Gideon Levy, Haaretz, 2/11/2023
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Un
terroriste du Hamas a été sorti des décombres, porté dans les bras de son père.
Son visage est couvert de poussière, son corps est agité de soubresauts, son
regard est vide. On ne sait pas s’il est vivant ou mort. C’est un enfant de
trois ou quatre ans, et son père, désespéré, l’a emmené d’urgence à l’hôpital
indonésien de la bande de Gaza, qui débordait déjà de blessés et de morts.
Des Palestiniens cherchent des survivants sous les décombres de bâtiments détruits à la suite de frappes aériennes israéliennes dans le camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, mercredi. Photo : Abed Khaled /AP : Abed Khaled /AP
Une autre terroriste a été extraite
de l’épave. Cette fois, elle est bien vivante, ses cheveux clairs et bouclés
sont blancs de poussière ; elle a cinq ou six ans et est portée par son père.
Elle regarde à droite et à gauche, comme pour demander d’où viendra l’aide.
Un homme vêtu d’un gilet en
lambeaux griffonne ici et là, un drap blanc plié comme un linceul dans les
mains, recouvrant le corps d’un nourrisson, qu’il agite en signe de désespoir.
C’est le corps de son fils, un nouveau-né. Ce nourrisson n’avait pas encore eu
la chance de rejoindre le quartier général militaire du Hamas dans le camp de
réfugiés de Jabaliya. Il n’a vécu que quelques jours - l’éternité d’un papillon
- et a été tué.
Des dizaines de jeunes ont continué
à creuser dans les décombres à mains nues dans un effort désespéré pour
extraire des personnes encore vivantes ou les corps de voisins, soulevant des morceaux
de murs détruits pour dégager un enfant dont la main dépassant des ruines. Cet
enfant était peut-être un terroriste de la force Nukhba du Hamas.
Tout autour se tiennent des
centaines d’hommes, vêtus de haillons, qui se serrent désespérément les mains.
Certains d’entre eux fondent en larmes. Un chauffe-eau solaire israélien
portant un autocollant en hébreu gît dans les décombres, rappelant les jours
passés. « Nous n’avons plus le temps de ressentir quoi que ce soit »
déclare Mansour Shimal, un habitant du camp, à Al Jazeera.
Mardi après-midi, des avions de
l’armée de l’air israélienne ont bombardé le bloc 6 du camp de réfugiés de
Jabaliya. En Israël, on en a à peine parlé. Al Jazeera a rapporté que
six bombes avaient été larguées sur le bloc 6, laissant un énorme cratère dans
lequel une rangée d’immeubles d’habitation gris est tombée comme un château de
cartes. Les pilotes ont dû annoncer qu’ils avaient atteint leur objectif. Les
images étaient horribles.
Lorsque je me suis rendu dans le
quartier Daraj de Gaza en juillet 2002, au lendemain de l’assassinat de
Salah Shehadeh,
j’ai vu une scène très dure. Mais elle était pastorale, comparée à ce que l’on
a vu à Jabalya mardi. À Daraj, 14 civils avaient été tués, dont 11 enfants,
soit environ un dixième du nombre de personnes tuées dans le bombardement de
mardi à Jabaliya, selon les rapports palestiniens.
En Israël, les scènes de Jabaliya
n’ont pas été montrées. Et pourtant, difficile à croire, elles ont bien eu
lieu. Quelques chaînes étrangères les ont diffusées en boucle. En Israël, on a
annoncé que le commandant du bataillon central du Hamas à Jabaliya, Ibrahim
Biari, avait été tué lors d’une frappe de l’armée de l’air dans le camp de
réfugiés le plus peuplé de Gaza et que des dizaines de terroristes avaient été
tués. L’assassinat de Shehadeh avait été suivi d’un débat public incisif en
Israël. Ce qui s’est
passé mardi à Jabaliya a été à peine évoqué ici. Il s’est produit avant que les
mauvaises nouvelles concernant les soldats
israéliens tués ne soient annoncées, alors que le feu de camp de la
guerre crépitait encore.
Selon les rapports, une centaine de
personnes ont été tuées dans l’attentat de Jabaliya et quelque 400 ont été
blessées. Les images de l’hôpital
indonésien
étaient tout aussi horribles. Des enfants brûlés jetés les uns à côté des
autres, trois et quatre sur un lit sale ; la plupart d’entre eux ont été
soignés à même le sol, faute de lits suffisants. Le mot “traitement” n’est pas
le bon. En raison du manque de médicaments, des opérations chirurgicales
vitales ont été effectuées non seulement à même le sol, mais aussi sans
anesthésie. L’hôpital indonésien de Beit Lahia est devenu un véritable enfer.
Israël est en guerre, après que le
Hamas a assassiné et
kidnappé
avec une barbarie et une brutalité qui ne peuvent être pardonnées. Mais les
enfants qui ont été extraits des débris du bloc 6 et certains de leurs parents
n’ont rien à voir avec les attaques contre Be’eri et Sderot.
Pendant que les terroristes
sévissaient en Israël, les habitants de Jabaliya étaient blottis dans leurs baraques
dans le camp le plus peuplé de Gaza, réfléchissant à la manière de passer une
journée de plus dans ces conditions, qui ont été aggravées par le siège des 16 dernières
années. Ils vont maintenant enterrer leurs enfants dans des fosses communes
parce qu’à Jabaliya, il n’y a plus de place pour les enterrer individuellement.