Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Peu de pays ont autant besoin d’honneur et de fierté nationaux qu’Israël. Qu’il s’agisse des Jeux olympiques, de l’Eurovision ou du championnat du monde de backgammon, chaque victoire israélienne en 16e de finale d’un championnat de badminton suscite la « fierté nationale ». Chaque médaille au championnat de taekwondo en Albanie « apporte de l’honneur ». Une médaille d’or au concours de cerceaux en groupe de gymnastique rythmique le place sur la carte du monde, le championnat européen de planches de surf RSX rehausse son statut parmi les nations. Une ex- Israélienne représentant le Luxembourg à l’Eurovision de cette année ? « La fierté bleue et blanche ».
Des Palestiniens conduisent une charrette tirée par un âne sur une route de plage détruite dans la ville de Gaza, lundi 19 février. Photo : Kosay Al Nemer/Reuters
Il est peu probable qu’il existe un autre pays dans lequel des réalisations aussi mineures soient considérées comme aussi importantes. C’est comme si quelqu’un, quelque part dans le monde, avait une meilleure opinion du Kazakhstan parce que l’un de ses athlètes a un jour remporté une compétition de patinage artistique. En Israël, cela est considéré comme un événement national qui mérite un appel du président.
Ce désir puéril de reconnaissance pourrait être touchant, voire émouvant - un jeune pays qui fait son chemin - si Israël n’avait pas renoncé à son honneur sur les questions importantes. Si l’on fait abstraction de ses succès sportifs et de l’Eurovision, Israël est un pays sans honneur. Peut-être s’imagine-t-il qu’Eden Golan se produisant à Malmö couvrira ce qui se passe à Khan Younès. Mais, bien sûr, c’est un faux espoir.
Il est difficile de croire qu’un pays si soucieux de son honneur agisse comme s’il ne se souciait pas de sa position internationale. La guerre dans la bande de Gaza a abaissé le statut d’Israël à un niveau sans précédent, mais Israël a fermé les yeux et l’esprit une fois de plus, de manière puérile, en espérant que s’il ignore la réalité, il pourra ignorer le déshonneur. Il ne fait rien pour améliorer son statut et sa dignité et retrouver un peu de fierté.
Il est difficile de penser à d’autres pays dont la conduite les a conduits à La Haye à deux reprises en l’espace de quelques semaines pour génocide et pour des délibérations sur ce qui est clairement une occupation illégale. Et Israël ? Il pense que le crachat sur son visage est de la pluie. Il accuse le juge maudit, l’antisémitisme, l’hypocrisie et la méchanceté du monde. Il ne veut pas contester les accusations qui pèsent sur lui. Ce n’est même pas une question d’intérêt. Toutes les grandes chaînes de télévision du monde ont retransmis les séances du tribunal de La Haye cette semaine, alors que seul Israël les a ignorées. Ni intéressant, ni important. Si nous fermons les yeux, ils ne nous verront pas. Si nous ignorons La Haye, La Haye disparaîtra.
Mais La Haye vit et respire, et ses procédures auraient dû causer un grand embarras et une grande honte à Israël. Après que le monde a vu Gaza, a vu et s’est effondré - il n’y a pas d’être humain qui ne réagisse pas de la sorte - les audiences de La Haye ont suivi. Incisives, fondées et sérieuses sur l’accusation de génocide, et plus encore sur l’occupation. Mais Israël n’en tient pas compte.
Israël envahira Rafah, même si cela signifie que sa position aux yeux du monde se dégrade davantage. Il ne participera pas aux délibérations de La Haye sur l’occupation. Cela ne fera que montrer qu’il n’a pas de ligne de défense. Israël a renoncé à ce qui lui restait de dignité. Il se moque d’être un pays ostracisé, marginalisé (si le monde entier est contre nous, peu importe notre comportement) tant que cela ne se traduit pas par des mesures concrètes à son encontre.
Mais au-delà du pont aérien d’armes usaméricain, du veto du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’absence de sanctions jusqu’à présent, le pays, tout comme une personne, dispose d’un atout important : sa bonne réputation. Israël y a renoncé. Peut-être a-t-il désespéré du monde, peut-être a-t-il découvert qu’il pouvait se passer de sa bonne réputation. Cela ne fait certainement pas partie des facteurs qu’il prend en considération avant et après chaque guerre.
Il n’y a pas si longtemps, ce même monde était amoureux de l’État d’Israël, lorsqu’il agissait en tant que membre de la famille des nations. Le monde est peut-être cynique et n’aime que le pouvoir, comme Israël se le dit, mais il y a aussi la justice, le droit international et les considérations morales, la société civile et l’opinion publique, et ils sont importants - au moins autant que l’« honorable » troisième place à l’Eurovision 2023.
Pedripol, Espagne
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