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25/11/2025

La dernière escalade au Liban sert les intérêts de Netanyahou et bénéficie de l’appui de Trump

 

Amos Harel, Haaretz, 24/11/2025
Traduit par Tlaxcala

Washington déploie un immense effort pour forger une nouvelle réalité au Liban et estime peut-être qu’une démonstration de sérieux de la part d’Israël peut sortir les négociations de l’impasse. Mais les attaques israéliennes sont également liées à d’autres fronts – et semblent viser à détourner l’attention des échecs de Netanyahou.


L’opération d’assassinat au cœur de Beyrouth dimanche a constitué l’action israélienne la plus brutale au Liban depuis l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu il y a un an. Après des semaines de menaces, l’armée de l’air a tué Haytham Ali Tabatabai, qualifié de chef d’état-major du Hezbollah. La plupart des dirigeants de l’organisation, à commencer par l’ancien secrétaire général Hassan Nasrallah, ont été tués lors de la guerre de l’automne dernier.

« Cessez-le-feu » est un terme relatif. Dans la pratique, Israël a repris ses attaques presque dès le premier jour, visant principalement des opérateurs du Hezbollah et des systèmes d’armes déployés au sud du fleuve Litani. Au cours de l’année écoulée, près de 400 personnes ont été tuées dans les frappes israéliennes au Liban. La plupart étaient des combattants du Hezbollah, mais lors d’une frappe inhabituelle la semaine dernière, visant une cible militaire du Hamas dans le camp de réfugiés d’Aïn El Heloueh près de Sidon, 14 Palestiniens ont été tués.

Haret Hreik, 23 novembre : après l'assassinat ciblé israélien. Photo Ibrahim AMRO / AFP


Les frappes israéliennes visent les efforts du Hezbollah pour redéployer des hommes armés et une infrastructure militaire dans la zone que l’organisation était censée évacuer en vertu de l’accord de cessez-le-feu. Mais en coulisses, d’autres considérations semblent également entrer en jeu.

Jusqu’à cet été, un certain optimisme régnait à Jérusalem et à Beyrouth quant à la situation au Liban. L’impression était que le nouveau gouvernement libanais et l’actuelle direction de l’armée libanaise étaient prêts à affronter le Hezbollah et déterminés à poursuivre son désarmement, un effort renforcé par les succès d’Israël durant la guerre.

Mais ces derniers mois, les évaluations sont devenues plus pessimistes. Les efforts de l’armée libanaise ont cessé, et le Hezbollah a accéléré ses tentatives de se réarmer des deux côtés du Litani. En réponse, Israël a intensifié ses attaques, même si le Hezbollah s’est jusqu’à présent abstenu de toute attaque contre Israël.

Tabatabai est l’un des derniers membres vétérans de la direction militaire du Hezbollah, parmi les rares à avoir survécu à la guerre de l’an dernier. La décision de tuer un homme aussi haut placé signale qu’Israël est prêt à prendre des risques, même si cela implique de rompre le cessez-le-feu avec plusieurs jours d’affrontements militaires.

Le rapport de forces entre les deux parties n’est plus le même qu’il y a plus d’un an. Nasrallah et la plupart des dirigeants militaires du Hezbollah ne sont plus en vie, les stocks de roquettes de l’organisation ont diminué et son moral de combat semble également en baisse. Néanmoins, il existe un risque de représailles du Hezbollah.

Netanyahou n’aurait vraisemblablement pas pris ce risque sans l’appui total deTrump. Les USAméricains déploient de grands efforts pour convaincre les deux parties d’avancer vers un plan pour une nouvelle réalité au Liban ; peut-être, si le processus diplomatique est effectivement enlisé, ont-ils estimé qu’un exemple létal de la détermination d’Israël était nécessaire.

Les développements de dimanche au Liban sont également liés à ce qui se passe sur d’autres fronts. En Syrie, l’administration Trump tente de promouvoir un accord de normalisation avec Israël, mais se heurte à des objections de Netanyahou. En outre, Israël s’inquiète du déploiement militaire du Hamas dans les régions de Tyr et Sidon. Ce déploiement pourrait être utilisé par le Hamas pour exercer une contre-pression alors que les USAméricains tentent de faire respecter le cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Mais, comme souvent avec Netanyahou, il est impossible d’ignorer l’utilité politique de ces actions pour lui. Ce n’est pas un hasard s’il a ravivé les tensions avec le gouvernement syrien par une visite provocatrice du côté syrien du Golan la semaine dernière. L’opération à Beyrouth ne semble pas non plus étrangère à ce type de calculs, et il en va de même pour les frictions régulières à Gaza.

Le fait que des foyers de tension plus ou moins intenses brûlent sur plusieurs fronts aide Netanyahou à contrôler la conversation publique et à créer l’état d’esprit qu’il souhaite pour la prochaine campagne électorale. Cela lui fournit également une multitude d’excuses pour retarder encore son procès pénal.

Il peut continuer à affirmer avoir tiré les leçons de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et que c’est pour cette raison qu’il adopte une ligne agressive et combative. Mais en pratique, ses décisions ne semblent pas motivées uniquement par des considérations de sécurité.

Une bombe pour l’état-major de Tsahal

Dans les heures qui ont précédé et suivi la frappe de Beyrouth, le chef d’état-major de Tsahal Eyal Zamir était absorbé par un autre dossier : une série de mesures de commandement visant des officiers supérieurs de Tsahal, dans le contexte des conclusions du comité Turgeman sur les défaillances du 7 octobre. Le comité, présidé par le général de division (rés.) Sami Turgeman, a examiné les principaux briefings militaires et évalué leur qualité. Son rapport, déposé début novembre, comprend des recommandations générales et explicites, ainsi que des recommandations personnelles contre plus de dix officiers impliqués dans la prise de décision dans les jours précédant l’attaque du Hamas sur le Néguev occidental et le jour du massacre.

Turgeman a déposé une bombe dans le bureau de Zamir, étant donné que des mesures de commandement ne faisaient pas officiellement partie du mandat du comité. Zamir n’était pas initialement désireux de traiter ce dossier, compte tenu du poids que la guerre fait peser sur Tsahal et des cicatrices laissées par les massacres. Il est difficile pour le chef d’état-major de sortir indemne de cet épisode. Beaucoup d’officiers estiment avoir été lésés. Inversement, des familles endeuillées ne seront pas satisfaites des mesures prises, et le Conseil du 7 octobre, qui regroupe des centaines d’entre elles, est fondé à exiger une commission d’enquête d’État indépendante.

Les mesures annoncées dimanche soir ont finalement été assez sévères : suspension du service de réserve pour trois généraux majors en instance de retraite, et réprimandes de commandement pour trois autres toujours en service. Des mesures similaires – suspension de la réserve, réprimandes de commandement et même renvoi du service actif – ont été prises contre plusieurs autres officiers supérieurs, du grade de lieutenant-colonel à celui de général de brigade, au sein du renseignement militaire et du commandement sud.

Les décisions correspondent de très près aux recommandations de Turgeman. En revanche, la décision de Zamir de se concentrer sur la responsabilité des officiers en poste le 7 octobre a empêché la prise de mesures contre le général de division Eliezer Toledano, qui était commandant du sud jusqu’à trois mois avant le déclenchement de la guerre. Toledano, comme la plupart des autres impliqués, avait déjà pris sa retraite durant la guerre.

La principale difficulté de Zamir depuis des mois concerne le chef du renseignement militaire, le général de division Shlomi Binder. La brigade opérationnelle qu’il commandait le 7 octobre était partie prenante dans l’échec de Tsahal à se préparer et à répondre efficacement à l’invasion du Hamas dans le Néguev occidental. Mais en tant que chef du renseignement militaire, Binder est très apprécié de Zamir et essentiel pour ses orientations futures, après avoir excellé dans la direction du renseignement militaire durant les guerres au Liban et en Iran.

Zamir n’a pas de candidat adéquat pour succéder à Binder s’il devait traduire la réprimande en un départ immédiat, ou si Netanyahou et le ministre de la Défense Israel Katz tentaient de pousser à sa sortie. Il a finalement été décidé que Binder recevrait une réprimande de commandement et ne resterait pas dans Tsahal à l’issue de son mandat à la tête du renseignement militaire. Ce compromis lui permettra d’aller au bout de son mandat.

Prendre des mesures sévères contre les responsables constitue une étape bienvenue au regard de la gravité de la défaillance, même si elle intervient très tard – plus de deux ans après le massacre. Si Zamir souhaite tenter de reconstruire la confiance du public israélien envers l’armée, fortement ébranlée, il doit accomplir cette étape, l’une des deux essentielles. L’autre consiste à ouvrir un véritable processus de mise en œuvre des leçons de la guerre, un processus qui n’a jamais réellement commencé.

Mais d’un point de vue politique, il n’est pas encore clair si Zamir a réussi. En apparence, Netanyahou a de bonnes raisons d’être satisfait : le feu est de nouveau dirigé contre Tsahal, et il prend soin de n’exprimer aucun sentiment de responsabilité ou de culpabilité pour le massacre qui s’est produit sous sa surveillance de premier ministre quasi-éternel.

Peut-être que la différence flagrante entre les mesures tardives prises contre les officiers, d’une part, et la conduite de Netanyahou, de l’autre, intensifiera à nouveau la demande d’établissement d’une commission d’enquête d’État comme enjeu central de la prochaine campagne électorale. L’opposition commence effectivement à concentrer son attention sur cette injustice accablante.

08/10/2025

Déluge d’Al-Aqsa : deux ans de résistance et d’affrontements légendaires

 Les communiqués de l’Axe de la Résistance à l’occasion du second anniversaire de l’opération Déluge d’Al-Aqsa, lancée le 7 octobre par le Hamas, et à laquelle se sont jointes toutes les factions de la Résistance palestinienne.

  • Communiqué du Hamas
  • Communiqué du Jihad islamique palestinien
  • Communiqué conjoint des factions de la Résistance palestinienne
  • Communiqué du Hezbollah

Source : RNN

Traduction : lecridespeuples.substack.com

Lire ici



07/10/2025

Le peuple sans carte : diaspora, conscience et reconnaissance palestinienne

Deux ans après le déclenchement du génocide à Gaza, l’État s’efface, mais le peuple demeure. Partout dans le monde, la diaspora palestinienne incarne une conscience qui refuse l’effacement.

François Vadrot, 7/10/2025 

Silhouette de Gaza, vide au cœur d’un ciel saturé d’étoiles. Autour du noir, la lumière : celle des vivants dispersés.

Le 7 octobre 2023, ce qui fut d’abord présenté comme une nouvelle « guerre » entre Israël et le Hamas marquait en réalité l’un des épisodes les plus violents d’un processus engagé depuis 1947 : celui de la destruction progressive du peuple palestinien. Deux ans plus tard, la fiction militaire s’est dissipée. Ce n’était pas une guerre, mais un anéantissement.

Et pourtant, au-delà des ruines, la Palestine demeure à travers sa diaspora : un peuple sans carte, mais non sans mémoire. C’est cette reconnaissance, celle du Peuple palestinien au même rang que le Peuple juif, qui dessine désormais la ligne de fracture morale du siècle.

Gaza, la destruction et le retour du réel

Deux ans après le 7 octobre 2023, la réalité ne peut plus être contournée : Gaza n’a pas connu une guerre, mais un génocide. Le rapport de la Commission internationale d’enquête indépendante des Nations unies, publié le 16 septembre 2025, conclut formellement qu’Israël a commis et continue de commettre des actes constitutifs de génocide au sens de la Convention de 1948. Les experts y documentent, preuves à l’appui, les quatre critères légaux : « tuer les membres du groupe, infliger des atteintes graves physiques ou mentales, infliger des conditions de vie destinées à entraîner sa destruction, empêcher les naissances », avec l’intention de détruire, en tout ou en partie, le peuple palestinien de Gaza.

Le rapport balaie la fiction d’une « guerre » : il ne s’agit pas d’« opérations disproportionnées », mais d’une entreprise de destruction systématique. La population civile fut la cible : bombardements sur les zones d’évacuation, exécutions dans les abris, hôpitaux et écoles rasés, infrastructures hydrauliques et électriques anéanties, usage de la faim comme arme (blocus du lait pour nourrissons, coupures de carburant et d’eau). Le document détaille aussi le ciblage d’enfants (« y compris des tout-petits, atteints à la tête et à la poitrine »), la destruction du seul centre de fécondation in vitro et l’usage répété de la violence sexuelle comme instrument de domination. Même les symboles de continuité, mosquées, églises, cimetières, universités, ont été délibérément pulvérisés.

Les chiffres dépassent tout ce que le langage peut contenir : plus de 50 000 morts, dont 83 % de civils, 200 000 logements détruits, un million et demi de personnes déplacées dans une enclave rendue inhabitable. Un expert militaire cité par l’ONU note qu’Israël « a largué en une semaine plus de bombes que les États-Unis en une année en Afghanistan ». Le rapport conclut : « Il n’y avait aucune nécessité militaire pour justifier ce schéma de conduite. Le peuple de Gaza, dans son ensemble, était la cible. »

Ce n’est donc pas seulement la mort, mais la condition de vie elle-même qui a été détruite. Ce qui s’effondre sous les ruines n’est pas une entité politique : c’est la possibilité d’habiter le monde.

Mais c’est justement dans cette négation absolue qu’apparaît la trace d’une survie : là où la terre est détruite, la mémoire s’étend.

Une diaspora mondiale, miroir de l’effacement

Depuis la Nakba de 1948, la Palestine se disperse et se recompose dans l’exil. Sur près de quinze millions de Palestiniens, plus de la moitié vivent hors de la terre d’origine. Six millions sont enregistrés comme réfugiés auprès de l’UNRWA : un peuple déraciné dont la condition d’exilé est devenue héréditaire.

19/02/2025

RONEN TAL
Le chercheur israélien Hani Zubida a une question pour les Mizrahim : “Quand allez-vous réaliser que vous êtes arabes ? ”

Le chercheur et activiste social Hani Zubida refuse d’accepter les stéréotypes sur les Mizrahim et aime jouer avec la double identité que suggère son nom tout en cherchant à promouvoir un nouveau discours ethnique israélien.


Hani Zubida. Photo : Ella Barak

Ronen Tal, Haaretz, 15/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Hani Zubida a l’habitude d’être automatiquement traité comme un suspect dans les aéroports à cause de son nom, mais lors de l’interrogatoire de sécurité auquel il a été soumis à son entrée en Israël lors de sa dernière visite, il a estimé que les émissaires de l’État avaient exagéré.

« Ils nous ont soumis à trois contrôles. Aviva, ma femme, a failli craquer d’angoisse », raconte-t-il. « Une fille de 21 ans pensait que je suis arabe. Elle est allée parler aux responsables et cela a pris des heures. Elle est partie, revenue, puis repartie. Zubida. Arabe. Terroriste. Elle a des tonnes de questions. « Êtes-vous mariés ? » Oui. « Avez-vous des enfants ? » Oui. « Comment s’appellent les enfants ? » »

Zubida a affirmé à maintes reprises qu’en tant que Juif né en Irak, il vivait en harmonie avec son identité arabe. Mais cela ne signifie pas qu’il veut qu’on lui rappelle à chaque fois la procédure humiliante que subissent 20 % des citoyens israéliens lorsqu’ils ont l’envie de partir en vacances à l’étranger.

« Ils nous rendent toujours fous. Je comprends la question de la sécurité. Avant, j’essayais de garder mon calme, mais cette fois-ci, je n’ai vraiment pas trouvé ça drôle. Ce qui me met en colère, c’est l’ignorance qui permet que cela se produise. Mais d’un autre côté, ça équilibre ma perception du monde. J’ai un doctorat en sciences politiques, j’ai fait de la télévision, je suis célèbre, mais au final, tu as un nom arabe, alors calme-toi, tu n’es pas vraiment Israélien. »

Quand il n’est pas en train d’attendre pour s’enregistrer, Zoubi aime en fait défier le public avec sa double identité. « Je vais parler dans les zones périphériques, et ils me voient et s’énervent. Tout de suite, ils me disent : « Tu aimes les Arabes. » Je leur dis [en chuchotant] : « Ne le dites à personne, mais [en criant] vous êtes aussi des Arabes. Quand vous rentrez chez vous, quelle langue parlez-vous ? » Je sors le téléphone et je mets de la musique de Farid El Atrache, et tout le monde apprécie. « Alors, ça suffit. Vous êtes arabes. Quand allez-vous réaliser que vous êtes arabes ? »

La routine automatique du contrôle de sécurité - un homme d’apparence moyen-orientale soupçonné d’être arabe - aurait pu faire l’objet d’un article dans le recueil d’essais récemment publié par Zubida, coédité avec le Dr Reut Reina Bendrihem, Brique noire : les Juifs mizrahim écrivent une nouvelle réalité israélienne (en hébreu). C’est un livre ambitieux, d’une ampleur sans précédent (557 pages), qui cherche à proposer un nouveau discours ethnique israélien, inclusif et ouvert, en lieu et place de l’approche actuelle, exclusive, qui encourage la haine et sert principalement les politiciens et les pourvoyeurs de poison. Les 80 articles du livre ont été écrits par des universitaires, des intellectuels, des artistes et des militants sociaux, parmi lesquels Yehouda Shenhav-Shahrabani, Merav Alush Levron, Ishak Saporta, Yifat Bitton et Carmen Elmakiyes.

Le livre couvre presque tous les aspects imaginables de la vie israélienne : de l’éducation à la télévision, du système judiciaire au logement social, de l’affaire des enfants yéménites à l’équipe de football Betar de Jérusalem, du Shas aux kibboutzim, de la féminité à la masculinité, de la nourriture au design. Parmi les auteurs figurent également des Ashkénazes, des membres de la communauté éthiopienne et des Arabes.

« Nous voulions donner une tribune aux écrivains issus de groupes marginaux qui ont été exclus de l’écriture de l’histoire collective d’Israël », écrivent les éditeurs dans l’avant-propos. Il en ressort un panorama critique qui élargit la discussion et l’ouvre également à des groupes qui ne sont pas mizrahim, c’est-à-dire des Juifs dont les origines se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. On y trouve une voix féministe prononcée, des expressions de solidarité avec les citoyens palestiniens d’Israël et un appel à une véritable égalité, le tout dans un contexte d’introspection, de reconnaissance des torts qui ont été commis et de volonté d’engager un dialogue sincère à leur sujet.

L’idée, explique Zubida, 58 ans, a vu le jour il y a six ans lors d’une rencontre sociale. « C’était à Nes Tziona, dans l’appartement de [l’intellectuel politique] Benny Nurieli et [de l’anthropologue] Reut Reina Bendrihem, qui étaient alors en couple. Une réunion autour d’un café et d’une bière, au cours de laquelle une conversation s’est engagée sur ce qui manquait à la société israélienne. J’ai dit que ce qui manquait, c’était un nouveau contenu, que nous utilisions des concepts obsolètes pour voir le monde contemporain, et que nous devions les mettre à jour.

J’ai suggéré de publier un recueil d’articles. Qu’il devrait contenir au moins 50 % de femmes et que je voulais également une représentation de l’Éthiopie, de l’ex-Union soviétique et des pays arabes. Le but de ce livre n’est pas de dénigrer davantage. Vous n’êtes pas obligés d’être d’accord avec ce que je dis, mais parlons-en, et pas dans des cercles de dialogue où le fort vient vers le faible et lui dit : « Viens, assieds-toi, défoule-toi, puis retourne retrouver tes amis. »

13/11/2024

AMOS HAREL
La bande à Bibi est prête à réécrire la réalité pour l’exonérer de toute responsabilité dans la déculottée du 7 octobre

Amos Harel, Haaretz, 12/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La vaste campagne de propagande menée par le bureau du Premier ministre vise à convaincre l’opinion publique israélienne que l’establishment de la défense est le seul responsable de l’échec, et à empêcher la création d’une commission d’enquête publique. Une seule chose fait obstacle à cette ligne de défense : les faits.


La carrière politique de Bibi, par Manny Francisco, Philippines

Les enquêtes menées par le service de sécurité Shin Bet et la police israélienne, qui menacent d’impliquer plusieurs personnes au sein du cabinet du Premier ministre, tournent autour d’une seule question principale : les efforts déployés par les membres du cercle rapproché de Benjamin Netanyahu pour le dédouaner de toute responsabilité dans les échecs qui ont conduit au massacre du 7 octobre de l’année dernière et, plus tard, des accusations selon lesquelles il aurait délibérément fait échouer un accord pour la libération d’autres otages.
La vaste campagne d’influence menée par le cabinet du Premier ministre depuis le début de la guerre avec le Hamas dans la bande de Gaza vise à persuader le public israélien et à empêcher la création d’une commission d’enquête nationale sur l’événement. Une partie de l’affaire a fait l’objet d’une enquête criminelle et ravive des tensions de longue date entre Netanyahou, d’une part, et les forces de l’ordre et les hauts gradés de la défense, d’autre part.
Ronen Bergman a rapporté dans Yedioth Aharonot lundi que l’enquête se concentre sur ce que le cabinet du Premier ministre savait de l’opération carte SIM avant le déclenchement de la guerre. Comme cela a été rapporté, le Shin Bet a surveillé des centaines de cartes SIM installées dans les téléphones portables des membres du Hamas à Gaza. Ces cartes devaient permettre aux militants de diffuser des vidéos de l’attaque directement dans la bande de Gaza et de communiquer avec leurs membres après leur passage en Israël. L’activation des cartes SIM était connue en Israël pour signaler une attaque imminente du Hamas - et le Shin Bet savait qu’elles étaient utilisées dans les heures précédant l’aube du 7 octobre. Ce fait, ainsi que les changements de localisation des responsables et des principaux activistes du Hamas, ont été la principale raison des consultations menées par le chef d’état-major des FDI, Herzl Halevi, et le chef du Shin Bet, Ronen Bar, dans les heures qui ont précédé l’attaque.
La ligne de défense publique de Netanyahou est la suivante : « Personne ne m’a prévenu ». Selon sa version des faits, le Shin Bet et Tsahal ne l’ont pas informé avant qu’un barrage massif de roquettes ne s’abatte sur Israël à 6h29 le 7 octobre, et il n’est donc pas responsable de la débâcle. Ses partisans et leurs porte-parole sur les réseaux sociaux et dans les médias ont formulé des allégations plus graves : les renseignements ont été intentionnellement cachés au premier ministre. Ils laissent entendre que cela est lié aux tensions entre Netanyahou et l’establishment de la défense au sujet de la réforme judiciaire et de la menace de milliers de réservistes de ne pas se présenter à leur poste en signe de protestation.
Le mois dernier, Omri Maniv de Channel 12 News a rapporté que le Shin Bet avait effectivement publié une mise à jour concernant l’activation des cartes SIM à 2h58 du matin, par le biais d’un réseau informatique qui fournit des informations simultanément au Conseil de sécurité nationale (qui rend compte directement au Premier ministre) et à la police israélienne. L’avertissement était accompagné d’une déclaration indiquant qu’il pouvait s’agir d’une préparation à une attaque du Hamas.
Plus tard, Bar a décidé d’envoyer deux équipes d’intervention rapide (« Tequila ») dans la zone frontalière de Gaza, mais bien que les évaluations aient continué à parler d’une présence du Hamas le long de la frontière, elles ne prévoyaient pas une attaque simultanée sur des dizaines de sites. Une autre alerte concernant les cartes SIM et d’autres développements inquiétants a été transmise au secrétaire militaire de Netanyahou, le général de division Avi Gil, par le Shin Bet quelques minutes avant le début de l’attaque. Gil en a discuté par téléphone avec Netanyahou au milieu de la première série de tirs de roquettes ; ils ont eu une seconde conversation environ 11 minutes plus tard.
Au cours des trois heures et demie qui ont précédé le début de l’attaque, le bureau du Premier ministre a été tenu informé par deux canaux différents : le Conseil de sécurité nationale et son secrétaire militaire. On ne sait toujours pas exactement quand Gil a été mis au courant et si les informations lui ont été communiquées en temps utile par l’intermédiaire de son conseiller en renseignement, le colonel S.
Netanyahou a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’avait entendu parler pour la première fois des événements de cette nuit-là que lors de la conversation qui s’est déroulée à 6h29. Son bureau a même cherché à nier qu’il était au courant du suivi des cartes SIM, et a été contraint de se rétracter lorsqu’il est apparu clairement que cette affirmation était sans fondement.
Quoi qu’il en soit, l’enquête semble montrer que le Shin Bet a tenté d’informer l’équipe de. Netanyahou sur les deux canaux dans les heures qui ont précédé le massacre. Cela contredit la ligne de défense de Netanyahou, qui affirme que l’information lui a été cachée. On peut donc soupçonner que ce n’est pas l’imaginaire « État profond », les FDI et le Shin Bet qui lui ont délibérément refusé l’information ; ce sont plutôt des problèmes dans sa propre cour - son secrétaire militaire et le Conseil de sécurité nationale - qui ont empêché sa transmission rapide.
Si tout ce qui s’est passé cette nuit-là est une absence de rapport, ce n’est pas criminel en soi. Mais cela met en évidence des problèmes opérationnels au sein du cabinet du Premier ministre et sape les efforts déployés pour transférer la responsabilité au Shin Bet. Cela explique probablement les tensions croissantes entre Netanyahou et Bar. Pour Netanyahou, Bar et ses collaborateurs sont les premiers responsables de l’échec, mais au lieu de tomber à bras raccourcis sur le Premier ministre, ils sont engagés dans les enquêtes en cours sur son bureau (les partisans de Netanyahou laissent même entendre qu’ils extorquent des aveux contre lui à ceux qui font l’objet de l’enquête).
Le Shin Bet mène une autre enquête sur l’affaire du vol d’informations sensibles des services de renseignement militaire, qui ont ensuite été divulguées aux médias étrangers. L’enquête a conduit à l’arrestation par le Shin Bet d’Eli Feldstein, l’un des porte-parole du premier ministre, un fait que le cabinet du premier ministre a également tenté de nier dans un premier temps. En outre, quatre autres officiers du renseignement militaire et du Shin Bet ont également été arrêtés. D’autres membres du cabinet du premier ministre et des personnalités qui lui sont proches pourraient être convoqués pour être interrogés.
Le Premier ministre et son entourage sont confrontés à un mouvement de tenaille mené par le Shin Bet. Ceci explique probablement les menaces de limogeage de Bar qui ont émergé la semaine dernière. Le chef du Shin Bet est aussi celui qui a parlé le plus fort dans les discussions internes sur la nécessité de parvenir rapidement à un accord sur les otages avec le Hamas. Bar a récemment répété aux ministres qu’un accord était à portée de main, ce que nie Netanyahou.
Lundi, un autre haut fonctionnaire de la défense a démissionné : Le bureau du nouveau ministre de la défense, Israel Katz, a annoncé que le général de division (à la retraite) Eyal Zamir, directeur général du ministère et nommé par Yoav Gallant, avait demandé à démissionner. Jusqu’à récemment, le nom de Zamir avait été cité comme l’un des principaux candidats à la succession de Halevi en tant que chef d’état-major.
Fermeture pour travaux
Entre-temps, plusieurs personnes impliquées dans l’affaire des procès-verbaux falsifiés ont fait des déclarations. La tentative présumée de modifier les heures officielles des entretiens que Netanyahou a eus avec Gil et d’autres personnes, dans les premières heures qui ont suivi l’attentat du 7 octobre, constitue une infraction pénale évidente.
On soupçonne des personnes de l’entourage du premier ministre d’avoir tenté de modifier les documents pour « améliorer » sa ligne de défense vis-à-vis du 7 octobre et pour en faire porter la responsabilité à l’establishment de la défense.
Entre-temps, un différend est apparu entre le bureau du procureur de l’État et la police au sujet de l’enquête. Le premier a l’impression que la police, qui est contrôlée par le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, est influencée par son désir de minimiser les allégations faisant l’objet de l’enquête et de s’assurer qu’elle ne mette pas en danger le premier ministre.
Netanyahou a pris la peine de publier lundi une vidéo dans laquelle il affirme que son bureau « fait l’objet d’attaques sauvages et incontrôlées, alors que le gouvernement et le cabinet que je dirige s’efforcent constamment de repousser nos ennemis qui cherchent à nous détruire ». En plus d’envoyer un message aux autorités chargées de l’enquête, il semble qu’il tente de faire savoir à son peuple qu’il continue à le soutenir et qu’il ne le renoncera pas. Dans le même temps, quelqu’un s’est assuré de divulguer aux médias que Feldstein coopère effectivement avec les enquêteurs, bien qu’il n’ait pas signé d’accord pour livrer les preuves de l’État.
Les personnes qui se sont entretenues avec Netanyahou lundi ont indiqué qu’il était très inquiet au sujet de l’enquête. Lors d’une réunion avec le cabinet de sécurité, il a attaqué la procureure générale Gali Baharav-Miara en réponse aux informations de presse selon lesquelles elle avait l’intention de soutenir le licenciement de Ben-Gvir et a averti que ce serait « un court chemin vers une crise constitutionnelle ».
Netanyahou utilise son implication dans la guerre comme excuse pour une nouvelle tentative, attendue de longue date, de retarder son témoignage dans son procès pénal. Celui-ci était prévu pour le 2 décembre, mais il demande qu’il soit reporté de deux mois et demi.
Ses avocats avancent deux arguments principaux : la première est qu’il n’a pas eu le temps de préparer son témoignage en raison d’une « série d’événements extraordinaires », notamment l’escalade de la guerre à Gaza et au Liban. La seconde est qu’en témoignant dans le bâtiment non protégé du tribunal de district de Jérusalem, il risquerait d’être victime d’une tentative d’assassinat. Ils ont cité le drone du Hezbollah qui a frappé la résidence privée de Netanyahou à Césarée le mois dernier (la famille n’était pas à la maison), endommageant la fenêtre de la chambre du couple.
Il serait intéressant de savoir si une telle demande de sécurité pourrait être soulevée par un citoyen ordinaire cherchant à être exempté de comparaître devant un tribunal de Haïfa ou d’Acre (bien qu’il s’agisse ici d’un risque posé à Netanyahu personnellement).
Les avocats du premier ministre affirment notamment qu’il était occupé en août par des négociations sur les otages. Les cyniques diront qu’à l’époque, Netanyahou et ses collaborateurs étaient surtout préoccupés par l’échec d’un accord, comme l’a révélé la fuite dans le journal allemand Bild, qui est au centre de l’enquête Feldstein.
Quant à l’affirmation selon laquelle la guerre prend tout le temps de Netanyahou, cela ne l’a pas empêché, au cours des deux derniers mois, de trouver le temps d’évincer Gallant, de relancer la réforme judiciaire et de passer de nombreuses heures à trouver un moyen de donner une sanction légale à l’évitement de la conscription par les Haredim [juifs orthodoxes exemptés de service militaire, NdT], alors même que les réservistes s’effondrent sous l’effet de la tension due à des mois de service interminables.


 

06/10/2024

GIDEON LEVY
Les Israéliens doivent sortir de la Shiva’h* pour le 7 octobre qui dure depuis un an

NdT

*Shiv’ah (שבעה hébreu pour « sept » ) est le nom de la période de deuil observée dans le judaïsme par sept catégories de personnes pendant une semaine de sept jours à dater du décès ou de l’enterrement d’une personne à laquelle ces personnes sont apparentées au premier degré, où elles sont soumises à différentes règles rompant leur quotidien habituel.

Gideon Levy, Haaretz, 6/10/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le 7 octobre 2023 est passé ; le 7 octobre 2024 passera lundi. Il y a un an, cette journée a déclenché des catastrophes d’une ampleur qu’Israël n’avait jamais connue et a changé le pays. Israël s’est arrêté le 7 octobre 2023, l’a adopté depuis et a refusé de lui dire au revoir.


Enterrement de Nadav et Yam Goldstein-Almog, tués le 7 octobre, au kibboutz Shefayim. Photo Tomer Applebaum

L’ampleur de la catastrophe pourrait l’expliquer, mais on ne peut s’empêcher de soupçonner que l’engagement obstiné, incessant et singulier à l’égard du 7 octobre, sans reprendre son souffle et sans laisser de place à quoi que ce soit d’autre, a d’autres objectifs. Pour les Israéliens, le 7 octobre justifie tout ce qu’Israël a fait depuis. C’est leur certificat de cacherout.

Se complaire dans notre désastre nous empêche de nous positionner face aux désastres que nous avons ensuite infligés à des millions d’autres personnes.

La vie de nombreux Israéliens s’est arrêtée le 7 octobre ; elle a été bouleversée et détruite. Il suffit de lire les remarques déchirantes d’Oren Agmon, qui a perdu son fils (Uri Misgav, Haaretz en hébreu, 2 octobre). Non seulement c’est un devoir de mémoire, mais il est impossible d’oublier cette atrocité.

Mais avant l’anniversaire, le temps est venu de guérir un peu, d’ouvrir les yeux sur ce qui s’est passé depuis. Il faut admettre, tardivement, que lorsqu’on parle de « massacre », il ne s’agit pas seulement de celui du 7 octobre. Celui qui a suivi est bien plus grand et bien plus horrible.

L’attachement d’Israël à son deuil a des racines profondes. Nous avons été élevés dans cette optique. Aucune autre société ne pleure ses morts de la sorte. Il y a aussi ceux qui associent le deuil aux médias et au système éducatif - ils disent que cela unit un peuple.

Dans les années 1960, nous chantions « Dudu » et pleurions un soldat que nous ne connaissions pas, sous l’égide de nos guides suprêmes. Israël possède plus de monuments commémoratifs que n’importe quel autre pays de sa taille et de son nombre de victimes : un monument pour huit morts, alors que l’Europe, qui a enterré des millions de ses enfants, compte un monument pour 10 000 morts.

Chaque mort est une perte; la mort d’un jeune homme l’est encore plus. Il n’est pas certain que la mort d’un fils par maladie ou accident soit plus facile à vivre pour ses parents et amis que sa mort au combat. On peut supposer que si le jeune Adam Agmon était mort d’un anévrisme, son père n’en aurait pas moins pleuré.

L’industrie du mythe a poussé sa mort plus loin. Elle a imposé un deuil national à tout le monde, et de manière encore plus forcée au cours de l’année écoulée. Dans le même temps, elle a empêché de traiter le deuil d’une autre nation et a même interdit de le reconnaître. Pour Israël, un tel deuil n’existe pas, et quiconque s’obstine à soutenir le contraire est un traître.

Il est étonnant qu’un pays en deuil absolu ose nier de manière aussi éhontée l’existence d’un autre deuil et le considère comme illégitime.

Même les Russes aiment leurs enfants, chantait Sting, mais dites-le aux Israéliens qui sont convaincus que les Palestiniens n’aiment pas les leurs. J’ai couvert le deuil du peuple palestinien pendant des décennies et je peux affirmer avec force qu’ils pleurent comme nous. Les parents endeuillés sont des parents endeuillés, mais vous ne pouvez même pas dire ça aux Israéliens, surtout pas au cours de l’année écoulée, alors qu’ils sont recroquevillés sur leur deuil et ne veulent rien entendre d’autre.

L’année écoulée, une année de grand deuil, a élevé ces tendances à des niveaux méconnaissables. Une année d’histoires déchirantes d’otages et de récits d’héroïsme suprême incessant, de mort, d’héroïsme et d’un peu de kitsch. Je ne veux pas prendre à la légère la douleur individuelle et nationale, mais lorsqu’elle devient presque le seul sujet, pendant une période aussi longue, il semble qu’elle soit destinée à distraire et à détourner l’attention de l’essentiel.


Des Gazaouis devant les corps enveloppés de proches tués lors d'un bombardement israélien sur Gaza dans la nuit du 2 au 3 octobre. Photo : Omar Al-Qattaa/AFP

J’ai la gorge serrée lorsque je lis les mots nobles et émouvants d’Oren Agmon. Ma gorge se serre tout autant en entendant des pères endeuillés en Cisjordanie et à Gaza.

À la fin d’une année de deuil, il est nécessaire de sortir de la shiva’h du 7 octobre et de commencer à regarder vers l’avant, vers un endroit où nous pouvons aller - dont personne ne sait où il se trouve - au lieu de n’entendre que les mots de l’héroïsme d’Israël et de son deuil sempiternel.

 

 

01/09/2024

GIDEON LEVY
Depuis 11 mois, la botte d’Israël appuie de manière impitoyable sur la nuque de la Cisjordanie, et vous voudriez que les Palestiniens se laissent faire ? Normal qu’il y ait de la “terror”*

Gideon Levy, Haaretz, 1/9/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

Surprise, surprise ! La résistance palestinienne violente en Cisjordanie relève la tête. Les monstres humains se sont réveillés de leur sommeil et ont commencé à exploser. Les kamikazes sont de retour et les nombreux experts israéliens ont une explication savante : c’est l’argent iranien. Sans lui, la Cisjordanie serait calme. Avec cet argent, les gens sont prêts à se suicider juste pour mettre la main dessus. C’est la pieuvre iranienne qui est en cause.


Des soldats israéliens près d’un véhicule militaire lors d’un raid israélien dans le camp de Nour Chams à Tulkarem, en Cisjordanie, jeudi 29 août. Photo : Mohamad Torokman/Reuters

Comme c’est facile de tout attribuer à l’Iran. Les Israéliens adorent ça. Il y a un diable, il est iranien et il est responsable de tout. Il y a peut-être de l’argent iranien, peut-être pas, mais l’intensification de la lutte est l’évolution la plus prévisible et la plus compréhensible, compte tenu de ce qui s’est passé en Cisjordanie au cours des 11 mois de la guerre de Gaza. La seule surprise est que cela ne se soit pas produit plus tôt.

Au cours des 11 mois de guerre, Israël a déchiré la Cisjordanie, comme il le fait actuellement avec les routes de Tulkarem et de Jénine ; il n’en reste rien. C’est la période la plus difficile que les Palestiniens aient connue depuis l’opération “Bouclier défensif” en 2002, d’autant plus difficile qu’elle se déroule à l’ombre d’une autre attaque, plus barbare, à Gaza. Contrairement à l’opération “Bouclier défensif”, l’assaut actuel n’a ni raison ni justification. Israël a exploité la guerre à Gaza pour mettre le souk en Cisjordanie. La réponse a été tardive, mais elle est maintenant arrivée.

Cette fois-ci, l’assaut israélien s’appuie sur deux armes : l’armée, le Shin Bet et la police des frontières d’une part, et les milices de colons violentes d’autre part. Les deux armes sont coordonnées ; elles ne se gênent pas l’une l’autre. Elles se fondent parfois l’une dans l’autre, lorsque les Sturmtruppen des avant-postes revêtent des uniformes - ce sont les « équipes d’intervention d’urgence », qui légitiment tous les pogroms. L’armée se garde bien d’intervenir, que ce soit lors de petits ou de grands incidents.

Dans ce contexte, une déclaration d’une source militaire de haut rang qui a mis en garde contre la violence des colons au cours du week-end a exprimé un culot inouï. « La terreur juive porte gravement atteinte à la sécurité en Cisjordanie », a déclaré cette source, dont les forces auraient pu et dû mettre fin à la terreur juive il y a longtemps. Il n’y a pas eu un seul pogrom auquel les soldats n’ont pas assisté et n’ont rien fait pour l’arrêter. Parfois, ils y participent - et l’officier supérieur ose le déplorer.

Le 7 octobre n’a pas été seulement un jour de calamité pour nous Israéliens, il l’a été aussi pour les Palestiniens. Il n’y a pas de mots pour décrire ce qu’Israël a fait dans la bande de Gaza, mais il ne s’est pas arrêté non plus en Cisjordanie, avec l’encouragement des membres du cabinet kahaniste et le silence du premier ministre, des autres ministres et de l’opinion publique.

Ces dernières semaines, j’ai visité Jénine, Tulkarem, Qalqilyah, Ramallah et Hébron. Rien ne ressemble à la réalité du 6 octobre, même si la Cisjordanie n’a joué aucun rôle dans l’attaque du 7 octobre. Le 8 octobre, trois millions de Palestiniens se sont réveillés dans une nouvelle réalité, sans que la précédente ait été humaine ou légitime. Avec la passion de la vengeance et de la saisie d’opportunités, la botte israélienne a écrasé sans pitié la nuque de la Cisjordanie.

Des dizaines de milliers d’hectares ont été expropriés et spoliés au cours de ces mois ; il ne reste plus guère de colline en Cisjordanie sans drapeau israélien ou sans avant-poste qui sera un jour une ville. Les barrages routiers sont également revenus en force. Il est impossible de se déplacer d’un endroit à l’autre en Cisjordanie sans les rencontrer et y poireauter, humilié, pendant des heures. Il est impossible de planifier quoi que ce soit dans une réalité où au moins 150 000 personnes ont perdu leurs moyens de subsistance, après que le travail en Israël leur a été complètement interdit. Tout le monde a été pénalisé pour le 7 octobre. Onze mois sans salaire laissent des traces. À quoi vous attendiez-vous ?

Il y a maintenant un nouveau venu : le drone. À l’ombre de la guerre, l’armée de l’air a commencé à tirer sur la Cisjordanie, densément peuplée. Selon les chiffres de l’ONU, 630 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie depuis le début de la guerre, dont 140 dans 50 frappes aériennes. Ce qui est autorisé à Gaza l’est désormais en Cisjordanie. Les soldats ont intériorisé ce fait et leur comportement à l’égard des Palestiniens a changé en conséquence. Si nous ne sommes pas à Gaza, comportons-nous au moins comme si nous y étions. Demandez à n’importe quel Palestinien ce qu’il a vécu. Le désespoir n’a jamais été aussi grand.

Et après tout ça, il ne devrait pas y avoir de terror ?

NdT

*Terrorisme se dit en hébreu israélien moderne « טרור » [« terror »]. C’est le terme généralement utilisé pour qualifier tout acte de résistance palestinien, armé ou non.


“Armes palestiniennes saisies en Cisjordanie et à Gaza”, un dessin de 1988 d’Etta Hulme (1923-2014)

 

 

27/08/2024

YOSSI VERTER
Même lorsqu’ils parlent avec des otages libérées, les Netanyahou ne se concentrent que sur leurs propres malheurs
Bibi, Sara et Miri, un trio de pervers narcissiques et paranoïaques

Entretemps, le président Isaac Herzog devrait mettre à la poubelle le plan de la ministre des Transports et ancienne générale de brigade Miri Regev pour la cérémonie d’hommage aux communautés de la frontière de Gaza, un an après le 7 octobre.

Yossi Verter, Haaretz, 25/8/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

La réunion de vendredi 23 août avec les femmes qui ont survécu à la captivité à Gaza mais qui ont encore des proches détenus par le Hamas a duré trois heures. Des fuites audio de ces conversations, qui ont été diffusées sur Canal 12, ont révélé un Benjamin Netanyahou imperméable, sans cœur et totalement insensible.

À ses côtés était assise la personne qui a loyalement joué son rôle historique de partenaire égoïste, désengagée et pathétique. Son mari a été accusé de mentir, de fuir ses responsabilités, de ne pas s’excuser (« Je me suis excusé », a-t-il menti. Il a seulement exprimé des regrets - en anglais).

Après la réunion, les otages libérés Yocheved Lifshitz et Elena Troufanov ont déclaré que Netanyahou les avait regardés dans les yeux et leur avait dit qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour leur rendre leurs proches (Oded, le mari de Yocheved, et Sasha, le fils d’Elena).

Mais d’autres déclarations qu’il a faites, et qui ont été diffusées plus tard, ont donné l’impression contraire.  Netanyahou n’est pas étranger aux métaphores stupéfiantes. Il a un jour comparé le fait de devoir quitter la résidence du Premier ministre après avoir perdu une élection aux colons qui ont été délogés de leurs maisons lors du retrait de Gaza. Il a également comparé ses négociations indirectes avec le chef du Hamas, Yahya Sinwar, à ses discussions avec la fédération syndicale Histadrout lorsqu’il était ministre des Finances.

Vendredi, la fille d’un otage lui a dit : « Je veux qu’ils soient là ! « Je veux qu’ils soient là ! » Il lui a répondu : « Et je veux marcher en ligne droite jusqu’en Italie ». Il a ensuite poussé le sarcasme encore plus loin : « S’il faut assécher la mer, faisons-le, où est le problème ? »


 Où va-t-il chercher tout ça ? Si l’armée israélienne doit quitter brièvement le corridor Philadelphie à la frontière sud de Gaza, est-ce comparable à l’assèchement de la mer ? S’il arrive à ses fins, il n’y aura pas d’accord, les otages mourront dans d’atroces souffrances, le Hezbollah attaquera et une guerre régionale pourrait s’ensuivre.

Et lorsqu’un survivant de la captivité s’en prend à lui : « Vingt personnes sont entrées vivantes, vous avez ramené 20 morts », il a répondu : « Mais 116 autres ont été libérés ».

Qu’est-ce que cela signifie ? Que dans tout mal il y a du bien ? Et lorsqu’une personne présente à la réunion a demandé : « Signez un accord qui les ramènera chez eux », il a répondu : « Quel accord ? Quel accord ? » Ses auditeurs étaient sous le choc.

Sara n’a pas déçu non plus. Elle n’a pris personne dans ses bras, n’a consolé personne, n’a exprimé aucune empathie, sauf pour une personne : son mari.

Elle était là pour une seule raison : le défendre et salir l’armée (il vaut mieux que ce soit elle qui le fasse). Ils se sont partagé le travail. Il a marmonné quelque chose comme « un blâme qui sera partagé à l’avenir », et elle a ajouté : « L’armée ne lui a rien dit. Comment aurait-il pu savoir ? »

Si elle parle de la nuit précédant le 7 octobre, elle a raison. Mais à quatre reprises l’année dernière, il a été averti que les efforts de son gouvernement pour saper le système judiciaire divisaient la nation, l’affaiblissaient, nuisaient à la dissuasion d’Israël et invitaient ses ennemis à l’attaquer.

Il a refusé d’écouter. Il s’est moqué des gens, les a écartés et les a méprisés. Sara, quant à elle, a informé les familles de la défense attendue du premier ministre devant une commission d’enquête (qu’il ne créera pas).

Vous vous trompez si vous pensez que Sara, face à des gens dont le monde entier s’est effondré, va cesser de penser à elle-même.

Lorsque le mot « mensonges » a été prononcé, elle a rejoué son monologue de victime destiné à rappeler à tout le monde qu’elle est psychologue - « un B.A. et un M.A. » - et que lorsqu’elle était étudiante, elle n’avait pas d’autre choix que d’aller à l’école. - et que lorsqu’elle était étudiante, aucun mensonge n’a été proféré à son sujet, comme c’est le cas depuis qu’elle est devenue l’épouse du Premier ministre. Pour elle, la réunion a atteint son but.

Le show de Sara et Miri

Au cours du week-end, le président Isaac Herzog a lancé à Netanyahou une bouée de sauvetage pour le protéger de ce qui s’annonce comme la mère de toutes les mésaventures : une veillée commémorative le 7 octobre, coordonnée par l’une des politiciennes israéliennes les plus clivantes, les plus grossières et les plus détestées. La cérémonie sera boycottée par la majeure partie du public, et en particulier par les personnes qu ‘elle est censée honorer.

Herzog a formulé sa lettre à Netanyahu de manière très polie, peut-être trop polie. Mais le message ne pouvait pas être confondu : pas touche, surtout pas à Miri Regev, que Netanyahou a nommée pour diriger la commémoration du jour le plus horrible de l’histoire d’Israël.

Herzog a présenté au public l’option la plus saine, en fait la seule : chaque communauté marquera la journée à sa manière (comme c’est le cas pour les autres journées de commémoration en Israël). De plus, la cérémonie principale aura lieu à la résidence du président à Jérusalem.

« Sans aucun élément politique », a écrit Herzog, exprimant (de l’avis du soussigné) son dégoût, partagé par de nombreux Israéliens, face à l’intention de Regev d’utiliser l’événement pour un discours du chef de gouvernement qui nous a conduits à la catastrophe.

Un premier ministre sain d’esprit et responsable aurait saisi la bouée de sauvetage et dit à Regev que « le président fait pression sur moi, je n’ai pas le choix », mettant ainsi fin à cet opéra tragi-comique.

Mais notre premier ministre n’est plus sain d’esprit depuis longtemps et, comme nous le savons, il ne prend pas de décisions tout seul. En matière de cérémonies, d’honneurs et de photos, le dernier mot revient à quelqu’un qui doit être obéi. Et Sara Netanyahou n’est pas quelqu’un qui renoncerait facilement à ce que Regev prévoit pour le couple.

En supposant que le plan du président soit rejeté, Herzog devrait simplement annoncer que la cérémonie se déroulera exactement comme il le propose. La réalité s’imposera et la cérémonie de Regev sera jetée à la poubelle.

Mme Regev dirige la commission des cérémonies et des symboles ; elle a convoqué une réunion de cette commission pour le 10 septembre. D’ici là, le président, les communautés dévastées et les faiseurs d’opinion publique diront ce qu’ils ont à dire. Lorsque Mme Regev se rendra compte que la cérémonie du 27 octobre, date correspondant à l’anniversaire selon le calendrier hébraïque, sera un échec cuisant, elle abandonnera.

En ce qui concerne les façonneurs d’opinion publique, le chanteur-compositeur Idan Amedi a publié ce week-end un message reprochant à Mme Regev ses remarques grossières sur les communautés qui lui ont dit qu’elles ne participeraient pas à la cérémonie. Elle a qualifié leurs critiques de « bruit de fond » et a comparé les cérémonies prévues par des kibboutzim tels que Be’eri, Nir Oz et Kfar Azza à la cérémonie annuelle conjointe (et souvent vilipendée) organisée par les familles palestiniennes et israéliennes endeuillées.

Entre-temps, le journaliste Hanoch Daum a annoncé qu’il n’animerait pas la cérémonie officielle, mais plutôt celle organisée par les victimes. Amedi, avant et après avoir été grièvement blessé lors des combats à Gaza, fait partie du consensus national. Il n’est certainement pas un manifestant gauchiste ou un membre du groupe « Frères et sœurs d’ armes ». Et Daum est un religieux de droite.

Les médias bibistes qui se sont mobilisés pour vilipender les opposants à la cérémonie honteuse de Miri et Sara auront du mal à inciter les gens à s’opposer à Amedi et Daum. Si Netanyahou n’écoute pas le président, il devrait au moins écouter ces deux-là. Ils représentent une partie importante de ses électeurs.

 

23/03/2024

GIDEON LEVY
Ofer, le Guantanamo israélien : Munther Amira témoigne

 Gideon Levy &  Alex Levac (photos), Haaretz, 23/3/2024
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala

Violences, humiliations, surpopulation effroyable, cellules froides et stériles, entraves pendant des jours. Un Palestinien qui a passé trois mois en détention administrative israélienne pendant la guerre de Gaza décrit son expérience de la prison d’Ofer.

Munther Amira, chez lui dans le camp d’Aida cette semaine, après sa libération de la prison d’Ofer. « J’avais déjà été à Ofer, mais ça n’avait jamais été comme ça ».

Munther Amira a été libéré de “Guantanamo”. Il avait déjà été arrêté à plusieurs reprises par le passé, mais ce qu’il a vécu lors de son incarcération dans une prison israélienne pendant la guerre de Gaza ne ressemble à rien de ce qu’il a pu vivre auparavant. Un ami qui a passé 10 ans dans une prison israélienne lui a dit que l’impact de sa propre incarcération au cours des trois derniers mois équivalait à 10 ans de prison en temps “normal”.

Le témoignage détaillé qu’Amira nous a livré cette semaine dans sa maison du camp de réfugiés d’Aida, à Bethléem, était choquant. Il a exprimé son calvaire avec son corps, s’agenouillant à plusieurs reprises sur le sol, décrivant les choses dans les moindres détails, sans aucun sentiment, jusqu’à ce que les mots deviennent insupportables. Il était impossible de continuer à écouter ces descriptions atroces.

Mais il semblait avoir attendu l’occasion de raconter ce qu’il avait enduré dans une prison israélienne au cours des derniers mois. Les descriptions se succédaient sans interruption - horreur sur horreur, humiliation sur humiliation - à mesure qu’il décrivait l’enfer qu’il avait vécu, dans un anglais courant entrecoupé de termes hébraïques relatifs à la prison. En trois mois, il a perdu 33 kilos.

Deux grandes photos trônent dans son salon. L’une représente son ami Nasser Abu Srour, emprisonné depuis 32 ans pour le meurtre d’un agent du service de sécurité du Shin Bet ; l’autre le représente le jour de sa libération, il y a exactement deux semaines. Cette semaine, Amira est apparu physiquement et mentalement résilient, semblant être une personne différente de celle qu’il était le jour de sa sortie de prison.

Amira chez lui cette semaine. Ce qu’il a vécu lors de son incarcération dans une prison israélienne pendant la guerre dans la bande de Gaza est différent de tout ce qu’il a connu dans le passé.

Amira a 53 ans, il est marié et père de cinq enfants. Il est né dans ce camp de réfugiés, dont la population comprend les descendants des habitants de 27 villages palestiniens détruits. Il a conçu la grande clé du retour qui est accrochée à la porte d’entrée du camp et qui porte l’inscription « Pas à vendre ». Amira est un militant politique qui croit en la lutte non violente, un principe qu’il défend toujours, même après le nombre considérable de morts à Gaza pendant la guerre, souligne-t-il. Membre du Fatah, il travaille au Bureau des colonies et de la clôture de l’Autorité palestinienne et est diplômé de la faculté des sciences sociales de l’université de Bethléem.

18 décembre 2023, 1 heure du matin. Bruits sourds. Amira regarde par la fenêtre et voit des soldats israéliens frapper son jeune frère Karim, âgé de 40 ans. Les soldats traînent Karim au deuxième étage, dans l’appartement d’Amira, et le jettent à terre au milieu du salon. Amira affirme que son frère s’est évanoui. Karim est le directeur administratif du service de cardiologie de l’hôpital Al-Jumaya al-Arabiya de Bethléem, et il n’est pas habitué à ce genre de violence.