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13/10/2025

Madagascar : et une révolution, une !

Fausto Giudice, 13/10/2025

Pour ceux qui comme moi ont l’âge de se souvenir des années 1960 et 1970 qu’ils ont vécu, le mouvement de révolte de la jeunesse malgache de ces dernières semaines ne pouvait qu’évoquer une autre révolte, celle de mai 1972, qui vit la chute du président hémiplégique Philibert Tsiranana, un pur produit de la Françafrique foccartienne : il avait commencé sa carrière politique, tout comme l’Ivoirien Houphouët-Boigny, sous la houlette du Parti communiste français avant de glisser, Mitterrand et Deferre puis Foccart aidant, vers une variante indocéanienne de la « social-démocratie » coloniale [très peu sociale et pas du tout démocratique]. 






Tsiranana avait hérité d’une grande île où tous les éléments nuisibles pour la Françafrique avaient été éradiqués par les massacres de 1947. Il allait tenir au pouvoir 12 ans, avant de se faire balayer par le soulèvement d'avril-mai 1972. Celui-ci était une insurrection contre la « coopération », terme élégant pour qualifier l’incroyable joug colonial français maintenu après l’indépendance dans tous les domaines, à commencer par l’enseignement à tous les niveaux, de la maternelle à l’Université. C’était en premier lieu ce contre quoi les lycéens et étudiants se révoltaient. Tout était décidé depuis Paris, jusqu’aux menus des restaurants universitaires. Formés en France ou par des Français, les fonctionnaires, militaires, gendarmes et policiers n’étaient que des photocopies des originaux de Madame la France. Ici, les CRS s’appelaient les FRS.

En apprenant que le président Rajoelina -un putschiste ensuite sanctifié par des élections -venait d’être exfiltré du pays par un avion militaire français -vers La Réunion, Dubaï, ou autre site de ses comptes bancaires -, je me suis demandé ce qui avait vraiment changé en 50 ans, si les prépondérants n’avaient pas tout simplement maintenu leur mainmise sur l’Île Rouge.

La jeunesse malgache de 2025, ce sont les petits-enfants de la jeunesse de 1972-1975. Les grands-parents étaient étudiants, lycéens, fonctionnaires, infirmières et précaires/chômeurs. Dans Antananarivo, 30 000 des 250 000 habitants étaient des « chômeurs » et ce fut leur aile marchante organisée, les ZOAM, qui assura la protection des manifestants et les ripostes musclées à la répression.

Les ZOAM, c’est tout un roman. Tsiranana s’était mis définitivement la jeunesse à dos en les traitant dans un discours de fumeurs de marie-jeanne.

Au départ, ils s’appelaient les ZWAM et on les reconnaissait à leur chapeau de cow-boy. ZWAM = Zatovo Western Andevo Malagasy, Amicale malgache des amateurs de western. Aficionados de westerns spaghetti, leur idole était Clint Eastwood dans les films de Sergio Leone. Jeunes précaires-chômeurs des bidonvilles et des quartiers pouilleux de la capitale, ils apportèrent tout leur savoir-faire de guerriers urbains se revendiquant comme descendants d’esclaves aux jeunes des classes moyennes ayant initié la révolte, peu rompus à la castagne. En mai 1972, ils changeront de nom pour devenir les ZOAM + Zatovo Orin'Asa Malagasy, Jeunes chômeurs malgaches.

Leurs descendants ne sont plus nourris par les westerns et les BD, mais par les anime japonais et tout ce qui circule sur les médias en ligne. Leur situation est tout aussi précaire, ils ont le choix entre être livreur de pizza, employé·e de call center, esclave dans une usine textile chinoise ou esclave numérique pour Google & Co.. Et leur génération est absolument majoritaire : plus de 50% des 32 millions de Malgaches ont moins de 20 ans. Un véritable dépôt de barils de poudre.

Je vous propose ci-dessous une note synthétique rédigée par nos services d'analyse, comparant le mouvement de 1972 et celui de 2025.

https://www.facebook.com/groups/3830401920547582

Madagascar — Révoltes de 1972 et 2025 : fiche comparée

Résumé 

·    Dans les deux cas, une mobilisation de jeunesse urbaine déclenche une crise de régime. Rôle déterminant de l'armée.

·    1972 bascule rapidement vers une transition militaire (Ramanantsoa). En 2025, la crise est plus longue et segmentée, désormais marquée par l'exfiltration du président Rajoelina par un avion militaire français.

·    Probable trajectoire à 6 mois : transition civile supervisée par des garants (UA/SADC), avec garanties sécuritaires et calendrier électoral court.

Chronologie éclair 2025

·    25–29 sept. : marches étudiantes/jeunesse sur fond d'eau/électricité & vie chère ; heurts et victimes ; dissolution du gouvernement.

·    Début oct. : segments militaires (dont CAPSAT) se désolidarisent ; l'exécutif parle de « tentative de coup ».

·    12–13 oct. : exfiltration de Rajoelina hors du territoire par avion militaire français ; vacance de facto et recomposition des loyautés.

Comparatif 1972 / 2025 (synthèse)

Axe

1972 (rotaka)

2025 (au 13 oct.)

Déclencheur

Universités, anti-colonialisme, contenu éducatif

Eau/électricité, coût de la vie, gouvernance

Protagonistes sociaux

Étudiants/lycéens d'Antananarivo

Jeunesse/étudiants (« Gen Z »), quartiers urbains

Pouvoir en place

Prés. Philibert Tsiranana (PSD)

Prés. Andry Rajoelina (réélu 2023)

Rôle de l'armée

Arbitre : transition sous gén. Ramanantsoa

Factions : CAPSAT & gendarmerie se désolidarisent

Moment-clé

13 mai : répression, bascule politique

12–13 oct. : exfiltration du président hors du pays

Issue/état

Transition militaire actée

Crise ouverte ; vacance de facto, issue en débat

Scénarios possibles (4ème trimestre 2025 1er trimestre 2026)

Scénario

Mécanique

Probabilité (estimation)

Transition civile supervisée

Intérim institutionnel + garanties UA/SADC + calendrier court

En hausse

Transition militaire « arbitre »

Officiers/CAPSAT imposent l'intérim élections

Moyenne–haute

Présidence en exil

Rajoelina dirige de l'étranger ; dualité de légitimités

Moyenne

Durcissement répressif

État d'urgence renforcé par loyalistes restants

Moyenne-faible

Fragmentation locale

Pouvoirs concurrents, économie de crise

Faible-moyenne

Signaux précoces à surveiller

·    Annonce d'un intérim crédible (Sénat/Conseil constitutionnel ou figure consensuelle).

·    Position officielle des segments militaires (CAPSAT, gendarmerie, état-major).

·    Médiations UA (Union Africaine)/CDAA (Communauté de développement d'Afrique australe)/FFKM (Conseil chrétien des Églises à Madagascar) et modalités d'un calendrier électoral.

·    Mesures d'urgence sur eau/électricité (plan de délestage, financement d'appoint).

·    Posture de la France et des partenaires (reconnaissance, facilitation, neutralité).