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10/09/2025

RUBÉN KOTLER
Mes amis et collègues ne sont pas antisémites

Rubén Kotler, 7/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Rubén Kotler est un historien argentin, juif antisioniste, spécialiste de l’histoire récente de Tucumán, cofondateur de l’Association d’Histoire Orale de la République Argentine et coadministrateur du Réseau latino-américain d’Histoire Orale, coscénariste et responsable de la recherche historique du documentaire El Tucumanazo (sur les révoltes ouvrières-étudiantes de Tucumán). https://www.deigualaigual.net/

 

Le récit sioniste affirme que quiconque ose remettre en question Israël surfe sur la vague de l’antisémitisme global, déguisé en l’occurrence en antisionisme. Selon le narratif du puissant lobby sioniste, l’étiquette « antisémite » s’applique même à ceux qui défendent le droit à l’existence d’Israël tout en critiquant les actions militaires contre le peuple palestinien.
Je me meus dans un monde qui va du militantisme pur et dur à l’académisme en tous genres. En général, le militantisme de gauche brandit l’étendard de l’antisionisme. De nombreuses organisations politiques et sociales comptent parmi leurs rangs des militants d’origine juive.


Clarisa Lita Alberstein, dirigeante du MST, Front de gauche et des travailleurs – Unité, lors d'un rassemblement de solidarité à Tucumán, 30/8/2025

Dans le vaste monde universitaire, surtout latino-américain, il se passe quelque chose de similaire. Avec une présence institutionnelle plus ou moins forte, les voix critiques proviennent souvent, comme dans mon cas personnel, de professionnels d’origine juive qui, au sein même de l’université, disent : pas en mon nom.

Quand je vois des camarades, des amis et des collègues brandir les drapeaux de la Palestine dans des manifestations, activités, etc., ils ne s’attaquent pas au judaïsme en tant que tel, et lorsque j’écoute attentivement leurs discours, je ne trouve pas la moindre trace d’antisémitisme dans ces déclarations ou positions.

Voir de l’antisémitisme dans toute expression de soutien au peuple palestinien ou de critique de l’État d’Israël finit par banaliser la véritable haine antijuive qui existe aujourd’hui mais qui reste marginale. Ceux qui soutiennent aujourd’hui le sionisme et l’État juif  autoproclamé sont des secteurs de l’ultradroite mondiale, autrefois haineuse des juifs, comme les « Liberfachos » argentins, les Vox espagnols, les partisans d’Orbán en Hongrie, etc., etc..

Quand le cauchemar prendra fin, peut-être que les jeunes générations de juifs, nées au sein de familles judéo-sionistes, se réveilleront et rompront leurs attaches pour dénoncer haut et fort la défense d’un peuple comme le peuple palestinien, qui subit depuis plus d’un siècle persécution, oppression et bombardements.

Bien sûr, nous sommes rejetés par un autre secteur académique d’origine juive qui, malgré tout ce que nous voyons chaque jour, soutient et appuie Israël de manière inconditionnelle. Y compris dans certains milieux progressistes.

En dehors de tout cela, la question qui m’assaille immédiatement est : comment l’establishment judéo-sioniste communautaire définit-il l’antisémitisme, et pourquoi, dans tous les cas, refuse-t-il le débat public avec ceux d’entre nous qui avons une vision diamétralement opposée ? Même au sein des communautés islamiques, syro-libanaises, etc. (le monde arabe, musulman, islamique, etc., est aussi vaste que le monde juif ashkénaze ou séfarade), il existe une multitude de positions autour de la question palestinienne qu’il est impossible de cataloguer comme « antisémites », puisque la défense du peuple palestinien est la défense d’un peuple autochtone sémitique.

Pour être francs, ceux qui soutiennent aujourd’hui Israël pratiquent l’islamophobie la plus débridée et associent tout ce qui est musulman, islamique, arabe, etc., au terrorisme. Un drapeau palestinien, pour les caciques du monde occidental et chrétien, est synonyme d’un drapeau « terroriste ».

Je le répète : si le lobby sioniste, qui aime se présenter sous le masque de victime éternelle, veut débattre, qu’il le fasse. Mais qu’il cesse de parler au nom de l’ensemble des juifs et d’amalgamer termes et concepts pour justifier son adhésion au pire génocide du XXIᵉ siècle auquel nous assistons.

Quand le cauchemar prendra fin, peut-être que les jeunes générations de juifs, nées au sein de familles judéo-sionistes, se réveilleront et rompront leurs attaches pour dénoncer haut et fort la défense d’un peuple comme le peuple palestinien, qui subit depuis plus d’un siècle persécution, oppression et bombardements.

09/09/2025

GIDEON LEVY
Les libéraux israéliens horrifiés à l’idée que le prochain chef du Shin Bet puisse les traiter comme des Palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 7/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Alerte dans le camp libéral : le général de division David Zini est sur le point d’être nommé à la tête du service de sécurité intérieure, le Shin Bet. Un portrait exemplaire et digne d’éloges de Zini vient d’être publié dans le supplément week-end de Haaretz par Hilo Glazer [lire en français].


Le général David Zini à Jérusalem en 2023. Photo : Sraya Diamant

Les descriptions qu’on y trouve sont véritablement glaçantes : un fils messianique délirant d’un père messianique, à la tête du service secret. À ses yeux, les Palestiniens sont « les ennemis du Saint béni soit-Il », la guerre contre eux est éternelle, et son éducation va de la doctrine de Baruch Goldstein [l’auteur du massacre des fidèles musulmans à Hébron en 1994] à celle du rabbin ultra-nationaliste et homophobe Zvi Thau. Terrifiant !

La personnalité, les positions et tout le parcours de Zini sont effectivement inquiétants. Quand une religion obscurantiste sert de moteur, et que l’armée et le Shin Bet en sont les instruments, le résultat est alarmant. Le mélange d’une foi religieuse brûlante et d’une arrogance ultranationaliste délirante engendre un fascisme débridé ; des gens comme Zini sont prêts à tout au nom de ces deux forces.

Mais l’effroi provient surtout des craintes quant à ce que Zini fera à la « démocratie » israélienne. En d’autres termes, et de façon moins politiquement correcte : ce qu’il fera à nous, les Juifs de ce pays.

Il est possible que ceux qui s’alarment aient raison et que Zini dépasse effectivement les limites du Shin Bet dans ses opérations contre la population juive. Pour lui, la loyauté envers le Premier ministre prime sur la loyauté envers la loi, et le système judiciaire est une dictature.

Peut-être assisterons-nous au retour des jours sombres du jeune État, quand le Shin Bet posait des micros dans les sièges des partis. Mais n’est-il pas logique que précisément quelqu’un comme Zini prenne la tête d’un organisme aussi corrompu moralement — même si, pour l’instant, les seules victimes de cette pourriture sont les Palestiniens ?

Ce que le Shin Bet inflige aux Palestiniens ne préoccupe pas vraiment les libéraux. Même sans le terrible Zini, le Shin Bet a agi avec cruauté. Avec des dizaines de détenus palestiniens morts rien que ces deux dernières années, certains lors d’interrogatoires brutaux, il est difficile d’imaginer ce que Zini pourrait faire de pire. Extorquer encore plus de malades palestiniens atteints de cancer ou d’homosexuels ? Arracher des ongles plutôt que de battre à mort ?

Le camp libéral voudrait qu’un végane dirige l’abattoir, et voilà qu’on leur impose un boucher sous stéroïdes. Ce n’est vraiment pas « gentil ». Mais la mission même du Shin Bet est de consolider l’occupation, l’apartheid, l’expulsion et la « judaïsation », par les interrogatoires, les enlèvements de masse (qu’on appelle ici des « détentions »), l’extorsion et les assassinats. Qui mieux que Zini pourrait remplir cette mission ?

Il est désagréable pour les libéraux de voir le Shin Bet d’une démocratie dirigé par un fasciste déclaré. Zini ternit leur image de « nos meilleurs garçons ». Cela pourrait éveiller chez eux le soupçon que le Shin Bet est en réalité une organisation antidémocratique. Zini empêchera le camp libéral de se complaire dans l’image de la seule démocratie de la région.

Un colon religieux extrémiste à la tête de la Securitate éclairée ? Nadav Argaman et Ronen Bar étaient tellement plus « beaux ». Ils étaient libéraux, comme nous. Mais ils ont infligé aux Palestiniens exactement ce que Zini fera. Peut-être que c’est Zini, enfin, qui suscitera une protestation publique contre le mode d’action du Shin Bet ?

Nos beaux et bons enfants et frères détruisent actuellement Gaza. Bezalel, le frère animé de valeurs de Zini, contribue de ses propres mains et de ses bulldozers à cette démolition massive. L’épouse de Zini, Naomi, pense que détruire des maisons à Gaza est une mitsva, un devoir religieux, et que la guerre à Gaza est une « renaissance nationale ». Cela paraît horrible, mais aucun véritable choc devant la destruction n’a été documenté en Israël ; il ne faut simplement pas le faire comme une mitsva, comme si cela changeait quoi que ce soit.

Le frère du conducteur de bulldozer à Gaza va être nommé chef du Shin Bet, avec pour objectif de poursuivre le nettoyage ethnique et le génocide en Cisjordanie également. Personne n’est plus qualifié.

Mais la dystopie de Zini est déjà parmi nous depuis longtemps. Quand elle se manifeste sans kippa, sans récitation de phrases religieuses ou sans accomplissement de mitsvot bizarres, elle est accueillie avec indifférence en Israël. Le ministre de la Défense se vante de la démolition d’un immeuble de grande hauteur à Gaza et menace d’ouvrir les portes de l’enfer ; au mieux, il apparaît comme un personnage pathétique dans une émission satirique télévisée. Peut-être que lorsque ce sera fait au nom de Dieu, nous finirons par nous réveiller et nous y opposer.

En attendant, nous sommes tous des Zini, avec ou sans la composante messianique.

JUDY MALTZ
Alors que des réservistes israéliens appellent à mettre fin à la guerre de Gaza, ces Juifs de la diaspora sont enthousiastes à l’idée de se battre

Judy Maltz, Haaretz, 9/9/2025
Traduit par Tlaxcala

La semaine dernière, 350 jeunes hommes et femmes juifs, volontaires pour le service militaire en Israël, ont reçu un accueil triomphal à Tel-Aviv. Le lourd bilan humain de la guerre qui fait rage depuis le 7 octobre ne les a pas dissuadés, affirment-ils. Bien au contraire.

Mardi dernier, 350 réservistes israéliens ont annoncé qu’ils refuseraient de servir si on les appelait à participer à la conquête de Gaza Ville. Lors d’une conférence de presse à Tel-Aviv, des représentants du groupe ont décrit cette nouvelle phase de la guerre – approuvée par le cabinet de sécurité malgré l’opposition des plus hauts responsables sécuritaires du pays – comme une « étape politique, cynique et dangereuse » qui mettrait en péril la vie des otages, des soldats israéliens et des civils innocents à Gaza.


Familles et nouvelles recrues lors de la cérémonie d’accueil de Garin Tzabar à Tel-Aviv la semaine dernière. Photo Noam Feiner

Deux jours plus tard – à l’autre bout de la ville, mais comme dans un univers parallèle – des responsables israéliens ont organisé un accueil triomphal pour 350 Juifs de la diaspora qui n’avaient aucune obligation de servir dans l’armée ni de participer à cette guerre de plus en plus impopulaire à Gaza. Pourtant, ils ont choisi de quitter famille et amis – précisément en ce moment – pour se porter volontaires au service militaire dans un pays lointain en guerre.

Lors d’une conférence de presse à Tel-Aviv mardi dernier, 350 réservistes israéliens ont signé une déclaration contre la conquête de Gaza Ville, promettant : « Nous ne viendrons pas ». Photo Tomer Appelbaum

À en juger par l’ambiance lors de cette cérémonie, ils sont remarquablement enthousiastes.

Âgés pour la plupart de la fin de l’adolescence ou du début de la vingtaine, ces jeunes hommes et femmes participent au programme Garin Tzabar [« Graine de sabra »], qui amène chaque année des centaines de volontaires dans les Forces de défense d’Israël (FDI). Ce programme fournit à ces « soldats seuls » des services d’orientation dans leurs pays d’origine, ainsi que des cours d’hébreu et un logement une fois arrivés en Israël. Ils arrivent en plusieurs vagues organisées au cours de l’année, la plus importante étant celle de l’été.

À tout moment, environ 3 500 soldats venus de l’étranger servent dans les FDI, dont plus d’un tiers par l’intermédiaire de Garin Tzabar.

La cérémonie de bienvenue de cette année, organisée dans un grand auditorium de l’université de Tel-Aviv, portait le titre « La Tkuma, c’est maaintenant» – Tkuma étant le mot hébreu pour « renaissance » (le Premier ministre Benjamin Netanyahou appelle souvent la guerre qui a suivi l’attaque du Hamas du 7 octobre « la guerre de la Tkuma »).


Participants de Garin Tzabar lors de la cérémonie d’accueil à l’université de Tel-Aviv mardi dernier. Photo Noam Feiner

Parmi les 900 soldats israéliens tués depuis le 7 octobre, six étaient des participants de Garin Tzabar (deux autres étaient conseillers du programme). Parmi eux, Omer Neutra, un soldat seul tué le 7 octobre dont le corps est toujours retenu par le Hamas. Parmi les otages libérés, Edan Alexander, originaire du New Jersey, faisait également partie de Garin Tzabar. Citoyen usaméricain, il doit sa libération après 584 jours de captivité à l’intervention directe du président Donald Trump.

Pour les Juifs de la diaspora qui considèrent souvent le service dans les FDI comme une sorte d’année sabbatique prolongée, les expériences de ces soldats seuls ont révélé la véritable signification de la guerre. Mais loin d’entamer leur enthousiasme, ces épreuves semblent avoir eu l’effet inverse. En effet, depuis le 7 octobre, la participation à Garin Tzabar a fortement augmenté. En août 2023, à peine deux mois avant l’attaque du Hamas, 230 soldats seuls étaient arrivés via ce programme. En août 2024, ils étaient 320, et en août 2025, 350. Au total, le nombre de participants de la cohorte d’été – la plus importante de l’année, et donc le meilleur indicateur des tendances – a augmenté de 40 %.

« Nous voyons clairement une motivation accrue », déclare Hait Gilad, nouveau directeur général de Tzofim Olami, le mouvement international des scouts israéliens qui gère Garin Tzabar.

Saul Rurka, entrepreneur britanno-israélien dans la high-tech et le social, qui soutient divers projets de protection sociale pour les soldats seuls, partage cette impression.

« Cette année, quand je leur demande – et je pose toujours cette question – ce qui les a poussés à venir en Israël et à rejoindre les FDI, la réponse est : ‘le 7’. Cela a secoué beaucoup de jeunes qui n’étaient pas vraiment connectés au judaïsme et qui disent maintenant vouloir protéger leur peuple et leur pays. »

L’endroit où il faut être

C’était assurément le cas pour ce nouveau groupe de futurs soldats des FDI, qui doivent commencer leur service en novembre, et qui assistaient à la cérémonie de la semaine dernière.

« J’ai toujours aimé Israël, et après le 7 octobre, j’ai senti que c’était l’endroit où je voulais être. J’ai donc décidé de m’installer ici et de devenir soldate seule », a déclaré Yehudit Quigley, 18 ans, de la région de Washington, D.C.

Eden-Li Chajmovic, fille d’Israéliens originaire de l’Ohio, vivait dans un kibboutz à la frontière de Gaza le 7 octobre 2023, où elle allait au lycée. « Après l’attaque du Hamas, j’ai dû retourner aux USA pour finir le lycée, mais cela n’a fait que renforcer mon envie d’être ici », explique la jeune femme de 18 ans. « Je connaissais des gens qui ont été tués, y compris des camarades de classe, et je voulais revenir protéger le pays. »

Michelle Shkolnekov, 19 ans, d’Allemagne, a elle aussi passé la majeure partie de son lycée en Israël. « J’ai ressenti un lien profond avec Israël et j’ai voulu donner quelque chose en retour au pays », explique-t-elle pour justifier sa décision de s’enrôler.

Interrogée sur la peur d’être soldate dans un pays en guerre, Shkolnekov répond : « Nous avons tous certaines craintes, mais en dehors d’Israël, même s’il n’y a pas de bombes ni de roquettes, il y a la haine et l’antisémitisme. Donc, aussi étrange que cela paraisse, je me sens beaucoup plus libre ici. »

Ces sentiments sont partagés par Daniel Gurt, 18 ans, de Russie : « Toute ma vie, j’ai attendu de venir en Israël et de rejoindre l’armée. »

Aucun de ces futurs soldats n’a déclaré avoir eu des doutes après le 7 octobre.

« Une nouvelle famille »

Alors qu’ils prennent place dans l’auditorium, les futurs soldats des FDI répondent par des applaudissements nourris au « Bienvenue à la maison » lancé depuis la scène.

Le ministre de l’Alya et de l’Intégration, Ofir Sofer – membre du parti d’extrême droite Sionisme religieux – ouvre la série de discours officiels en félicitant les participants rayonnants, les qualifiant de « meilleure jeunesse juive, qui choisit de venir en Israël en cette heure difficile – accomplissant l’acte le plus sioniste qui soit ».

Un groupe de soldats seuls en uniforme rejoint un rappeur sur scène, tandis que des images du massacre du 7 octobre défilent à l’écran. Lisa et Andrew, un couple britannique qui se présente comme « les fiers parents de Theo », un participant de Garin Tzabar présent dans l’auditoire, prennent la parole au nom des familles.

« Nous sommes convaincus que nous confions nos enfants à une nouvelle famille ici », déclare la mère, exprimant sa certitude que cette nouvelle cohorte de soldats seuls « servira Eretz Israël avec courage ».

Dans un défilé rappelant la parade des nations aux Jeux olympiques, la cérémonie s’achève par la marche de dizaines de participants de Garin Tzabar à travers l’auditorium, chacun portant le drapeau de son pays natal au rythme de chansons hébraïques entraînantes.

« Un vrai sentiment d’urgence »

Bien que les USAméricains constituent le groupe le plus important, la cohorte de cet été compte aussi des participants venus d’Australie, du Canada, de Russie, d’Ukraine, de France, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, du Danemark et de Hollande.

Fondé il y a plus de 30 ans, Garin Tzabar visait à l’origine les enfants d’expatriés israéliens vivant aux USA. Au fil des années, cependant, le programme a attiré de plus en plus de Juifs de la diaspora sans lien familial direct avec Israël, beaucoup étant motivés après avoir participé à des voyages organisés par Birthright en Israël. Aujourd’hui, les enfants d’Israéliens ne représentent plus qu’environ la moitié des participants.

Ces dernières années, le nombre de participants orthodoxes a également fortement augmenté, et cette année, pour la première fois, Garin Tzabar a mis en place un programme spécial pour les jeunes filles religieuses désireuses de combiner service militaire et études religieuses. Cette semaine a aussi marqué l’inauguration d’un dortoir inédit pour les participants affiliés aux mouvements conservateur et réformé. Le site est situé au kibboutz Hanaton, dans le nord d’Israël, qui abrite une importante congrégation égalitaire.

Dans une étude universitaire publiée il y a quelques années, le Dr Lior Yohanani, sociologue politique à l’Institut israélien de la démocratie, a exploré les motivations des enfants d’Israéliens aux USA devenus soldats seuls. Il affirme ne pas être surpris que la participation à Garin Tzabar ait fortement augmenté depuis le 7 octobre.

« Je ne m’attendais pas à autre chose », dit-il. « Il y a aujourd’hui beaucoup de sentiments antisémites et anti-israéliens, et sans vouloir paraître cynique, cela est utilisé pour recruter ces jeunes. »

« C’est aussi vraiment la première fois depuis de nombreuses années qu’il y a un véritable sentiment d’urgence dans le pays, et donc ces jeunes ressentent qu’il y a un vrai sens à ce qu’ils font. »


Le PDG de l’Agence juive, Yehuda Setton (à droite), avec le ministre de l’Alya et de l’Intégration, Ofir Sofer, et le président du Mouvement des scouts hébreux en Israël, Raz Pearl. Photo Noam Feiner

Howard Zaretzky faisait partie d’un petit groupe de parents venus en Israël pour assister à la cérémonie d’accueil. Il s’est décrit comme « extatique, exalté et fier » qu’un deuxième de ses six enfants se soit porté volontaire pour servir dans les FDI.

Interrogé sur son inquiétude de voir son fils servir si loin de chez lui dans une guerre dangereuse, ce New-Yorkais jovial a répondu : « Pas du tout. Il est entre de bonnes mains. J’encourage son petit frère, qui est en première au lycée, à faire de même. Si je pouvais, je partirais avec lui. Mais je suis trop vieux – ils ne voudront pas de moi. »

 

 

 

07/09/2025

GIDEON LEVY
Avi Bluth, le “général de bain de sang” en Cisjordanie est le visage moral d’Israël

Gideon Levy, Haaretz, 28/8/2025

Traduit par Tlaxcala

L’Oberkommandant Avi Bluth, chef du commandement central de l’armée, a décidé de leur montrer de quel bois il se chauffe. Avec sa kippa militaire de guingois, son éloquence à glacer le sang, son arrogance sans limites et ses deux poids-deux mesures moraux malsains, il a ordonné la mise en œuvre d’« opérations de remodelage » afin de « dissuader tout un chacun, tout village qui oserait lever la main contre l’un des résidents ».


Les “résidents” en question sont les colons qui commettent quotidiennement des pogroms. En ce qui concerne Bluth, il n’a aucune obligation de défendre qui que ce soit en Cisjordanie, à part les voyous des avant-postes des colonies. « Nous savons comment installer un projecteur », a menacé le général de division à l’adresse des Palestiniens qui « lèvent les mains » alors qu’ils tentent avec leurs dernières forces de défendre ce qui leur reste de la terre qui leur a été volée sous les auspices et avec l’encouragement de Bluth.

Je ne sais rien des “projecteurs”, mais je m’y connais un peu en droit international. Bluth a ordonné à ses soldats de se livrer à des punitions collectives, ce qui constitue un crime de guerre. Si tel est le cas, Bluth est un criminel de guerre qui devrait être extradé vers la Cour pénale internationale de La Haye. Lorsque l’éditeur du Haaretz, Amos Schocken, a exprimé cette vérité évidente, les réseaux sociaux se sont enflammés. Mais lorsque Bluth a fait sa déclaration choquante, les réseaux sociaux sont restés silencieux.

Les propos de Bluth pourraient sembler plus appropriés en allemand – “opérations de remodelage”, “projecteur”, “ chasse”. Mais ils sont tout aussi clairs en hébreu. « Ils subiront des couvre-feux, ils subiront un encerclement et ils subiront des opérations de remodelage », a-t-il déclaré. Tout cela parce qu’un colon a été légèrement blessé par balle alors qu’il conduisait un quad sur des terres volées.


Je me trouvais à Al Mughayyir cette semaine et j’ai vu le résultat de l’« opération de remodelage » menée par Bluth : 3 100 arbres, des oliviers pour la plupart, avaient été abattus et gisaient désormais éparpillés sur le sol. Il est impossible d’être quelqu’un qui aime la terre, quelqu’un qui aime les autres ou tout simplement un être humain et de ne pas être choqué par ce spectacle, à quelques semaines seulement de la récolte des olives. Il est également impossible d’ignorer le contexte qui a conduit à cette attaque.

Sous le couvert de la guerre à Gaza, Al-Mughayyir a perdu toutes ses terres – 43 000 dunams [4 300 hectares] – à l’écart de la zone construite du village. Bluth a permis la construction de 10 avant-postes sauvages tout autour du village et a laissé des colons violents imposer un règne de terreur aux habitants, au point que ceux-ci ont peur de sortir pour travailler leurs terres.

Aujourd’hui, il autorise les voyous à construire des routes illégales menant à leurs avant-postes afin de leur faciliter les attaques contre le village. Sous le commandement de Bluth, deux pogroms se sont soldés par la mort de Palestiniens tués par les tirs de l’armée. Personne n’a été jugé pour ça.

Mais Bluth ne « braquera pas un projecteur » ni ne mènera « d’opérations de remodelage » contre ceux qui « lèvent vraiment la main » contre les autres : les colons. Lui et eux viennent du même village, ont les mêmes cheveux et portent bien sûr les mêmes kippas inclinées avec désinvolture.

Lorsque vous nommez un officier comme Bluth à la tête du Commandement central, vous confiez cette fonction à quelqu’un qui est l’assistant des colons. Certes, les colons ont également intimidé tous les précédents chefs du Commandement central. Mais c’est plus facile lorsque le poste est occupé par un diplômé de la yeshiva pré-militaire de la colonie d’Eli et ancien résident de la colonie de Neveh Tzuf [avec un master en réflexion stratégique obtenu à l'United States Army War College, en Pennsylvanie, NdT]. Comment Bluth a-t-il pu rester impassible lorsqu’il a parlé des personnes « levant la main » et de la punition collective qu’elles méritent ?

Pourquoi ne pas punir les vrais criminels, ceux qui vivent dans ces repaires de malfaiteurs que sont les avant-postes ? Comment peux-tu dormir la nuit, Bluth, avec cette morale raciste ?

Mais c’est ce que Bluth a appris à Eli : que les Juifs sont les seigneurs de la terre. Les colons ont le droit de brûler, détruire, déraciner et assassiner à leur guise. Les Palestiniens, considérés comme des Untermenschen, n’ont le droit de rien faire : ils ne peuvent pas quitter leurs villages, travailler en Israël, récolter leurs olives, et parfois même respirer. Tel est le sionisme de Bluth. Et tel est le sionisme de l’armée dont Bluth est le visage.

Chaque personne a un nom, qui lui est donné par Dieu. Le nom de famille Bluth signifie “sang” en allemand [et en yiddish, NdT]. Ce général de bain de sang est désormais devenu le visage de la Cisjordanie et l’image morale de tout le pays. Peut-être sera-t-il nommé pour commander le prochain génocide, après Gaza.

 

05/09/2025

LYNA AL TABAL
Le dernier des rois : Netanyahou, prisonnier de l’illusion d’immortalité et creuseur de sa propre tombe

Lyna Al Tabal, Rai Al Youm, 2/9/2025
Original: نتنياهو آخر الملوك: أسير وهم الخلود.. وصانع مقبرته بيديه

Traduit par Tlaxcala

Depuis les légendes des rois engloutis par l’arrogance — Gilgamesh, qui chercha l’immortalité, et Néron, qui joua avec le feu —, chaque époque voit naître un roi qui se croit au-dessus des hommes.  

En Israël, son nom est Benjamin Netanyahou alias “Bibi, roi d’Israël”, qui croit vraiment être un roi biblique arrivé par erreur au XXIᵉ siècle. Un roi qui possède toutes les formes de guerre.

Emad Hajjaj


Et lorsque les soldats s’effondrent aux frontières de Gaza, ou que les civils tombent à Beyrouth, le roi sourit et dit à ses sujets que ce sang est le prix de la sécurité. Il leur rappelle qu’il est indispensable et que lui seul détient la clé du salut.

C’est le dernier roi d’Israël, un roi de papier, qui gouverne un royaume qui se désagrège de l’intérieur et a bâti sa gloire sur les ruines de la paix.

Sa politique ressemble à une malédiction ancienne : chaque fois qu’il s’approche d’une trêve, il déclenche une nouvelle guerre. Pour lui, la paix, c’est la perpétuation de la guerre perpétuelle.

Un roi sans sagesse : voilà comment Ibn Khaldoun l’aurait décrit sur lui ; car lorsqu’un roi est dépourvu de raison et de discernement, il devient un malheur pour lui-même et pour son peuple.

C’est une copie de Trump, dans son obsession de tout ce qui est “tendance”. Tous deux sont prisonniers de l’illusion d’immortalité à travers les gros titres et les trophées creux. Ils vivent dans une ère numérique où ils croient que l’histoire est une application que l’on peut programmer, ou un algorithme que l’on peut tromper

Mais l’histoire enregistre tout. Elle ne répond pas aux désirs des rois ni aux rêves des narcissiques. C’est un juge silencieux. Elle écrira certainement sur eux et consignera leur chute retentissante.

Dans la nuit de Gaza, Netanyahou tisse les fils de sa nouvelle invasion. Les précédentes ne lui ont pas suffi. Il veut anéantir les édifices, arracher les êtres humains, pour qu’ils deviennent des spectres errants dans l’exil. Il appelle ça “un départ volontaire”, mais le droit international l’appelle par son vrai nom : déplacement forcé, crime de guerre, crime contre l’humanité (selon les Conventions de Genève de 1949 et le Statut de Rome de 1998).

Mais n’a-t-il rien appris des généraux du vide et de la bêtise ? 
Qu’il invoque donc l’esprit de Golda Meir : elle lui dira que le vide n’engloutit pas Gaza. Elle lui rira au visage et dira : “Bravo, Bibi ! Tu nous as ramené la même vieille stupidité. Ne sais-tu pas que ce vide engendrera des générations plus fortes ? Ne sais-tu pas que chaque mur que tu détruis à Gaza deviendra une pierre tombale pour toi et ton royaume de papier ?”

Rêves-tu encore au “Grand Israël”, Bibi ? C’est un royaume de cendres, qui grandit par le sang et s’effrite par le sang.

Regarde la rue israélienne bouillir… Les manifestations remplissent les places, les pancartes crient : “Assez, fini de jouer, Bibi !” La guerre dont tu avais promis la victoire à ton peuple est devenue un cauchemar qui engloutit tes soldats et laisse les familles dans un deuil perpétuel.

Pas d’occupation de Gaza, pas d’illusions de royaume biblique. Comprends donc que “ le jeu est fini”. N’as-tu pas réalisé que Gaza n’est pas un petit camp que tes chars peuvent occuper ? N’as-tu pas compris que Gaza est une bête qui respire sous les décombres ? Ta seule issue maintenant est de reconnaître la réalité et de te hâter d’ouvrir la porte. Accepte l’accord maintenant, un accord qui te permette de libérer les prisonniers et un retrait qui sauve ce qui reste de l’image de ton armée ensablée.

Cette guerre doit se terminer immédiatement. Aucun trône ne peut se maintenir sur le sang, aucune armée n’échappe à la malédiction des enfants affamés ou enterrés sous les ruines. Ta seule issue est un échange de prisonniers et un retrait.

Netanyahou, roi biblique obsédé par l’immortalité et non par ses soldats, préfère laisser les prisonniers de son pays fondre dans l’obscurité des tunnels de Gaza plutôt que d’affronter l’instant de vérité. Il les jette dans le brasier de la politique pour gagner un jour de plus sur son trône.

Ici, au Liban, personne ne parle non plus des prisonniers. Regardez le Liban : ici, il n’y a pas un seul roi, mais une horde de petits rois. Des amateurs de pouvoir qui ne maîtrisent même pas les rituels du règne, mais excellent dans le silence comme pratique quotidienne… 19 prisonniers libanais croupissent dans les prisons israéliennes et personne ne mentionne leurs noms. Silence radio. Le président est occupé à couper les rubans des festivals, le Premier ministre à se faire photographier avec Amr Diab, et les ministres rivalisent à la télévision. Silence encore.

Voulez-vous savoir à quel point Netanyahou est chanceux ? La “yérida”, l’’émigration hors d’Israël des intellectuels de gauche et des libéraux est le “gros lot” qu’il a décroché… Ces gens ne sont pas partis par amour pour Gaza ni pour la défendre ; ils sont partis parce qu’ils ne pouvaient plus supporter la politique du roi… Les “gêneurs”, comme il les appelait, sont enfin partis…

Maintenant, le pays ne reste plus que pour lui et sa clique rabbinique : le blond Smotrich et le bouffon Ben Gvir. Un duo de comédie noire qui accompagnera son roi dans son ultime voyage vers La Haye.

Ceci n’est pas un article sur Netanyahou tel qu’il se présente, roi de l’histoire, mais un article sur le cauchemar du roi : le jour où l’accord sera conclu.  Quand les visages reviendront des cellules de l’ombre : Marwan Barghouti, le bras levé en signe de victoire ; Ahmad Saadat, avec son keffieh rouge, et Abdallah Barghouti, au regard ferme.

Ces images à elles seules démantèleront tout un récit, feront revenir l’histoire pour croiser passé et présent, et témoigneront de l’effondrement du pouvoir royal. Cela, Netanyahou le sait… parfaitement. 
Il sait qu’une seule photo d’un prisonnier libéré est plus puissante que tous ses chars et son arsenal, et que le sourire de Marwan Barghouti pourrait renverser son trône qui a coûté des décennies de sang.

En fin de compte, Netanyahou ne négocie pas pour ses prisonniers ni pour l’avenir de Gaza. Il négocie seulement pour la durée de son règne et pour sa puissance.  Cette puissance qu’il vénère le broiera à la fin.

La fin de Netanyahou ne viendra pas de ses ennemis. Il tombera par la main d’un appareil de pouvoir stupide qu’il a lui-même dessiné. Du chaos qu’il a bâti comme instrument de domination et qui est devenu une machine de chute.

Le destin de Netanyahou a déjà commencé depuis longtemps, il marche vers lui comme un roi aveugle. 
C’est un roi sans sagesse, ignorant que l’immortalité qu’il poursuit est son nom gravé sur le mur de l’effondrement final.

04/09/2025

JON GAMBRELL
La construction s’intensifie sur un site lié au programme nucléaire d’Israël, comme le montrent des photos satellites

Les travaux de construction se sont intensifiés sur une nouvelle structure majeure d’une installation clé du programme d’armes atomiques longtemps suspecté d’Israël, selon des images satellites analysées par des experts. Ceux-ci estiment qu’il pourrait s’agir d’un nouveau réacteur ou d’une installation destinée à assembler des armes nucléaires — mais le secret qui entoure ce programme rend difficile toute certitude.

Jon Gambrell, AP News, 3/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Jon Gambrell est directeur de l'information pour le Golfe et l'Iran à l'agence usaméricaine Associated Press. Depuis son arrivée à l'AP en 2006, il a couvert les événements dans les pays du Conseil de coopération du Golfe, en Iran et ailleurs dans le monde.

DUBAÏ, Émirats arabes unis (AP) — Les travaux de construction se sont intensifiés sur une nouvelle structure majeure d’une installation clé du programme d’armes atomiques longtemps suspecté d’Israël, selon des images satellites analysées par des experts. Ceux-ci estiment qu’il pourrait s’agir d’un nouveau réacteur ou d’une installation destinée à assembler des armes nucléaires — mais le secret qui entoure ce programme rend difficile toute certitude.

Les travaux au Centre de recherche nucléaire Shimon Peres du Néguev, près de la ville de Dimona, relanceront les questions sur le statut largement admis d’Israël en tant que seul État du Moyen-Orient doté de l’arme nucléaire.

Cela pourrait également susciter des critiques internationales, d’autant plus que cela intervient après qu’Israël et les USA ont bombardé en juin plusieurs sites nucléaires en Iran, par crainte que la République islamique n’utilise ses installations d’enrichissement pour se doter d’une arme atomique. Parmi les sites attaqués figurait le réacteur à eau lourde d’Arak.


Cette image d’archive, tirée d’une vidéo diffusée le 7 janvier 2005 par la chaîne de télévision israélienne Channel 10, montre ce que la chaîne affirme être l’installation nucléaire d’Israël près de Dimona, première vidéo détaillée du site jamais montrée au public. (Channel 10 via AP, archive)

Sept experts ayant examiné les images ont tous déclaré qu’ils pensaient que la construction était liée au programme d’armes nucléaires longtemps suspecté d’Israël, compte tenu de sa proximité avec le réacteur de Dimona, où aucune centrale électrique civile n’existe. Toutefois, leurs avis divergeaient sur la nature exacte de la nouvelle construction.

Trois d’entre eux ont affirmé que l’emplacement et la taille de la zone en construction, ainsi que le fait qu’elle semblait comporter plusieurs étages, signifiaient que l’explication la plus probable était la construction d’un nouveau réacteur à eau lourde. De tels réacteurs peuvent produire du plutonium et un autre matériau essentiel aux armes nucléaires.

Les quatre autres ont reconnu qu’il pouvait s’agir d’un réacteur à eau lourde, mais ont également suggéré que les travaux pourraient être liés à une nouvelle installation d’assemblage d’armes nucléaires. Ils ont refusé de se prononcer définitivement, étant donné que la construction n’en était encore qu’à un stade précoce.



« C’est probablement un réacteur — ce jugement est circonstanciel mais c’est la nature de ce type d’analyse », a déclaré Jeffrey Lewis, expert au James Martin Center for Nonproliferation Studies de l’Institut Middlebury d’études internationales, qui a fondé son évaluation sur les images et sur l’histoire de Dimona. « Il est très difficile d’imaginer qu’il s’agisse d’autre chose. »

Israël ne confirme ni ne nie posséder des armes atomiques, et son gouvernement n’a pas répondu aux demandes de commentaires. La Maison-Blanche, alliée la plus proche d’Israël, n’a pas non plus répondu aux sollicitations.

Travaux de construction en cours depuis des années

Associated Press avait rapporté pour la première fois en 2021 des travaux d’excavation dans l’installation, située à environ 90 kilomètres au sud de Jérusalem. À l’époque, les images satellites ne montraient que des ouvriers creusant un trou d’environ 150 mètres de long et 60 mètres de large près du réacteur à eau lourde d’origine du site.

Des images prises le 5 juillet par Planet Labs PBC montrent une intensification des travaux sur le site de l’excavation. D’épaisses parois de soutènement en béton semblent être posées sur le site, qui paraît comporter plusieurs étages souterrains. Des grues dominent le chantier.

Aucun dôme de confinement ni autre élément généralement associé à un réacteur à eau lourde n’est visible pour l’instant sur le site. Cependant, un tel dôme pourrait être ajouté plus tard ou bien le réacteur pourrait être conçu sans.

Le réacteur actuel à eau lourde de Dimona, mis en service dans les années 1960, fonctionne depuis bien plus longtemps que la plupart des réacteurs de la même époque. Cela suggère qu’il devra bientôt être remplacé ou rénové.

« C’est une structure haute, ce qui est attendu, car le cœur du réacteur est assez grand », a expliqué Lewis. « Vu l’emplacement, la taille et le manque général de construction alentour, il est plus probable qu’il s’agisse d’un réacteur que de toute autre chose. »


Cette photo satellite fournie par Planet Labs PBC montre le Centre de recherche nucléaire Shimon Peres du Néguev près de la ville de Dimona, en Israël, le 5 juillet 2025. (Planet Labs PBC via AP)

Edwin Lyman, expert nucléaire à l’Union of Concerned Scientists, basée à Cambridge (Massachusetts), a lui aussi estimé que la nouvelle construction pourrait être un réacteur de forme rectangulaire ne présentant pas de dôme de confinement visible, tout en reconnaissant que le manque de transparence rendait difficile toute certitude.

Israël « n’autorise aucune inspection ou vérification internationale de ce qu’il fait, ce qui force le public à spéculer », a déclaré Lyman.

Alors que les détails concernant Dimona restent des secrets d’État en Israël, un lanceur d’alerte avait dans les années 1980 révélé des informations et des photos de l’installation, amenant les experts à conclure qu’Israël avait produit des dizaines d’ogives nucléaires.

« S’il s’agit d’un réacteur à eau lourde, ils cherchent à maintenir la capacité de produire du combustible usé qu’ils peuvent ensuite retraiter pour séparer le plutonium destiné à fabriquer davantage d’armes nucléaires », a déclaré Daryl G. Kimball, directeur exécutif de l’Arms Control Association, basée à Washington. « Ou bien ils construisent une installation pour entretenir leur arsenal ou produire de nouvelles ogives. »

Le programme israélien reposerait sur les sous-produits d’un réacteur à eau lourde

Israël, comme l’Inde et le Pakistan, s’appuierait sur un réacteur à eau lourde pour fabriquer ses armes nucléaires. Ces réacteurs peuvent avoir des usages scientifiques, mais le plutonium — qui déclenche la réaction en chaîne nécessaire à une bombe atomique — en est un sous-produit. Le tritium en est un autre et peut être utilisé pour accroître la puissance explosive des ogives.

Compte tenu du secret qui entoure le programme israélien, il reste difficile d’évaluer combien d’armes nucléaires le pays possède. Le Bulletin of Atomic Scientists estimait en 2022 ce nombre à environ 90 ogives.


Cette photo satellite d’espionnage du 29 septembre 1971, ultérieurement déclassifiée par le gouvernement usaméricain, montre ce qui est aujourd’hui connu comme le Centre de recherche nucléaire Shimon Peres du Néguev, près de Dimona en Israël. (U.S. Geological Survey via AP)

Obtenir davantage de tritium pour remplacer la matière qui se dégrade pourrait être la raison de la construction à Dimona, a noté Lyman, le tritium se désintégrant à un rythme de 5 % par an.

« S’ils construisent un nouveau réacteur de production », a-t-il ajouté, « cela ne veut pas forcément dire qu’ils cherchent à accroître leur stock de plutonium, mais plutôt à fabriquer du tritium. »

Israël et la politique de l’ambiguïté nucléaire

Israël aurait commencé à bâtir ce site nucléaire dans le désert à la fin des années 1950, après avoir affronté plusieurs guerres avec ses voisins arabes depuis sa fondation en 1948, dans le sillage de la Shoah.

Sa politique d’ambiguïté nucléaire est considérée comme ayant contribué à dissuader ses ennemis.

Israël fait partie des neuf pays confirmés ou soupçonnés de détenir l’arme atomique, et de seulement quatre qui n’ont jamais adhéré au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), un accord international majeur visant à empêcher la prolifération des armes nucléaires. Cela signifie que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’organisme onusien de contrôle du nucléaire, n’a aucun droit de mener des inspections à Dimona.

Interrogée sur la construction, l’AIEA, basée à Vienne, a rappelé qu’Israël « n’est pas tenu de fournir d’informations sur d’autres installations nucléaires dans le pays » en dehors de son réacteur de recherche de Soreq.

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03/09/2025

GIDEON LEVY
Une morale sélective inadmissible : pourquoi le mouvement de protestation pour les otages en Israël ignore les Palestiniens de Gaza

Une protestation morale lutterait contre le génocide tout en exigeant la libération des otages, car on ne peut échapper aux chiffres : 20 otages vivants et plus de 2 millions de Palestiniens dont la vie est un enfer
Gideon Levy, Haaretz, 31/8/2025
Traduit par Tlaxcala

 Des proches d’otages israéliens et des manifestants brandissent des photos et des drapeaux lors d’une manifestation antigouvernementale appelant à agir pour obtenir la libération des Israéliens détenus par des militants palestiniens dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, près du kibboutz Beeri, proche de la frontière orientale avec Gaza, le 20 août 2025. Photo Ahmad Gharabli/AFP

Israël est dirigé par un gouvernement d’une cruauté et un Premier ministre d’une insensibilité inégalées à ce jour [Ben Gourion, Golda Meir, Menahem Begin, Shimon Peres et Yitzhak Rabin n’étaient pas mal non plus, NdT]. Les vies humaines, qu’il s’agisse de Gazaouis, d’otages ou de soldats israéliens, n’intéressent pas ce gouvernement. Il massacre les habitants de Gaza et abandonne otages et soldats avec le même flegme.

Face à lui se dresse un petit mouvement extraparlementaire, humain et intrépide, qui accorde une valeur égale à toutes les vies humaines.
Entre cette poignée de personnes et le gouvernement malfaisant il y a le marais centriste. La plupart luttent contre la perte croissante d’humanité et les mensonges du gouvernement. Les gens de ce camp sont choqués par chaque vidéo, perdent le sommeil à cause du sort des otages émaciés et des soldats morts. Mais lorsqu’ils entendent parler d’un massacre atroce dans un hôpital, ils bâillent, indifférents.



Des [rares] manifestantes brandissent des [toutes petites] pancartes « Stop Gaza Genocide » à Tel-Aviv samedi soir.
Photo Moti Milrod

Ils valent mieux que le gouvernement et ses partisans. Ils sont humains et solidaires, mais seulement de façon sélective. Il n’existe pas de demi-morale. De même qu’une morale à deux vitesses n’est pas une morale, une morale à moitié n’en est pas une non plus. C’est l’opposé de la véritable morale. Voilà à quoi ressemblent les gens de ce camp. Ils s’inquiètent de la vie de 20 otages tout en ignorant le fait que leur pays tue en moyenne 20 innocents par heure.

Pour eux, l’humanité s’arrête aux frontières de la nationalité. Ils remueront ciel et terre pour aider un Israélien mais détournent le regard, indifférents, lorsqu’il s’agit d’un Palestinien dont le sort est souvent bien pire. Ils s’indignent de l’insensibilité de Benjamin Netanyahou, mais la leur n’est pas moins évidente. Lorsqu’il s’agit des Palestiniens, ils manifestent la même cruauté et le même cœur glacé.

Il est difficile de comprendre ce phénomène, qui a atteint son paroxysme pendant la guerre actuelle. Comment peut-on être bouleversé par l’image de l’otage affamé Evyatar David et hausser les épaules, voire se réjouir, des meurtres dans les files d’attente pour la nourriture ? Comment peut-on être horrifié par le meurtre de la famille Bibas et rester indifférent aux 1 000 bébés et 19 000 enfants tués par l’armée israélienne, ou aux 40 000 orphelins de Gaza ?

Comment peut-on perdre le sommeil à cause des tunnels du Hamas et ne montrer aucun intérêt pour ce qui se passe dans les centres de détention de Sde Teiman ou de Megiddo, à notre honte ? Comment est-ce possible ? Comment peut-on exiger des visites de la Croix-Rouge pour les otages tout en sachant qu’Israël empêche ces mêmes visites pour des milliers de Palestiniens kidnappés ?

Il est naturel et compréhensible de s’inquiéter d’abord pour ses propres gens. Mais manifester une indifférence totale envers les membres de l’autre nation, massacrés par dizaines de milliers, leur pays détruit sous nos yeux par nos propres mains, transforme nombre des braves gens qui manifestent rue Kaplan et sur la place des Otages en êtres inhumains eux-mêmes.


Des Palestiniens pleurent devant l’hôpital Shifa de Gaza, où les victimes ont été transportées avant leurs funérailles vendredi.
Photo Bashar Taleb / AFP

Pour eux – et certains le disent ouvertement – Israël doit tout faire pour libérer les otages, puis il pourra retourner à la guerre, au génocide et au nettoyage ethnique. L’essentiel est que les otages soient libérés. Ce n’est pas de la morale ni de l’humanité. C’est un nationalisme abject et exacerbé.

Considérer des êtres humains – enfants, personnes handicapées, personnes âgées, femmes et autres personnes sans défense – comme de la poussière, dont le meurtre et la famine seraient légitimes, dont les biens ne valent rien et dont la dignité est inexistante, revient à être Netanyahou, Ben-Gvir et Smotrich.

Face au mal absolu, il faut défendre l’humanité absolue, presque inexistante en Israël. Le refuge moral qui consiste à accrocher un ruban jaune à la portière de sa voiture et à exprimer une pseudo-solidarité pour les otages n’est pas un refuge et ne constitue pas une morale. Même un extrémiste nationaliste creux comme le journaliste Almog Boker, qui sait pertinemment qu’« il n’y a pas d’innocents à Gaza », veut la libération des otages. Cela ne le rend pas moins nationaliste, ni moins vil, pas même une seconde.

La force morale du mouvement de protestation reste partielle en raison de sa nature sélective. S’il était pleinement moral, sa principale préoccupation serait la lutte contre le génocide, en parallèle de la campagne pour libérer les otages. Son combat n’en serait pas affaibli ; sa validité morale en serait seulement renforcée. On ne peut échapper aux chiffres : 20 otages vivants et plus de 2 millions de Palestiniens dont la vie est un enfer. Le cœur ne peut s’empêcher d’être avec les deux.