Marco Bersani, Attac Italie, 28/3/2022
Traduit
par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Le samedi
26 mars à Florence a été une belle journée. Plus de 40 000 personnes ont défilé
dans les rues de la ville dans ce qui a été la première grande manifestation
nationale de la convergence des mouvements.
Ce n'était pas facile, à certains égards, cela
ressemblait même à un pari : une date fixée au début du printemps, sans
échéance qui était en soi mobilisatrice, dans une situation qui avait été
précipitée de plus d'un mois dans le nouveau et dramatique scénario de la
guerre.
Mais l'avenir appartient à
ceux qui jettent leur cœur par-dessus l'obstacle, et le collectif de l'usine GKN
a montré qu'il sait le faire dès le premier moment, ce 9 juillet 2021, lorsque,
par un simple courriel, le fonds d'investissement spéculatif Melrose a annoncé
la fermeture de l'usine et la fin du travail pour plus de 500 travailleurs. Ce
jour-là, aucun d'entre eux n'a fait appel aux dirigeants syndicaux pour obtenir
la table de négociation habituelle au ministère du Développement économique,
quelques mois d'allocations de chômage et de vaines promesses de
réindustrialisation.
Au lieu de cela, ils se sont
tournés vers la ville, le territoire et la société, en demandant « Vous, comment allez-vous ? »
et en déclarant immédiatement que la force de leur lutte résidait dans le
partage de sa vulnérabilité. C'est cette étape qui a conduit à l'ouverture d'un
dialogue horizontal, sincère, intense et articulé, qui a placé chacun devant la
tâche, non pas tant de la solidarité avec son conflit, mais de sa
multiplication dans chaque territoire et dans chaque secteur social. Avec la
conscience que "personne ne se sauve" et que nous ne pouvons gagner
qu'en changeant les relations de pouvoir au sein de la société.
Une société
frappée par les crises systémiques multiformes du capitalisme, projetée par une
crise éco-climatique et sociale dans une pandémie et par celle-ci dans une
guerre sans fin.
Les travailleurs de GKN ont eu deux réunions
importantes au cours de ces mois d'intense mobilisation.
Ils ont rencontré le chemin de la "
Société de la Cure ", c'est-à-dire d'un très large éventail de réalités
sociales qui, depuis la fin du premier confinement, refusant de transformer la
nécessaire distanciation physique en distanciation sociale, ont décidé de se
laisser traverser par les leçons que la pandémie a apportées et qui, contre le
mythe libéral de l'individu indépendant s'affirmant au
détriment des autres, ils ont pris la vulnérabilité de l'existence,
l'interdépendance entre eux et avec la nature, et l'idée que personne n'est
sauvé seul, comme pierres angulaires pour la construction d'un nouveau
paradigme et d'un autre horizon social.
Aujourd'hui, plus de 450
organisations sociales et plus de 2 000 personnes actives individuellement se
reconnaissent dans l'horizon du "prendre
soin" et du "prendre soin avec" comme pratique antagoniste par
rapport au triptyque
"croissance, concurrence, compétition", proposé par les pouvoirs
dominants comme phare des choix politiques, économiques, écologiques et
sociaux.
Et dans ce parcours, ils ont
rencontré la jeune génération écologiste qui est sur le terrain depuis quelques
années contre la crise éco-climatique et pour un renversement radical de
l'organisation de la production, de la reproduction et des relations sociales
dans lesquelles s'organise la vie des gens.
La procession colorée du samedi 26 à Florence
a été l'épiphanie de ces processus et un grand pas en avant pour surmonter la
fragmentation imposée par les pouvoirs dominants pour diviser la société.
Un cortège promu conjointement
par le collectif de l'usine GKN et Fridays For Future, c'est-à-dire le partage
de deux nouvelles consciences - le droit
au travail inclut le droit à ce que le
travail soit écologiquement et socialement orienté / aucune transition
écologique ne peut réellement se faire sans l'implication des travailleurs - qui
effacent finalement tous les conflits
construits sur l'opposition artificielle entre environnement et travail, pour
les relocaliser comme des conflits entre travail et environnement d'un côté et
profits de l'autre.
Un cortège plein de jeunes et
de très jeunes, et en même temps traversé par toutes les tranches d'âge : un
dépassement plastique de tous les conflits intergénérationnels artificiellement
attisés par les pouvoirs dominants pour opposer jeunes et vieux, travailleurs
temporaires et travailleurs permanents, invisibles et garantis.
"Fin du mois et fin du monde, mêmes
coupables, une seule lutte" ont dit, scandé et crié les 40 000 personnes
présentes à Florence.
Et nous sommes tous contre la guerre, contre
toutes les guerres, celles des envahisseurs et celles qui réarment, celles qui
pratiquent la domination et celles qui ferment les espaces de dissidence, car
toute guerre est menée et utilisée par les puissants contre le peuple.
À Florence, nous
avons tous fait un premier pas très important, mais nous avons encore un long
et difficile chemin à parcourir.
Les pouvoirs en place n'ont
pas encore peur de nous, malgré la férocité de leurs politiques et de leurs
actions qui démontrent leur fragilité intrinsèque : ils peuvent encore compter
sur une grande partie de la population, hébétée et désemparée, plongée dans une
solitude compétitive, et dans une panique que les gouvernants poussent à
transformer en ressentiment.
Il s'agit d'un vaste secteur de personnes que
nous devons être en mesure d'impliquer afin de transformer la panique en
inquiétude et le ressentiment en une colère beaucoup plus créative.
Aujourd'hui, nous pouvons le faire avec
beaucoup plus de confiance qu'hier.