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29/05/2023

ANTONIO MAZZEO
Le Maroc et Israël partent en guerre bras dessus bras dessous : nouvelles collaborations dans le domaine de l'industrie de guerre
Les populations sahraouies et palestiniennes sont sous la pression de l'alliance

Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 23/5/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

La coopération militaro-industrielle entre Rabat et Jérusalem se renforce. Le site internet des FAR (Forces Armées Royales) a publié une vidéo dans laquelle on voit le système de missiles sophistiqué PULS (Precise & Universal Launching Systems) produit par la société israélienne Elbit System fonctionner lors d'un exercice de tir d'une unité d'artillerie marocaine.


Les forces armées marocaines auraient acheté les lanceurs PULS en même temps que le système modulaire intégré C4I (commandement, contrôle, communication, informatique et renseignement) “Combat NG”, également fabriqué par Elbit Systems.

 

“Le système PULS répond aux besoins des forces d'artillerie dans les différents scénarios des champs de bataille modernes et assure la disponibilité continue d'un appui-feu massif et efficace”, expliquent les responsables de l’entreprise militaire israélienne.

 

Chaque batterie peut lancer 36 missiles Accular de 122 mm d'une portée de 35 km, 20 missiles Accular de 160 mm (jusqu'à une portée de 40 km), 8 missiles  Extra (jusqu'à 150 km), ou 4 missiles balistiques tactiques Predator Hawk" capables d'atteindre des cibles jusqu'à 300 km de distance. Le Royaume du Maroc aurait choisi des camions Tatra de fabrication tchèque pour transporter les lanceurs. « Le système d'artillerie PULS confère aux forces armées marocaines une supériorité tactique absolue en Afrique du Nord », commentent les analystes militaires.

 

L'achat de ce puissant système d'armes a été effectué dans le cadre de l'accord de coopération signé en novembre 2021 par le ministre israélien de la Défense de l'époque, Benny Gantz, et son homologue marocain Abdellatif Loudiyi. « Le mémorandum assure un cadre juridique solide qui formalise les relations dans le secteur militaire entre les deux pays et établit les bases qui soutiendront toute coopération future », avait déclaré à cet égard un porte-parole du ministère israélien de la Défense. « Les nouveaux liens bilatéraux renforceront la coopération dans les domaines du renseignement, de la collaboration industrielle, de la formation militaire, etc. »

 

L'accord entre les ministres de la défense a été suivi en mars 2022 par un protocole de coopération entre le ministère marocain de l'industrie et du commerce et la plus grande des entreprises militaro-industrielles israéliennes, IAI - Israel Aerospace Industries - pour lancer la production de pièces internes de cabines, de moteurs et d'aérostructures. Le protocole prévoit également la création au Maroc d'un centre de recherche et de développement en ingénierie pour la fourniture de composants aéronautiques à l'industrie nationale marocaine, grâce à l'assistance et aux conseils techniques d'IAI.

 

« Depuis la signature de l'accord de normalisation négocié par l'administration Trump en 2020, les deux pays ont signé plus de 30 accords et mémorandums couvrant les domaines de la défense, du commerce et de l'agriculture », note le commandant de l'armée italienne Antonino Lombardi sur le site Difesaonline. « Les interactions profondes résultant de l'accord de coopération militaire produisent des bénéfices mutuels : le Maroc a un accès direct aux technologies de défense du Moyen-Orient et Israël se réjouit d'être de plus en plus accepté et présent en Afrique du Nord ».

 

En d'autres termes, le Maroc a obtenu une aide précieuse dans la lutte contre le Front Polisario et Israël a retiré un allié important à la population palestinienne qui a toujours lutté contre l'expansionnisme de l'État juif.

 

Toujours selon Lombardi, l'armée marocaine est désireuse de renforcer ses capacités, notamment dans le domaine des avions téléguidés. « Le Maroc considère de plus en plus la coopération militaire avec Israël comme un moyen de dissuasion potentiel face à l'agression [sic] du Front Polisario et, dans une moindre mesure, de l'Algérie », ajoute l'officier. « Toutefois, cette position et sa récente course à l'achat d'armes aggravent les tensions diplomatiques avec Alger.

 

Le Front Polisario lutte depuis 50 ans pour l'indépendance de l'ancien Sahara espagnol, occupé par le Maroc, où vit la population sahraouie.

 

Les deux premières années de coopération militaire ont été marquées par l'achat par le Maroc d'un certain nombre de systèmes de défense de zone Barak MX ADS produits par les Industries aérospatiales israéliennes, pour une valeur de 500 millions de $. Le Barak MX ADS est un système de missiles « capable de se défendre contre des menaces aériennes multiples et simultanées, telles que des missiles de croisière, des drones, des hélicoptères, provenant de différentes sources et distances ». Il existe différents modèles de ce système : le Barak MRAD, qui a une portée opérationnelle de 35 km ; le Barak LRAD de 70 km et le Barak ER de 150 km.

 

 

 Le Maroc a également acheté à Israel Aerospace Industries un lot de drones kamikazes (avions sans pilote armés de bombes et d'explosifs qui explosent lors de l'impact avec la cible) de type Harop. Il s’agit d’un un petit avion sans pilote (2,5 mètres de long), qui transporter une charge de 20 kg d'explosifs et voler pendant sept heures consécutives jusqu'à 1 000 kilomètres. La commande des drones kamikazes a coûté environ 22 millions de dollars ; les autorités de Rabat se seraient également engagées à construire deux usines de production de drones Harop.

 

Fin octobre 2022, le journal en ligne marocain Le Desk a rapporté l'achat par l'armée de 150 drones tactiques WanderB et ThunderB à la société BlueBird Aero Systems, détenue à 50% par le gouvernement israélien. Les drones ont été testés lors de l'exercice marocco-usaméricain Maroc Mantlet 2022, qui simulait des interventions militaires en cas de catastrophe naturelle.

 

Selon Le Desk, la commande remonte à l'année précédente et plusieurs des appareils « sont déjà opérationnels dans le cadre d'un contrat de 50 millions de dollars pour une production partielle au Maroc ». Le ThunderB  et le WanderB sont utilisés pour des opérations de renseignement, de surveillance, de ciblage et de reconnaissance (ISTAR), la “sécurité” des frontières, l'ordre public, la protection des convois et des forces, et l'observation de l'artillerie. Le WanderB a une durée de vol de 2,5 heures et une portée de 50 km ; le ThunderB peut voler sans interruption pendant 12 heures jusqu'à 150 km.

 

Dans les mêmes semaines, un accord israélo-marocain dans le domaine de la “défense aérienne” [pour se prémunir des redoutables aviations sahraouie et palestinienne, NdT] a également été annoncé : le site spécialisé Israel Defence, rapportant des sources officielles du renseignement national, a révélé le transfert aux forces armées de Rabat d'un système top secret de guerre électronique et de collecte de signaux radar, produit par Elbit Systems.

 

Israel Defence a ajouté qu'en novembre 2021, le Royaume du Maroc avait également acheté des systèmes anti-drones à la société Skylock Systems Ltd de Kefar Sava (district central d'Israël).

 

Parallèlement, la coopération entre les deux pays dans le secteur de la formation s'est développée. En juillet 2022, trois officiers des forces armées israéliénnes ont participé en tant qu'“observateurs" au méga-exercice militaire African Lion, mené au Maroc sous le commandement de l’U.S. Africa Command et des forces armées marocaines. « La participation d'Israël à l'exercice représente une étape supplémentaire dans le renforcement des relations de défense entre les deux pays », écrivait alors Israel Defence. « Il s'agit également d'une continuation de la participation des unités antiterroristes des forces armées marocaines à l'exercice multinational qui s'est tenu en Israël l'année dernière ».

 

 

Toujours en juillet 2022, le général Aviv Kohavi s'est rendu au Maroc pour rencontrer l'inspecteur général des forces armées royales, Belkhir El Farouk. La visite du général Kohavi était la première visite officielle d'un chef d'armée israélien et a été suivie en septembre par le voyage du général Belkhir El Farouk en Israël à l'occasion de l’Operational Innovation, un événement organisé par les Forces de défense israéliennes.

 

Les deux rencontres - note l'agence Nanopress - ont eu lieu « dans un contexte où le Maroc est en conflit armé de basse intensité avec le Front Polisario, une organisation dont le principal allié et protecteur est l'Algérie ». "La tension entre les deux pays du Maghreb a atteint son point le plus sensible en novembre 2021, lorsque la présidence algérienne a publié un communiqué annonçant que trois civils algériens avaient été lâchement assassinés par un bombardement barbare alors qu'ils se rendaient en camion de la capitale mauritanienne, Nouakchott, à la ville algérienne de Ouargla. Les autorités d'Alger avaient pointé du doigt des armes sophistiquées achetées par le Maroc à Israël.

 

 

Les chefs de cyberguerre fraternellement réunis : Gabi Portnoy (Israël), Robert Silvers (USA), Mohamed Al Kuwaiti (ÉAU), Salman Ben Mohammed Ben Abdullah Al Khalifa (Bahreïn), Général El Mostafa Rabii (Maroc). Photo Gilad Kavalerchik. Vidéo du spectacle mis en scène :

 

Le 31 janvier 2023, le Cybertech Global 2023 s'est tenu à Tel-Aviv, une réunion sur les nouvelles technologies de cyberguerre parrainée par le gouvernement israélien et à laquelle ont participé des responsables de la cyberguerre d'Israël, du Maroc, des Émirats arabes unis, de Bahreïn et des USA. « Nous formons désormais une équipe et ce partenariat est une grande réussite », a déclaré le directeur du Centre de veille de détection et de réponses aux cyber-attaques relevant de la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information (DGSSI) et directeur du maCERT (Moroccan Computer Emergency Response Team) le général El Mostafa Rabii, à l'issue de la réunion. « En raison de l'existence de criminels appartenant à différents groupes, les cybermenaces n'ont pas de frontières. Nous devons amener nos groupes à travailler ensemble sur des cas concrets afin de renforcer la confiance entre nous... ».  Bref, armes et cyberguerre au nom des accords d'Abraham.

 

Manifestation de soutien à la Palestine devant le parlement marocain à Rabat le 7 avril dernier. Vidéo Fadel Senna/AFP