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09/03/2022

NETA GOLAN
Israël m'a arrêtée pour avoir protesté contre le siège de Gaza. Voici pourquoi je refuse de comparaitre au tribunal

Neta Golan, +972 Magazine, 8/3/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Neta Golan est une militante israélienne anti-apartheid, membre active d'Israelis Against Apartheid, Return Solidarity et Boycott From Within. Elle vit à Naplouse avec son compagnon, leurs filles et leur chat, ce qui est considéré comme un acte illégal par les lois d'apartheid israéliennes.

En tant qu'Israélienne, il m'a fallu des années pour désapprendre le sionisme. Maintenant, ma solidarité avec les prisonniers palestiniens m'oblige à rejeter une convocation au tribunal.

Neta Golan se fait arrêter par les forces israéliennes lors d'une manifestation à Turmus Ayya, en Cisjordanie occupée, le 19 décembre 2014. (Avec l'aimable autorisation de Neta Golan)

 

Le 21 février, j'ai marché de chez moi, dans la vieille ville de Naplouse, en Cisjordanie occupée, jusqu'à un magasin du centre-ville, pour faxer une lettre au tribunal de première instance d'Ashdod. J'y avais été convoquée après avoir été arrêté en janvier 2020 lors d'une manifestation contre le siège de Gaza. Dans ma lettre, j'ai annoncé que je n'avais pas l'intention de me présenter à l'audience, par solidarité avec les détenus administratifs palestiniens qui sont en grève depuis le 1er janvier et qui boycottent le système judiciaire militaire pour protester contre la pratique abusive de la détention administrative.

 

Le propriétaire du magasin, qui n'avait aucune idée du contenu de la lettre, a refusé de prendre mon argent. Parce que je vis dans les communautés palestiniennes depuis 22 ans, je me suis presque habituée à ces gestes quotidiens de courtoisie et de générosité. Ils ne sont que l'expression d'un filet de sécurité invisible que j'ai appris à connaître et dont je dépends. Chaque société a ses problèmes, mais je me sens incroyablement chanceuse d'avoir l'honneur de vivre avec des Palestiniens.

 

Mais il n'en a pas toujours été ainsi. En grandissant à Tel Aviv dans une famille de Juifs ashkénazes, j'ai entendu dire que nous, Israéliens, étions moralement supérieurs aux « Arabes ». Mon père nous disait de surveiller nos sacs et nos poches chaque fois que nous entrions dans une zone palestinienne. Ma grand-mère nous avertissait qu' « un Arabe vous attrapera d'une main et vous poignardera dans le dos de l'autre », et nous disait autour de la table du dîner qu' « un bon Arabe est un Arabe mort ».

 

J'avais 16 ans lorsque la première Intifada a éclaté. Je savais très peu de choses sur l'occupation, et rien sur la Nakba, mais je comprenais que les Palestiniens se battaient pour leur liberté et que, en réponse, nous les tuions. Lorsque les accords d'Oslo ont été signés, j'ai espéré que les choses allaient s'améliorer et j'ai voulu participer à ce changement. J'étais loin de me douter qu'ils allaient se transformer en un nouveau mécanisme de dépossession des Palestiniens.

 

J'ai commencé à me rendre en Cisjordanie dans les années 90. Pendant la première année et demie, j'étais terrifiée à chaque fois que je montais dans un minibus palestinien partant de Jérusalem-Est occupée ; j'étais sûre que tout le monde autour de moi voulait me tuer. Et à chaque fois, après que mon anxiété se fut calmée, j'ai pu constater que ce n'était pas le cas. En fait, ils ne se préoccupaient pas du tout de moi - ils avaient en tête d'autres choses liées à leur propre vie. J'ai été choquée de découvrir qu' « ils » étaient de véritables êtres humains.

 

Neta Golan appréhendée par des soldats israéliens lors d'une manifestation d'activistes israéliens contre le siège de Gaza, du côté israélien de la barrière, décembre 2018. (Oren Ziv)