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31/03/2024

Pourquoi un occupant ne peut jamais gagner contre un peuple
Quand Moshe Dayan enquêtait dans les jungles du Viêt Nam

En juillet-août 1966, Moshe Dayan, le futur héros de la Guerre des Six-Jours, se rend au Viêt Nam, pour effectuer une “observation participante” de la guerre menée par l’armée US. Il en tire des conclusions logiques : les USA ne pourront jamais la gagner. L’histoire lui donnera raison. Netanyahou, Yoav Gallant en consorts feraient bien de lire ou de relire le journal du Vietnam de l’homme qui, avec un seul œil, y voyait très clair. Ci-après deux articles racontant ce “reportage” très spécial, traduits par Fausto Giudice, Tlaxcala
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Moshe Dayan tire la sonnette d’alarme au Viêt Nam

Marc Leepson, Historynet, 15/9/2011

Lors d’une tournée au Viêt Nam en 1966, le légendaire chef militaire israélien est parvenu à des conclusions étonnantes sur la stratégie de guerre des USA.

Le maréchal britannique Bernard Montgomery a même déclaré à Dayan que les USAméricains avaient mis en œuvre une stratégie erronée et “insensée”

Le 12 juillet 1966, au stade Busch de St. Louis, la Ligue nationale l’emporte sur la Ligue américaine, 2 à 1, en 10 manches, lors du 37e match des étoiles de la Ligue majeure de baseball. Nancy Sinatra, séduisante dans un pull moulant, fait la couverture du numéro du 12 juillet 1966 du magazine Look. Doris Day fait un tabac au box-office avec son film The Glass Bottom Boat (Le Bateau à fond de verre). Au Viêt Nam, le grand déploiement usaméricain est en cours ; quelque 276 000 soldats US sont sur le terrain.

Ce soir-là, le président Lyndon Johnson prononce un discours télévisé national sur la politique étrangère des USA en Asie - un discours dans lequel LBJ a des mots très durs pour les communistes vietnamiens.

« Tant que les dirigeants du Nord-Vietnam croiront vraiment qu’ils peuvent prendre le contrôle du peuple du Sud-Vietnam par la force, nous ne devons pas les laisser réussir », a déclaré LBJ. Les USA, a-t-il ajouté, « mènent une guerre de détermination » au Viêt Nam. « Cela peut durer longtemps. Mais nous devons continuer jusqu’à ce que les communistes du Nord-Vietnam réalisent que le prix de l’agression est trop élevé et qu’ils acceptent un règlement pacifique ou qu’ils cessent de se battre. Quel que soit le temps que cela prendra ».
Le 12 juillet 1966 également, l’ancien chef d’état-major des forces de défense israéliennes, Moshe Dayan, le flamboyant et controversé général combattant qui avait mené l’assaut victorieux dans la péninsule du Sinaï lors de la guerre de 1956 contre l’Égypte, a pris un avion commercial à Londres pour se rendre au Sud-Vietnam. Âgé de 51 ans, Dayan avait démissionné de son poste militaire en 1958, s’était lancé dans la politique l’année suivante et avait occupé pendant cinq ans le poste de ministre de l’Agriculture de son pays. Il vient de publier en 1965 son
Journal de la campagne du Sinaï, il est député au Parlement israélien (la Knesset) et un simple citoyen désireux d’aller là où se passe l’action.

Moshe Dayan était habitué à l’action. Né en 1915 dans le premier kibboutz de ce qui était alors la Palestine, il a rejoint l’organisation paramilitaire Haganah à l’âge de 14 ans pour aider à protéger les colonies juives des attaques arabes. Pendant la révolte arabe de 1936-1939, Dayan fait partie d’une équipe d’embuscade et de patrouille travaillant pour les Britanniques. Cette force d’opérations spéciales d’élite, les Special Night Squads, a été sélectionnée et entraînée personnellement par le légendaire Orde C. Wingate, qui a plus tard commandé les Chindits pendant la Seconde Guerre mondiale en Birmanie.

En 1941, Dayan sert d’éclaireur de la Haganah pour les Britanniques et participe à l’invasion du Liban et de la Syrie tenus par Vichy. Au cours de cette campagne, le 7 juin 1941, alors qu’il fait une pause de reconnaissance en s’occupant d’une mitrailleuse sur le toit d’un poste de police capturé dans une petite ville libanaise, une balle tirée par un tireur d’élite français déchire ses jumelles. Le verre brise l’œil gauche de Dayan et lui laisse le cache-œil distinctif qu’il portera jusqu’à la fin de sa vie.

Lorsque les armées arabes entrent en Israël en 1948, Dayan est membre de l’état-major de la Haganah et travaille dans les services de renseignements sur les Arabes. Pendant la guerre d’indépendance israélienne qui s’ensuit, il combat les Syriens en Galilée, dirige un bataillon de commandos lors de raids contre Lod et Ramallah, et commande le front de Jérusalem. Dayan devient chef d’état-major des forces armées israéliennes en 1953. À ce poste, il élabore et exécute le plan d’invasion du Sinaï en 1956.

Dix ans plus tard, Dayan est impatient de participer à une nouvelle guerre. Cela faisait « dix ans que je n’avais pas participé à une bataille, dix ans que je ne m’étais pas trouvé à l’extrémité opposée d’un char, d’un canon de campagne et d’un avion d’attaque ennemis, et à l’extrémité opposée des nôtres », écrit Dayan dans ses mémoires, qui ont été publiées aux USA en 1976. « Je voulais voir par moi-même, sur place, à quoi ressemblait la guerre moderne, comment les nouvelles armes étaient maniées, comment elles se comportaient dans l’action, si elles pouvaient être adoptées pour notre propre usage ».

Dayan, qui allait asseoir sa réputation militaire en menant Israël à la victoire lors de la guerre des Six Jours en 1967, a choisi de se rendre au Viêt Nam en 1966, dit-il, parce que c’était « le meilleur, et le seul, “laboratoire” militaire de l’époque ». Dayan, qui jouit d’un bon réseau de relations, met au point un plan visant à rédiger une série d’articles de presse pour trois publications : Maariv, le principal journal israélien, le Sunday Telegraph de Londres et le Washington Post.

« Les articles traiteront de mes observations sur la situation politique dans ce pays », a déclaré Dayan aux journalistes alors qu’il quittait Londres. « Je suis également très intéressé par les combats. J’espère être affecté à une unité militaire américaine ».

Il s’est avéré que Dayan écrivait davantage sur la stratégie et la tactique militaires que sur la situation politique. Il se sentait d’autant plus à l’aise dans ce domaine qu’il avait passé la quasi-totalité de sa carrière en uniforme à se battre pour son pays. Mais Dayan, qui était également impliqué dans la politique israélienne au plus haut niveau, n’a pas ignoré la situation politique au Viêt Nam. Au cours des cinq semaines qu’il a passées dans le pays, Dayan a passé du temps sur le terrain avec plus d’une unité militaire usaméricaine et s’est plongé avec enthousiasme dans les entrailles de la guerre du Viêt Nam, comme peu de dignitaires en visite l’avaient fait ou le feraient un jour.