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24/06/2025

GUILLERMO MARTINEZ
“Ça peut arriver à n’importe qui” : la peur des immigrés de Torrejón après le meurtre dAbderrahim par un policier

Guillermo Martínez, elDiario.es, 21/6/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

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La communauté africaine immigrée de Torrejón a exprimé sa crainte que ce qui s’est passé mardi dernier, lorsqu’un policier municipal de Madrid a étranglé un homme d’origine maghrébine, puisse se reproduire. Aujourd’hui, ils se sont rassemblés pour condamner ce crime

Rassemblement après la mort d’Abderrahim, étranglé par un policier mardi dernier

Les immigrés de Torrejón de Ardoz ont peur. « S’ils ont fait ça à Abderrahim, ils peuvent le faire à n’importe lequel d’entre nous à tout moment », a critiqué une femme marocaine ce matin lors du rassemblement pour dénoncer le « meurtre », comme l’ont qualifié les organisateurs [et comment auraient-ils du le qualifier ?,NdlT], de cet immigré de 35 ans par un policier mardi dernier. Elle n’était pas la seule à exprimer sa crainte que les forces de l’ordre agissent de cette manière. « S’il avait volé ou fait quoi que ce soit, la loi est là pour ça. Personne ne peut ôter la vie à quelqu’un de cette manière », a déclaré un autre jeune homme.

Il fait référence à l’étranglement qu’un policier municipal de Madrid a infligé à sa victime à l’aide d’un mataleón [étranglement arrière, rear naked choke], une technique d’immobilisation très dangereuse qui a finalement causé sa mort. C’est pourquoi la plateforme Corredor en Lucha [Corridor en lutte], formée par divers collectifs de la région et des centres sociaux de Torrejón, a organisé ce rassemblement auquel ont participé 250 personnes selon les organisateurs et la délégation du gouvernement.

« Aucune personne n’est illégale », « indigène ou étranger, même classe ouvrière » et « assez de racisme policier » sont quelques-uns des slogans qui ont été scandés pendant la manifestation, malgré une chaleur qui n’a pas empêché les proches d’Abderrahim de se rendre sur place. Quelques minutes après midi, ils sont arrivés avec des photos de son visage et se sont montrés très affectés par cette perte. Mimoun Akkouh, le père de la victime, a déclaré à elDiario.es qu’« il est impossible de vivre » après ce qui s’est passé : « Comment tu vas manger ? Comment tu vas dormir ? Ils ont tué mon fils. Ma famille vit à Torrejón depuis 32 ans et nous n’avons jamais eu de problèmes ».

Ils ne demandent que justice

Auparavant, Akkouh avait pris le micro pour partager sa douleur et sa tristesse avec les personnes présentes, mais aussi sa colère et son indignation. « S’il est vrai qu’il a volé le téléphone portable, qu’on l’arrête, qu’il paie une amende ou qu’il aille en prison, mais toujours dans le respect de la loi. C’est tout ce que nous demandons, la justice », a-t-il lancé devant les cris de la foule rassemblée.

Le policier municipal est en liberté sous contrôle judiciaire et fait l’objet d’une enquête pour homicide involontaire, ce que certaines personnes présentes à la manifestation voient d’un mauvais œil. « Si vous passez 15 minutes à étouffer une personne, vous vous rendez compte qu’elle perd peu à peu son souffle. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’imprudence », a soutenu Mouhciwe.

 

Le père de la victime pendant le rassemblement


 Originaire du Maroc, il vit depuis quatre ans à Torrejón et considère que ce qui s’est passé est « inadmissible », « d’autant plus venant d’un policier, qui est censé protéger les gens », a-t-il souligné. Il a également qualifié d’« inacceptable » le fait que certaines personnes défendent l’action du policier au motif qu’Abderrahim avait tenté de lui voler son téléphone portable auparavant. « On ne peut pas se faire justice soi-même et tuer comme ça. La peine de mort n’existe même pas dans ce pays », a-t-il ajouté.

Alors que des dizaines de personnes autour de lui scandaient des slogans tels que « vous, les racistes, vous êtes les terroristes », Mouhciwe a déclaré avoir peur. « Nous avons tous vécu des situations de racisme. Si Abderrahim avait été blanc, je suis sûr qu’ils ne l’auraient pas tué », a-t-il déclaré.

La peur face à la montée du racisme

À quelques mètres de lui, deux femmes se réfugiaient à l’ombre. Elles ont préféré ne pas donner leurs noms, mais ont affirmé qu’elles ne s’attendaient pas à ce qu’un événement de cette ampleur se produise à Torrejón. « S’il s’agit d’un délinquant, que la justice fasse son travail, mais pas qu’un policier le tue. On ne tue même pas les chiens de cette manière », a critiqué l’une d’elles.

Ces deux femmes ont affirmé qu’elles ressentaient une certaine crainte face au racisme qui ne cesse de croître, pour reprendre leurs propres termes. « On vous insulte dans la rue et certaines personnes pensent que tout ce qui va mal est la faute des moros [terme péjoratif pour désigner les Maghrébins]. Peu leur importe que vos enfants soient nés ici, rien que parce qu’ils ont la peau plus foncée, ils les agressent et leur disent de retourner dans leur pays. J’ai aussi peur pour eux », a commenté l’autre. Toutes deux vivent à Torrejón depuis deux décennies et connaissent la famille d’Abderrahim. « Si ça arrive avec un policier, cela signifie qu’on ne peut plus faire confiance à personne. Allons-nous les appeler quand nous aurons un problème ? Espérons que justice sera faite », ont-elles souligné.


Famille et connaissances d’Abderrahim à Torrejón

La mobilisation a rassemblé de nombreux jeunes. L’un d’entre eux, qui n’a pas souhaité révéler son nom, a souligné qu’ils étaient « dévastés ». Comme il l’a expliqué, « tout le monde peut se tromper, et cet homme souffrait d’une maladie mentale, car j’ai vu les rapports médicaux que possède la famille ». Il a 26 ans et est arrivé à Torrejón avant d’avoir atteint l’âge d’un an. « Maintenant, nous avons peur que quelque chose comme ça puisse nous arriver, car cela aurait déjà pu nous arriver. Cela peut arriver à n’importe qui. N’importe lequel d’entre nous aurait pu être Abderrahim cette nuit-là », a-t-il souligné.

Contre la violence policière

Le rassemblement a eu lieu sur la place d’Espagne à Torrejón, qui était à midi complètement encerclée par des fourgons de police postés à chacune de ses entrées. Carlos Buendía, porte-parole de Corredor en Lucha, a critiqué devant les personnes présentes, selon ses propres termes, le mépris de certaines personnes envers la classe ouvrière migrante qui ne peut pas se rendre en Espagne en avion. Il a également dénoncé les « brigades racistes » de policiers qui opèrent régulièrement dans la gare RENFE de la ville, la manifestation ayant eu lieu à quelques mètres de la gare. Les militants ont alors crié « Stop à la violence policière ».


L’affiche du rassemblement

L’ancien député de l’Assemblée de Madrid et membre de Podemos, Serigne Mbayé, était également présent : « Nous remplirons les rues, nous remplirons les places, et ni la chaleur, ni le froid, ni le vent ne nous empêcheront de dénoncer le racisme institutionnel », a-t-il déclaré. La mobilisation a également bénéficié du soutien de diverses organisations politiques et sociales de gauche.

Environ une heure après le début du rassemblement, Buendía a lu aux personnes présentes un communiqué signé par Corredor en Lucha : « Mardi dernier, un nouveau cas de racisme institutionnel s’est produit à quelques rues d’ici. Deux policiers hors service ont étouffé à mort un jeune homme de 35 ans devant de nombreux témoins qui exigeaient qu’ils cessent d’agresser le jeune homme d’origine maghrébine, Abderrahim », a-t-il déclaré.

Le porte-parole a ensuite énuméré d’autres cas de racisme, tels que « les centaines de personnes qui meurent en Méditerranée, notre camarade Mbaye assassiné en 2018 à Lavapiés, le meurtre de Lucrecia, le massacre du Tarajal, les milliers de morts du génocide palestinien aux mains du sionisme ».

La plateforme a donc exigé « que des responsabilités soient assumées pour le meurtre brutal d’Abderrahim » et a appelé « toute la classe ouvrière du Corredor del Henares* à s’organiser pour mettre fin à l’offensive raciste du régime ». « Parce qu’aucune vie ne vaut moins qu’une autre, parce que l’offensive du capital doit cesser, parce qu’il faut en finir avec la résignation, parce qu’il est temps de se battre », a-t-il conclu alors que la place scandait en chœur : « Vous n’êtes pas seuls, nous sommes avec vous ».

NdlT
Le Corredor del Henares (Corridor du Henares) est un axe résidentiel, industriel et commercial développé dans la plaine du fleuve Henares, autour de l'autoroute Nord-Est et de la ligne ferroviaire Madrid-Barcelone, entre les villes espagnoles de Madrid et Guadalajara.

Il englobe des villes hautement industrialisées telles que Coslada, San Fernando de Henares, Torrejón de Ardoz, Alcalá de Henares, Azuqueca de Henares et Guadalajara, qui forment une agglomération urbaine de plus de 600 000 habitants, et un continuum urbain industriel avec des zones industrielles et commerciales qui se développent autour des principaux axes de communication.

 

17/01/2025

FRANCISCO CARRIÓN
Le nouvel ami et protecteur de Mohamed VI : Youssef Kaddour, le champion espagnol qui a juré “fidélité jusqu’à la mort” au roi du Maroc


Sportif accompli, il était devenu une idole à Melilla. Il fut un éphémère conseiller du gouvernement local. Il a tout abandonné pour répondre à l’appel du monarque alaouite.

Francisco Carrión, El Independiente, 12 / 01 / 2025
 Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

 

Mohamed VI et Youssef Kaddour | GV

Certains ont été incrédules lorsqu’ils ont entendu parler de « sa nouvelle mission ». Au cours de la dernière décennie, il a remporté une demi-douzaine de championnats du monde et d’Europe d’arts martiaux sous les couleurs espagnoles. Il était devenu une idole à Melilla, un modèle pour les jeunes de la ville autonome. Youssef Kaddour reçoit hommages et récompenses dans son « coin de terre » et devient même un éphémère conseiller du gouvernement local. Jusqu’à ce que Mohamed VI croise son chemin.

Youssef Abdesselam Kaddur (Melilla, 1985) a fêté ses 40 ans le 2 janvier. Il est devenu l’un des plus fidèles confidents de Mohamed VI. Un écuyer et garde du corps qui a rejoint l’entourage formé par le clan des boxeurs Azaitar, les trois frères Abu Bakr, Ottman et Omar qui accompagnent le monarque dans tous ses déplacements depuis son divorce avec Lalla Salma en 2018 et qui jouissent d’une vie de haut niveau, dans les résidences et les dépenses luxueuses du monarque.

Shopping avec le monarque à Abu Dhabi

Sa présence imposante, sculptée par des heures en salle de sport, n’est pas passée inaperçue. L’été dernier, il a passé ses vacances avec Mohammed VI à Medik, une ville côtière près de Tétouan. Début janvier, Kaddour a accompagné le roi lors de sa visite à Abou Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis. Sur les images qui ont été diffusées, le natif de Melilla se promène avec le monarque alaouite dans un centre commercial de la ville. Tous deux descendent un escalator au milieu de la foule présente dans le centre. Mohammed VI, le bras en écharpe, porte une chemise orange vif et un bas de survêtement ; Kaddour, lui, porte une chemise blanche.

Ce n’est pas la première fois qu’il est filmé en train d’accompagner le monarque malade. À Melilla, cette amitié ne surprend pas. « Je me souviens avoir reçu une photo de cette relation étroite avec le pouvoir marocaine, mais je ne me souviens pas d’autres détails », admet Eduardo de Castro, l’ancien président de Melilla. Kaddour a été conseiller à la jeunesse dans son premier gouvernement, fruit de l’accord entre Ciudadanos, PSOE et Coalición por Melilla qui a évincé Juan José Imbroda. Il a été nommé le 4 juillet 2019 et est resté en poste jusqu’en novembre de la même année.

« Il ne s’est ni bien ni mal comporté. Il n’a pas joué un rôle important. Il n’avait pas le temps de faire quoi que ce soit », se souvient De Castro. Kaddour a rejoint l’exécutif dans le quota de Coalición por Melilla, la formation fondée en 1995 par Mustafa Aberchán en tant que scission du PSOE Melilla et qui fait l’objet d’une enquête depuis 2023 pour un complot présumé de fraude électorale, de corruption et de vol de votes par correspondance. « Dès que j’ai su qu’il était lié au Maroc, je lui ai retiré la médaille de la ville et tout autre avantage. C’est de la déloyauté », dit De Castro, aujourd’hui retiré de la vie politique. « Dès que j’ai eu connaissance de tout cela, j’ai dit qu’il devait être démis de ses fonctions. C’est ce que j’ai fait lors du premier changement de gouvernement », ajoute-t-il.

Kaddour avec le président de la ville autonome de Melilla, Juan José Imbroda (Parti Populaire, droite) en 2018, lors de la remise de la Médaille d'or

Une enfance marquée par les brimades à l’école

Jusqu’à la fin de la dernière décennie, Kaddour était une figure importante de Melilla. Ses réseaux sociaux attestent de cette idylle avec sa ville natale. En 2017, après que des groupes locaux ont dénoncé le manque de soutien du gouvernement local à sa carrière sportive, il reçoit une série d’hommages signés par le Centre UNESCO de Melilla et l’Association de la presse sportive de la ville autonome. Un an plus tard, le gouvernement de la ville lui a décerné la Médaille d’or de Melilla, la plus haute décoration. Cette distinction a été acceptée à l’unanimité par les groupes politiques représentés à l’Assemblée.

À l’époque, Kaddour se vantait de ses origines mélilliennes. Dans l’une des vidéos publiées sur son compte Youtube, il reconnaît avoir été victime de brimades à l’école. « Mon enfance n’a pas été facile. J’ai été victime de brimades. Je me souviens encore de choses comme être battu à l’école, qu’on me prenne des choses, qu’on m’appelle par des noms, qu’on me donne des surnoms, j’ai vraiment vécu des moments difficiles », explique-t-il. Ces souvenirs amers sont confirmés par sa mère. « Il n’a pas passé de très bons moments à l’école lorsqu’il était enfant. Il était toujours très en colère. Nous savions qu’il vivait mal et c’est pourquoi nous avons eu l’idée géniale de lui faire faire du karaté pour qu’il sache se défendre », raconte sa mère. « J’ai commencé à nager et à faire du karaté pour gagner en confiance et savoir me défendre. Une fois que j’ai essayé le sport, c’était comme une drogue pour moi. Il s’agissait avant tout de m’améliorer : essayer d’être le meilleur en tout, que ce soit en classe ou dans n’importe quel sport ».

Intime avec les frères Azaitar
Kaddour collectionne les photos sur les réseaux sociaux avec les frères Azaitar, devenus la « nouvelle famille » de Mohamed VI après son divorce.

Une ambition et une compétitivité qu’il a conservées intactes à l’âge adulte, sur les tatamis où il s’entraînait et affrontait ses rivaux. Alejandro Liendo, l’un de ses entraîneurs pendant ses années au sommet de la discipline, le confirme : « Nous avons préparé ensemble le championnat d’Espagne de grappling et le championnat du monde de BJJ [jiu-jitsu brésilien] . Il a été champion dans les deux et son implication en tant qu’athlète a été exceptionnelle ». « Très discipliné, avec une très grande capacité d’effort et de sacrifice, comme cela est exigé d’un athlète d’élite de ce niveau. Il ne se plaignait jamais, il était toujours prêt à donner 100 % de sa journée et il avait une personnalité irrésistible », se souvient-il dans une conversation avec ce journal.

Kaddour a régné sur le grappling (sans kimono), le grappling gi (avec kimono) et le jiu-jitsu brésilien. Entre 2016 et 2018, il a bénéficié de l’ADO, le programme de soutien au développement et à la promotion des athlètes espagnols de haut niveau au niveau olympique. Sa dernière médaille remonte au printemps 2019 à Bucarest. Dans la capitale roumaine, il a remporté le bronze au championnat d’Europe de grappling. Les succès de sa carrière sportive, qui a débuté en 2011 avec une médaille d’or aux championnats d’Europe de Lisbonne, se sont achevés à Bucarest.

Kaddour à l’académie des frères Azaitar en 2020

Le Maroc, sa nouvelle patrie

Le jeune homme, qui a étudié les sciences de l’environnement à l’université de Grenade et a passé de longues périodes de formation aux îles Canaries, a inauguré quelques mois plus tard son éphémère carrière politique, dont il n’existe pratiquement pas de photos ou de vidéos. En 2020, ses pas l’ont conduit au Maroc, sous la houlette d’Aboubakr Azaitar, un ancien détenu en Allemagne devenu boxeur, qu’il considère comme « un frère ». Aboubakr est l’un des membres de « cette nouvelle famille » - comme certains l’appellent avec un malaise évident au palais - qui suit Mohammed VI dans ses absences prolongées du trône.

En août 2020, Kaddour annonçait dans ses réseaux « une nouvelle étape ». « « Avec beaucoup d’enthousiasme et de nouveaux objectifs. Alhamdulillah pour les personnes qui chaque jour font ressortir la meilleure version de moi, comme cette grande équipe. De grandes nouvelles sont à venir. Insha’allah. Focus sur la mission », écrit-il. Il l’accompagne d’un cliché sur lequel il pose torse nu avec d’autres « camarades de mission » sur un fond dominé au centre par le portrait de Mohammed VI en costume. De part et d’autre de l’image figurent les portraits des boxeurs qui composent l’entourage du monarque.

Depuis lors, il a éliminé toute mention de son origine melillienne et les mentions « Maroc » et le drapeau du pays sont reproduits dans tous les messages qu’il publie. Au cours des quatre dernières années, sa présence sur les médias sociaux s’est limitée à rappeler ses exploits et à diffuser des messages de motivation : « S’entraîner en s’amusant, persévérer en se reposant et vivre ce dont on rêve. Ma plus grande motivation et ma plus grande force, c’est la foi. La foi pour Allah » ; la reproduction de citations du prophète Mohamed ; le récit de ses voyages et de ses sorties avec les frères Azaitar ; ou encore la vassalité à Mohammed VI. « Que Dieu protège sa majesté le roi Mohammed VI et lui accorde la victoire, ô Allah tout-puissant, que Dieu le protège, prolonge sa vie et guide ses yeux vers l’héritier du prince secret, le puissant Moulay Hassan, et bénisse la vie de tous les membres de l’estimée famille », a-t-il posté lors de l’un des anniversaires de son accession au trône.

Youssef avec son défunt frère dans une image d’archive

La mort de son frère qui a scellé son destin avec Mohammed VI

Contacté par ce journal, Kaddour n’a pas souhaité s’exprimer. « Il n’y a pas lieu d’attendre, je n’ai pas l’habitude de parler de mes affaires, mais je vous remercie de votre intérêt », a-t-il répondu à une demande d’interview. Une tragédie familiale, la mort de son frère Souli Abdesselam en 2021, a scellé ce lien avec le monarque alaouite qu’il ne cache plus. Le roi alaouite est intervenu personnellement dans le rapatriement du corps.

« Aucun mot ne saurait exprimer notre gratitude pour l’amour et le soutien qui nous ont été témoignés après le décès de mon frère Souli. En particulier à Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui, dès le moment du décès, a tout mis en œuvre pour le rapatriement de mon frère, sans tarder plus d’une journée, amenant les proches à l’enterrement, s’occupant de tous les détails et de l’état de la famille, montrant ainsi qu’il est une grande personne. Ma famille et moi-même lui serons éternellement reconnaissants, il aura notre amour et notre loyauté jusqu’à notre mort. Nous lui sommes profondément reconnaissants ».

Un serment qu’il réalise aujourd’hui en tant que garde du corps et complice de Mohammed VI, protagoniste de relations avec les frères Azaitar que le makhzen - le cercle dirigeant du roi - et sa famille biologique considèrent avec beaucoup de suspicion. « Toutes ces relations cachent quelque chose », affirme un membre de l’opposition marocaine, conscient du cercle alternatif d’amis et de fidèles que le roi s’est constitué, loin de tout protocole ou des cercles traditionnels de Rabat.

« À Melilla, nous l’avons perdu de vue. C’était une personne de prestige jusqu’au moment où cette relation avec le Maroc a circulé. Depuis, je n’ai plus de nouvelles de lui. Il continuera à être espagnol, bien que pour le Maroc, la double nationalité n’existe pas. Pour eux, c’est un Marocain qui a choisi de gagner sa vie avec Mohamed VI », conclut De Castro. Dans l’un de ses derniers messages sur Instagram, à l’occasion de l’anniversaire de la Marche verte d’occupation du Sahara alors espagnol, Kaddour résume l’idéal de sa nouvelle vie : « Dieu, la patrie et le roi ».


Le Kaddour new look

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12/01/2025

SABRINA NELSON
La migration illégale comme monnaie d’échange : le jeu diplomatique du Maroc à Ceuta et Melilla

Sabrina Nelson , The McGill International Review, 9/1/2025
Original édité par Rafay Ahmed
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

Sabrina est une étudiante de quatrième année qui poursuit un diplôme en sciences politiques avec une mineure en développement international à l’Université McGill à Montréal (Québec). Elle s’intéresse aux droits humains, à la justice sociale, aux crises humanitaires et à la résolution des conflits. Elle est passionnée par les langues et en parle actuellement six.

Immigrants africains à la barrière frontalière entre l’Espagne et le Maroc par ¡¡¡¡ !!!, sous licence CC BY-NC-SA 2.0

Situées sur le continent africain et bordées par le Maroc, Ceuta et Melilla, les enclaves nord-africaines de l’Espagne, sont depuis longtemps des points chauds dans les relations hispano-marocaines, en raison de différends historiques profondément enracinés sur la souveraineté. Le Maroc considère Ceuta et Melilla comme des reliques coloniales espagnoles, affirmant ses liens historiques avec les enclaves à travers les conquêtes islamiques des VIIe et VIIIe siècles, lorsqu’elles ont été intégrées dans l’héritage culturel et historique de l’Afrique du Nord. Dans une lettre adressée à l’ONU en 2022, le Maroc a décrit les enclaves comme « une prison occupée par l’Espagne » et a nié avoir des frontières terrestres avec l’Espagne. L’Espagne, en revanche, affirme sa souveraineté de longue date, citant le contrôle de Melilla depuis 1497 et de Ceuta depuis l’existence de l’Union ibérique (1580-1640), la cession formelle de Ceuta au Portugal ayant eu lieu dans le cadre du traité de Lisbonne en 1668. L’Espagne règne désormais sur Ceuta et Melilla depuis des siècles et les deux enclaves sont actuellement reconnues internationalement comme des villes autonomes régies par le droit espagnol et le droit communautaire européen.

Au-delà du conflit de souveraineté, Ceuta et Melilla sont devenues des sources de tension récurrentes en raison du défi que représente l’immigration clandestine. La situation unique de Ceuta et Melilla sur le continent africain en fait des points d’entrée privilégiés pour les demandeurs d’asile et les migrants qui tentent d’atteindre l’Europe. Le Maroc a stratégiquement utilisé le défi de l’immigration clandestine comme un outil diplomatique, en contrôlant le flux de migrants pour faire pression sur l’Espagne afin qu’elle fasse des concessions politiques, en particulier en ce qui concerne le Sahara occidental. Ainsi, le Maroc a transformé les enclaves en puissantes monnaies d’échange géopolitiques, obligeant l’Espagne à naviguer dans un jeu d’équilibre complexe et délicat.

Carte de Ceuta et Melilla, par Anarkangel, sous licence CC BY-SA 3.0.

Le défi persistant de l’immigration clandestine

Alors que la migration illégale à Ceuta et Melilla a atteint un sommet en 2018 avec 6 800 entrées enregistrées, le problème reste d’actualité. En 2023, on estime à 1 243 le nombre d’entrées enregistrées, ce qui est considérable compte tenu de la taille des enclaves. Toutefois, ces chiffres ne tiennent compte que des migrants interceptés qui ont réussi à franchir la frontière ; l’ampleur réelle des tentatives de franchissement est bien plus importante. Par exemple, pour le seul mois d’août 2023, les autorités marocaines ont bloqué plus de 3 300 tentatives de passage vers Melilla et 11 300 vers Ceuta. La plupart des personnes qui tentent d’entrer dans les enclaves sont originaires du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et d’Afrique subsaharienne. Leurs voyages sont principalement motivés par le désir d’une vie meilleure.

Les migrants interceptés à la frontière sont généralement renvoyés au Maroc ou dans leur pays d’origine, sauf s’ils demandent l’asile ou s’ils sont mineurs. Toutefois, la vérification de ces demandes est difficile en raison du manque de documents, et les autorités espagnoles, auxquelles les lois internationales et nationales interdisent d’expulser les mineurs non accompagnés, sont tenues de les prendre en charge. Les demandeurs d’asile sont temporairement détenus pendant que leurs demandes font l’objet d’une évaluation juridique.

 

Migrants résidant dans le Centre de séjour temporaire de migrants (CETI) entrant dans la mairie de Ceuta, par Fotomovimiento, sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

L’immigration clandestine, un embrouillamini de coopération et de conflit

Depuis les années 1990, alors que l’afflux de migrants augmentait, l’Espagne et le Maroc ont coopéré étroitement en matière de migration illégale et de contrôle des frontières, signant même un accord bilatéral en 1992 pour permettre à l’Espagne de demander la réadmission de migrants provenant du Maroc. Au fil du temps, l’Espagne s’est de plus en plus appuyée sur le Maroc pour gérer des portions importantes de sa frontière, une délégation soutenue par l’UE, qui a renforcé ses relations avec le Maroc en tant qu’allié essentiel dans la gestion de l’immigration clandestine. Cette collaboration comprend un soutien financier et politique, comme le programme d’aide de 148 millions d’euros en 2018 pour améliorer la gestion des frontières du Maroc, ainsi que des projets cofinancés par l’Espagne et l’UE pour renforcer les barrières frontalières autour des enclaves.

Si la dépendance de l’Espagne à l’égard du Maroc pour la gestion de ses frontières favorise la coopération, elle a également créé une dépendance stratégique que le Maroc a de plus en plus exploitée ces dernières années. Le Maroc a utilisé la gestion de l’immigration clandestine comme un outil pour exercer une pression politique et faire avancer ses revendications territoriales, notamment en ce qui concerne le Sahara occidental. Le Sahara occidental est un territoire contesté d’Afrique du Nord-Ouest revendiqué par le Maroc et par le peuple sahraoui, qui cherche à obtenir l’autodétermination par l’intermédiaire du Front Polisario.

L’exploitation par le Maroc de la dépendance stratégique de l’Espagne est devenue évidente en avril 2021 lorsque, en réponse à la décision de l’Espagne de fournir un traitement médical au chef du Front Polisario, Brahim Ghali - un acte que le Maroc considérait comme une atteinte à ses revendications de souveraineté - le Maroc a délibérément relâché ses contrôles frontaliers, permettant à environ 8 000 migrants d’entrer à Ceuta. La crise s’est aggravée, poussant l’Espagne à déployer son armée et déclenchant une impasse diplomatique majeure entre les deux pays. Le Parlement européen est intervenu, reconnaissant que le Maroc manipulait l’immigration clandestine comme un outil de pression géopolitique. L’assouplissement délibéré des contrôles frontaliers par le Maroc met en évidence l’équilibre délicat que doit trouver l’Espagne entre la coopération avec le Maroc en matière d’immigration clandestine et la lutte contre ses manipulations politiques.

La stratégie d’apaisement de l’Espagne

Au lieu d’adopter une position ferme contre l’utilisation par le Maroc de l’immigration clandestine comme monnaie d’échange géopolitique, l’Espagne a poursuivi une stratégie d’apaisement ces dernières années, en accordant des concessions au Maroc et en évitant les actions susceptibles de le provoquer. Cette approche est devenue particulièrement évidente en 2022, lorsque l’Espagne a approuvé le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental, soutenant ainsi la souveraineté marocaine sur le territoire et abandonnant des décennies de neutralité.  


Pedro Sanchez rencontre le Premier ministre du Maroc, Saadeddine Othmani, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale sur le Pacte mondial sur les migrations qui s’est tenue à Marrakech, en 2018. Photo de La Moncloa - Gobierno de España, sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

La nouvelle stratégie d’apaisement de l’Espagne a été renforcée lors d’un sommet à Rabat en 2023. Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a exprimé l’intention de l’Espagne de réinitialiser et de réparer les relations avec le Maroc, en s’engageant au « respect mutuel » et à éviter les actions qui pourraient offenser « l’autre partie » ou les « sphères de souveraineté respectives » de l’une ou l’autre nation.

Cette stratégie d’apaisement a influencé le comportement politique au niveau national, le Parti socialiste ouvrier de Sanchez restant silencieux ou votant contre les résolutions critiques à l’égard du Maroc. En février 2023, le parti de Sanchez a notamment voté [aux côtés des députés du Rassemblement National français, NdlT] contre une résolution du Parlement européen exhortant le Maroc à respecter les droits humains. En poursuivant son objectif d’apaisement par-dessus tout, l’Espagne a compromis son engagement en faveur des droits humains, exposant une contradiction entre son image de défenseure ces derniers et ses actions dans ce contexte.

Les remarques de Sanchez soulignent les efforts de l’Espagne pour se positionner comme un partenaire mature et coopératif, prêt à faire des concessions sur les exigences politiques du Maroc en échange de la coopération de ce dernier sur des questions telles que la gestion de l’immigration clandestine, tout en plaidant subtilement pour une responsabilité réciproque de la part du Maroc.

En toute justice pour le Maroc, la stratégie d’apaisement de l’Espagne ne repose pas uniquement sur l’utilisation par le Maroc de la gestion de l’immigration clandestine comme monnaie d’échange. Elle reflète également l’alignement du Maroc sur les ambitions énergétiques de l’Espagne. Dans le contexte de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les pays européens sont à la recherche de sources d’énergie alternatives, et le potentiel d’énergie renouvelable du Maroc ainsi que sa position stratégique en font un partenaire clé. L’Espagne, qui aspire à devenir une plaque tournante de l’énergie en Europe, a renforcé ses liens énergétiques avec le Maroc, continuant à rechercher l’apaisement non seulement pour faire face à l’immigration clandestine, mais aussi pour soutenir sa stratégie énergétique plus large. [en 2030, 50% de l’énergie éolienne produite par le Maroc devrait provenir du Sahara occidental occupé, NdlT]

L’utilisation par le Maroc de l’immigration clandestine comme monnaie d’échange s’est avérée efficace, en particulier dans le contexte actuel de l’UE, où la montée des mouvements d’extrême droite et le soutien croissant aux partis politiques d’extrême droite ont entraîné une évolution vers des politiques d’immigration clandestine plus dures et plus sécuritaires parmi les États membres. Dans ce contexte, le Maroc peut tirer parti de son contrôle sur les flux migratoires illégaux dans les enclaves espagnoles pour exercer une plus grande influence sur l’Espagne et d’autres États de l’UE - en l’utilisant finalement comme un outil pour faire avancer ses intérêts politiques et territoriaux.



11/11/2024

GIANFRANCO LACCONE
Valence : la fin de la société industrielle

Gianfranco Laccone, Climateaid, 8/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Parmi les nombreuses images de la situation tragique de Valence, l’une d’entre elles m’a frappé par sa valeur symbolique. Il s’agit d’un amoncellement de voitures entre les immeubles, dans une étroite rue en pente de la ville espagnole ; empilées au hasard, comme si elles avaient été entassées dans une grande casse automobile, précédées et entremêlées de poubelles, elles sont regardées avec incrédulité, étonnement et résignation par les personnes qui se trouvent à sa base. Mais il s’agissait en fait de voitures neuves, garées le long des rues de la ville et entraînées vers le bas par la furie de l’eau qui s’était abattue pendant quelques heures et qui, en une seule journée, avait dépassé la quantité d’eau qui, en règle générale, tombe en un an.

Je dis « en règle générale », mais la règle n’est plus respectée désormais, sauf, approximativement, dans la quantité totale de précipitations qui, dans la zone méditerranéenne, arrivent sous des formes différentes que par le passé : peu de neige (mais quand elle arrive, elle est abondante), beaucoup de fortes pluies (qui mouillent souvent les gens plus par le bas que sur la tête en raison de la force avec laquelle elles tombent), beaucoup de grêle et de nombreux phénomènes divers tels que des tornades, des ouragans, des éclairs en quantités jamais vues auparavant.
Les images sont frappantes parce qu’elles concernent la destruction des signes de « notre » civilisation occidentale: voitures, autoroutes, supermarchés avec garages souterrains, villes couvertes de béton et d’asphalte, systèmes d’alerte électronique, la structure de la gouvernance. Tout ce qui a explosé en Espagne n’était pas « arriéré » et un vestige d’un système économique industriel obsolète ; au contraire, c’était le fruit de ce que notre civilisation a de mieux à offrir, y compris le mécanisme de consommation des services liés à notre vie. Progressivement, nos villes (l’Espagne n’est pas différente de l’Italie ou de l’Allemagne) ont abandonné la construction de services sociaux (hôpitaux, écoles, administrations) pour devenir des centres de repos (immenses quartiers dortoirs) et de tourisme de consommation rapide. Ce ne sont plus les vacances de la bourgeoisie naissante du XVIIIe siècle que Goldoni décrivait dans sa Trilogie de la villégiature, mais les vacances au pas de course que l’on prend le week-end, en dormant dans les chambres d’hôtes qui ont remplacé les maisons des centres historiques en provoquant la « gentrification » (transformation des quartiers populaires des centres historiques en structures haut de gamme ou commerciales) ou encore dans les bus verts phosphorescents qui sillonnent l’Europe de long en large.

Pour en revenir à la catastrophe espagnole, conséquence évidente du changement climatique, elle n’est pas très différente des catastrophes italiennes de ces dernières années, si ce n’est par l’ampleur des dégâts et des morts. En outre, la faible ampleur des catastrophes italiennes étaient dues au hasard, à la nature pédoclimatique des localités touchées, à la structure hydrographique et à la répartition de la population, et non aux structures socio-économiques existantes. En effet, il y a le paradoxe que les forces politiques de gouvernement - centrales et locales - des deux États, inversement réparties, ont accumulé le même échec et montré la même incapacité à « prévoir » et à « gouverner » le désastre. S’il n’était pas tragiquement criminel Si l’attitude des fascistes espagnols cassant des voitures et en tabassant des dirigeants n’était pas tragiquement criminelle, elle serait risible : qu’ont fait leurs petits copains du gouvernement central en Italie ? Ont-ils été beaucoup plus capables ? Ont-ils changé les choses maintenant qu’ils gouvernent ce pays ? En réalité, l’idéologie industrialiste qui guide nos élites (qu’elles soient de gauche ou de droite) est la même et elle est en faillite.
L’industrie et ses institutions : les associations professionnelles, les syndicats, les coopératives, les structures - étatiques ou privées - qui guident l’éducation, la santé, les secours et les urgences, ont toutes échoué, et en substance ce n’ était pas leur faute. Il est désormais clair que la catastrophe de 2005 USA - les inondations en Louisiane causées par l’ouragan Katrina, avec 1 392 morts et 125 milliards de dollars de dégâts - malgré la responsabilité considérable de l’administration Bush, n’était que partiellement due à l’incapacité administrative et à l’idéologie économique particulière qui croyait au progrès illimité fourni par le marché. La réalité d’aujourd’hui confirme l’incapacité de toute idéologie (socialiste ou capitaliste) à avoir une relation positive avec l’environnement, puisqu’elles placent l’industrie et le marché (social ou du capital) au-dessus de la relation de coopération entre les êtres vivants, du respect de leurs différents besoins, de la prise en compte des temps et des modes de relation avec la Nature. Nous avons déjà écrit que les eaux ont leur propre chemin et que leur respect est un impératif, indépendant de notre époque et de nos structures sociales. 


Ce n’est pas un hasard si l’une des vidéos sur la catastrophe espagnole montre la petite ville d’Almonacid de la Cuba sauvée des eaux par un barrage construit en bordure de la localité pendant l’empire romain, il y a deux mille ans (et qui, heureusement, n’a pas été démoli au cours des siècles suivants).

De plus, les connaissances que nous acquérons ne nous ouvrent pas les yeux sur situation réelle. Le phénomène de la DANA (Depresión Aislada en Niveles Altos - dépression isolée à niveau élevé, ou gouttefroide), que j’avais déjà mentionné en parlant des inondations en Romagne dans un article précédent (ici) est bien connu, à tel point qu’il est expliqué avec des mots simples, accessibles même aux administrateurs, dans un spectacle amusant de Giobbe Covatta « 6 degrés » qui présente ironiquement l’effet de l’augmentation future de la température de notre planète. L’Agenda 2030 a été créé dans le but d’éviter ou au moins de réduire tout ce qui est en train de se produire.
Il n’y a pas de solutions alternatives, les politiques foncières doivent être modifiées et nous devons dire adieu au symbole du progrès : la voiture alimentée par des combustibles fossiles. Comment construire cet avenir ? Il y a une image qui, au milieu de la douleur, nous redonne de l’optimisme : face à la situation d’abandon que tant de vivants (hommes et animaux) ont vécue en Espagne, en Italie, au Maroc, au Bangladesh, face au pillage auquel certains ont été tentés de se livrer, il y a des milliers d’hommes (et d’animaux) qui ont travaillé en coopération ; équipés d’outils rudimentaires, ils ont œuvré pour sauver et reconstruire. Les anges de la boue que nous avons vus à Florence après les inondations de 1966 ont été vus en Romagne et à Valence, et opèrent dans un esprit de coopération dans toutes les autres parties du monde, ridiculisant les énormes progrès technologiques qui sont censés changer nos vies, mais qui en réalité ne les améliorent en rien.
Soixante ans plus tard, ce sont toujours les mains, la pelle et l’esprit de solidarité qui donnent de l’espoir au monde.


 


15/02/2024

Lettre de Leo Varadkar et Pedro Sánchez à Ursula von der Leyen sur la situation à Gaza

 

 

S. E. Ursula von der Leyen

Présidente de la Commission

européenne

14 février 2024

Madame la Présidente,

Nous sommes profondément préoccupés par la détérioration de la situation en Israël et à Gaza, en particulier par l'impact du conflit actuel sur les Palestiniens innocents, notamment les enfants et les femmes. L'extension de l'opération militaire israélienne dans la zone de Rafah constitue une menace grave et imminente à laquelle la communauté internationale doit répondre de toute urgence.

Près de 28 000 Palestiniens ont été tués et plus de 67 000 blessés, et nous avons assisté au déplacement de 1,9 million de personnes (85 % de la population) à l'intérieur de Gaza, à la destruction massive d'habitations et à des dégâts considérables aux infrastructures civiles vitales, y compris les hôpitaux.

Nous avons exprimé à plusieurs reprises notre condamnation totale des attaques terroristes aveugles du Hamas du 7 octobre et exigeons la libération immédiate et inconditionnelle des otages encore détenus.

Nous avons affirmé tout aussi clairement qu'Israël a le droit de se défendre contre de telles attaques, mais que cela ne peut se faire que dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire (DIH) et le droit international des droits de l'homme. La réponse doit être conforme aux principes de distinction, de proportionnalité et de précaution.

Il est important de noter que le droit international humanitaire impose clairement à toutes les parties à un conflit l'obligation d'assurer la protection des civils. Les attaques terroristes odieuses commises par le Hamas et d'autres groupes armés ne justifient pas et ne peuvent pas justifier une quelconque violation du droit international humanitaire dans la réponse militaire, avec les conséquences qui en découlent pour la population civile de Gaza.

 

Nous partageons la préoccupation du Secrétaire général des Nations unies, exprimée dans sa lettre au Conseil de sécurité du 7 décembre, concernant les souffrances humaines effroyables, la destruction physique et le traumatisme collectif des civils, ainsi que les risques auxquels ils sont confrontés, étant donné que, selon lui, aucun endroit n'est sûr à Gaza. Depuis lors, la situation n'a fait que se détériorer.

En raison d'un accès humanitaire nettement insuffisant pour répondre aux besoins essentiels de la population, les Nations unies estiment que 90 % des habitants de Gaza sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë et à un risque sérieux de famine.

Nous prenons également note des mesures provisoires contraignantes imposées par la Cour internationale de Justice le 26 janvier dans la requête de l'Afrique du Sud contre Israël, et de sa conclusion qu'au moins certains des actes ou omissions que l'Afrique du Sud allègue qu'Israël a commis à Gaza peuvent entrer dans le champ d'application des dispositions de la Convention sur le génocide, et qu'il existe un risque de préjudice irréparable pour les droits en question dans l'affaire.

Nous avons clairement exprimé notre point de vue selon lequel un cessez-le-feu humanitaire immédiat est requis de toute urgence pour éviter de nouveaux dommages irréversibles à la population de Gaza. Cette position a été soutenue par une très large majorité à l'Assemblée générale des Nations unies en décembre, dont 17 États membres de l'UE.

Nous sommes profondément préoccupés par les allégations selon lesquelles du personnel de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) pourrait avoir été impliqué dans les attentats du 7 octobre contre Israël.

Nous soutenons pleinement la décision du commissaire général de l'UNRWA, M. Lazzarini, de mettre immédiatement fin aux contrats des personnes impliquées, ainsi que le lancement d'une enquête indépendante approfondie par les Nations unies.

Dans le même temps, nous avons clairement indiqué que l'UNRWA doit être autorisé à fonctionner pour poursuivre son travail essentiel, qui consiste à sauver des vies et à remédier à la situation humanitaire catastrophique à Gaza, et que le soutien de l'UE à l'UNRWA doit être maintenu. Il n'y a aucune chance de parvenir à l'augmentation massive et durable de l'aide humanitaire qui est nécessaire de toute urgence, grâce à un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, sans que l'UNRWA ne joue un rôle central.

Nous rappelons que la CIJ a ordonné à Israël de prendre des mesures immédiates et efficaces pour garantir la fourniture des services de base et de l'aide humanitaire dont la population de Gaza a un besoin urgent. Ces ordonnances sont contraignantes.

 

Dans le contexte du risque d'une catastrophe humanitaire encore plus grande posé par la menace imminente d'opérations militaires israéliennes à Rafah, et compte tenu de ce qui s'est produit et continue de se produire à Gaza depuis octobre 2023, y compris l'inquiétude généralisée concernant d'éventuelles violations du DIH et du DIDH par Israël, nous demandons que la Commission entreprenne un examen urgent pour déterminer si Israël respecte ses obligations, y compris dans le cadre de l'accord d'association UE/Israël, qui fait du respect des droits de l'homme et des principes démocratiques un élément essentiel de la relation ; et si elle considère qu'il est en infraction, qu'elle propose des mesures appropriées au Conseil.

Enfin, nous ne devons pas perdre de vue l'impératif d'adopter une perspective politique pour mettre fin au conflit. La mise en œuvre de la solution des deux États est le seul moyen de s'assurer que ce cycle de violence ne se répète pas. L'UE a la responsabilité d'agir pour que cela devienne une réalité, en coordination avec les parties et la communauté internationale, y compris en organisant une conférence de paix internationale, comme convenu par le Conseil européen le 26 octobre.

Compte tenu de son rôle dans cette affaire, nous adressons également une copie de cette lettre au vice-président Borrell. Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, l'expression de nos salutations distinguées.

  Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala