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30/04/2023

JORGE MAJFUD
Lettre ouverte à l'ambassadeur des USA chargé du Venezuela

  Jorge Majfud, 28/4/2023
Traduit par Faustinho Das Mortes

 Monsieur l'Ambassadeur James Story, 

Je suis heureux d'apprendre que la nouvelle politique du gouvernement usaméricain inclut la possibilité de lever les sanctions économiques contre le Venezuela, une vieille pratique de Washington depuis le début du 20ème siècle et qui consistait à ruiner les économies des pays ayant des gouvernements indépendants ou non-alignés. Comme ce fut le cas au Chili, où les sanctions contre le gouvernement démocratique d'Allende n'ont été levées que lorsque Washington et la CIA ont comploté pour détruire cette démocratie le 11 septembre 1973 et la remplacer par la dictature brutale d'Augusto Pinochet. Ce n'est qu'ensuite que les sanctions ont été remplacées par des millions de dollars d'aide pour produire le fameux “miracle chilien”, qui n'a pas empêché plusieurs crises économiques et sociales. Les exemples sont nombreux, mais je n'entrerai pas dans les détails. Ce qui est sûr, c'est que les responsables ne comparaîtront jamais devant un tribunal national ou international pour leurs crimes contre l'humanité. La justice est pour les pauvres et pour les perdants.

Comme vous le savez, en 1989, la population vénézuélienne est descendue dans la rue pour protester contre la politique de son gouvernement, qui tentait de mettre en œuvre ce que l'on a appelé plus tard la doctrine du consensus de Washington. Des centaines de personnes (probablement des milliers) ont été massacrées par les forces de répression, mais le président George H. Bush n'a pas bloqué ou puni le gouvernement vénézuélien par des sanctions ; au contraire, il est venu à la rescousse du président Carlos Andrés Pérez avec une aide de plusieurs millions de dollars et un engagement à radicaliser les mesures mêmes contre lesquelles la population protestait.

PEDRIPOL

Selon des économistes comme Jeffrey Sachs, les sanctions actuelles contre le peuple vénézuélien sont responsables de la mort de dizaines de milliers de Vénézuéliens et, en partie, des millions d'émigrants. Je comprends que la guerre contre la Russie et les derniers accords de paix négociés par la Chine entre deux autres grands producteurs de pétrole, l'Arabie Saoudite et l'Iran, rendent nécessaire et urgent un réexamen du cas vénézuélien.

Mais parlons de démocratie, c'est l'essentiel. Vous avez récemment fait une déclaration officielle appelant les Vénézuéliens à s'inscrire sur les listes électorales pour les prochaines élections. C'est une idée que nous soutenons presque tous. Mais cette déclaration officielle est le reflet d'une histoire vieille de deux siècles, au cours de laquelle l'Amérique latine a souffert de l'ingérence des gouvernements et des entreprises privées des USA.

Dans les années 1940, l'un des pays les plus éloignés de l'influence géopolitique des USA, l'un des plus rebelles et des plus détestés pour cette raison, selon les diplomates de Washington de l'époque, était l'Argentine. Son indépendance et son manque d'obéissance ont suscité des interventions politiques de la part de l'ambassadeur usaméricain de l'époque, Spruille Braden. En s'immisçant dans la campagne électorale de 1945, Braden a inventé l'anti-péronisme avant même que le péronisme ne naisse. On pourrait citer des dizaines de cas similaires et vous le savez. En géopolitique, la troisième loi de Newton se vérifie, mais jamais dans les mêmes proportions. Presque toujours, l'action écrase la réaction avec une dictature coloniale, mais parfois, c'est le contraire qui se produit et cela s'appelle une révolution.

Dans votre communication du 27 avril [voir vidéo ci-dessous], vous avez averti les Vénézuéliens que le gouvernement de M. Maduro essaierait de les convaincre de ne pas voter. Vous avez également qualifié certains représentants de l'Assemblée nationale de “scorpions” qui utilisent divers sigles politiques pour diviser les votes.

Pouvez-vous imaginer que la règle d'or des relations internationales, le principe de réciprocité, soit appliquée et que l'ambassadeur d'un pays d'Amérique latine s'adresse aux USAméricains dans un message officiel pour favoriser les républicains ou les démocrates ? Pouvez-vous imaginer que l'un d'entre eux demande aux USAméricains de démocratiser le système électoral en éliminant le collège électoral, un héritage du système esclavagiste, comme tant d'autres choses ? Ou le système disproportionné qui assure deux sénateurs par État, alors que certains États sont quarante fois plus peuplés que d'autres ? Ou que les citoyens usaméricains de la colonie de Porto Rico se mobilisent pour réclamer le droit de vote ? Ou que les entreprises cessent d'écrire les lois au Congrès et de donner des centaines de millions de dollars aux candidats à chaque élection ? Vous imaginez ?

Ce serait tout de même moins grave si l'on considère qu'il n'y a jamais eu de pays latino-américain qui ait envahi les USA, leur ait pris la moitié de leur territoire, ait renversé plusieurs gouvernements et ait installé des dictatures militaires pour protéger les entreprises privées latino-américaines. Connaissez-vous un seul exemple ? Vous n'en connaissez pas, n'est-ce pas ? Mais si un tel cas hypothétique se produisait, non seulement cet ambassadeur perdrait son poste, mais s'il s'agissait de l'ambassadeur de Bolivie ou du Venezuela, le monde attendrait déjà un “changement de régime” ou un nouveau blocus.

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez demandé aux Vénézuéliens de “parler à leurs voisins” parce que “les élections peuvent être gagnées”. Ce n'est pas une nouveauté dans l'histoire tragique de l'Amérique latine, comme vous le savez et comme le savent beaucoup mieux les Latino-Américains, dont la mémoire ancienne et nouvelle est jonchée d'ingérences tragiques, de coups d'État et de “dictatures amies” sanglantes soutenues par Washington et les entreprises qui ont plus de pouvoir que vous et que n'importe quel autre ambassadeur. Ce qui est peut-être nouveau, c'est que cela n'est même plus caché ou nié, comme c'était le cas, par exemple, au temps de Mister Kissinger.

Quand allons-nous comprendre qu'il est dans l'intérêt du peuple usaméricain et latino-américain de cesser de se faire des ennemis avec cette ingérence paternaliste et arrogante, qui va à l'encontre des principes élémentaires des relations internationales ?

Quand allons-nous cesser de représenter des intérêts particuliers et penser sérieusement au bien commun des peuples libres et indépendants ?

Quand allons-nous comprendre qu'il est non seulement plus juste et moins tragique, mais encore plus économique de se faire des amis plutôt que des ennemis, que la “sécurité nationale” dépend de la première et non de la seconde option ?

Quand allons-nous cesser de voir le monde comme un film d'Indiens contre cow-boys, de super-héros contre méchants, de flics contre voleurs où nous nous arrogeons toujours le rôle de cow-boys, de flics et de super-héros, en oubliant l'histoire tragique qui est à l'origine des “méchants” alors que le monde nous laisse de plus en plus seuls ?

Quand allons-nous nous changer pour faire de ce monde un endroit plus juste, avec des règlements plus équitables et moins de guerres suprémacistes ?

Quand allons-nous cesser de contrôler la vie des autres au nom de bonnes vieilles excuses et nous atteler à résoudre nos propres problèmes nationaux, qui s'aggravent de jour en jour ?

Est-ce que nous acceptons seulement que le monde change (et, comme toujours, s'adapte à nos exigences) et que nous ne le fassions pas ?

Combien de temps allons-nous continuer à rater notre coup en prétendant donner des leçons au monde sur la liberté, la démocratie et les droits humains, toujours par la force des sanctions économiques, quand ce n'est pas par des bombardements notoires ? Combien de temps allons-nous donner des leçons sur la façon de vivre alors que nous ne savons même pas comment le faire nous-mêmes ?

Salutations distinguées,

Jorge Majfud
 
James "Jimmy" Story est l'ambassadeur de l'Unité des affaires vénézuéliennes, basée à l'ambassade des USA à Bogota, en Colombie.

JORGE MAJFUD
Open letter to the U.S. ambassador for the Venezuela Affairs Unit

    Jorge Majfud, 28/4/2023

Mr. Ambassador James Story:

I am pleased to learn that the new policy of the United States government includes the possibility of lifting economic sanctions against Venezuela, an old Washington practice since the beginning of the 20th century, which consisted of ruining the economies of countries with independent or non-aligned governments. As was the case in Chile, when the sanctions against the democratic government of Allende were lifted only when the plot of Washington and the CIA succeeded in destroying that democracy in its 9/11 of 1973 to replace it with the brutal dictatorship of Augusto Pinochet. Only then were the sanctions replaced by millions in aid to produce the touted “Chilean Miracle”, which even so did not prevent several economic and social crises. The examples are multiple, but I will not go into more detail. The good thing is that those responsible will never, ever face any national or international court for their crimes against humanity. Justice is for the poor and for the losers.


As you know, in 1989 the Venezuelan population took to the streets to protest against the policies of their government, which was trying to implement what later became known as the Washington Consensus doctrine. Hundreds of people (probably thousands) were massacred by the forces of repression, but President George H. Bush did not block or punish the Venezuelan government with sanctions, but instead came to the rescue of President Carlos Andrés Pérez with multimillion-dollar aid and with the commitment to radicalize the same measures against which the population protested.

PEDRIPOL

According to economists such as Jeffrey Sachs, the current sanctions against the people of Venezuela are responsible for the death of tens of thousands of Venezuelans and, in part, of the millions of emigrants. I understand that the war against Russia and the most recent peace agreements promoted by China between two other large oil producers, Saudi Arabia and Iran, make a reconsideration of the case of Venezuela necessary and urgent.

But let’s talk about democracy, which is what matters. You recently made an official statement urging Venezuelans to register to vote in the upcoming elections. An idea that almost all of us support. But for you to say it and officially represents an old story of two centuries that Latin America has had to suffer due to the interference of the governments and private corporations of the United States.

In the 1940s, one of the countries furthest from the geopolitical influence of the United States and one of the most rebellious and hated for that very reason, according to Washington diplomats at the time, was Argentina. Its independence and its lack of obedience motivated the political interventions of the American ambassador of the time, Spruille Braden. With his involvement in the 1945 electoral campaign, Braden invented anti-Peronism before Peronism was born. We can mention dozens of similar cases and you know it. In geopolitics Newton’s Third Law is fulfilled, although never in the same proportion. Almost always the action crushes the reaction with some colonial dictatorship, but sometimes the opposite happens and it is called revolution.

In your April 27 statement [see video below], you warned Venezuelans that the government of Mr. Maduro will try to convince them not to vote. You also described some representatives of the National Assembly as “scorpions”, who use different political acronyms and names to divide votes.

Can you imagine if the golden rule of international relations is applied, the principle of reciprocity, and the ambassador of some Latin American country addresses the Americans in an official message to favor Republicans or Democrats? Imagine if one of them asked the Americans to democratize the electoral system by eliminating the Electoral College, a legacy of the slave system, like so many other things? Or the disproportionate system that ensures two senators per state, regardless of the fact that some states have forty times the population of others? Or that the US citizens of the colony of Puerto Rico mobilize to claim the right to vote? Or that corporations stop writing laws in Congresses and donate hundreds of millions of dollars to candidates in every election? Can you imagine?
In spite of everything, it would be less serious, considering that there was never a Latin American country that invaded the United States, that took half of its territory, that overthrew several governments and installed military dictatorships to protect Latin American private companies. Do you know any example? No, right? But if that hypothetical case occurred, not only would that ambassador lose his position, but, if he were the ambassador of Bolivia or Venezuela, the world would already be waiting for “a change of regime” or a new blockade.

As if that were not enough, you asked Venezuelans to “talk to their neighbors” because “the elections can be won.” It is not that this is something new in the tragic history of Latin America that, as you know and it is known much better by Latin Americans, whose old and new memory is littered with tragic interference, coups d’état and bloody “friendly dictatorships” supported by Washington and corporations that have more power than you and any other ambassador. Perhaps what is new is that it is no longer even hidden or denied, as Mr. Kissinger, for example, used to do.

When are we going to understand that it is in the interest of the American and Latin American people to stop making enemies with these paternal, arrogant interferences and against elementary principles of international relations?

When are we going to stop representing special interests and think seriously about the common good of free and independent peoples?
When are we going to understand that it is not only fairer and less tragic, but even cheaper to make friends than enemies, that “national security” involves the former, not the latter?

When are we going to stop seeing the world as a movie about Indians against cowboys, superheroes against villains, cops against robbers where we always assume the role of cowboys, policemen and superheroes forgetting the tragic story that originated “bad guys” while the world is leaving us more and more alone?
When are we going to change to make this world a fairer place, with more equitable agreements and less supremacist wars?
When are we going to stop controlling the lives of others in the name of old and beautiful excuses and dedicate ourselves to fixing our own national problems that are more and more serious every day?
Is it that we only accept that the world changes (and, as always, adapts to our demands) and we don’t?

How long will we continue to fail in style while we try to teach the world lessons in freedom, democracy, and human rights, always with the force of economic sanctions, if not well-known bombings?
How long are we going to give lessons on how to live when we don’t even know how to do it?
 
Sincerely,
Jorge Majfud


 
James “Jimmy” Story is the Ambassador for the Venezuela Affairs Unit, located at the United States Embassy in Bogota, Colombia

14/10/2022

WILLIAM NEUMAN
Les USA ne peuvent pas maintenir la fiction que Juan Guaidó est le président du Venezuela et doivent reconnaître la réalité : il s’appelle Nicolás Maduro

William Neuman, The New York Times, 8/10/2022
Español
Nicolás Maduro es el presidente de Venezuela. Debemos reconocerlo
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

William Neuman est un auteur et journaliste qui a travaillé pour le New York Times pendant plus de 15 ans. Il a été chef du bureau du Times pour la région des Andes de 2012 à 2016, à Caracas, au Venezuela. Il était auparavant journaliste pour le New York Post et son travail a également été publié par le San Francisco Chronicle, le Fort Worth Star-Telegram, le Milwaukee Journal Sentinel et The Independent, entre autres. Il a commencé sa carrière de journaliste alors qu'il vivait au Mexique et a publié des traductions en anglais de plusieurs romans en espagnol. Auteur de Things Are Never so Bad That They Can’t Get Worse: Inside the Collapse of Venezuela.

NdT : la Maison Blanche saura-t-elle entendre ce genre de « voix de la raison » qui lui demandent de reconnaître la réalité du Venezuela, à savoir que son président s’appelle Nicolás Maduro, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas (ce qui semble être le cas de l’auteur) ? -FG

Lorsque les USA ont organisé un échange de prisonniers avec le président vénézuélien Nicolás Maduro la semaine dernière - renvoyant chez eux deux neveux de l'épouse de M. Maduro qui avaient été condamnés pour trafic de drogue en échange de sept USAméricains détenus dans les prisons vénézuéliennes - cela a mis en évidence l'incohérence de la politique usaméricaine envers le Venezuela.


Alors même qu'elle négocie avec M. Maduro, la Maison Blanche continue d'insister sur le fait que Juan Guaidó, un homme politique de l'opposition, est le véritable président du Venezuela. Les USA n'ont pas de relations diplomatiques officielles avec le gouvernement Maduro, et l'ambassade à Caracas est fermée depuis le début de 2019, peu après que le président Donald Trump a reconnu M. Guaidó comme président dans une tentative infructueuse et de longue haleine de forcer M. Maduro à quitter le pouvoir.

Il est temps pour l'administration Biden d'accepter que le gambit de Guaidó a échoué et que la plupart des Vénézuéliens, et la majeure partie de la communauté internationale, sont passés à autre chose. La Maison Blanche a besoin d'une politique vénézuélienne basée sur les faits, et non sur la fiction. Et le fait est que M. Maduro est président du Venezuela et que M. Guaidó ne l'est pas.

Accepter la réalité aura de nombreux avantages potentiels - notamment pour l'opposition vénézuélienne, qui patauge au milieu d'un effort turbulent pour se reconstruire.

Après que M. Trump a annoncé son soutien à M. Guaidó en janvier 2019, des dizaines d'autres pays ont suivi l'exemple de Washington. Mais aujourd'hui, seule une poignée décroissante continue de reconnaître M. Guaidó comme le président du Venezuela et, comme les USA, évite les liens diplomatiques directs avec le gouvernement de M. Maduro.

Et cette liste se raccourcit.

Gustavo Petro, le président de gauche nouvellement élu de la Colombie, a agi rapidement après son entrée en fonction en août pour abandonner la reconnaissance de M. Guaidó par son pays et rouvrir son ambassade à Caracas. Ce changement est crucial car la Colombie a longtemps été l'allié le plus important de Washington en Amérique du Sud et un soutien clé de M. Guaidó.

Le Brésil, autre soutien puissant de M. Guaidó, pourrait être le prochain, si Luiz Inácio Lula da Silva reprend la présidence lors d'un second tour de scrutin plus tard ce mois-ci.

M. Guaidó n'a jamais été président que de nom - il n'avait pas de gouvernement et aucun pouvoir d'action au Venezuela. Il a fait preuve de courage lorsqu'il a défié le régime répressif de M. Maduro, mais il n'a jamais eu de plan viable, au-delà des vagues espoirs d'un coup d'État militaire ou d'une intervention usaméricaine. Et il s'est rallié à l'approche lourde en sanctions de M. Trump, qui a exacerbé la crise économique du Venezuela.