S. E. Ursula von der Leyen
Présidente de la Commission
européenne
14 février 2024
Madame la Présidente,
Nous sommes profondément préoccupés par la détérioration de la situation en Israël et à Gaza, en particulier par l'impact du conflit actuel sur les Palestiniens
innocents, notamment les enfants et les femmes. L'extension de l'opération militaire
israélienne dans la zone de Rafah constitue une menace grave et imminente à laquelle la communauté internationale
doit répondre de toute urgence.
Près de 28 000
Palestiniens ont été tués et plus de 67 000 blessés, et nous avons assisté au déplacement de 1,9
million de personnes (85 % de la population) à l'intérieur de Gaza, à la destruction
massive d'habitations et à des dégâts considérables aux infrastructures civiles vitales, y compris les hôpitaux.
Nous avons exprimé à plusieurs reprises notre condamnation totale des attaques terroristes aveugles
du Hamas du 7 octobre et exigeons la libération immédiate et
inconditionnelle des otages encore détenus.
Nous avons affirmé tout aussi clairement qu'Israël a le droit de se défendre contre de telles
attaques, mais que cela ne peut se faire que dans le respect du droit
international, y compris le droit international humanitaire (DIH) et le droit international
des droits de l'homme. La réponse doit être conforme aux principes de
distinction, de proportionnalité et de précaution.
Il est important de noter que le droit international humanitaire impose
clairement à toutes les parties à un conflit l'obligation d'assurer la protection des civils. Les attaques
terroristes odieuses commises par le Hamas et d'autres groupes armés ne justifient
pas et ne peuvent pas justifier une quelconque violation du droit international
humanitaire dans la réponse militaire, avec les conséquences qui en découlent pour la
population civile de Gaza.
Nous partageons la préoccupation du Secrétaire général des Nations
unies, exprimée dans sa lettre au Conseil de sécurité du 7 décembre, concernant les
souffrances humaines effroyables, la destruction physique et le traumatisme
collectif des civils, ainsi que les risques auxquels ils sont confrontés, étant donné que, selon lui,
aucun endroit n'est sûr à Gaza. Depuis lors, la situation n'a fait que se détériorer.
En raison d'un accès humanitaire nettement insuffisant pour répondre aux besoins essentiels de la
population, les Nations unies estiment que 90 % des habitants de Gaza sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë et à un risque sérieux de famine.
Nous prenons également note des mesures provisoires contraignantes imposées par la Cour internationale
de Justice le 26 janvier dans la requête de l'Afrique du Sud contre Israël, et de sa conclusion
qu'au moins certains des actes ou omissions que l'Afrique du Sud allègue qu'Israël a commis à Gaza peuvent
entrer dans le champ d'application des dispositions de la Convention sur le génocide, et qu'il existe
un risque de préjudice irréparable pour les droits en question dans l'affaire.
Nous avons clairement exprimé notre point de vue selon lequel un
cessez-le-feu humanitaire immédiat est requis de toute urgence pour éviter de nouveaux
dommages irréversibles à la population de Gaza. Cette position a été soutenue par une
très large majorité à l'Assemblée
générale des Nations unies en décembre, dont 17 États membres de l'UE.
Nous sommes profondément préoccupés par les allégations selon lesquelles du personnel de l'Office de secours et de travaux des
Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) pourrait avoir été impliqué dans les attentats du 7 octobre contre Israël.
Nous soutenons pleinement la décision du commissaire général de l'UNRWA, M.
Lazzarini, de mettre immédiatement fin aux contrats des personnes impliquées, ainsi que le
lancement d'une enquête indépendante
approfondie par les Nations unies.
Dans le même temps, nous avons clairement indiqué que l'UNRWA doit être autorisé à fonctionner pour
poursuivre son travail essentiel, qui consiste à sauver des vies
et à remédier à la situation humanitaire catastrophique à Gaza, et que le
soutien de l'UE à l'UNRWA doit être maintenu. Il n'y a aucune chance de parvenir à l'augmentation
massive et durable de l'aide humanitaire qui est nécessaire de toute
urgence, grâce à un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, sans que l'UNRWA ne joue un
rôle central.
Nous rappelons que la CIJ a ordonné à Israël de prendre des
mesures immédiates et efficaces pour garantir la fourniture des services de base et de l'aide
humanitaire dont la population de Gaza a un besoin urgent. Ces ordonnances sont
contraignantes.
Dans le contexte
du risque d'une catastrophe humanitaire encore plus grande posé par la menace
imminente d'opérations militaires israéliennes à Rafah, et compte tenu de ce
qui s'est produit et continue de se produire à Gaza depuis octobre 2023, y
compris l'inquiétude généralisée concernant d'éventuelles violations du DIH et
du DIDH par Israël, nous demandons que la Commission entreprenne un examen
urgent pour déterminer si Israël respecte ses obligations, y compris dans le
cadre de l'accord d'association UE/Israël, qui fait du respect des droits de
l'homme et des principes démocratiques un élément essentiel de la relation ; et
si elle considère qu'il est en infraction, qu'elle propose des mesures
appropriées au Conseil.
Enfin, nous ne devons pas perdre de vue l'impératif d'adopter une
perspective politique pour mettre fin au conflit. La mise en œuvre de la solution
des deux États est le seul moyen de s'assurer que ce cycle de violence ne se répète pas. L'UE a la responsabilité d'agir pour que cela devienne une réalité, en coordination
avec les parties et la communauté internationale, y compris en organisant une conférence de paix
internationale, comme convenu par le Conseil européen le 26 octobre.
Compte tenu de son rôle dans cette affaire, nous adressons également une copie de cette lettre au
vice-président Borrell. Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente,
l'expression de nos salutations distinguées.
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala