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02/02/2024

ABDEL BARI ATWAN
Le piège de la proposition de trêve de Paris
La duplicité US sur un “État” palestinien sert l’agenda génocidaire d’Israël

Abdel Bari Atwan, Rai Al Youm, 1/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La direction du Hamas à Gaza n’a pas encore répondu officiellement à la proposition de cessez-le-feu issue de la réunion quadripartite du week-end dernier à Paris entre les chefs des services de renseignement des USA, d’Israël, de l’Égypte et du Qatar. Ce retard est très probablement délibéré, et si l’accord est approuvé, il sera conditionné à la satisfaction des exigences de la résistance, à savoir le retrait total d’Israël et l’arrêt définitif de sa guerre contre la bande de Gaza.


Ces dirigeants, qui bénéficient du soutien massif des Palestiniens de la bande de Gaza et de Cisjordanie, doivent savoir que l’objectif de ce projet d’accord est de sauver l’État d’occupation israélien, de consolider l’influence déclinante des USA au Moyen-Orient et de réduire les perspectives d’extension de la guerre, après qu’il est apparu clairement qu’il serait impossible de détruire ou de vaincre le Hamas. Après près de quatre mois d’agressions israéliennes incessantes, le Hamas conserve intacts plus de 80 % de ses armes, de ses forces de défense, de ses tunnels et de ses manufactures d’armement.

Benjamin Netanyahou cherche à obtenir la libération du plus grand nombre possible de captifs, en particulier des civils, afin de pouvoir mettre en œuvre, sans pression intérieure ou extérieure, son plan de dépeuplement de la bande de Gaza par le biais d’une évacuation forcée ou « volontaire ». Il s’agirait d’un prélude à la mise sous tutelle militaire israélienne, au vol de ses énormes réserves de pétrole et de gaz offshore et au rétablissement des 16 colonies israéliennes qui ont été démantelées en 2005 lorsque l’occupation directe a pris fin en raison du nombre croissant de victimes parmi les colons et les militaires aux mains de la résistance.

Avec une duplicité typique, les USA tentent de vendre ce plan israélien en faisant miroiter un État palestinien « démilitarisé » en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, une fois la guerre de Gaza terminée. Le département d’État US a révélé jeudi que Blinken envisageait la possibilité de reconnaître un tel État et qu’il avait demandé à ses collaborateurs de proposer des modèles de « démilitarisation » qui pourraient lui être appliqués.

Amorim, Brésil  

Un dicton populaire dit que plus le mensonge est gros, mieux il passe. Cela vaut pour les fuites des USA et de la Grande-Bretagne sur cette question. Les deux alliés qui ont lancé ensemble toutes les guerres dévastatrices récentes au Moyen-Orient tentent de tendre un nouveau piège à la résistance et au peuple palestiniens en leur vendant une fois de plus la même vieille illusion. Leur véritable objectif est d’annuler la victoire obtenue par le raid du 7 octobre de l’année dernière et de réduire les pertes matérielles et humaines d’Israël.

La prudence est donc de mise. Les preuves de cette duplicité ne manquent pas.

Mercredi, le Congrès usaméricain a voté à une écrasante majorité (422 voix contre 2) l’interdiction d’entrée sur le territoire usaméricain pour tous les membres de l’OLP, du Hamas ou du Jihad islamique palestinien. Comment Washington peut-il soutenir la création d’un État palestinien tout en interdisant l’entrée aux membres de l’OLP qui a signé les accords d’Oslo, reconnu Israël, cédé 80 % du territoire de la Palestine historique et recruté 60 000 agents de sécurité pour protéger les colons et réprimer son propre peuple ?

Les USA ont parrainé les accords d’Oslo et organisé leur cérémonie de signature dans la roseraie de la Maison Blanche il y a 30 ans. Pourtant, au cours des vingt dernières années, ils ont utilisé leur droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour faire échouer la décision de l’Assemblée générale d’accorder à la Palestine le statut d’État membre à part entière des Nations unies. Il semble que si les USA reconnaissent un jour un tel État, ce sera uniquement pour les placards d’archives de l’ONU, sans le faire sur le terrain.



Abdellah Derkaoui, Maroc

L’administration usaméricaine a toujours affirmé qu’un État palestinien ne pouvait voir le jour qu’avec l’accord d’Israël et qu’il devait être démilitarisé. Comment un État démilitarisé peut-il survivre aux côtés d’un ennemi qui pratique le génocide et le nettoyage ethnique et sans avoir les moyens de se défendre contre une nouvelle agression ?

Aujourd’hui, ce n’est pas Joe Biden qui mène la barque à Washington, mais Benjamin Netanyahou. En témoigne le refus répété d’Israël de répondre aux appels des USA à mettre fin aux massacres et aux déplacements massifs de civils dans la bande de Gaza.

Les USA se sont déjà engagés à garantir le cessez-le-feu et les accords de reconstruction à Gaza, notamment l’accord de Charm El Cheikh qui a suivi la guerre de 2013. Mais ils n’ont jamais respecté cet engagement et n’ont jamais fait pression sur Israël pour qu’il s’y conforme. Des milliers de maisons et de tours détruites lors de cet assaut sont toujours en ruines à ce jour, malgré l’allocation de 5 milliards de dollars pour leur reconstruction.

La direction du Hamas, qui a infligé à Israël la plus grande défaite depuis sa création il y a 75 ans, devrait s’en tenir à ses propres conditions dans leur intégralité. Elle ne doit pas accepter le piège de l’accord que les agences de renseignement US et arabes ont conçu et tentent de lui vendre. Ses principaux objectifs sont d’épargner à Israël une défaite ou d’en réduire l’impact, d’imposer ses conditions à la résistance palestinienne par la terreur et le génocide, de désamorcer la colère populaire croissante à l’égard des USA et d’Israël dans le monde arabe et d’anticiper les rébellions contre les dirigeants complices.

Le sponsor usaméricain de l’accord, ainsi que la plupart de ses alliés européens, n’ont jamais exigé l’arrêt de la guerre génocidaire à Gaza, mais l’ont soutenue au nom de la « légitime défense ». Il ne s’est jamais opposé à l’interdiction de l’aide humanitaire ou à la famine délibérée des deux millions d’habitants de la bande de Gaza qui peuvent à peine trouver une bouchée de pain ou une goutte de lait pour garder leurs enfants en vie.

La victoire exige de la patience et sa réalisation approche à grands pas. 550 000 soldats israéliens n’ont pas réussi à contrôler totalement la bande de Gaza, à écraser la résistance, à tuer ou à capturer ses dirigeants. L’État d’occupation a reçu un coup de massue qui a ébranlé les piliers de son existence et veut, avec l’aide des USA, déraciner la résistance en détruisant la population qui l’abrite.

 

Patrick Chappatte, Le Temps, Suisse,  2019

31/01/2024

YACOV BEN EFRAT
Uncle Joe pédale dans le houmous : Biden et le casse-tête israélo-palestinien

Yacov Ben Efrat, Daam, 30/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Yacov Ben Efrat est le secrétaire général du Parti des travailleurs Da’am, un groupe écosocialiste créé en 1995 pour se présenter aux élections israéliennes. Da’am est l’acronyme inversé de منظمة العمل الديمقراطي (Munazzamat al amal addimokratiy/ Organisation pour l’action démocratique). Critiques à l’égard des accords d’Oslo, qu’ils considéraient comme préjudiciables aux Palestiniens, ils appellent au remplacement du régime d’apartheid israélien par un État unique où les Palestiniens et les Israéliens jouiraient de tous les droits civiques.

Lors d’une émission de radio matinale populaire, on a demandé à Hili Tropper, ministre de la coalition Unité nationale (Gantz/Lapid), entrée dans le cabinet de guerre après le 7 octobre, censée être modérée, quelle était sa position sur la proposition de Biden concernant la création de deux États. La réponse de Tropper a été sans équivoque : « actuellement hors sujet ». Si l’on ajoute à cela le rejet catégorique par Netanyahou de la proposition usaméricano-égyptienne d’accord sur les otages, il semble que Biden perde peu à peu du terrain parmi les dirigeants israéliens. La popularité de Joe Biden a atteint son apogée lorsqu’il a stationné l’USS Eisenhower au large des côtes libanaises, exprimant ainsi son soutien inconditionnel à Israël. On se souvient de son triple avertissement au Hezbollah et à l’Iran : « ne bougez pas ».

“-Deux États ? - Trop tard !”
Hassan Bleibel, Liban

 Il est difficile de parler d’un État palestinien lorsque 80 % des Palestiniens de Cisjordanie soutiennent l’attaque du Hamas du samedi 7 octobre, tandis que la majorité des Israéliens refusent catégoriquement toute souveraineté palestinienne, surtout après l’attaque du Hamas.

La société israélienne est plus divisée que jamais. Le gouvernement contre le commandement militaire, la droite contre la gauche, avec en filigrane le débat sur le sort des otages. Faut-il accepter l’arrêt des combats pour sauver les otages du Hamas, ou continuer la guerre en espérant que la pression militaire fera fléchir le Hamas ?

La question politique divise également la société. Le gouvernement refuse de discuter du « jour d’après », un refus qui, selon les militaires, entraîne la perte des acquis militaires obtenus au prix du sang de quelque 200 soldats morts et de milliers de blessés. Un État palestinien ne fait pas du tout partie de la discussion, et il semble qu’il y ait un énorme manque de communication entre les USAméricains et les Israéliens.

Néanmoins, le débat politique au sein du cabinet est intéressant. Il divise le gouvernement d’union. Netanyahou affirme que la discussion sur « le jour d’après » aura lieu lorsque la guerre sera terminée, tandis que Gantz et Eisenkot (et Tropper) affirment que le jour d’après, c’est ici et maintenant. En d’autres termes, la guerre dans sa forme la plus intense est terminée et nous devons maintenant décider de ce qu’il faut faire. On peut se demander comment il est possible que Netanyahou et Gantz soient assis dans le même cabinet de guerre, gérant les batailles ensemble tout en étant en désaccord sur une question fondamentale : guerre ou pas guerre ?

La réalité du terrain permet de mieux comprendre cette énigme. En effet, Israël a divisé Gaza en deux, Gaza Nord et Gaza Sud. Au nord de Gaza, la guerre s’est terminée et l’armée s’est partiellement retirée. C’est cette zone qui fait débat : qu’en faire et qui la contrôlera. Benny Gantz mise sur les fonctionnaires palestiniens locaux pour gérer la vie des 150 000 habitants de Gaza qui y restent, tandis que Smotrich et Ben Gvir veulent annexer le territoire à Israël et y installer des colons. Et que veut Bibi ? Il veut survivre. S’il se range du côté de Smotrich et Ben Gvir, il perdra son partenariat avec Gantz et Biden se prononcera contre lui. Si Bibi va avec Gantz, sa coalition s’effondre et son avenir politique est voué à l’échec.

Alors que Biden tente de s’attaquer à la racine du problème, en cherchant une solution durable au sanglant conflit israélo-palestinien [sic], la coalition et l’opposition israéliennes se querellent sur l’avenir du nord de la bande de Gaza. Les Israéliens ne sont pas actuellement ouverts à des solutions radicales. En réalité, ils ne l’ont jamais été. Ils ont toujours préféré la gestion des conflits à leur résolution.

Malgré le sentiment profond de chaque Israélien que le 7 octobre est un moment décisif, le plus grand désastre qui ait frappé le pays depuis sa fondation, il n’y a actuellement ni ouverture ni énergie mentale pour aller au fond des choses. En apparence, tout le monde comprend que l’armée a échoué et que la confiance en elle a été brisée. Tout le monde comprend que le premier responsable de ce désastre se trouve au sommet de la pyramide, le Premier ministre Binyamin Netanyahou. Il nie sa responsabilité en la rejetant sur l’armée, dont tous les commandants ont déjà assumé la responsabilité de cet échec.

Et c’est là que réside l’absurdité : Quel est l’échec de Netanyahou ? Il a fait confiance au Hamas, l’a financé, lui a permis de se renforcer afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne et d’enterrer définitivement l’idée de deux États. Après tout cela, Biden vient le voir une fois de plus avec le même mantra d’un État palestinien. Conclusion de Netanyahou : il n’y a personne à qui faire confiance, ni à l’Autorité palestinienne ni au Hamas. Et que faut-il faire ? Il n’a pas de réponse pour l’instant et de toute façon, taisez-vous, on est en guerre !

Face à cet échec colossal, qui a mis Israël à genoux et obligé les USA à venir à son secours, le président usaméricain, qui a mis tous ses œufs dans le panier israélien, se gratte la tête. Comment ouvrir les yeux des Israéliens, comment les convaincre que l’illusion que le conflit peut être géré au lieu d’être résolu est à la base de l’échec du 7 octobre ? Je vais leur apporter une solution sous la forme d’un État palestinien enveloppé dans les atours saoudiens. Le cadeau lui-même ne leur plaira peut-être pas, mais l’emballage les incitera à l’accepter.

Le problème avec Biden, c’est qu’il n’a personne avec qui travailler. Les acteurs sur lesquels il compte sont très éloignés de sa vision du monde et de ses politiques. Comment faire confiance au Saoudien Mohamed Ben Salman, ce même MBS que Biden a déclaré, lors de son élection, être une personnalité indésirable ? Quelle Autorité palestinienne peut être construite avec un prince sanguinaire qui méprise la démocratie et massacre les opposants politiques ? Quelle sorte d’Autorité palestinienne peut être établie lorsque ses représentants sont impliqués dans la corruption et suppriment tout signe de liberté et de démocratie ?  Et surtout, quelle sorte d’Autorité palestinienne « améliorée » sera construite lorsque le Hamas se cache derrière elle ? Ne s’agit-il pas simplement d’une réplique du modèle du Hezbollah, qui se cache derrière le gouvernement libanais mais en est l’acteur déterminant ?