérations humanitaires. Son « écosystème » l’encourage à poursuivre sa brutalité en s’abstenant, en plus de le soutenir en armes et en expertise, de le punir, même au prix de la vie de ses citoyens, comme c’est le cas pour la FINUL. D’autre part, l’adhésion aux lois internationales pendant les guerres, qui étaient destinées à préserver notre humanité, est presque une faiblesse dans la performance de la résistance contre un ennemi psychologiquement perturbé et brutal. Dans un monde qui observe depuis plus d’un an le génocide à Gaza, en Cisjordanie et en Palestine en général, en plus de ce qu’il a commencé à faire au Liban, surtout depuis les assassinats que le monde « libre » a traités comme s’il s’agissait d’un comportement légitime, suivi du massacre des bipeurs, le bombardement de civils sous le prétexte qu’ils sont l’environnement incubateur de la résistance, pour ensuite les déplacer et les prendre pour cible. Tout cela fait que l’idée de viser l’environnement de soutien de l’ennemi, qui est au moins les colons armés et au plus les soutiens internationaux, est un objectif que les personnes endeuillées peuvent considérer comme plus que légitime, et c’est très dangereux. Depuis le début de l’agression contre le Liban, des amis européens et usaméricains, notamment de pays qui soutiennent farouchement Israël, nous appellent pour prendre de nos nouvelles. Ils nous disent qu’ils sont de tout cœur avec nous et nous demandent s’ils peuvent nous aider d’une manière ou d’une autre. Il est vrai que nous avons besoin de toute l’aide possible, et nous en sommes reconnaissants, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est qu’ils influencent positivement les politiques de leurs gouvernements afin d’empêcher leurs dirigeants fascistes de faire d’eux et de leur pays une simple couveuse pour le monstre. Si cette définition d’incubateur échappe à tout contrôle, elle pourrait conduire à des représailles aveugles dans une réaction qui exprime le désespoir face à une justice internationale défaillante. Une justice qui, aujourd’hui plus que jamais, semble brisée et impuissante. Le simple fait d’y penser m’effraie. Mon Dieu, que l’avenir de cette planète est sombre !
NdlT
*Le Liban
compte 18 communautés confessionnelles : quatre musulmanes, douze chrétiennes,
une druze et une juive. Depuis 1943, le système politique en vigueur est
confessionnaliste, ce qui a eu des conséquences tragiques (notamment la guerre
civile de 1975-1990)
La police antiterroriste
britannique a effectué ce jeudi 17 octobre une descente au domicile d’Asa Winstanley,
rédacteur en chef adjoint de The Electronic Intifada, et a saisi
plusieurs appareils électroniques lui appartenant.
Une dizaine d’agents sont
arrivés au domicile de Winstanley, dans le nord de Londres, avant 6 heures du
matin, et ont remis au journaliste des mandats et autres documents les
autorisant à fouiller sa maison et son véhicule à la recherche d’appareils et
de documents.
Une lettre adressée à
Winstanley par le « Counter Terrorism Command » du Metropolitan Police Service
indique que les autorités sont « conscientes de votre profession » de
journaliste mais que « nonobstant, la police enquête sur de possibles
infractions » en vertu des sections 1 et 2 du Terrorism Act (2006). Ces
dispositions définissent le délit présumé d’« encouragement au terrorisme ».
Un agent dirigeant la descente de police de jeudi a informé Winstanley
que l’enquête était liée aux publications du journaliste sur les médias
sociaux. Les tentatives de contact avec le Metropolitan Police Service pour
obtenir des commentaires sur cet article ont été infructueuses.
Bien que ses appareils aient
été saisis, Winstanley n’a pas été arrêté et n’a été inculpé d’aucune
infraction.
Winstanley est actif sur
plusieurs plateformes de médias sociaux et compte plus de 100 000 adeptes sur Twitter/X, où il
partage fréquemment des articles, des opinions d’autres personnes et ses
propres commentaires sur les crimes d’Israël contre le peuple palestinien, le
soutien du gouvernement britannique à ces crimes et la résistance palestinienne
à l’occupation, à l’apartheid et au génocide israéliens.
Les dispositions vaguement
formulées relatives à « l’encouragement du terrorisme » violeraient clairement
le premier amendement de la Constitution des USA garantissant la liberté d’expression,
mais le Royaume-Uni ne dispose pas de protections constitutionnelles similaires
pour la liberté d’expression.
Selon Andrew
Cornford, professeur de droit à l’université d’Édimbourg, cette législation
draconienne « restreint toute une série de libertés », notamment « la liberté
de discuter ouvertement de sujets controversés et de partager des opinions
morales, politiques et religieuses ».
Human Rights Watch a appelé
le gouvernement britannique à abroger les dispositions répressives de la loi
sur le terrorisme (2006), notant que « la définition de l’infraction d’encouragement
au terrorisme est trop large, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes quant à
une atteinte injustifiée à la liberté d’expression ».
En août, le Crown Prosecution
Service [procureur] britannique a lancé un avertissement
au public britannique, l’invitant à « réfléchir avant de poster » et le
menaçant de poursuivre toute personne qu’il jugerait coupable de ce qu’il
appelle la « violence en ligne ».
« Le journalisme n’est
pas un crime »
La descente de police au
domicile de Winstanley et la saisie de ses appareils semblent être la dernière
utilisation par les autorités britanniques de la législation répressive sur la
« lutte contre le terrorisme » pour réprimer les journalistes et les militants
qui dénoncent les crimes d’Israël, notamment le génocide en cours dans la bande
de Gaza, ou qui protestent contre ces crimes.
En décembre, Winstanley a
rapporté pour The Electronic Intifada comment la police antiterroriste
britannique avait arrêté Mick Napier et Tony Greenstein,
deux militants de premier plan, pour avoir dit qu’ils soutenaient le droit des
Palestiniens à résister à Israël - un droitinscrit dans le droit
international.
Dans le cadre de sa mise en
liberté sous caution, Greenstein, auteur
et collaborateur
de The Electronic Intifada, a reçu l’ordre de « ne pas publier sur X
(anciennement Twitter) de messages relatifs au conflit en cours à Gaza ».
À la mi-août, le journaliste
britannique Richard Medhurst a été arrêté à son arrivée à l’aéroport londonien
de Heathrow, détenu en vertu de la loi sur le terrorisme (2000), et s’est vu
confisquer son téléphone et les appareils d’enregistrement qu’il utilisait dans
le cadre de ses activités journalistiques.
« L’arrestation et la
détention de Richard Medhurst pendant près de 24 heures en vertu de la
législation sur le terrorisme sont profondément préoccupantes et auront
probablement un effet dissuasif sur les journalistes au Royaume-Uni et dans le
monde entier, qui craignent d’être arrêtés par les autorités britanniques
simplement pour avoir fait leur travail », ont déclaré à l’époque Michelle
Stanistreet, secrétaire générale de la National Union of Journalists du
Royaume-Uni, et Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération
internationale des journalistes, dans un communiqué
commun.
« La NUJ et la FIJ sont
toutes deux choquées par l’utilisation accrue de la législation sur le
terrorisme par la police britannique de cette manière », ont ajouté Stanistreet
et Bellanger. « Le journalisme n’est pas un crime. Les pouvoirs contenus dans
la législation antiterroriste doivent être déployés de manière proportionnée -
et non pas utilisés contre les journalistes d’une manière qui étouffe
inévitablement la liberté de la presse ».
Néanmoins, plus tard en août,
la police antiterroriste britannique a perquisitionné le domicile de Sarah
Wilkinson, une militante de la solidarité avec la Palestine qui compte de
nombreux adeptes, également en
rapport avec le contenu qu’elle a publié en ligne.
Solidarité totale avec Asa
Winstanley
La lettre remise à Asa
Winstanley par la police mentionne la descente à son domicile comme faisant
partie de l’opération « Incessantness » [= « incessance », sic,
NdT], ce qui est peut-être révélateur d’une vaste campagne de répression
contre ceux qui critiquent les crimes d’Israël soutenus par les Britanniques.
L’article d’investigation le
plus récent de Winstanley, « Comment
Israël a tué des centaines de ses propres citoyens le 7 octobre »,
rassemble un an de reportages de The Electronic Intifada, ainsi que de
nouvelles informations, détaillant l’utilisation par Israël de la directive
Hannibal - un ordre secret qui permet aux forces israéliennes de tuer leurs
propres citoyens plutôt que de permettre qu’ils soient faits prisonniers.
Keir Starmer, le PM travailliste
Winstanley est l’auteur de Weaponising
Anti-Semitism :How the Israel Lobby Brought Down Jeremy Corbyn, un
livre qui constitue le point culminant de ses années de reportage sur le Parti
travailliste britannique lorsqu’il était dans l’opposition.
Depuis 2019, le Parti
travailliste a lancé une enquête
et a proféré des menacesjuridiques
en représailles apparentes au journalisme de Winstanley.
Maintenant que le parti
travailliste est au pouvoir au Royaume-Uni, il a la possibilité d’utiliser l’appareil
de l’État contre ceux qu’il considère comme ses propres ennemis politiques - ou
ceux d’Israël.
La descente au domicile de
Winstanley a clairement pour but de l’intimider et de le réduire au silence,
ainsi que d’autres journalistes et militants.
En ce qui concerne The
Electronic Intifada, elle n’aura que l’effet inverse. Notre collègue Asa
Winstanley peut compter sur notre soutien total et notre solidarité, et en tant
que publication, nous continuerons à poursuivre avec vigueur toute histoire
documentant la complicité britannique dans les crimes d’Israël.
Qu'est-ce
que cela peut nous faire, même si nous assistons à un « génocide en temps réel
», que des hordes de soldats, qui en plus se prennent en selfies devant les
villes et les villages qu'ils rasent, tuent des Palestiniens. Peu importent
leurs coups de canons, leurs bombardements, leurs snipers. Tout ça semble aller
pour le mieux, car ce sont les bâtiments, les rues, les hôpitaux, les écoles,
les habitants de Gaza qui tombent sous le feu sacro-saint du « peuple élu », de
la « fureur de Yahvé », ou peut-être, également en temps réel, de deux héros de
mauvais augure qui font couler le sang par tous leurs pores : Joe Biden et
Benjamin Netanyahou.
Que nous
importe qu'une jeune fille décharnée, transpercée par toutes les angoisses,
crie sur le caméraman qui filme tout ce malheur d'un peuple, si cela
n'intéresse personne. Et, à la longue, qui se soucie, par exemple, qu'un
Palestinien arbitrairement emprisonné par des soldats israéliens soit
déshabillé, dégradé, forcé de se tourner face contre terre et qu'on lui verse
un liquide sur les fesses. Ensuite, ils lâchent un énorme chien qui, excité par
l'odeur d'une substance qui l'excite démesurément, viole la victime sans
défense.
Ceux d'entre
nous qui ont vu le documentaire Gaza, réalisé par Al Jazeera,
pourraient rester sans voix, même si, dis-je, ces barbaries ne semblent
importer à personne, malgré toute l'infamie qui y est montrée, malgré cette
sauvagerie qui a toutes les teintes, les contours et les essences d'un
génocide. On pourrait dire, pourquoi pas, que les souffrances anciennes du
peuple palestinien, qui remontent au moins à 1948, n'intéressent aujourd'hui,
selon l'insensibilité de cette atrocité qu'on appelle « l'Occident », ni les cours
et tribunaux internationaux, ni personne d'autre.
Qui
s'émouvra, par exemple, lorsque des petits cons d'Israéliens enregistrent une
série de singeries sur Tik Tok pour se moquer des enfants palestiniens qui, au
milieu de grimaces moqueuses, s'enduiraient de sauce ou d'encre rouge, autrement
dit simuleraient des blessures pour poser devant les caméras. Ou ce que font
les soldats israéliens, avec des gestes satisfaits, en rasant des cuisines, des
salons, des vitrines, des maisons civiles, puis en posant avec toute la « grâce
» du « mannequinat » devant leurs photographes portraitistes propagandistes.
Ce terrible documentaire
questionne, parmi tant d’infamies de l'armée israélienne, l'utilisation des
réseaux sociaux sur lesquels les militaires partagent des photos et des vidéos
de leurs actions sans cœur à Gaza. Bien qu’on le sache déjà, Gaza montre
comment les USA, l'Allemagne, le Royaume-Uni et d'autres pays occidentaux
soutiennent la boucherie israélienne. Mais, comme on le sait, aucun organisme
de défense des « droits humains » ni aucun tribunal international ne les
condamnera.
Le
documentaire est déchirant, provocateur, voire larmoyant, et, pourquoi pas, on
peut même lancer des filsdeputes bruyants contre les meurtriers en
uniforme, mais, pour en revenir à notre mépris traditionnel pour ce qui arrive
aux autres, on s'en moque. C'est du moins ce que semble comprendre Susan
Abulhawa, écrivaine et journaliste palestinienne : « Les Palestiniens savent
qu'ils ont été abandonnés, que le monde qui parle de droits de l'homme et de
droit international ment, que ces concepts sont destinés aux Blancs ou aux
Occidentaux, que l'obligation de rendre des comptes n'est pas destinée à
obliger les oppresseurs à rendre des comptes, qu'ils ont en fait été jetés
comme des ordures ».
Et oui, cet
« Occident » civilisé, celui qui, au cours des deux seules guerres mondiales, a
causé un nombre de morts sans précédent dans l'histoire, celui qui a depuis
longtemps démoli l'édifice de la raison pour ériger des monuments à la
barbarie, regarde avec complaisance la destruction de Gaza, la brutalité à
l'encontre des Palestiniens. Ah, et pas seulement : il les promeut. C'est comme
si le mot d'ordre était d'anéantir ce peuple. De les exterminer. Le
documentaire d'Al Jazeera, qui rend également hommage aux journalistes
morts, témoigne de la manière terrifiante dont un peuple, une culture, est en
train d’être dévasté.
Il permet
aussi de déceler certaines sophistications dans le génocide. L'intelligence
artificielle au service de la destruction. Grâce à un système appelé « Where's
Daddy », des personnes sont suivies à la trace, un niveau de menace leur est
attribué et leur domicile est ciblé avec une grande précision. Des familles
entières ont ainsi été annihilées.
Quoi qu'il
en soit, ce sont des images douloureuses dans ce documentaire, qui constitue un
puissant réquisitoire. À quoi cela servira-t-il ? Au moins à dire au monde qu’on
ne s’en sortira pas, après tout, avec l'excuse qu’on ne savait rien de ce qui
se passait dans ces régions (pour certains très éloignées). Oh oui, des
Palestiniens ont été et sont encore tués. Point barre. Ce n'est pas de notre truc.
C'est leur affaire.
Autre chose : la plupart des victimes, sur les
plus de 41 000 tués par Israël, étaient des femmes et des enfants. Le droit
international a été déchiqueté par Israël et ses parrains. Comment faire pour
que nous nous en soucions ?
Muhammad Sahimi (Téhéran, 1954),
professeur de génie chimique et de science des matériaux et titulaire de la
chaire NIOC de génie pétrolier à l’université de Californie du Sud (Los
Angeles), est cofondateur et rédacteur en chef du site ouèbe Iran News &
Middle East Reports.
Depuis l’invasion de l’Irak
en mars 2003, les conservateurs, le lobby israélien aux USA et les groupes qui
leur sont alliés ont cherché une version iranienne d’Ahmed Chalabi, le célèbre
personnage irakien allié aux néoconservateurs lors de la préparation de l’invasion
de l’Irak en 2003, qui a fabriqué pendant des années des mensonges sur les
armes de destruction massive inexistantes de Saddam Hussein.
Depuis au moins une décennie,
le principal candidat est Reza Pahlavi, le fils du dernier roi d’Iran, Mohammad
Reza Pahlavi, dont le régime a été renversé par la révolution de 1979. Pahlavi junior
tente depuis plus de 40 ans de rétablir la monarchie en Iran, mais comme je l’ai
expliqué ailleurs, ses efforts ont été consacrés à l’obtention du soutien
de gouvernements étrangers pour le mettre au pouvoir.
Atelier Populaire des Beaux-Arts, Paris, juin 1968
Dans les années 1980, la CIA
a financé Reza Pahlavi. Il entretient également des relations
de longue dateavec le lobby israélien aux USA. Il
a rencontré Sheldon
Adelson, l’homme qui a suggéré que les USA attaquent l’Iran avec des bombes
nucléaires, et a pris la parole à l’Institut
Hudson, à l’Institut
de Washington pour la politique du Proche-Orient, au Sommet israélo-américain
et dans d’autres organismes pro-israéliens. Pahlavi a
également appelé Israël - ce même pays qui mène des guerres brutales à Gaza
et au Liban depuis un an -à aider la « cause de la démocratie » en Iran.
Les nouveaux efforts pour
soutenir Pahlavi ont
commencé immédiatement après l’élection de Donald Trump en novembre 2016,
avant même qu’il ne prenne officiellement ses fonctions, mais les
manifestations à grande échelle qui ont eu lieu en Iran en septembre-décembre
2022 à la suite de la mort de Mahsa Amini, la jeune femme décédée alors qu’elle
était détenue par les forces de sécurité, ont fourni une nouvelle occasion de
présenter le Chalabi iranien comme le « prochain dirigeant » de l’Iran. Parmi
les proches conseillers de Pahlavi figurent Amir Taheri, Amir Etemadi et Saeed
Ghasseminejad, tous partisans d’Israël.
Taheri, 82 ans, « journaliste
», est président de Gatestone,
Europe, institution islamophobe de droite, qui a menti sur l’Iran à de
multiples reprises, dans le but de provoquer une réaction brutale contre ce
pays. Par exemple, en mai 2006, le National Post, journal canadien de
droite, a publié un article de Taheri dans lequel il affirmait que le Majlis
[parlement iranien] avait adopté une loi qui « envisage des codes
vestimentaires distincts pour les minorités religieuses, les chrétiens, les
juifs et les zoroastriens, qui devront adopter des couleurs distinctes pour
être identifiables en public ». Ces propos ont été rapidement réfutés
par de nombreuses personnes, comme Maurice
Motamed, qui était à l’époque le membre juif du Majlis. Le National Post a retiré
l’article et s’est excusé de l’avoir publié, mais Taheri ne l’a pas fait.
Taheri a également accusé l’ancien
ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, de faire partie
des étudiants qui ont pris d’assaut l’ambassade des USA à Téhéran en novembre
1979, alors qu’à l’époque, Zarif était étudiant à l’université d’État de San
Francisco. Juste après la signature de l’accord nucléaire avec l’Iran,
officiellement connu sous le nom de Plan global d’action conjoint (JCPOA), en
juillet 2015, Taheri a affirmé : « Akbar Zargarzadeh, 14 ans, a été pendu
à un arbre dans un camp de garçons islamiques après que le mollah du camp l’a
accusé d’être gay et de mériter la mort ». Cette affirmation s’est également
révélée être
un canular.
Si Taheri est trop âgé pour
être un Ahmed Chalabi iranien, Ghasseminejad et Etemadi sont relativement
jeunes et ambitionnent d’être le prochain Chalabi. Etemadi, 43 ans, a cofondé
le petit groupe monarchiste Farashgard
[qui signifie renaissance en persan ancien] en 2018. Ghasseminejad et lui
appartenaient tous deux au soi-disant « Groupe des étudiants libéraux iraniens
», un petit groupe d’ultra-droite composé d’étudiants activistes en Iran, dont
la plupart ont déménagé au Canada et aux USA. Avant l’élection de Trump en 2016, Etemadi a reposté
un gazouillis de Mitt Romney dans lequel il qualifiait Trump de « bidon et de fraude »,
mais dès que Trump a été élu, Etemadi et ses acolytes
monarchistes sont tombés amoureux de sa politique iranienne et ont soutenu
la « politique de pression maximale » de l’administration Trump contre l’Iran,
que l’administration Biden a, plus ou moins, poursuivie. Une source bien
informée à Washington a dit à l’auteur qu’Etemadi est payé par la Foundation
for the Defense of Democracies (FDD),
bien que je n’aie pas pu confirmer cette affirmation de manière indépendante.
La FDD est un lobby israélien, un ardent opposant au JCPOA et un défenseur des
sanctions économiques et même de la guerre contre l’Iran
Ghasseminejad est aujourd’hui
chercheur principalà la FDD. Il s’est fait le champion du « nettoyage des rues
des bêtes islamistes » et s’inquiète d’une « apocalypse
chiite » imminente alimentée par l’Iran. Mais ce qui est plus important que
ce titre, c’est le travail de Ghasseminejad au nom de la « fausse
opposition » iranienne, un assortiment flou d’activistes réactionnaires qui
soutiennent les sanctions économiques et la pression militaire contre l’Iran,
mais dont la politique contraste fortement avec les groupes de la « vraie
opposition » en Iran et leurs partisans dans la diaspora, qui se compose d’une
large coalition de syndicats de travailleurs et d’enseignants, de groupes de
défense des droits humains, de droits des femmes et d’activistes sociaux, de
réformistes radicaux, de nationalistes, de gauchistes laïques et de nationalistes
religieux.
Ghasseminejad était étudiant
en génie civil à l’université de Téhéran, qui - à l’exception de la période du
gouvernement éphémère du Premier ministre Mohammad Mosaddegh en 1951-1953 - a
toujours été un foyer d’activités antigouvernementales. En 2002, Ghasseminejad
et Etemadi ont publié un bulletin d’information étudiant intitulé Farda
[« demain »] dans lequel ils prônaient le « libéralisme », c’est-à-dire des
aventures militaires du type de celles envisagées par les néoconservateurs
partisans d’une « intervention libérale » afin de répandre la « démocratie »
par la force. Ghasseminejad a soutenu l’invasion usaméricaine de l’Irak en 2003
et, dans un
article intitulé « Pourquoi les USA attaqueront l’Iran », il a
implicitement préconisé des attaques militaires contre son pays natal.
En juin 2003, après des
manifestations sporadiques contre le gouvernement à Téhéran, Ghasseminejad a
été brièvement détenu. Lors d’une conférence de presse tenue après sa
libération, il
s’est excusé auprès du leader suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei,
a promis d’être « un bon citoyen » et a mis fin à ses activités politiques.
Deux ans plus tard, au printemps 2005, Ghasseminejad et un petit groupe d’autres
étudiants ont commencé à publier une autre lettre d’information appelée Talangar
[en gros, « appel au réveil »], qui se concentrait sur la critique des
étudiants de gauche et des lettres d’information qu’ils publiaient.
Bien qu’il ait exprimé son «
amour » pour la démocratie et les droits humains, qu’il se soit présenté comme
un « libéral classique
» et qu’il ait travaillé pour une fondation qui « défend » les démocraties,
Ghasseminejad s’est à plusieurs reprises rallié à l’autoritarisme. Dans un
article intitulé « Qu’apprenons-nous de Lénine », publié dans Talangar, il a exprimé
son admiration pour Vladimir Lénine et son concept de « centralisme
démocratique ». Il
a qualifié Augusto Pinochet, le dictateur chilien, de « cher [dirigeant]
disparu qui a sauvé le Chili... et qui était bien meilleur que Salvador Allende
», le président socialiste chilien qui, comme Mohammad Mosaddegh en 1953, a été
renversé par un coup d’État soutenu par la CIA en 1973.
Ghasseminejad s’est également
prononcé en faveur du massacre des Égyptiens lors des manifestations qui ont
suivi le coup d’État d’Abdel Fattah el-Sissi en 2013, en écrivant sur sa page Facebook:
« J’ai pensé que je devais venir sur Facebook et exprimer mon appréciation pour
l’armée égyptienne qui a nettoyé les rues des fondamentalistes islamiques
criminels. » Il a ajouté : « En fait, la bonne question n’est pas de savoir
pourquoi l’armée égyptienne nettoie l’Égypte des bêtes islamistes, mais plutôt
pourquoi l’armée iranienne a permis aux islamistes de prendre le contrôle de
notre pays » pendant la révolution iranienne, alors qu’au moins 3 000 personnes
ont été assassinées par l’armée du Shah pendant la révolution de 1979.
J’ai beaucoup écrit
sur Ghasseminejad. Dans sa jeunesse, il était opposé à la monarchie en
Iran, qualifiant Mohammad Reza Shah de « dictateur insensé »,
mais, comme tous les opportunistes monarchistes, lui, Etemadi, Taheri et
Farashgard soutiennent tous Reza Pahlavi et le retour de la dictature
monarchique en Iran, ainsi qu’Israël.
Taheri est un monarchiste si ardent qu’à un moment donné, il a exprimé le
souhait de lécher
les bottes de Mohammad Reza Shah.
Le point le plus important
concernant ces aspirants Chalabi est qu’eux et leurs partisans ne disposent pas
d’une base sociale de soutien significative en Iran. Reza Pahlavi n’a jamais
osé appeler le peuple iranien à lui manifester son soutien en Iran par le biais
d’une manifestation ouverte, et lorsqu’en décembre 2018 et janvier 2019, le monarchiste
Farashgard a appelé à de telles
manifestations, personne ne s’est présenté. Même dans la diaspora, une grande
majorité d’Iraniens, tout en s’opposant aux religieux en Iran, méprisent les
sanctions économiques, les menaces militaires et le soutien des monarchistes à
la guerre du Premier ministre Benjamin Netanyahou contre l’Iran. En Iran, l’hostilité
entre Netanyahou et les monarchistes iraniens a transformé les Iraniens
généralement favorables à l’Occident en de fervents opposants à Israël.
Les monarchistes savent que l’absence
d’une base sociale significative en Iran implique qu’ils ne reviendront jamais
au pouvoir par le biais d’un mouvement social ou d’une révolution dans le pays.
Leur seul espoir réside donc dans une intervention étrangère en Iran, raison
pour laquelle ils prônent toujours la guerre et les sanctions économiques et soutiennent
Israël. C’est pourquoi, après les grandes manifestations qui ont eu lieu en
Iran en 2022, Etemadi et Ghasseminejad ont convaincu Reza Pahlavi qu’il devait
faire connaître son alliance avec Israël et l’ont incité à s’y rendre.
Accompagné de deux hommes, Pahlavi se
rend en Israël en juin 2023 et rencontre Netanyahou
et le président israélien Isaac
Herzog. Pendant son séjour, Pahlavi a rencontré toutes sortes de groupes
sociaux et religieux, à l’exception des Palestiniens et des musulmans.
Après l’attaque de l’Iran
contre Israël la semaine dernière, les spéculations sur la réponse possible d’Israël
à cette attaque vont bon train. Ici aussi, les Chalabi monarchistes ne sont pas
seulement des alliés d’Israël, mais certains d’entre eux participent activement
à la planification du bombardement de l’Iran par Israël. Interrogé sur la
manière dont Israël décide où bombarder en Iran lors d’une interview avec Erin
Burnett de CNN, le lieutenant-colonel (Re.) Jonathan Conricus, ancien
porte-parole de Tsahal et actuellement chercheur principal à la FDD, a répondu que les sites
potentiels sont étudiés et analysés par les experts de la FDD, dont Ghasseminejad, Behnam Ben Taleblu -
un autre « chercheur principal » iranien - et Andrea Stricker, chercheuse
anti-iranienne à la FDD, experte en
prolifération nucléaire. En d’autres termes, les Chalabi iraniens empruntent la
même voie que celle empruntée par les Irakiens.
Mais, contrairement à l’Irak
où le nationalisme sous le régime de Saddam Hussein était faible, puisque ce
dernier avait toujours prôné le panarabisme, les Iraniens sont farouchement
nationalistes et ne pardonneront jamais aux renégats tels que ces aspirants Chalabi.
Ceux-ci doivent également se rappeler le sort des Chalabi irakiens : une fois
que les USA ont atteint leur objectif d’envahir et d’occuper l’Irak avec l’aide
des mensonges et des exagérations de Chalabi, celui-ci a été jeté sans
cérémonie comme une vieille serpillère : il n’a jamais accédé au pouvoir et est mort
dans l’infamie.
BONUS
TLAXCALA
Trombinoscope
chalabiesque
Carnet
Mondain
Leurs
Altesses Impériales Reza Pahlavi (qui aura 64 ans le 31 octobre) et sa maman,
la Chahbanou Farah (qui aura 86 ans le 14 octobre) se sont vu décerner le Prix
Architecte de Paix de la Fondation Richard Nixon. Reza sera l’hôte d’un dîner
de gala le 22 octobre à la Bibliothèque/Musée présidentielle Richard Nixon,
àYorba Linda, Californie, tandis que la
Chahbanou le recevra plus tard, lors d’une cérémonie privée. Vous pouvez
acheter vos tickets pour le dîner, dont le prix va de 1 000 à 50 000 $,
ou faire une donation, si vous ne pouvez pas assister au dîner, ici. Malheureusement, le menu du dîner n'a pas été communiqué par les organisateurs. On espère qu'il y aura du caviar de la Caspienne et du vin de Shiraz californien.
Le jeune Reza avec Tricky
Dickie Nixon, papa et maman, en 1979, au country club de Cuernavaca. Nixon et Pahlavi senior
furent les meilleurs amis du monde, s’étant connus à Téhéran après le coup d’État
organisé par la CIA en 1953, puis rencontrés une douzaine de fois, jusqu’à l’enterrement
du despote déchu au Caire en 1980, auquel Nixon fut le seul (ex)président à
assister. Lors de la première visite de Nixon, alors vice-président, le 7 décembre 1953, 3 étudiants iraniens en grève qui protestaient contre sa présence furent tués par la police : Ahmad Ghandchi appartenait au Jebhe-e Melli (Front national de Mossadegh), Shariat-Razavi et Bozorg-Nia au Hezb-e Tudeh (parti communiste). Leur mémoire est honorée en Iran chaque 16 de mois d'Azar.
Ce vers
de la tragédie de Racine Esther (1689) est d’une actualité brûlante ; il
conviendrait donc de jeter un coup d’œil à sa source, le Livre d’Esther, qui,
s’il n’a aucune valeur historique, peut nous dire beaucoup de choses sur l’état
d’esprit des Juifs qui se nourrissent, quotidiennement ou hebdomadairement, de
la Bible.
Esther dénonçant
Hamas au roi Asuerus, par Ernest Normand, 1888
On sait (ou
on devrait savoir) que les livres pseudo-historiques de la Bible sont des
reconstructions de pure propagande ; ils témoignent surtout d’un ethnocentrisme
effarant, mais qui continue à formater notre vision du Proche et Moyen-Orient :
alors que, pendant la période de leur rédaction, les tribus juives ne jouent
aucun rôle actif dans cette histoire, et que la plupart des historiens de
l’époque les ignorent, les rédacteurs de la Bible ont persuadé les pays
chrétiens, pendant maintenant près de deux millénaires, que les Juifs étaient
au centre, et que les peuples prestigieux qui les entourent n’existaient qu’en
fonction d’eux, et de leur hostilité ou bienveillance à leur égard.
Aman, le «
méchant » de l’histoire d’Esther, est issu des Amalécites, peuple qui vivait entre Égypte et Jordanie ;
ils sont traités sur Google avec un parti-pris impudent : toutes les références
données adoptent le point de vue de la Bible.
On lit ainsi
dans wikipédia : « Selon la Bible [cet effort d’objectivité, « selon », sera
vite oublié], ils furent toujours acharnés contre les Hébreux, qui à leur tour
[« à leur tour » : ce n’est qu’une réaction aux exactions des Amalécites] les
regardent comme une race maudite ». Aussi Dieu ordonne-t-il à Saül de les exterminer.
Plus tard, «selon le Livre d’Esther, les exilés du premier Temple auront à
pâtir des volontés génocidaires d’Haman ». Et l’article se termine,
tranquillement, par une citation de la Bible (Deutéronome) : « Quand donc
l’éternel ton Dieu t’aura délivré de tous les ennemis qui t’entourent, et qu’il
aura ainsi assuré la sécurité dans le pays [l’expression donne froid dans le
dos] qu’il te donne en héritage pour que tu en prennes possession, tu effaceras
la mémoire d’Amalek de dessous le ciel ».
Quelle est
l’idée qui se dégage de ce texte ? Les Amalécites projetaient d’exterminer les
Juifs ; ceux-ci avaient donc le droit, pour assurer leur sécurité, d’exterminer
les Amalécites et de détruire même tout souvenir d’eux sur cette terre (c’est
ainsi que les Israéliens détruisent même les cimetières palestiniens). On
reconnaît bien ce type de discours et, même, la théorie usaméricaine de la guerre
préventive, exemplairement appliquée en Irak.
Mais il y a
pire que wikipédia : l’article du site catho Aleteia (quelle antiphrase!
ἀλήθεια signifie vérité en
grec) : « Les Amalécites sont surtout connus dans le récit biblique pour leurs
batailles » ; celle qui les oppose à Moïse « se trouve relatée par la Bible au
livre de l’Exode, en un récit épique et haut en
couleur » : l’auteur (on sent le ton enjoué et cafard par lequel il veut
éveiller l’intérêt des enfants) présente l’extermination des Amalécites comme «
haute en couleur » ! « Malheureusement pour les Hébreux, cette fameuse bataille
[…] n’allait pas pour autant rayer de la carte les Amalécites », qui se manifesteront
encore comme des brigands. Aussi Dieu dit à Saül : « Tu frapperas Amalek ; et
vous devrez vouer à l’anathème tout ce qui lui appartient [la traduction
œcuménique de la Bible dit ici : « vous devrez vouer à l’interdit », ce qui est
l’expression rituelle pour dire : exterminer]. Tu ne l’épargneras pas. Tu
mettras à mort : l’homme comme la femme, l’enfant comme le nourrisson, le bœuf
comme le mouton, le chameau comme l’âne ». Malheureusement pour lui, Saül épargne
le roi amalécite, plus quelques agneaux ; pour ce crime, Dieu lui retire son
soutien, il le fera périr avec ses trois fils, et le remplacera par David.
Conclusion d’Aleteia
: « les Amalécites, ce peuple ennemi d’Israël, disparaîtra du désert du Sinaï,
de l’Histoire et du récit biblique au profit de tribus amies d’Israël ». On
notera l’assimilation du « récit biblique » à l’Histoire : si c’est dans la
Bible, c’est vrai. Les premières études critiques de la Bible ont été le fait
de savants bénédictins : cette tradition semble bien perdue dans l’Église d’aujourd’hui
! On notera aussi que seules les « tribus amies d’Israël » ont droit à
l’existence.
Le Livre
d’Esther raconte donc une histoire censée se passer pendant l’exil à Babylone (Ve siècle avant
J-C) : la reine Vashti étant tombée en disgrâce, on organise un concours de
beauté pour que le roi Assuérus puisse se choisir une nouvelle épouse. Il est
séduit par la beauté d’Esther, une orpheline juive élevée par son oncle
Mardochée [Mordecaï], qui va hanter le Palais pour garder un œil sur
elle ; mais il refuse de s’incliner devant le vizir Haman qui, furieux, le
dénonce au Roi, et demande l’extermination des Juifs (!). Mais Assuérus se
souvient que Mardochée lui avait dénoncé un complot contre sa personne et le récompense.
Mardochée décide alors de faire intervenir Esther : elle demande au Roi de
révoquer le décret d’extermination des Juifs… et de le remplacer par un décret
d’extermination des Amalécites, ancêtres d’Haman ! Aux termes de ce décret, «
Le Roi octroie aux Juifs [….]d’exterminer, de tuer et d’anéantir toute bande,
d’un peuple ou d’une province, qui les opprimerait, […] et de piller leurs
biens ».
En
conséquence de quoi, « les Juifs frappèrent alors leurs ennemis à coups d’épée
». Le roi tire le bilan de l’opération, pour la plus grande satisfaction
d’Esther : « A Suse-la-Citadelle, les Juifs ont tué, anéantissant 500 hommes,
plus les dix fils d’Haman. Dans le reste des provinces royales, qu’est-ce
qu’ils ont dû faire ! » Après le massacre, « ils se reposèrent » et décidèrent
d’instituer une fête, « jour de banquet et de joie », la fête des Purim.
Mais, malgré
les notices fidéistes de wikipédia et autres, rien de tout cela n’est vrai ! Le
récit, selon les études critiques, est absurde et puéril : le rédacteur imagine
les rapports du Roi avec ses femmes, la nature de son pouvoir, sa politique, la
position des Juifs auprès du Roi de façon aberrante. Assuérus/Xerxès Ier
n’a jamais eu d’épouse juive, il n’a jamais promulgué de décret
d’extermination, et ses décisions n’étaient pas prises sur simple caprice ; au
contraire, son souci était de maintenir la tranquillité et la cohésion chez
tous les peuples de son Empire. Seules deux ou trois petites lignes laissent
passer un petit élément de réalité, lorsqu’on précise qu’on envoie les ordres
du Roi « à chaque province selon son écriture, à chaque peuple selon sa langue
». En effet, au Ve siècle, coexistaient les systèmes idéographique
(le sumérien, repris par les Akkadiens qui y ajoutèrent des éléments
syllabiques – ce système restera longtemps la langue de l’administration),
syllabique et alphabétique (le phénicien, repris par les Grecs).
Le Livre
d’Esther est donc plein d’une folle arrogance : alors qu’ils font partie de
l’Empire Perse, et que les historiens de l’époque les ignorent, les Juifs
prétendent diriger sa politique, en faisant exterminer les peuples qui leur
déplaisent. En fait, Xerxès avait d’autres chats à fouetter : son règne est
marqué par la première Guerre Médique, où les Perses seront arrêtés à Marathon
; et là, tout à coup, l’Histoire se remet à l’endroit, loin des élucubrations bibliques.
Mais
l’histoire d’Esther est encore sujette à caution pour une autre raison :
James Frazer, étudiant dans Le rameau d’or les rites du bouc émissaire, s’arrête sur la fête des Pourim et
l’histoire d’Esther. Il remarque que les noms qui y apparaissent ne sont pas
hébreux, mais d’origine mésopotamienne : Esther/Ishtar, Mardochée/Mardouk
(grand dieu akkadien et en particulier dieu protecteur de Babylone), Pourim de
l’assyrien « pour », sort, destin. L’histoire d’Esther serait donc un
camouflage, une légende étiologique pour naturaliser une fête empruntée à
Babylone. Elle est néanmoins devenue très populaire, car elle célèbre la
victoire des Juifs sur leurs ennemis.
Racine
reprend fidèlement ce morceau d’« Histoire sainte », avec une seule différence
: Esther s’abstient de réclamer l’extermination des Amalécites. Dans un
contexte chrétien, et de la part d’un personnage décrit comme une petite chose
douce et sensible, cela aurait pu choquer ! Racine se contente d’une allusion
placée dans la bouche d’Assuérus : « Je romps le joug funeste où les
Juifs sont soumis ; je leur livre le sang de tous leurs ennemis », où le « tous
» renvoie discrètement à l’idée d’extermination.
-Tu
ne tueras point
-Mais bon sang, on est au XXIème siècle
Jeff Danziger
Toutefois,
cette discrétion est bien hypocrite, car derrière l’histoire de la douce
Esther, se cache encore une histoire de massacres : Racine a écrit Esther à la
demande de Mme de Maintenon, pour que les pensionnaires de Saint Cyr,
institution créée par elle pour les jeunes filles pauvres de la noblesse,
puissent faire du théâtre avec décence. Les rapports entre Esther et Assuérus
renvoient donc aux rapports entre Louis XIV et la Maintenon, devenue son épouse
morganatique en 1683. Et la requête d’Esther renvoie au lobbying exercé par
celle-là pour obtenir, peu avant la pièce, en 1685, la Révocation de l’Edit de
Nantes, précédée et suivie, dans les années 1680, par les fameuses et sinistres
dragonnades (sans doute aussi « hautes en couleur » que les batailles contre
les Amalécites), contre les protestants. Racine n’a pas osé convertir le Roi
Xerxès au judaïsme, mais les dernières paroles d’Assuérus : « que tout tremble
au nom du dieu qu’Esther adore » sont, elles aussi, une allusion aux opérations
militaires lancées pour obtenir la conversion des protestants.
Dans le même
temps, la Bible servait déjà de feuille de route aux colons anglais dans leur
conquête des terres américaines et l’extermination des Indiens.
L'avocat sud-africain Tembeka Ngcukaitobi évoque devant la Cour internationale de Justice les citations répétes de Netanyahou de l'injonction biblique à "tuer tous les Amalécites"
Mia Mottley, Première Ministre des Barbades, répond à Netanyahou, le tueur d'Amalécites à la 79ème AG des Nations Unies