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04/07/2025

REINALDO SPITALETTA
Deux barbares qui peuvent nous tuer

Reinaldo Spitaletta, 1/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


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Nous les simples mortels sans pouvoir et sans gloire, sommes comme « des brins légers dans le vent et au hasard » [citation de “Canción de la vida profunda” de Porfirio Barba Jacob, NdT], et nous sommes exposés à être arrosés de missiles ou mis en pièces comme les enfants palestiniens de Gaza. Tout dépend si, à un moment donné, lorsque les dirigeants du monde le décident, les bombardements sont nécessaires pour, en plus de semer la mort et la terreur, promouvoir la reconstruction ou le chantage afin de voler du pétrole, de forer des terres avec des soldats envahisseurs, ou effacer une certaine mémoire de l’humanité.

Ou, au cas où, il faut raser au sol les petits garçons et les petites filles dans leurs maisons, dans les hôpitaux, dans un abri précaire, parce que, comme l’ont dit les despotes, ils sont les graines du terrorisme et doivent être pulvérisés au berceau. Le monde, ou une partie du monde, semble être entre les mains criminelles de deux ou trois satrapes qui décident quand violer la souveraineté d’un peuple, quand larguer des bombes, qui peut et ne peut pas avoir la paix et la tranquillité, à quelles heures semer la panique.


Israël attaque l’Iran, l’Iran se défend et riposte. Les USA, ultime puissance impérialiste, dirigés par un matamore, bombardent le pays de l’Ayatollah et pensent avoir anéanti ses centrales nucléaires. Ils le font d’ailleurs en violation flagrante du droit international et des thèses de souveraineté, un pays qui, jusqu’à présent, a été le seul à en attaquer un autre avec des bombes nucléaires, comme ils l’ont fait contre les Japonais lors de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant ce temps, le massacre de Gaza se poursuit, dans un génocide qui, pour certains, ne peut être qualifié de génocide, parce que quiconque le ferait se rendrait coupable d’« antisémitisme ». C’est l’approche toute nouvelle et erronée de certains détraqués, avec des arguties arbitraires, comme quoi c’est le « peuple élu » qui « se défend », qui doit faire respecter la décision absurde d’une divinité qui l’a désigné comme le sauveur du monde.

Et c’est à nous, mortels, en attendant que les bombes explosent de ces côtés-ci et partout, de nous taire dans l’impuissance parce que le monde n’appartient qu’à quelques « élus ». Il est entre les mains de ceux qui ont la force. Il est manipulé selon les caprices d’un petit groupe de potentats, qui placent et déplacent les marionnettes correspondantes à leur guise. Trump, à son tour, manipulé par des magnats, certains déguisés en « humanistes », en êtres charitables, en donateurs miséricordieux, croit qu’il peut faire ce qu’il veut. « Je vais bombarder et alors ! », semble être le message du givré à touffe.

Le monde, hier comme aujourd’hui, mais plus aujourd’hui qu’hier, marche sur la corde raide de l’angoisse, et le plus grand nombre, subjugué et terrifié, est la proie facile de la peur collective, et peut même perdre la parole. Il est, ou plutôt, nous sommes cloués sur la croix de la domination de quelques puissants, soutenus par un armement apocalyptique. Que la guerre (et même ses simulacres) soit la continuation de la politique par d’autres moyens, comme les missiles, les canons et les bombes, n’est rien d’autre qu’une offense à toute forme de droit des peuples à se défendre et, surtout, à vivre en paix.

Les explosions de bombes, le feu destructeur qui tombe du même ciel universel sur d’autres territoires, affectent ceux d’entre nous qui se croient loin du théâtre des événements. Il nous brûle et nous insère dans tous les cercles de l’enfer. Nous, mortels de ce côté-ci du monde, sommes aussi assassinés lorsqu’un enfant est tué, des centaines d’enfants à Gaza. Et bien que certains puissent dire « qu’est-ce que j’en ai à cirer », ces mêmes personnes, lorsqu’elles sentiront leurs entrailles brûler, se rendront compte de ce qu’un poète anglais [John Donne] a dit il y a des années, et qui est toujours vrai aujourd’hui : « la mort de tout homme (enfant) me diminue ».

Qu’est-ce que ça signifie d’être entre les mains criminelles de Trump ou de Netanyahou ? Qu’est-ce qui attend ceux d’entre nous qui se trouvent de ce côté-ci du monde troublé lorsque les échos des bombes qui produisent des conflagrations mortelles au Moyen-Orient nous parviendront ? Nous, mortels, victimes passives dans ce cas, ne pouvons donc pas rester indifférents, car il est probable qu’à tout moment, comme le battement des ailes d’un papillon à Pékin, notre souffle, ce qui reste de nos rêves et nos estomacs seront affectés.

Plan de prise de possession de Gaza, par Emad Hajjaj

Espérons que la station balnéaire que Trump et ses voraces associés et copains veulent construire à Gaza deviendra un cauchemar permanent pour eux, que tous les enfants morts, les personnes âgées mortes, les journalistes morts, les médecins morts dans cette bande de cimetière vivront dans la mémoire du peuple. Nous espérons, nous mortels, que tout ce sang, que “toutes les voix toutes”, comme dirait Tejada Gómez, deviennent un chant dans les vents contaminés par les bombes.

Trump, Netanyahou et les autres barbares de la même engeance doivent brûler dans les flammes de l’histoire et, surtout, de l’enfer. Que leurs noms soient à jamais marqués du sceau de l’infamie.

03/07/2025

HAARETZ
“C’est un champ de mise à mort” : des soldats israéliens ont reçu l’ordre de tirer délibérément sur des Gazaouis non armés qui attendaient l’aide humanitaire
Témoignages sur des crimes de guerre avérés

Des officiers et des soldats de l’armée israélienne ont déclaré à Haaretz qu’ils avaient reçu l’ordre de tirer sur des foules non armées près des sites de distribution de nourriture à Gaza, même en l’absence de menace. Des centaines de Palestiniens ont été tués, ce qui a incité le parquet militaire à demander une enquête sur d’éventuels crimes de guerre Netanyahou et Katz rejettent ces accusations, les qualifiant d’ accusation calomnieuses”


Des Palestiniens se rassemblent à un point de distribution d’aide mis en place par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation privée, près du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 juin 2025. Photo par Eyad BABA / AFP)

 

Nir Hasson, Yaniv Kubovich et Bar Peleg, Haaretz, 27/6/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

 

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Des soldats israéliens à Gaza ont déclaré à Haaretz que l’armée avait délibérément tiré sur des Palestiniens près des sites de distribution d’aide au cours du mois dernier.

Des conversations avec des officiers et des soldats révèlent que les commandants ont ordonné aux troupes de tirer sur la foule pour la repousser ou la disperser, même s’il était clair qu’elle ne représentait aucune menace.

Un soldat a décrit la situation comme un effondrement total des codes éthiques des Forces de défense israéliennes à Gaza.

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, 549 personnes ont été tuées près des centres d’aide et dans les zones où les habitants attendaient les camions de nourriture de l’ONU depuis le 27 mai. Plus de 4 000 personnes ont été blessées, mais le nombre exact de personnes tuées ou blessées par les tirs de l’armée israélienne reste incertain.

Haaretz a appris que le procureur général militaire a chargé le mécanisme d’évaluation des faits de l’état-major de l’armée israélienne, un organisme chargé d’examiner les incidents impliquant des violations potentielles du droit de la guerre, d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis sur ces sites.

Dans une déclaration publiée à la suite de la publication de cet exposé, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israel Katz ont rejeté ces accusations, qu’ils ont qualifiées d’ “accusations calomnieuses”.

Les centres d’aide de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) ont commencé à fonctionner dans la bande de Gaza à la fin du mois de mai. Les circonstances de la création de cette fondation et son financement sont obscurs : on sait qu’elle a été mise en place par Israël en coordination avec des évangéliques usaméricains et des sociétés de sécurité privées. Son PDG actuel est un leader évangélique proche du président Trump et de Netanyahou.



Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir des vivres à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 juin 2025. Photo DAWOUD ABU ALKAS/
REUTERS

La GHF gère quatre sites de distribution alimentaire – trois dans le sud de Gaza et un dans le centre – connus au sein de l’armée israélienne sous le nom de « centres de distribution rapide » (Mahpazim). Ils sont gérés par des travailleurs USaméricains et palestiniens et sécurisés par l’armée israélienne à une distance de plusieurs centaines de mètres.

Des milliers, voire parfois des dizaines de milliers de Gazaouis se rendent chaque jour sur ces sites pour y récupérer de la nourriture.

Contrairement aux promesses initiales de la fondation, la distribution est chaotique, la foule se précipitant sur les piles de cartons. Depuis l’ouverture des centres de distribution rapide, Haaretz a recensé 19 incidents impliquant des coups de feu à proximité. Si l’identité des tireurs n’est pas toujours claire, l’armée israélienne n’autorise pas la présence d’individus armés dans ces zones humanitaires sans en être informée.

Les centres de distribution n’ouvrent généralement qu’une heure chaque matin. Selon les officiers et les soldats qui ont servi dans ces zones, l’armée israélienne tire sur les personnes qui arrivent avant l’ouverture pour les empêcher de s’approcher, ou à nouveau après la fermeture des centres, pour les disperser. Comme certains incidents impliquant des tirs ont eu lieu la nuit, avant l’ouverture, il est possible que certains civils n’aient pas pu voir les limites de la zone désignée.

« C’est un champ de mise à mort », a déclaré un soldat. « Là où j’étais stationné, entre une et cinq personnes étaient tuées chaque jour. Elles sont traitées comme une force hostile – aucune mesure de contrôle des foules, pas de gaz lacrymogène – juste des tirs à balles réelles avec tout ce qui est imaginable : mitrailleuses lourdes, lance-grenades, mortiers. Puis, une fois que le centre ouvre, les tirs cessent et les gens savent qu’ils peuvent s’approcher. Notre forme de communication, ce sont les tirs. »

Le soldat a ajouté : « Nous ouvrons le feu tôt le matin si quelqu’un tente de faire la queue à quelques centaines de mètres de distance, et parfois nous chargeons simplement à bout portant. Mais il n’y a aucun danger pour les forces. » Selon lui, « je ne connais pas un seul cas de riposte. Il n’y a pas d’ennemi, pas d’armes. » Il a également déclaré que l’activité dans sa zone de service est appelée « Opération Poisson salé », du nom de la version israélienne du jeu pour enfants « Feu rouge, feu vert ».

Des officiers de l’armée israélienne ont déclaré au journal Haaretz que l’armée n’autorisait ni le public israélien ni celui étranger à voir les images de ce qui se passe autour des sites de distribution de nourriture. Selon eux, l’armée estime que les opérations de la GHF ont empêché l’effondrement total de la légitimité internationale de la poursuite de la guerre. Ils pensent que l’armée israélienne a réussi à transformer Gaza en « arrière-cour », en particulier depuis le début de la guerre avec l’Iran.


Des Palestiniens transportent des colis d’aide humanitaire distribués par la GHF à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le jeudi 26 juin 2025. Photo Abdel Kareem Hana/AP

 « Gaza n’intéresse plus personne », a déclaré un réserviste qui a terminé une nouvelle période de service dans le nord de la bande de Gaza cette semaine. « C’est devenu un endroit avec ses propres règles. La perte de vies humaines n’a aucune importance. Ce n’est même plus un « incident malheureux », comme on disait autrefois. »

Un officier chargé de la sécurité d’un centre de distribution a décrit l’approche de l’armée israélienne comme profondément défaillante : « Travailler avec une population civile alors que votre seul moyen d’interaction est d’ouvrir le feu, c’est pour le moins très problématique », a-t-il déclaré à Haaretz. « Il n’est ni éthiquement ni moralement acceptable que des personnes doivent atteindre, ou ne parviennent pas à atteindre, une [zone humanitaire] sous le feu des chars, des snipers et des obus de mortier. »

L’officier a expliqué que la sécurité sur les sites est organisée en plusieurs niveaux. À l’intérieur des centres de distribution et du « couloir » qui y mène se trouvent des travailleurs usaméricains, et l’armée israélienne n’est pas autorisée à opérer dans cet espace. Un niveau plus externe est constitué de superviseurs palestiniens, dont certains sont armés et affiliés à la milice Abou Shabab.

Le périmètre de sécurité de l’armée israélienne comprend des chars, des tireurs embusqués et des mortiers dont le but, selon l’officier, est de protéger les personnes présentes et de garantir la distribution de l’aide.

« La nuit, nous ouvrons le feu pour signaler à la population qu’il s’agit d’une zone de combat et qu’elle ne doit pas s’approcher », a déclaré l’officier. « Une fois, a-t-il raconté, les mortiers ont cessé de tirer et nous avons vu des gens commencer à s’approcher. Nous avons donc repris le feu pour leur faire comprendre qu’ils n’avaient pas le droit de s’approcher. Finalement, l’un des obus a atterri sur un groupe de personnes. »

Dans d’autres cas, a-t-il déclaré, « nous avons tiré avec des mitrailleuses depuis des chars et lancé des grenades. Il y a eu un incident au cours duquel un groupe de civils a été touché alors qu’il avançait à couvert dans le brouillard. Ce n’était pas intentionnel, mais ce genre de choses arrive. »

Il a souligné que ces incidents avaient également fait des morts et des blessés parmi les soldats de l’armée israélienne. « Une brigade de combat ne dispose pas des outils nécessaires pour gérer une population civile dans une zone de guerre. Tirer des mortiers pour éloigner des personnes affamées n’est ni professionnel ni humain. Je sais qu’il y a des membres du Hamas parmi eux, mais il y a aussi des personnes qui veulent simplement recevoir de l’aide. En tant que pays, nous avons la responsabilité de veiller à ce que cela se fasse en toute sécurité », a déclaré l’officier.

L’officier a souligné un autre problème lié aux centres de distribution : leur manque de cohérence. Les habitants ne savent pas quand chaque centre ouvrira, ce qui ajoute à la pression sur les sites et contribue à nuire aux civils.

« Je ne sais pas qui prend les décisions, mais nous donnons des instructions à la population, puis soit nous ne les suivons pas, soit nous les modifions », a-t-il déclaré.

« Au début du mois, nous avons été informés qu’un message avait été diffusé indiquant que le centre ouvrirait dans l’après-midi, et les gens se sont présentés tôt le matin pour être les premiers à recevoir de la nourriture. Comme ils sont arrivés trop tôt, la distribution a été annulée ce jour-là. »

Les sous-traitants comme shérifs

Selon les témoignages des commandants et des combattants, l’armée israélienne était censée maintenir une distance de sécurité entre les zones peuplées par les Palestiniens et les points de distribution de nourriture. Cependant, les actions des forces sur le terrain ne correspondent pas aux plans opérationnels.

« Aujourd’hui, tout entrepreneur privé travaillant à Gaza avec du matériel d’ingénierie reçoit 5 000 shekels [environ 1 250 €] pour chaque maison qu’il démolit », a déclaré un combattant chevronné. « Ils font fortune. De leur point de vue, chaque instant où ils ne démolissent pas de maisons est une perte d’argent, et les forces doivent sécuriser leur travail. Les entrepreneurs, qui agissent comme une sorte de shérif, démolissent où ils veulent sur tout le front. »

En conséquence, a ajouté le combattant, la campagne de démolition des entrepreneurs les amène, avec leurs équipes de sécurité relativement réduites, à proximité des points de distribution ou le long des itinéraires empruntés par les camions d’aide humanitaire.

 

Un Palestinien porte un sac de farine alors que des gens se rassemblent pour recevoir des vivres à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 juin 2025. Photo Hatem Khaled/REUTERS

 « Afin que [les entrepreneurs] puissent se protéger, une fusillade éclate et des personnes sont tuées », a-t-il déclaré. « Ce sont des zones où les Palestiniens sont autorisés à se trouver – c’est nous qui nous sommes rapprochés et avons décidé qu’ils représentaient un danger pour nous. Ainsi, pour qu’un entrepreneur gagne 5 000 shekels supplémentaires et démolisse une maison, il est jugé acceptable de tuer des personnes qui ne cherchent qu’à se nourrir. »

Un officier supérieur dont le nom revient régulièrement dans les témoignages sur les fusillades près des sites d’aide humanitaire est le brigadier général Yehuda Vach, commandant de la division 252 de l’armée israélienne. Haaretz a déjà rapporté comment Vach a transformé le corridor de Netzarim en une route mortelle, mis en danger les soldats sur le terrain et été soupçonné d’avoir ordonné la destruction d’un hôpital à Gaza sans autorisation.

Aujourd’hui, un officier de la division affirme que Vach a décidé de disperser les rassemblements de Palestiniens qui attendaient les camions d’aide humanitaire de l’ONU en ouvrant le feu. « C’est la politique de Vach », a déclaré l’officier, « mais de nombreux commandants et soldats l’ont acceptée sans poser de questions. [Les Palestiniens] ne sont pas censés être là, donc l’idée est de s’assurer qu’ils partent, même s’ils ne sont là que pour la nourriture. »



La division de Vach n’est pas celle qui opère dans la région. Elle est responsable du nord de Gaza, et la politique de Vach concerne donc ceux qui pillent les camions d’aide humanitaire de l’ONU, et non les sites du GHF.

Un soldat de réserve de la division blindée qui a récemment servi dans la division 252 dans le nord de Gaza a confirmé ces informations et a expliqué la « procédure de dissuasion » de l’armée israélienne pour disperser les civils qui se rassemblent en violation des ordres militaires.

« Les adolescents qui attendent les camions se cachent derrière des monticules de terre et se précipitent vers eux lorsqu’ils passent ou s’arrêtent aux points de distribution », a-t-il déclaré. « Nous les voyons généralement à des centaines de mètres de distance ; ils ne représentent pas une menace pour nous. »

Lors d’un incident, le soldat a reçu l’ordre de tirer un obus en direction d’une foule rassemblée près du littoral. « Techniquement, il s’agit d’un tir d’avertissement, destiné soit à repousser les gens, soit à les empêcher d’avancer », a-t-il déclaré. « Mais ces derniers temps, tirer des obus est devenu une pratique courante. Chaque fois que nous tirons, il y a des blessés et des morts, et quand quelqu’un demande pourquoi un obus est nécessaire, il n’y a jamais de bonne réponse. Parfois, le simple fait de poser la question agace les commandants. »



Dans ce cas précis, certaines personnes ont commencé à fuir après le tir d’obus et, selon le soldat, d’autres forces ont ensuite ouvert le feu sur elles. « Si c’est censé être un tir d’avertissement, et que nous les voyons courir vers Gaza, pourquoi leur tirer dessus ? », a-t-il demandé. « Parfois, on nous dit qu’ils se cachent toujours et que nous devons tirer dans leur direction parce qu’ils ne sont pas partis. Mais il est évident qu’ils ne peuvent pas partir si, dès qu’ils se lèvent et courent, nous ouvrons le feu. »

Le soldat a déclaré que cela était devenu une routine. « Vous savez que ce n’est pas juste. Vous sentez que ce n’est pas juste, que les commandants ici prennent la loi entre leurs mains. Mais Gaza est un univers parallèle. Vous passez rapidement à autre chose. La vérité, c’est que la plupart des gens ne s’arrêtent même pas pour y réfléchir. »

Au début de la semaine, des soldats de la division 252 ont ouvert le feu à un carrefour où des civils attendaient des camions d’aide humanitaire. Un commandant sur le terrain a donné l’ordre de tirer directement au centre du carrefour, causant la mort de huit civils, dont des adolescents. L’incident a été porté à l’attention du chef du commandement sud, le général de division Yaniv Asor, mais jusqu’à présent, mis à part un examen préliminaire, il n’a pris aucune mesure et n’a pas demandé d’explications à Vach concernant le nombre élevé de victimes dans son secteur.

« J’étais présent lors d’un événement similaire. D’après ce que nous avons entendu, plus de dix personnes ont été tuées là-bas », a déclaré un autre officier supérieur de réserve commandant les forces dans la région. « Lorsque nous avons demandé pourquoi ils avaient ouvert le feu, on nous a répondu que c’était un ordre venant d’en haut et que les civils représentaient une menace pour les troupes. Je peux affirmer avec certitude que les gens n’étaient pas proches des forces et ne les mettaient pas en danger. C’était inutile, ils ont été tués pour rien. Cette pratique consistant à tuer des innocents est devenue normale. On nous répétait sans cesse qu’il n’y avait pas de non-combattants à Gaza, et apparemment, ce message a été bien compris par les troupes. »

Un officier supérieur familier avec les combats à Gaza estime que cela marque une nouvelle détérioration des normes morales de l’armée israélienne. « Le pouvoir que les commandants supérieurs exercent sur le commandement général menace la chaîne de commandement », a-t-il déclaré.

Selon lui, « ma plus grande crainte est que les tirs et les dommages causés aux civils à Gaza ne soient pas le résultat d’une nécessité opérationnelle ou d’un mauvais jugement, mais plutôt le produit d’une idéologie défendue par les commandants sur le terrain, qu’ils transmettent aux troupes sous forme de plan opérationnel ».

Bombardements

Au cours des dernières semaines, le nombre de victimes près des zones de distribution alimentaire a fortement augmenté : 57 le 11 juin, 59 le 17 juin et environ 50 le 24 juin, selon le ministère de la Santé de Gaza. En réponse, une discussion a eu lieu au Commandement sud, où il est apparu que les troupes avaient commencé à disperser les foules à l’aide d’obus d’artillerie.

« Ils parlent d’utiliser l’artillerie sur un carrefour rempli de civils comme si c’était normal », a déclaré une source militaire qui a assisté à la réunion. « Toute la conversation porte sur le bien-fondé ou non de l’utilisation de l’artillerie, sans même se demander pourquoi cette arme était nécessaire au départ. Ce qui préoccupe tout le monde, c’est de savoir si cela nuira à notre légitimité de continuer à opérer à Gaza. L’aspect moral est pratiquement inexistant. Personne ne s’arrête pour se demander pourquoi des dizaines de civils à la recherche de nourriture sont tués chaque jour. »

 



Un autre officier supérieur familier avec les combats à Gaza a déclaré que la normalisation des meurtres de civils avait souvent encouragé les tirs à leur encontre près des centres de distribution d’aide humanitaire.

« Le fait que des tirs réels soient dirigés contre une population civile – que ce soit avec de l’artillerie, des chars, des tireurs d’élite ou des drones – va à l’encontre de tout ce que l’armée est censée représenter », a-t-il déclaré, critiquant les décisions prises sur le terrain. « Pourquoi des personnes qui collectent de la nourriture sont-elles tuées simplement parce qu’elles ont dépassé la ligne ou parce qu’un commandant n’aime pas qu’elles doublent tout le monde ? Pourquoi en sommes-nous arrivés à un point où un adolescent est prêt à risquer sa vie juste pour prendre un sac de riz dans un camion ? Et c’est contre lui que nous tirons avec l’artillerie ? »

Outre les tirs de l’armée israélienne, des sources militaires affirment que certaines des victimes près des centres de distribution d’aide humanitaire ont été tuées par des tirs provenant de milices soutenues et armées par l’armée. Selon un officier, l’armée israélienne continue de soutenir le groupe Abou Shabab et d’autres factions.

« Il existe de nombreux groupes qui s’opposent au Hamas, mais Abou Shabab est allé plus loin », a-t-il déclaré. « Ils contrôlent des territoires où le Hamas ne pénètre pas, et l’armée israélienne encourage cela. »

Un autre officier a fait remarquer : « Je suis stationné là-bas, et même moi, je ne sais plus qui tire sur qui. »

Lors d’une réunion à huis clos cette semaine avec des hauts responsables du bureau du procureur général militaire, organisée à la lumière des dizaines de morts quotidiennes de civils près des zones d’aide, les responsables juridiques ont demandé que les incidents soient examinés par le mécanisme d’évaluation et d’enquête de l’état-major de l’armée israélienne. Cet organisme, créé après l’incident de la flottille Mavi Marmara, est chargé d’examiner les cas où il y a suspicion de violation des lois de la guerre, afin de repousser les demandes internationales visant à enquêter sur les soldats de l’armée israélienne pour crimes de guerre présumés.

Au cours de la réunion, les hauts responsables juridiques ont déclaré que les critiques internationales concernant les meurtres de civils s’intensifiaient. Les officiers supérieurs de l’armée israélienne et du commandement sud ont toutefois affirmé que ces cas étaient isolés et que les tirs visaient des suspects qui représentaient une menace pour les troupes.

Un jeune homme transporte un carton contenant des fournitures humanitaires de la GHF, dimanche. Photo AFP

 Une source ayant assisté à la réunion a déclaré à Haaretz que les représentants du bureau du procureur général militaire avaient rejeté les affirmations de l’armée israélienne. Selon eux, ces arguments ne tiennent pas face aux faits sur le terrain. « L’affirmation selon laquelle il s’agit de cas isolés ne correspond pas aux incidents au cours desquels des grenades ont été larguées depuis les airs et des mortiers et des tirs d’artillerie ont été dirigés contre des civils », a déclaré un responsable juridique. « Il ne s’agit pas de quelques personnes tuées, mais de dizaines de victimes chaque jour. »

Bien que le procureur général militaire ait chargé le mécanisme d’évaluation et d’enquête d’examiner les récents incidents de tirs, ceux-ci ne représentent qu’une petite partie des cas dans lesquels des centaines de civils non impliqués ont été tués.


Yaniv Asor : sa place est à La Haye, devant la CPI

De hauts responsables de l’armée israélienne ont exprimé leur frustration face au fait que le commandement sud n’ait pas enquêté de manière approfondie sur ces incidents et ignore les morts civiles à Gaza. Selon des sources militaires, le chef du commandement sud, le général de division Yaniv Asor, ne mène généralement que des enquêtes préliminaires, s’appuyant principalement sur les témoignages des commandants sur le terrain. Il n’a pris aucune mesure disciplinaire à l’encontre des officiers dont les soldats ont blessé des civils, malgré des violations manifestes des ordres de l’armée israélienne et des lois de la guerre.

Un porte-parole de l’armée israélienne a répondu : « Le Hamas est une organisation terroriste brutale qui affame la population de Gaza et la met en danger afin de maintenir son pouvoir dans la bande de Gaza. Le Hamas fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la distribution de nourriture à Gaza et perturber l’aide humanitaire. L’armée israélienne autorise l’organisation civile américaine (GHF) à opérer de manière indépendante et à distribuer de l’aide aux habitants de Gaza. L’armée israélienne opère à proximité des nouvelles zones de distribution afin de permettre la distribution tout en poursuivant ses activités opérationnelles dans la bande de Gaza.

« Dans le cadre de leurs opérations menées à proximité des principales voies d’accès aux centres de distribution, les forces de défense israéliennes (FDI) mènent des processus d’apprentissage systématiques afin d’améliorer leur réponse opérationnelle dans la région et de minimiser autant que possible les frictions potentielles entre la population et les forces de défense israéliennes. Récemment, les forces ont travaillé à la réorganisation de la zone en installant de nouvelles clôtures, des panneaux de signalisation, en ouvrant des routes supplémentaires, etc. À la suite d’incidents au cours desquels des civils se rendant dans les centres de distribution auraient été blessés, des enquêtes approfondies ont été menées et des instructions ont été données aux forces sur le terrain sur la base des enseignements tirés. Ces incidents ont été soumis à l’examen du mécanisme de débriefing de l’état-major général. »

L’armée israélienne a publié une réponse supplémentaire à la suite de la publication de cet article, affirmant qu’elle « rejette fermement l’accusation soulevée dans l’article : l’armée israélienne n’a pas donné pour instruction à ses forces de tirer délibérément sur des civils, y compris ceux qui s’approchaient des centres de distribution. Pour être clair, les directives de l’armée israélienne interdisent les attaques délibérées contre des civils ».

L’armée a ajouté que « toute allégation de violation de la loi ou des directives de l’armée israélienne fera l’objet d’un examen approfondi et des mesures supplémentaires seront prises si nécessaire. Les allégations de tirs délibérés sur des civils présentées dans l’article ne sont pas reconnues sur le terrain ».

Circulez, ya rien à voir [NdT]

26/06/2025

GIDEON LEVY
Rendons à César ce qui est à César : Netanyahou a mis fin à la guerre contre l’Iran lorsque Trump lui a ordonné de le faire

Gideon LevyHaaretz, 26/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Pouvons-nous dire du bien de Benjamin Netanyahou ? Le Premier ministre savait comment et quand mettre fin à la guerre contre l’Iran.

Pouvons-nous également dire quelque chose de positif à propos de Donald Trump ? Sans l’intervention précise et puissante du président usaméricain, ce conflit se serait transformé en une guerre d’usure démoralisante et sans fin qui aurait dévasté Israël encore plus qu’elle n’aurait dévasté l’Iran, qui a beaucoup plus d’expérience en matière de guerre prolongée.

 
Netanyahou sur les lieux d’une frappe de missile iranien à Rehovot la semaine dernière. Photo Itai Ron

 Il est très douteux que les prédécesseurs de Trump, Barack Obama et Joe Biden, tous deux hésitants, auraient osé ordonner à Netanyahou de mettre fin à la guerre comme l’a fait leur successeur.

Comme il s’agissait d’une guerre d’une dangerosité sans précédent, il est impératif d’exprimer notre gratitude à ceux qui y ont mis fin. Il est facile de dire que la crainte de Netanyahou envers Trump l’a conduit à mettre fin à la guerre, mais on peut supposer qu’il avait également la possibilité de la poursuivre, ne serait-ce que pour une brève période, et de s’attirer des ennuis.

Netanyahou a fait preuve de leadership et de détermination, quelques instants après que son grotesque ministre de la Défense eut gazouillé : « J’ai donné instruction à l’armée israélienne de répondre avec force à la violation du cessez-le-feu par l’Iran. » Sur les questions les plus importantes, Israël a le plus petit gouvernement de son histoire : un gouvernement composé d’un seul homme.

Israël est divisé en deux camps. L’un est convaincu que tout ce que fait Netanyahou est un acte de Dieu ; l’autre, que tout ce qu’il fait est un acte de Satan. Netanyahu n’est ni l’un ni l’autre.

Le principal responsable du massacre du 7 octobre, et en particulier de la guerre sanglante que mène Israël contre Gaza depuis lors, fait parfois des choses qui peuvent et doivent être saluées. La conclusion rapide de la guerre avec l’Iran en est un exemple. Netanyahou mérite d’être salué, car s’il ne l’avait pas terminée rapidement, nous nous serions retrouvés dans une situation terriblement compliquée.

Il aurait été facile de céder à la tentation de continuer à envahir le ciel iranien et à semer davantage de destruction sous les acclamations des médias israéliens, qui sont fascinés par chaque sortie et s’inclinent devant chaque communiqué de presse du porte-parole militaire. Netanyahou a mis fin à la fête alors même que la droite sanguinaire en voulait davantage. Ce fut la sortie de sa vie, même si elle fut motivée par la pression de Trump. Il est regrettable que Trump et Netanyahou refusent depuis des mois de faire la même sortie à Gaza.

La nécessité de cette guerre, dont les résultats sont tout à fait incertains, est très douteuse. La plupart, sinon la totalité, des résultats auraient pu être obtenus par la voie diplomatique. Seul le temps dira s’il s’agissait d’une guerre trompeuse, qui n’a pas réussi à éliminer l’option nucléaire de l’Iran et l’a peut-être même fait progresser, ou d’une guerre qui a mis fin au rêve nucléaire de Téhéran pour de nombreuses années au moins. Il faut également des preuves supplémentaires pour déterminer l’étendue des dommages causés aux mandataires de l’Iran à Gaza et au Liban. Peut-être un Moyen-Orient meilleur, peut-être pas.

On peut s’incliner devant le Mossad et s’émerveiller des capacités démontrées par l’armée de l’air, mais sans pouvoir citer de résultats significatifs et durables, ça n’a aucune valeur, si ce n’est pour faire saliver les fans du genre et pour la performance embarrassante de Yossi Cohen [chef du Mossad de 2016 à 2021, NdT] sur Channel 12 news, qui cherche à s’attribuer le mérite de cette opération.

Nos James Bond tant vantés ont-ils rendu Israël plus sûr ? Seul le temps le dira. Au moins, cette guerre n’était pas génocidaire : en Israël, l’amputation massive s’appelle « Opération Bipeurs » et les gens regardent avec des yeux d’enfants chaque tuerie pyrotechnique et cinématographique sans s’interroger sur sa véritable valeur.

Netanyahou a lancé et gagné cette guerre, et tous ceux qui pensent qu’elle était bonne pour Israël doivent l’admirer pour cela, même s’ils le considèrent comme « le Juif le plus méprisable de l’histoire », comme c’est souvent le cas dans le camp « tout sauf Bibi ». D’un autre côté, ses partisans stupides devraient comprendre à présent qu’il est responsable d’horribles crimes de guerre à Gaza, crimes qui n’ont fait que s’intensifier sous le couvert de la guerre avec l’Iran.

Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu, dit le Nouveau Testament. ça s’applique aussi bien à un César cruel comme Netanyahu qu’à un dieu matamore comme Trump.

 

“Si rien d’autre ne marche, yaka bombarder le comité Nobel norvégien et piquer le prix !”
Sajith Kumar, Inde

22/06/2025

GIDEON LEVY
Est-il légitime de tuer un chef d’État ?

Gideon LevyHaaretz, 22/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Est-il légitime de discuter de l’assassinat du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei ? Est-il légitime de tuer un chef d’État, sauf dans de très rares cas ? Si oui, quels chefs d’État sont des cibles légitimes et lesquels ne le sont pas, et qui en décide ? Qui peut affirmer que Khamenei peut être assassiné, mais pas Benjamin Netanyahou ? Que Vladimir Poutine peut être tué, mais pas Donald Trump ? Lequel de ces deux hommes représente le plus grand danger pour le monde ? Tout dépend du point de vue de chacun.

Rick McKee


Quels scientifiques peuvent être tués ? Les scientifiques nucléaires iraniens, oui, les scientifiques nucléaires israéliens, non ? Sur quelle base ? Les deux groupes sont des scientifiques au service de l’industrie la plus monstrueuse qui soit, celle du meurtre. Cela conduit naturellement à la question de savoir si un pays a le droit de posséder des armes nucléaires alors qu’un autre ne l’a pas.

Après tout, le niveau de dangerosité d’un pays peut changer. L’Iran n’a pas toujours été un pays dangereux, et Israël ne sera pas toujours un pays sans danger. Il y a déjà beaucoup de politiciens fous en Israël qui représentent un risque pour toute la région. Serait-il légitime de leur confier le code secret ? Serait-il légitime de les assassiner ?

Ces questions sont extrêmement sensibles ; Israël évite d’en discuter et élude les réponses, invoquant l’argument sacré : « Comment pouvez-vous même comparer ? » Israël ne peut être comparé à aucune autre entité dans le monde. Yigal Amir, qui a assassiné l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, estimait que Rabin représentait une menace existentielle pour l’État d’Israël. Peu d’Israéliens pensent que cela donnait à Amir le droit d’assassiner le Premier ministre.

Aujourd’hui, Israël considère que Khamenei représente une menace existentielle et qu’il est donc permis de l’assassiner : « assassiner » est le mot correct ici, le plus précis. Si l’on met de côté l’hypothèse qu’Israël s’est inventée, selon laquelle il est permis de faire ce qui est interdit au reste du monde, il est très difficile de répondre à ces questions. L’argument selon lequel Israël est un cas particulier, parce que tout nous est permis, parce que nous sommes les survivants de l’Holocauste et du massacre du 7 octobre, ne tient pas la route. Le monde commence également à s’en lasser. La réponse à ces questions doit être universelle.

Israël invoque une comparaison entre Khamenei et Hitler pour justifier l’assassinat imminent. Il est clair qu’Hitler devait être éliminé, mais Khamenei n’est pas Hitler. Israël affirme qu’il s’abstient de nuire aux civils. Khamenei est un civil, pas le chef d’état-major ou un général. Nous pouvons également mettre de côté momentanément la question de la légitimité et nous demander s’il est sage de le tuer.

La guerre en Iran est sur le point de se compliquer. Yaniv Kubovich a rapporté que les responsables militaires israéliens affirment soudainement qu’Israël ne peut être soumis à un délai. C’est ainsi que l’on commence à s’enfoncer dans le marécage. Assassiner Khamenei ne ferait qu’empirer les choses.

Pendant ce temps, le ministre de la Défense joue à Dieu. À ce titre, Isrel Katz a annoncé que Khamenei ne pouvait pas être autorisé à « continuer d’exister ». Quels sont les critères de Katz pour être autorisé à « exister » ? Décide-t-il qui doit vivre et qui doit mourir ? Une cour céleste dirigée par un membre ridicule du cabinet israélien ? Le ministre iranien de la Défense est-il autorisé à menacer son homologue israélien de mort ?

Les commentateurs des studios d’information israéliens parlent de la « chasse aux scientifiques » en Iran, faisant peut-être allusion à la chasse aux scientifiques allemands menée par le Mossad en Égypte dans les années 1960. La terminologie a son importance, et elle est aussi ignoble que les propos du ministre de la Défense. On ne « chasse » pas les scientifiques, car ce ne sont pas des animaux (dont la chasse est également horrible), même s’ils sont iraniens.

Les appels à l’assassinat de chefs d’État ne sont légitimes de la part d’aucune partie. Notre Netanyahou est désormais responsable du meurtre de dizaines de milliers de personnes à Gaza. Est-il permis d’appeler à son assassinat afin de sauver ce qui reste de la nation là-bas ? De nombreux Israéliens pensent également qu’il est un tyran, qu’il détruit le pays et ruine la démocratie israélienne, qu’il est le Juif le plus méprisable de l’histoire et lui adressent une foule d’autres insultes – mais personne, espérons-le, n’imagine même discuter de son assassinat.

Le débat sur l’élimination de Khamenei ouvre la voie à la légitimité : désormais, il est permis d’assassiner des chefs d’État. La seule question qui reste à débattre est de savoir qui est une cible légitime et qui ne l’est pas. Les Israéliens ne le sont pas.

17/06/2025

RICH WILLED
Le miroir du tyran : ce que Netanyahou ne dira pas sur l’Iran et la démocratie

Rich Willed, 16/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


S’il y a une chose qui commence vraiment à m’agacer ces derniers temps, c’est la façon dont les Occidentaux privilégiés regardent avec mépris les Palestiniens ou les Iraniens « non civilisés », sans la moindre goutte d’introspection.

Nous parlons de ces personnes en termes binaires. Antisémites. Théocratie. Axe du mal.

 

Pas d’histoire. Pas de contexte. Aucune reconnaissance de notre propre rôle dans cette histoire.

 

En écoutant Netanyahou expliquer ces derniers jours les raisons qui le poussent à attaquer l’Iran, je ne peux m’empêcher de penser qu’il existe une forme particulière d’hypocrisie réservée aux puissants. Une hypocrisie qui ne se nourrit pas du silence, mais des discours.

 

Elle se dissimule derrière le langage de la démocratie, de la liberté et de la moralité, tout en commettant les crimes qu’elle prétend condamner. Peu de personnalités illustrent mieux cette inversion que Benjamin Netanyahou. Ces derniers temps, je me surprends à inverser le sens de ses propos en temps réel. Ce serait presque drôle s’il ne traînait pas le monde au bord de la guerre nucléaire.

 

Le titre d’aujourd’hui en est un parfait exemple : « L’Iran a tenté d’assassiner Trump – à deux reprises ». Aucune preuve. Aucun détail. Juste : « Faites-moi confiance ».

 

Comme s’il allait de soi que nous devions croire un homme qui a menti plus de fois qu’on ne peut compter. Un homme actuellement jugé pour corruption dans son propre pays. Un homme sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

 

Et pourtant, Netanyahou monte sans cesse sur la scène internationale pour dépeindre l’Iran comme un régime tyrannique. Une théocratie brutale qui menace la stabilité régionale, la paix mondiale et l’ordre moral des nations « civilisées ». Il parle de répression, d’autoritarisme religieux, d’ambitions nucléaires...

 

Et pourtant, pendant qu’il parle, des enfants palestiniens gisent sous les décombres israéliens. Dans son propre pays, les juges sont privés de leur indépendance. Les manifestants envahissent Tel-Aviv pour mettre en garde contre la descente d’Israël vers l’autocratie. Et pourtant, les médias et les politiciens occidentaux répètent ses paroles comme s’ils n’en voyaient pas la fausseté.

 

C’est l’astuce séculaire de l’empire : présenter la résistance comme un danger et la domination comme la paix. Traiter son ennemi de tyran tout en larguant des bombes, en construisant des murs et en réduisant au silence toute dissidence. Il s’agit d’un renversement psychologique si profondément ancré dans la psyché occidentale que nous ne le remarquons même plus.

 

Mais que se passerait-il si nous inversions les rôles ?

 

Et si la vraie question n’était pas de savoir ce qui ne va pas en Iran, mais ce qui s’est passé la dernière fois que l’Iran a tenté de se libérer ?

 

Car derrière chaque accusation portée contre l’Iran se cache une histoire que nous ne sommes pas censés nous rappeler. Une histoire qui n’est pas celle du fanatisme, mais celle de la démocratie. Non pas celle de l’extrémisme, mais celle de l’autodétermination nationale. Et c’est cette histoire, et non les missiles ou les milices, que des hommes comme Netanyahou redoutent le plus.

 

Il est révélateur que si peu de gens connaissent cette histoire. Mais je suppose que c’est le but recherché.

 

Car si le monde se souvenait de ce qui s’est passé en Iran en 1953, le discours de Netanyahou commencerait à s’effriter. Toute la supériorité morale de l’Occident commencerait à s’écrouler.



Il y a soixante-dix ans, l’Iran n’était pas une théocratie. C’était une démocratie. Et son Premier ministre, Mohammad Mossadegh, n’était pas un religieux extrémiste ou un fanatique anti-occidental. C’était un réformateur laïc et instruit, largement respecté dans tout l’Iran et même dans certaines régions d’Europe.

 

Il était également profondément attaché à une idée révolutionnaire : les ressources naturelles de l’Iran devaient profiter à son propre peuple.

 

À l’époque, les entreprises britanniques contrôlaient le pétrole iranien, notamment l’Anglo-Iranian Oil Company (BP). Les travailleurs iraniens vivaient dans la pauvreté tandis que les élites britanniques engrangeaient les profits. Mossadegh voyait cela pour ce que c’était : un vol colonial. C’est pourquoi, en 1951, il a fait ce que tout dirigeant qui se respecte aurait dû faire. Il a nationalisé le pétrole iranien.

 

Cet acte a scellé son destin.



Mossadegh porté en triomphe par la foule après la nationalisation de l'Anglo-Iranian

 

Les Britanniques étaient furieux. Mais leur empire déclinant, ils avaient besoin d’aide. Ils se sont donc tournés vers leur partenaire d’après-guerre dans le contrôle mondial : les USA. Ensemble, la CIA et le MI6 ont lancé l’opération Ajax, un coup d’État secret qui a renversé Mossadegh et rétabli le Shah, un monarque aligné sur l’Occident qui a dirigé l’Iran d’une main de fer pendant les 26 années qui ont suivi.

 

Oui, vous avez bien entendu. Et non, ce ne sont pas des rumeurs. Tout cela est accessible à quiconque souhaite s’informer.

 

Dans les années 1950, l’Iran était une démocratie qui fonctionnait. Son dirigeant était élu au suffrage universel. Ce dirigeant agissait dans l’intérêt de son peuple. Et pour cela, l’Occident l’a écrasé.

 

Pourquoi ? Pas à cause de la tyrannie. Mais à cause de la souveraineté.

 

Parce qu’un Iran libre qui contrôlait son propre pétrole était bien plus dangereux pour les intérêts occidentaux qu’un régime brutal qui se pliait aux règles de l’empire.

 

Avant de juger ces pays comme arriérés ou mauvais, nous devrions peut-être prendre le temps de réfléchir. Et faire un peu d’introspection.

 

Car l’Iran n’était pas le seul.

 

Le renversement de Mossadegh n’était pas une anomalie. C’était un modèle. Un coup de semonce à toute nation, en particulier celles riches en ressources, qui osait imaginer l’indépendance. Au cours des décennies qui ont suivi, le schéma est devenu indéniable : chaque fois qu’un pays du Sud tentait d’affirmer sa souveraineté, en particulier sur ses propres ressources, les puissances occidentales intervenaient. Non pas pour défendre la démocratie, mais pour la démanteler.

 

Au Chili, ce fut Salvador Allende. Élu démocratiquement en 1970, il entreprit de nationaliser l’industrie du cuivre, contrôlée en grande partie par des sociétés usaméricaines. Trois ans plus tard, avec le soutien de la CIA, l’armée chilienne organisa un coup d’État violent. Allende fut tué. À sa place, le dictateur Pinochet prit le pouvoir, torturant et faisant disparaître des milliers de personnes. Washington qualifia cela de victoire pour la stabilité.

 

Au Congo, c’était Patrice Lumumba. Jeune, charismatique et déterminé à se libérer de l’exploitation belge, il a été élu Premier ministre en 1960. En quelques mois, il a été renversé puis exécuté, son assassinat ayant été orchestré avec la complicité de la CIA. Le pays a été livré à Mobutu, un homme fort corrompu qui l’a saigné à blanc pendant des décennies.

 

En Irak, Saddam Hussein a été armé et soutenu par les USA jusqu’à ce qu’il se retourne contre les intérêts de l’empire. Lorsqu’il a osé vendre du pétrole en dehors du système pétrodollar et laissé entendre qu’il souhaitait exercer un leadership régional échappant au contrôle usaméricain, le mensonge des armes de destruction massive a vu le jour. La guerre a été présentée comme une libération. Elle s’est transformée en occupation, en chaos et en mort.

 

En Libye, Mouammar Kadhafi était peut-être un personnage complexe, mais une chose est sûre : sa proposition d’une monnaie panafricaine adossée à l’or constituait une menace directe pour la domination des systèmes financiers occidentaux. Quelques mois après avoir lancé cette idée, il a été pris pour cible, bombardé et brutalement exécuté. Son pays n’a plus connu la paix depuis.

 

Et ce ne sont là que quelques exemples parmi les plus connus.

 

Le scénario de l’empire se répète sans cesse. Les dirigeants qui servent les intérêts occidentaux, aussi brutaux soient-ils, sont tolérés, voire soutenus. Mais ceux qui remettent en cause l’ordre économique, qui revendiquent le contrôle de leur pétrole, de leur eau, de leurs terres ou de leur monnaie, sont qualifiés de fous, d’extrémistes ou de terroristes. Leurs démocraties sont déstabilisées. Leurs pays sont sanctionnés, envahis ou réduits en ruines.

 

Il ne s’agit pas de liberté. Cela n’a jamais été le cas.

 

Il s’agit d’obéissance.

 

Et nous revoilà dans le présent, où le scénario continue de se dérouler, presque mot pour mot. Même si, peut-être enfin, il commence à s’effriter.

 

L’Iran est une fois de plus présenté comme le grand méchant. Netanyahou, Trump, les politiciens occidentaux et les médias parlent d’une voix presque unanime. L’Iran est un État voyou, une force déstabilisatrice, le premier sponsor mondial du terrorisme. Israël a mené une « frappe préventive ». Il a le droit de se défendre. Le monde doit défendre Israël contre la théocratie vicieuse qui ne vit que pour le détruire. Le langage est clinique. Répété. Incontesté.

 

Mais arrêtons-nous un instant.

 

Qu’a fait exactement l’Iran ? A-t-il envahi un voisin ? Renversé des gouvernements ? Commis des assassinats ciblés sur le sol étranger ? Posé des bombes dans des hôpitaux et des écoles ?

 

Ou son véritable crime est-il tout autre, bien plus familier et bien moins pardonnable ?

 

L’Iran soutient la résistance palestinienne. Il était l’un des sept pays cités dans le désormais tristement célèbre plan du Pentagone visant à « éliminer » certains pays après le 11 septembre. Le seul qui soit encore debout...

 

L’Iran refuse de s’incliner devant Israël. Il ne se soumettra pas aux USA. Il détient d’immenses réserves de pétrole et de gaz et a insisté, à maintes reprises, pour tracer sa propre voie. Et pour cela, il est présenté comme un grand danger pour la paix mondiale.

 

Pendant ce temps, Israël, un régime d’apartheid doté de l’arme nucléaire et se livrant à un génocide sans vergogne, est en quelque sorte considéré comme l’acteur responsable.

 

Il s’agit là d’un renversement d’une ampleur presque incompréhensible.

 

C’est la tyrannie vendue comme démocratie. La résistance qualifiée de terrorisme.

 

Posez-vous la question suivante : si la guerre nucléaire était vraiment la préoccupation qui motive les actions d’Israël, pourquoi personne ne s’inquiète-t-il du pacte de défense conclu entre l’Iran et l’une des deux plus grandes puissances nucléaires de la planète, la Russie ?

 

Ou peut-être que les menaces nucléaires ne sont des menaces que lorsqu’elles proviennent de ceux qui ne suivent pas les ordres ?

 

Et pendant ce temps, Netanyahou, qui a passé des décennies à démanteler les institutions démocratiques d’Israël, à inciter à la haine raciale et à entraîner son peuple dans un état de guerre sans fin, se tient à la tribune et donne des leçons de liberté au monde entier.

 

Ce serait risible si ce n’était pas aussi mortel.

 

La vérité profonde est la suivante : l’Occident ne craint pas l’extrémisme religieux. Il ne craint pas l’autoritarisme. S’il le craignait, il aurait sanctionné Israël depuis longtemps. Ce qu’il craint, ce qu’il a toujours craint, c’est l’indépendance. Une nation qui pense par elle-même, défend sa dignité et refuse de vendre son âme à l’empire.

 

C’est là la véritable menace.

 

Et peut-être que la question la plus importante que nous devons nous poser est la suivante : qui a le droit d’être libre ?

 

Car c’est là le cœur du problème. Pas seulement en Iran, à Gaza ou en Libye, mais partout où le joug de l’empire a écrasé ceux qui ont osé rêver d’autre chose.

 

Qui a le droit de revendiquer sa souveraineté ? Qui a le droit de nationaliser son pétrole, son eau, ses terres ? Qui a le droit de répondre aux puissances qui dominent le monde ?

 

Est-ce que je vis vraiment dans un pays démocratique si le simple fait de poser ces questions me met en danger ? Est-ce cela que nous prétendons être la liberté ?

 

Car les preuves sont claires : l’Occident applaudira une dictature tant qu’elle respectera ses règles. Et il écrasera une démocratie dès qu’elle sortira du rang.

 

L’Iran n’est pas devenu une dictature parce qu’il était tyrannique. Il est devenu ce qu’il est parce qu’il a osé être libre. La théocratie est née des cendres d’un rêve qui n’a jamais pu se réaliser.

Il ne s’agit pas ici de romancer le régime actuel de l’Iran. Il est brutalement répressif. Les dissidents sont réduits au silence, les femmes sont asservies et la violence d’État est bien réelle. Mais si nous nous arrêtons là, si nous isolons cette vérité du contexte qui l’a fait naître, nous ne nous livrons pas à une réflexion honnête. Nous nous livrons à une morale sélective.

 

La République islamique n’est pas apparue dans le vide. Elle s’est élevée des décombres d’une démocratie écrasée par l’Occident, comme beaucoup de dictatures qui l’ont suivie. Et tant que nous ne serons pas prêts à nous demander comment nous en sommes arrivés là, nous continuerons à commettre la même erreur : réagir aux flammes tout en ignorant l’étincelle.

 

Il en va de même pour le 7 octobre. Cette journée a été horrible. Des vies innocentes ont été perdues. Mais l’isoler, le traiter comme une explosion inexplicable du mal, c’est participer à une amnésie narrative. Car l’horreur ne survient jamais de manière isolée. Elle éclate sous la pression. Et si nous parlons du sang versé ce jour-là sans parler du siège, de l’occupation, de la dépossession, des décennies de déshumanisation qui l’ont précédé, nous ne recherchons pas la vérité. Nous préservons le pouvoir.

 

Netanyahou peut parler de menaces autant qu’il veut. Il peut battre les tambours de guerre, se draper dans le langage de la liberté et appeler au feu au nom de la civilisation.

 

Mais il ne craint pas l’Iran parce que c’est une théocratie. Il le craint parce que c’est une mauvaise théocratie, une théocratie qui ne se plie pas à ses règles et ne se soumet pas à son agenda.

 

Et au final, tout semble toujours revenir à la Palestine.

 

En 2001, sept pays de la région soutenaient ouvertement la cause palestinienne. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un, qui est désormais dans le collimateur d’Israël.

 

Il est difficile de ne pas se poser la question suivante : si le monde avait agi plus tôt, s’il avait combattu l’injustice au cœur du conflit israélo-palestinien au lieu de la laisser perdurer pendant des décennies, en serions-nous là aujourd’hui ? Cette guerre serait-elle également nécessaire ?

 

Car peut-être, juste peut-être, que résoudre la blessure la plus ancienne du Moyen-Orient pourrait commencer à en guérir d’autres.

 

L’histoire jugera ce moment avec beaucoup plus de clarté que nous ne pouvons le faire aujourd’hui.

 

Mais je ne peux m’empêcher de penser que nous avons peut-être le luxe du recul.

L’avenir de l’humanité exige peut-être que nous allions droit au cœur du problème, dès maintenant.

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