المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Affichage des articles dont le libellé est USraël. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est USraël. Afficher tous les articles

04/04/2025

HELYEH DOUTAGHI
Déclarations sur ma suspension puis mon licenciement par l’Université Yale

Ci-dessous, traduites par Tlaxcala, deux déclarations de Helyeh Doutaghi suite à sa suspension (4 mars) puis son licenciement (28 mars) par l’Université Yale. Son crime : le soutien à la résistance du peuple palestinien, étiqueté comme “terrorisme” par des sionistes anonymes recourant à l’intelligence artificielle.

Suspendue pour un discours en faveur de la Palestine : ma déclaration sur l’adhésion de la faculté de droit de Yale aux calomnies générées par l’IA

Helyeh Doutaghi, 13/3/2025 

Je m’appelle Helyeh Doutaghi. Je suis spécialiste du droit international et de l’économie géopolitique. Mes recherches portent sur les approches du droit international par le tiers monde (TWAIL), les critiques postcoloniales du droit et l’économie politique mondiale des sanctions. J’ai particulièrement examiné les mécanismes et les conséquences de la guerre économique contre l’Iran, ainsi que les formes de connaissances produites dans le cadre du droit international humanitaire (DIH) afin d’obscurcir les opérations militaires usaméricaines et de les soustraire à l’obligation de rendre des comptes. Le 1er octobre 2023, j’ai été nommée directrice adjointe du projet Droit et économie politique (LPE) et j’ai rejoint l’équipe. J’occupais également le poste de chercheuse associée à la Yale Law School (YLS), un poste de professeure non permanente sans responsabilités d’enseignement.

Le matin du 3 mars, j’ai été informée d’un rapport en ligne me concernant. Une obscure plateforme sioniste de droite alimentée par l’IA et appelée “Jewish Onliner” a publié un rapport m’accusant à tort d’être une “terroriste”. Plutôt que de me défendre, la faculté de droit de Yale a décidé, moins de 24 heures après avoir pris connaissance du rapport, de me mettre en congé.

L’administration ne m’a donné que quelques heures de préavis pour assister à un interrogatoire basé sur des allégations d’extrême droite générées par l’IA à mon encontre, tout en subissant un flot de harcèlement en ligne, de menaces de mort et d’abus de la part de trolls sionistes, ce qui a exacerbé une détresse et des complications sans précédent au travail et à la maison. J’ai enduré tout cela alors que je jeûnais, et ma demande d’aménagements religieux pour le Ramadan a été rejetée. Quelques heures plus tard, l’YLS m’a mis en congé, m’a retiré mon accès aux technologies de l’information - y compris mon courrier électronique - et m’a interdit de quitter le campus. Je n’ai bénéficié d’aucune procédure régulière ni d’aucun délai raisonnable pour consulter mon avocat.

Plutôt que d’enquêter d’abord sur la source de ces allégations, la « meilleure école de droit » du pays les a prises pour argent comptant et a transféré la charge de la preuve de l’accusateur à l’accusée, me considérant, prima facie, comme coupable jusqu’à preuve du contraire. Que les avocats de la faculté de droit de Yale se soient sciemment appuyés sur des allégations fabriquées par  l’IA ou aient simplement choisi l’ignorance volontaire reste sans réponse.

Pour mener l’interrogatoire, la faculté de droit de Yale a retenu les services de David Ring du cabinet d’avocats Wiggin and Dana - un avocat dont le profil public mentionne “Israël” comme un “service” qu’il fournit et dont le portfolio se targue de conseiller “les plus grandes entreprises aérospatiales et de défense du monde”. Nommé à deux reprises par le département d’État usaméricain en tant que Special Compliance Officer [agent spécial de conformité], sa carrière est profondément ancrée dans les industries qui soutiennent le génocide et les crimes de guerre en Palestine. Lorsque j’ai fait part de mes inquiétudes concernant le conflit d’intérêts potentiel posé par sa participation à ce processus, l’YLS les a rejetées, déclarant qu’il n’y avait “aucune inquiétude quant à sa capacité à mener un entretien équitable”. Il est répréhensible que l’YLS nomme un avocat qui profite de la machinerie de la mort palestinienne pour “interviewer” une employée à propos de ses positions publiques contre le génocide et en faveur de la Palestine.

Yale a fait preuve de mauvaise foi tout au long de ce "processus". Cela s’est manifesté par l’insistance de l’administration sur un interrogatoire immédiat avec un délai déraisonnable, par le type d’avocat engagé pour m’“interviewer”, par le fait que cet avocat externe a refusé de répondre aux questions sur les protections procédurales, et par le refus de ma demande d’un bref accommodement religieux. La préoccupation singulière de l’YLS de maintenir l’approbation des bailleurs de fonds sionistes qui financent leur complicité dans le génocide a conduit l’organisation à me faire subir un interrogatoire dont j’avais toutes les raisons de penser qu’il était conçu non pas pour découvrir la vérité, mais pour justifier un résultat prédéterminé. Pour plus de détails, voir la note de mon avocat à la fin de cette déclaration.

Ce qui est clair, c’est que les actions de l’Université Yale constituent un acte flagrant de représailles contre la solidarité palestinienne - une violation de mes droits constitutionnels, de ma liberté d’expression, de ma liberté académique et de mes droits fondamentaux à une procédure régulière. Je suis prise pour cible pour une seule raison : pour avoir dit la vérité sur le génocide du peuple palestinien dont l’université Yale est complice.

L’Endowment Justice Coalition (EJC) a exposé les liens financiers étroits de Yale avec les fabricants d’armes, sur la base de déclarations fiscales accessibles au public. Parmi les gestionnaires d’actifs de l’université figurent JLL Partners, lié à General Dynamics et Lockheed Martin, et Farallon Capital, qui investit dans HowMet Aerospace, une société qui produit des composants clés pour les avions de chasse usaméricains F-35 utilisés par Israël pour commettre un génocide.

En tant qu’universitaire du mouvement qui s’oppose sans équivoque à l’impérialisme et au génocide usaméricano-sioniste, ma présence - en particulier en tant que musulmane iranienne dans une université d’élite qui est profondément impliquée dans les structures matérielles et idéologiques du génocide - est intolérable pour les forces du fascisme qui dirigent ce pays.

Les attaques contre moi, y compris les diffamations amplifiées par des trolls fascistes, sont emblématiques d’une politique officielle plus large de ce régime autoritaire visant à utiliser l’IA pour cibler les étudiants, les professeurs et les organisateurs qui osent s’élever contre le génocide, la famine systémique et le nettoyage ethnique des Palestiniens. Cette répression, désormais formalisée dans le cadre du programme de l’initiative “Catch and Revoke” [Attraper et révoquer] marque une dangereuse escalade dans la répression étatique, explicitement conçue pour favoriser une atmosphère de peur sur les campus universitaires. Tous les défenseurs de la liberté d’expression devraient être profondément préoccupés par le fait que ces mots infâmes, « Êtes-vous ou avez-vous déjà été membre de... », redeviennent un refrain courant. Nous entrons dans l’ère du maccarthysme sioniste, une époque où la dissidence est invariablement réprimée, où des carrières sont détruites pour avoir dit la vérité et où le simple fait d’être solidaire de la libération de la Palestine est considéré comme un crime. Tout comme le maccarthysme cherchait à écraser la résistance anti-impérialiste par la peur et la répression, cette nouvelle itération vise à réduire au silence, à intimider et à purger ceux qui contestent le colonialisme sioniste et l’impérialisme usaméricain.

Il ne s’agit pas d’une démonstration de force ; c’est le dernier refuge d’un ordre qui s’effondre - un empire en déclin, qui recourt à la répression brutale pour étouffer et écraser ceux qui exposent son hégémonie en train de s’effilocher.

La connaissance doit être au service des opprimés. Si ce que nous apprenons et enseignons ne nous oblige pas et ne nous donne pas les moyens d’utiliser nos plumes et nos voix pour remettre en cause les systèmes d’oppression, alors c’est un exercice intellectuel dénué de sens. Les institutions universitaires occidentales cultivent une classe lâche de collaborateurs intellectuels qui écrivent des articles critiques sur l’oppression mais la maintiennent par leur silence lorsque leurs privilèges sont menacés. La complicité de l’université de Columbia dans la dernière vague de répression contre ses étudiants en est un exemple.

C’est ainsi que le fascisme gagne : non seulement par la force brute, mais aussi en restant réactif face à l’oppression, et grâce à la complicité de ceux qui prétendent défendre la justice mais choisissent de rester silencieux lorsque le fascisme frappe. Les 17 derniers mois ont prouvé que de nombreux membres de la “gauche” occidentale ne sont pas disposés à faire les sacrifices nécessaires pour mettre fin au génocide. Dans le monde universitaire et à l’extérieur, ils profitent - à titre personnel et professionnel - des structures mêmes du génocide et de l’impérialisme auxquelles ils prétendent s’opposer. Leur confort est acheté aux dépens des opprimés. La gauche occidentale est aujourd’hui confrontée à un choix clair : soit elle relève le défi de lutter contre la vague de répression, soit elle continue à garder le silence au service du génocide.

Mais je ne me tairai pas. Je suis fière d’avoir utilisé ma voix et ma plume pour soutenir la lutte pour la libération de la Palestine. Ils peuvent me dépouiller de mes droits et privilèges, mais mon engagement en faveur d’une Palestine libre et du démantèlement complet de l’impérialisme usaméricain dans le monde ne dépend pas d’une reconnaissance institutionnelle ou d’une stabilité matérielle. Il est enraciné dans la lutte collective des opprimés mais puissants, dans les luttes anticoloniales en cours dans notre région, et dans la certitude que la libération viendra - non pas grâce à la bienveillance de l’empire sous l’égide des partis “démocrate” ou “républicain” qui sont unis dans le génocide de notre peuple, mais par sa défaite politique.

Vivre sous une dictature fasciste aux USA peut sembler étouffant, créant l’illusion que nous sommes isolés et en infériorité numérique. Mais la réalité est tout autre : nous sommes aux côtés de la grande majorité du monde, de la Palestine au Liban, en passant par l’Iran, le Yémen, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua et bien d’autres encore. Notre lutte est celle des opprimés mais puissants, des damnés de la Terre.

La campagne incessante visant à écraser la solidarité palestinienne par des arrestations massives, l’intimidation, le harcèlement et la censure a échoué. Cet échec est la raison pour laquelle l’État se tourne maintenant vers la force brute, comme en témoigne la dernière escalade à Columbia, où des manifestants ont été brutalement battus et où Mahmoud Khalil, étudiant à Columbia - aujourd’hui prisonnier politique - a été enlevé de force par l’État en collaboration avec l’université. Je suis entièrement solidaire de Mahmoud Khalil. Il s’agit d’une violation flagrante des droits constitutionnels les plus élémentaires, qui marque une nouvelle étape dans la descente des USA vers une tyrannie sans foi ni loi.

Le régime colonial israélien traverse une crise profonde. La défaite de sa machine de propagande - si vitale pour sa survie - a été accélérée par sa défaite sur le terrain à Gaza. L’empire ne peut se maintenir sans soutien intellectuel et institutionnel, et par conséquent, la suppression dont j’ai fait l’objet, comme beaucoup d’autres dans le monde universitaire usaméricain et au-delà, n’est pas fortuite, elle est structurelle. Le gouvernement usaméricain, reconfiguré en un appareil de sécurité fasciste, ne se contente pas de réprimer la contestation - il se prépare à la guerre, à l’étranger comme à l’intérieur du pays. Les institutions d’élite et les universités, chargées de reproduire ce système et de former la prochaine génération à le défendre et à le maintenir, se sont transformées en mécanismes de surveillance, veillant à ce que les voix de la résistance soient éradiquées pour permettre les atrocités commises à l’étranger. Mais l’université n’est pas seulement un lieu de répression, c’est un lieu de lutte. Nous devons le reconnaître comme tel et nous dresser pour reprendre le pouvoir sur ces institutions ou, le cas échéant, les démanteler et les perturber. Le temps de la critique passive est révolu depuis longtemps ; nous devons agir collectivement pour exposer, contester et résister au rôle des universités occidentales dans le maintien de l’empire et du génocide.

Appel à l’action

La faculté de droit de Yale doit rendre des comptes. J’appelle à un boycott immédiat et effectif de la faculté de droit de Yale et à une demande collective de divulgation complète et de désinvestissement de Yale dans le domaine du génocide. En outre, Yale doit prendre des mesures concrètes et efficaces pour réparer le préjudice qu’elle m’a infligé, être tenue responsable des dommages qu’elle a causés et faire une déclaration publique pour rétablir ma réputation.

Pas un seul professeur de Yale ne s’est levé pour s’opposer publiquement à ce que Yale m’a fait subir jusqu’à présent. Dans tout le pays, les universitaires et les administrateurs d’université - à quelques honorables exceptions près - ont joué un rôle lâche et collaboratif en facilitant l’attaque contre les droits démocratiques. Ceux qui sont trop préoccupés par leur salaire et leur carrière pour s’opposer à cette attaque sans précédent contre la liberté d’expression sont complices de leur propre assujettissement et de l’érosion de la force collective de la communauté. J’appelle chaque professeur, universitaire, chercheur, étudiant et membre de la communauté à se lever et à s’exprimer publiquement contre le fait que la faculté de droit de Yale fonctionne comme une extension de l’appareil d’État fasciste.

Je ne me laisserai pas intimider. Je ne reculerai pas. Je reste fidèle à mon engagement en faveur de la libération de nos peuples de l’impérialisme usaméricain, de la justice, de la vérité et de la solidarité indéfectible qui nous lie dans la lutte pour une Palestine libre.

En avant, quoi qu’il en coûte,

Helyeh Doutaghi

Mon avocat, Eric Lee, fait la déclaration suivante :

J’ai été engagé par la Dre Doutaghi en fin de matinée le 4 mars. Vers 14 h 30 cet après-midi-là, j’ai reçu un courriel du bureau de l’avocat général de Yale renvoyant à l’article du “Jewish Onliner” et indiquant que la Dre Doutaghi faisait l’objet d’une enquête à la suite de cet article. J’ai ensuite été contacté par l’avocat externe de Yale qui a insisté pour que la Dre Doutaghi accepte une interview l’après-midi même. J’ai demandé à m’entretenir avec l’avocat externe et nous avons discuté à 16 heures. J’ai demandé quelles procédures seraient mises en place pour l’entretien et j’ai expliqué qu’en raison de réunions déjà planifiées, je ne serais pas en mesure de participer à un entretien l’après-midi même. L’avocat externe m’a demandé d’envoyer un courriel proposant les prochaines étapes, ce que j’ai fait à 17h30, environ une heure après la fin de notre appel téléphonique. Dans ce courriel, j’ai indiqué que nous demandions un bref accommodement religieux en raison du fait que Mme Doutaghi avait jeûné pendant le ramadan tout en subissant un harcèlement et une violence intenses en ligne, et que nous serions mieux préparés à discuter des prochaines étapes le lendemain, après que Mme Doutaghi eut passé une bonne nuit de sommeil. Au moment où j’ai envoyé ce courriel, j’ai reçu un courriel du bureau de l’avocat général de Yale indiquant que la Dre Doutaghi avait été placée en congé administratif pour avoir prétendument omis de répondre à la demande d’entretien.

Après une recherche Google sur “Jewish Onliner”, nous avons appris qu’en janvier 2025, le journal israélien Haaretzavait enquêté sur “Jewish Onliner” et l’avait présenté comme un type de bot généré par l’IA qui diffuse des informations erronées pour contrer les discours pro-palestiniens en ligne. Haaretz a également indiqué que le robot pourrait avoir des liens avec le gouvernement et l’armée israéliens. À la lumière de ces informations, j’ai écrit à Yale le 5 mars pour leur demander (1) s’ils étaient au courant de l’illégitimité de la source, (2) si ce n’était pas le cas, s’ils avaient pris des mesures pour déterminer la légitimité de la source avant de se précipiter pour juger la Dre Doutaghi, et (3) si la précipitation pour forcer la Dre Doutaghi à une interview immédiate avait pour but de nous empêcher d’avoir le temps d’enquêter sur la légitimité de la source. Yale a refusé de répondre à ces questions.

Yale plie le genou devant les efforts de Trump pour supprimer la liberté d’expression, écraser la liberté académique et établir une dictature. Sa réussite dépendra entièrement de la réaction de la population. Nous exhortons tout le monde à se lever et à prendre la défense de la Dre Doutaghi et des principes démocratiques de liberté d’expression et de respect de la légalité qui sont fondamentaux pour nous tous. Nous demandons à nouveau à Yale de réintégrer la Dre Doutaghi, de lui donner accès au campus et à son courrier électronique, et de prendre des mesures publiques pour restaurer sa crédibilité et sa réputation.


 

Ma déclaration sur mon licenciement par la faculté de droit de Yale et le projet “Droit et économie politique” (Law and Political Economy Project, LEP)

1er avril 2025

Le vendredi 28 mars, jour d’Al-Quds, quelques jours avant que nous, musulmans, ne célébrions notre deuxième Aïd à l’ombre d’un génocide continu contre nos familles en Palestine, la faculté de droit de Yale (YLS) m’a licenciée pour avoir dénoncé la barbarie sioniste en Palestine. Cet acte s’inscrit dans le cadre d’une répression violente et plus large à l’encontre des étudiants et des universitaires à travers le pays, dont beaucoup occupent des postes précaires.  Ce à quoi nous assistons dans des institutions comme Yale, Cornell, Columbia et Harvard, c’est à la normalisation d’une gouvernance fasciste.  De l’enlèvement d’étudiants et de chercheurs pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression à la criminalisation, à l’exécution, à la suspension et au bâillon institutionnel qui sont maintenant monnaie courante sur les campus, les universités sont devenues des collaboratrices actives dans la réduction au silence de la dissidence et la criminalisation de la résistance. Fonctionnant comme des sites efficaces de surveillance et d’oppression, ces institutions - en collaboration avec l’appareil répressif de l’État - établissent de nouveaux et dangereux précédents pour les règles d’engagement dans tout le pays.

Yale affirme m’avoir donné de multiples occasions au cours des trois dernières semaines de répondre à ses “préoccupations” - des préoccupations qui sont apparues après que l’YLS a été publiquement exposée pour avoir agi sur la base d’un rapport généré par l’IA à mon encontre. Bien que j’aie déclaré à plusieurs reprises que j’étais disposée à répondre par écrit aux questions d’YLS, j’ai maintenu ma position selon laquelle je ne coopérerai pas avec les forces sionistes qui représentent et défendent les intérêts des génocidaires. Je ne légitimerai pas un processus mené par des acteurs sionistes qui défendent les intérêts d’un régime dont la politique consiste à tuer des enfants. Pour cette raison, l’YLS a jugé “inappropriées” mes graves préoccupations concernant l’implication d’un conseiller externe ayant des liens publics avec Israël et les fabricants d’armes.

Ils ont tenté de me faire taire, en vain. Plus d’un millier de professeurs, d’avocats, d’universitaires, d’étudiants et d’organisateurs se sont levés en signe de solidarité, condamnant la capitulation de Yale face à la répression sioniste et sa complicité avec les et sa complicité dans la chasse aux sorcières sioniste-maccarthyste dont je fais l’objet. (lire et signer la lettre de soutien)

Dans la lettre mettant fin à ma nomination, l’YLS prétend avoir vérifié de manière indépendante mon affiliation à Samidoun, le réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens. Je rejette catégoriquement la criminalisation de l’organisation politique face à la répression, y compris celle dirigée contre Samidoun. Pourtant, même selon ses propres critères illégitimes, l’YLS n’a pas réussi à établir le seuil de preuve le plus élémentaire. L’article qu’elle cite pour insinuer mon affiliation à Samidoun date de 2022, soit plus de deux ans avant que l’organisation ne soit inscrite sur la liste des entités terroristes au Canada. À cette époque, Samidoun était en fait une organisation à but non lucratif légalement enregistrée au Canada.

Ni l’YLS ni aucun rapport sioniste (ou les deux !) n’ont présenté la moindre preuve démontrant un lien ou un acte illégal de ma part. J’ai été licenciée sur la base d’allégations non prouvées, en l’absence de toute procédure régulière ou d’allégation fondée. Pour un compte rendu complet des faits relatifs à mon engagement avec Yale, et pour corriger leurs fausses affirmations, veuillez vous référer à la déclaration publiée par mon avocat, M. Eric Lee, ci-dessus.

Cela crée un précédent qui fait froid dans le dos. Si une pipistrelle artificielle ou n’importe qui accuse un professeur ou un étudiant de Yale d’avoir commis un acte répréhensible, cela peut désormais suffire à mettre un terme à sa carrière. Tel est l’état de l’académie juridique usaméricaine aujourd’hui : le respect des procédures et l’État de droit sont enseignés dans les salles de classe, mais abandonnés dans la pratique.

Il est profondément ironique qu’en tant qu’universitaire dont le travail interroge les architectures juridiques des régimes de sanctions, j’aie été licenciée de mon poste à la faculté de droit de Yale et du projet LPE sur la base d’allégations d’affiliation à une organisation sanctionnée. Depuis plus d’une demi-décennie, mes recherches portent sur la manière dont les régimes de sanctions, y compris ceux qui sont présentés comme des mesures antiterroristes, fonctionnent comme un outil de gouvernance impériale. Ces mécanismes, conçus pour discipliner et contenir les soi-disant “États voyous” comme l’Iran qui défient l’impérialisme américain, ont longtemps permis l’expropriation d’actifs et l’inscription d’individus sur des listes noires par le biais de procédures secrètes sans procès en bonne et due forme, ainsi que la négation de la souveraineté. Ce qui se passe actuellement aux USA est l’effet boomerang de ces régimes de sanctions.

Les technologies juridiques développées pour gérer et punir les acteurs du Sud qui contestent l’oppression et la domination occidentales sont de plus en plus redéployées vers l’intérieur, en tournant leur regard vers les universitaires, les activistes, les organisations et les mouvements qui critiquent les régimes usaméricain ou israélien.  Des mécanismes tels que la liste SIGN, qui s’est développée après le 11 septembre 2001 dans le cadre d’un appareil de sécurité mondial visant à contrôler les menaces perçues par les USA à l’étranger, élargissent aujourd’hui leur cible et criminalisent les activités de plaidoyer en faveur de la Palestine, tout en supprimant les dissensions internes. Sous couvert de conformité et de sécurité nationale, ces outils sont utilisés pour priver les individus de leurs droits sans procédure régulière. Dans mon cas, aucune preuve n’a été présentée, aucune audience n’a été accordée, seule l’invocation d’un rapport généré par IA a suffi à mettre fin à mon emploi à la faculté de droit de Yale et au projet LPE. Il ne s’agit pas d’une erreur d’appréciation institutionnelle, mais de la manifestation d’un ordre juridique impérial qui érode les protections des accusés, rend les États et les peuples hors la loi et définit la dissidence comme une menace. Les sanctions servent donc à légitimer et à étendre la violence, au-delà des frontières et maintenant dans les universités usaméricaines.  Ce qui était à l’origine un instrument de domination à l’étranger est devenu un outil de contrôle autoritaire à l’intérieur du pays.  Dans ce changement, l’architecture de l’impérialisme capitaliste révèle son visage intérieur : l’autoritarisme fasciste, qui s’appuie de plus en plus sur la répression, la surveillance et la criminalisation de la résistance. Nous sommes à un moment charnière de l’histoire et du déclin de l’empire usaméricain. Le régime usaméricain coordonne la répression violente sur le front intérieur avec une escalade de la guerre sur le front extérieur. Sur de multiples fronts, y compris le génocide en cours en Palestine par le fondé de pouvoir terroriste sioniste des USA dans notre région, le bombardement sauvage du Yémen, le nettoyage ethnique en Syrie par des chargés de mission usaméricains, les assauts israéliens contre le Liban et les menaces quotidiennes contre l’Iran dans le discours officiel et la propagande médiatique, les USA conduisent activement le monde vers une guerre plus large en Asie occidentale. 

Pour maintenir l’illusion de la stabilité intérieure, les mécanismes du pouvoir autoritaire doivent supprimer la dissidence, en ciblant toute personne qui s’oppose à ces politiques afin de créer un effet de refroidissement sur la parole et de faire taire l’opposition. 

Cette suppression de la dissidence vise à maintenir l’impunité des USA et des sionistes face à la résistance croissante à leur impérialisme génocidaire en Asie occidentale et au-delà. Le gouvernement usaméricain tente d’empêcher l’inévitable. Mais rien n’arrêtera la chute de l’empire usaméricain, et rien n’empêchera l’histoire de se souvenir qu’il s’agit de l’un des empires les plus brutaux que le monde ait jamais connu.

Ce à quoi nous assistons aux USA, ce n’est pas l’échec de la démocratie, c’est la démocratie libérale occidentale en soi. Un système construit pour servir la propriété capitaliste. Un système né dans le génocide et l’esclavage, dont l’objectif a toujours été, en premier et dernier lieu, la “liberté” des classes possédantes d’accumuler des richesses par la négation de la liberté et de la souveraineté des colonisés. Face aux défis sans précédent lancés à l’impérialisme capitaliste occidental par le monde majoritaire, ce système a de nouveau montré sa véritable essence, une fois pour toutes, en retournant à ses racines génocidaires.


21/03/2025

“Je suis un prisonnier politique”
Lettre de Mahmoud Khalil depuis un centre de détention de l’ICE

Mahmoud Khalil, Jacobin, 20/3/2025
Traduit par Fausto Giudice
Tlaxcala  

Mahmoud Khalil, qui a été détenu et visé par une procédure d’expulsion par l’administration Trump pour avoir dénoncé les atrocités commises à Gaza, a dicté une lettre au public depuis sa cellule de détention en Louisiane. 
Je m’appelle Mahmoud Khalil et je suis un prisonnier politique. Je vous écris depuis un centre de détention en Louisiane où je me réveille dans le froid et passe de longues journées à témoigner des injustices silencieuses commises contre un grand nombre de personnes privées de la protection de la loi.

Qui a le droit d’avoir des droits ? Ce ne sont certainement pas les êtres humains entassés dans les cellules ici. Ce n’est pas l’homme sénégalais que j’ai rencontré et qui est privé de liberté depuis un an, sa situation juridique étant dans l’incertitude et sa famille outre-océan. Ce n’est pas le détenu de vingt et un ans que j’ai rencontré, qui a mis les pieds dans ce pays à l’âge de neuf ans, pour être ensuite expulsé sans même une audience.

La justice échappe aux contours des centres d’immigration de ce pays.

Le 8 mars, j’ai été arrêté par des agents du Département de la sécurité intérieure (DHS) qui ont refusé de me présenter un mandat et qui nous ont interpellés, ma femme et moi, alors que nous revenions d’un dîner. À présent, les images de cette nuit-là ont été rendues publiques. Avant que je ne sache ce qui se passait, les agents m’ont menotté et m’ont fait monter de force dans une voiture banalisée. À ce moment-là, ma seule préoccupation était la sécurité de Noor. Je ne savais pas si elle serait également emmenée, car les agents avaient menacé de l’arrêter pour ne pas m’avoir quitté. Le DHS ne m’a rien dit pendant des heures. Je ne connaissais pas la raison de mon arrestation ni si j’étais menacé d’expulsion immédiate. Au 26 Federal Plaza [à New York], j’ai dormi sur le sol froid. Tôt le matin, des agents m’ont transporté dans un autre centre à Elizabeth, dans le New Jersey. Là-bas, j’ai dormi par terre et on m’a refusé une couverture malgré ma demande.

Mon arrestation était une conséquence directe de l’exercice de mon droit à la liberté d’expression alors que je plaidais pour une Palestine libre et la fin du génocide à Gaza, qui a repris de plus belle lundi soir. Le cessez-le-feu de janvier étant désormais rompu, les parents à Gaza bercent à nouveau leurs enfants dans des linceuls trop petits et les familles sont obligées de choisir entre la faim et le déplacement ou les bombes. Il est de notre devoir moral de poursuivre la lutte pour leur liberté totale.

Je suis né dans un camp de réfugiés palestiniens en Syrie, dans une famille qui a été chassée de ses terres depuis la Nakba de 1948. J’ai passé ma jeunesse à proximité de ma patrie, mais loin d’elle. Mais être Palestinien est une expérience qui transcende les frontières. Je vois dans ma situation des similitudes avec le recours par Israël à la détention administrative - l’emprisonnement sans procès ni accusation - pour priver les Palestiniens de leurs droits. Je pense à notre ami Omar Khatib, qui a été incarcéré sans inculpation ni jugement par Israël alors qu’il rentrait chez lui après un voyage. Je pense au directeur de l’hôpital de Gaza et pédiatre Dr Hussam Abu Safiya, qui a été fait prisonnier par l’armée israélienne le 27 décembre et qui se trouve aujourd’hui dans un camp de torture israélien. Pour les Palestiniens, l’emprisonnement sans procédure régulière est monnaie courante.

L’administration Trump me prend pour cible dans le cadre d’une stratégie plus large visant à réprimer la dissidence. Les détenteurs de visas, les détenteurs de cartes vertes et les citoyens seront tous pris pour cible en raison de leurs convictions politiques. 

J’ai toujours pensé que mon devoir n’était pas seulement de me libérer de l’oppresseur, mais aussi de libérer mes oppresseurs de leur haine et de leur peur. Ma détention injuste est révélatrice du racisme anti-palestinien dont les administrations Biden et Trump ont fait preuve au cours des seize derniers mois, alors que les USA ont continué à fournir à Israël des armes pour tuer des Palestiniens et ont empêché toute intervention internationale. Pendant des décennies, le racisme anti-palestinien a motivé les efforts visant à étendre les lois et les pratiques usaméricaines utilisées pour réprimer violemment les Palestiniens, les Arabes usaméricains et d’autres communautés. C’est précisément pour cela que je suis pris pour cible.

Alors que j’attends des décisions juridiques qui mettent en jeu l’avenir de ma femme et de mon enfant, ceux qui ont permis que je sois pris pour cible restent confortablement installés à l’université de Columbia. Les présidents [Minouche] Shafik, [Katrina] Armstrong et la doyenne [Keren] Yarhi-Milo ont préparé le terrain pour que le gouvernement usaméricain me cible en sanctionnant arbitrairement des étudiants propalestiniens et en permettant que des campagnes virales de dénigrement - basées sur le racisme et la désinformation – continuent en toute impunité

Columbia m’a ciblé pour mon activisme, en créant un nouveau bureau disciplinaire autoritaire pour contourner les procédures régulières et faire taire les étudiants qui critiquent Israël. L’université Columbia a cédé aux pressions fédérales en divulguant les dossiers des étudiants au Congrès et en cédant aux dernières menaces de l’administration Trump. Mon arrestation, l’expulsion ou la suspension d’au moins vingt-deux étudiants de Columbia – dont certains ont été privés de leur diplôme de licence quelques semaines avant l’obtention de leur diplôme – et l’expulsion du président des SWC [Student Workers of Columbia] Grant Miner à la veille des négociations contractuelles en sont des exemples évidents.

Ma détention, si elle a un sens, témoigne de la force du mouvement étudiant pour faire évoluer l’opinion publique en faveur de la libération des Palestiniens. Les étudiants ont longtemps été à l’avant-garde du changement, menant la charge contre la guerre du Vietnam, se tenant en première ligne du mouvement des droits civiques et menant la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Aujourd’hui encore, même si le public ne l’a pas encore pleinement compris, ce sont les étudiants qui nous guident vers la vérité et la justice.

L’administration Trump me prend pour cible dans le cadre d’une stratégie plus large visant à réprimer la dissidence. Les détenteurs de visas, les détenteurs de cartes vertes et les citoyens seront tous pris pour cible en raison de leurs convictions politiques. Dans les semaines à venir, les étudiants, les défenseurs des droits et les élus doivent s’unir pour défendre le droit de manifester pour la Palestine. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement nos voix, mais les libertés civiles fondamentales de tous.

Sachant parfaitement que ce moment transcende ma situation personnelle, j’espère néanmoins être libre d’assister à la naissance de mon premier enfant.


15/03/2025

Le plan du département d’État US visant à déporter les étudiants “pro-Hamas” s’appuie sur une loi de 1952 qui visait les Juifs suspects de “soviétisme”

Les survivants juifs de l’Holocauste soupçonnés de sympathies avec l’Union soviétique étaient soumis à la loi McCarran-Walter

Andrew Silverstein, Forward, 7/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala   

Le département d’État usaméricain utilise une loi antisémite datant de l’ère McCarthy pour annuler les visas d’étudiants étrangers qu’il considère comme “pro-Hamas”.

Le programme, appelé “Catch and Revoke” (attraper et révoquer), a été rapporté pour la première fois par Axios jeudi, utilisera l’intelligence artificielle pour analyser les médias sociaux, les reportages sur les manifestations anti-israéliennes et les procès intentés par des groupes d’étudiants juifs alléguant l’antisémitisme sur les campus.


New York, 1920 : dans la cadre de la première vague de "Red Scare" (Peur des rouges) du XXème siècle, des étrangers soupçonnés d’être « des anarchistes, des communistes et des radicaux » ont été raflés et conduits à Ellis Island pour être déportés. La deuxième vague eut lieu au début des années 1950 sous la houlette de Joseph McCarthy

La Fondation pour les droits individuels et l’expression et l’Union américaine pour les libertés civiles ont tiré la sonnette d’alarme sur la violation apparente des droits du premier amendement par le gouvernement, mais peu d’attention a été accordée à la base juridique du projet.

Bas du formulaire

Haut du formulaire

Bas du formulaire

« La loi sur l’immigration et la nationalité de 1952 donne au secrétaire d’État le pouvoir de révoquer les visas des étrangers considérés comme une menace », écrit Axios, citant de hauts fonctionnaires du département d’État.

La loi de 1952, également connue sous le nom de loi McCarran-Walter, codifie les restrictions à l’immigration des “subversifs” et des communistes. Les quotas et le test idéologique de la loi ont été largement compris à l’époque comme visant les survivants juifs de l’Holocauste d’Europe de l’Est soupçonnés d’être des agents soviétiques.

Le sénateur du Nevada Patrick McCarran, architecte de la loi, a utilisé l’argument selon lequel les Juifs sont des perturbateurs et des “rats subversifs qu’il faut empêcher d’entrer”, mais avec une nouvelle tournure propre à la guerre froide, en présentant les immigrants juifs comme des agents soviétiques, selon David Nasaw, professeur émérite au CUNY Graduate Center.

13/03/2025

ALAN MACLEOD
La professeure de l’université Columbia au centre du scandale de la déportation de Mahmoud Khalil est une ancienne espionne israélienne

La professeure au centre du scandale de l’arrestation en vue de le déporter de l’étudiant palestinien à l’Université de Columbia Mahmoud Khalil est une ancienne agente des services de renseignements israéliens, révèle MintPress News.

Alan MacLeod, MintPress News, 11/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Mahmoud Khalil, récemment diplômé de la School of International and Public Affairs (SIPA) de l’université, a été enlevé par l’Immigration Customs Enforcement (ICE) samedi pour son rôle dans l’organisation de manifestations l’année dernière contre l’attaque d’Israël sur Gaza. Keren Yarhi-Milo, directrice de cette École des affaires internationales et publiques, est une ancienne officière du renseignement militaire israélien et fonctionnaire à la mission d’Israël auprès des Nations unies. Yarhi-Milo a joué un rôle important en suscitant l’inquiétude du public face à une prétendue vague d’antisémitisme intolérable déferlant sur le campus, jetant ainsi les bases de l’importante répression des libertés civiles qui a suivi les manifestations.


Keren Yarhi-Milo pose avec Hillary Clinton lors de son séjour à Columbia en tant qu’enseignante invitée en 2023. Mme Clinton préside le conseil consultatif de l’Institute of Global Politics (IGP), fondé par Yerhi-Milo
Photo | Facebook | Hillary Clinton

Des fantômes parmi nous

Avant d’entrer dans le monde universitaire, la Dre Yarhi-Milo a servi en tant qu’officière et analyste du renseignement au sein des forces de défense israéliennes. Étant donné qu’elle a été recrutée dans les services de renseignement en raison de sa capacité à parler couramment l’arabe, son travail consistait probablement à surveiller la population arabe.

Après avoir quitté le monde du renseignement, elle a travaillé pour la mission permanente d’Israël auprès des Nations unies à New York. C’est là qu’elle a rencontré l’homme qu’elle a épousé, porte-parole officiel d’Israël auprès des Nations unies.

Bien qu’elle soit aujourd’hui universitaire, elle n’a jamais quitté le monde de la sécurité internationale, dont elle a fait son domaine d’expertise. Elle s’est efforcée de faire entendre la voix des femmes dans ce domaine. L’une d’entre elles était Avril Haines, alors directrice de la sécurité nationale des USA, avec qui elle s’est entretenue en 2023. Bien que Khalil ait été un élève de son école, elle n’a rien dit au sujet de son arrestation. En effet, plutôt que de s’exprimer sur la question (comme le demandaient les militants), elle a choisi cette semaine d’inviter Naftali Bennett, premier ministre d’Israël de 2021 à 2022, à s’exprimer à Columbia. Les étudiants qui ont protesté contre l’événement de mardi ont été condamnés par les autorités universitaires pour avoir “harcelé” Yarhi-Milo.

Des manifestations sans précédent, une répression sans précédent

L’année dernière, Columbia a été l’épicentre d’un mouvement de protestation massif sur les campus universitaires du pays. On estime  qu’au moins 8 % des étudiants usaméricains ont participé à des manifestations dénonçant l’attaque génocidaire contre Gaza et appelant les établissements d’enseignement à se désinvestir d’Israël. La réaction a été tout aussi massive. Plus de 3 000 manifestants ont été arrêtés y compris des membres du personnel universitaire.

11/03/2025

“La première arrestation d'une longue série à venir” : Mahmoud Khalil menacé de déportation des USA

Mahmoud Khalil, un étudiant palestinien de 30 ans récemment diplômé de l'université Columbia, vient d'être arrêté à New York et placé dans un centre de rétention en Louisiane. Il est menacé de déportation alors qu'il est titulaire d'une carte verte de résident et marié à  une citoyenne usaméricaine. Lire nos traductions des articles du New York Times consacrés à  cette affaire

 

04/03/2025

GIDEON LEVY
Et si Netanyahou avait été sur la sellette de Trump au lieu de Zelensky ?

Gideon Levy , Haaretz, 2/3/2025
 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Dans mon rêve, ce n’est pas le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui était assis dans le bureau ovale l’autre jour, mais bien le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Le président usaméricain Donald Trump et le vice-président JD Vance assaillaient le premier ministre devant les caméras du monde entier, lui disant qu’en refusant de mettre fin à la guerre à Gaza, il jouait avec la Troisième Guerre mondiale.

 

Trump et Zelensky dans le bureau ovale vendredi 28 février. Photo Saul Loeb/AFP

 « Vous devez dire plus souvent merci. Vos gens sont en train de mourir. Et vous nous dites : “Je ne veux pas de cessez-le-feu”. Si vous pouviez obtenir un cessez-le-feu maintenant, je vous dirais de l’accepter. Ainsi, les balles cesseront de voler et vos hommes cesseront d’être tués. Mais vous ne voulez pas de cessez-le-feu. Je veux un cessez-le-feu. Vous n’avez pas les cartes en main. Avec nous, vous avez les cartes. Mais sans nous, vous n’avez aucune carte. Ou bien vous faites un deal, ou bien nous, on se casse ».

Dans mon rêve, Trump a dit à Netanyahou exactement ce qu’il a dit à Zelensky. Voilà, mot pour mot, ce qu’il a à lui dire.

Mais un rêve est un rêve et le spectacle d’horreur de vendredi ne s’est pas produit avec Netanyahou. On peut supposer qu’il ne se produira jamais, même s’il le devrait. Imaginez une telle conversation. Netanyahou quitte la Maison Blanche en panique, le visage aussi cendré que celui de Zelensky, et le lendemain, il revient frapper à la porte à plusieurs reprises : Il est prêt à mettre fin à la guerre à Gaza  et à retirer immédiatement toutes les forces israéliennes de la bande de Gaza. Tous les otages sont libérés et un autre génocide est évité.

Haut du formulaire

En l’absence d’une telle conversation, Israël galope vers la reprise de la guerre. Il est difficile d’imaginer une perspective plus horrible, de penser à une guerre plus inutile, dont le deuxième chapitre sera encore plus terrifiant.

Le bizutage infligé à l’allié impuissant Zelensky, y compris les abus malveillants inhérents aux personnes de l’acabit de Trump et de Vance, n’était certainement pas sans précédent. La nouveauté, c’est qu’il s’est déroulé devant des caméras. Hormis le « Signe, chien ! » de Hosni Moubarak à Yasser Arafat lors de la signature de l’accord Gaza-Jéricho au Caire en 1994, jamais les caméras n’avaient montré un tel étalage humiliant de la puissance des seigneurs du monde, ou de ceux qui croient l’être, envers un protégé.

Il faut remercier Trump d’avoir révélé son monde intérieur, dans lequel il n’y a pas de place pour la justice, les valeurs, le droit international,  l’humanité ou la loyauté.. Seulement le pouvoir et l’argent, l’argent et le pouvoir. Mais même cette perspective est appliquée de manière sélective. La rencontre Trump-Zelensky aurait pu et dû avoir lieu avec Netanyahou également. Chaque mot prononcé par Trump à l’encontre de Zelensky est pertinent pour Netanyahou. Mais personne n’imagine un tel scénario, peut-être parce qu’aucun gisement de minerai n’a été découvert sous la Cisjordanie. Mais qu’en est-il de la Riviera à Gaza ?

Pour Netanyahou et pour Israël - qui ne comprennent que le langage de la force - il pourrait s’agir d’une conversation historique qui changerait la donne. Il est probable qu’elle n’aura pas lieu. Mais tant que nous rêvons, pourquoi ne pas rêver grand ? Énorme ? Imaginez une conversation similaire à la Maison Blanche, avec pour thème la fin de l’occupation israélienne. Dans son sillage, l’occupation prendrait fin plus rapidement que nous ne pouvons l’imaginer. En fait, le seul moyen restant de mettre fin à l’occupation est une telle conversation.


Trump et Netanyahou en conférence de presse à la Maison Blanche à Washington, le mois dernier. Photo Jim Watson/AFP

Israël n’a pas d’autres cartes pour perpétuer l’occupation que le soutien usaméricain. Des personnes sont tuées à cause de l’occupation en permanence. C’est un foyer de tension qui met le monde en danger. Aucun pays ne la soutient et aucun sujet n’unit le monde comme l’opposition à l’occupation, du moins pour la forme.

Il est difficile de comprendre quel intérêt usaméricain est servi par cette occupation, qui fait que les USA sont méprisés au même titre que leur protégé. Même en termes trumpiens, il est difficile de comprendre pourquoi une telle conversation n’a jamais eu lieu.

Dans mon rêve, Netanyahou arrive à la Maison Blanche et Trump, cet homme terrible et dangereux, le menace comme il a menacé Zelensky l’autre jour. Le lendemain matin, le démantèlement des colonies de Kiryat Arba et Kiryat Sefer en Cisjordanie commence. Malheureusement, ça n’est qu’un rêve.

28/02/2025

JOY METZLER
Je cherche à obtenir une dispense de l’armée usaméricaine comme objectrice de conscience à cause du génocide de Gaza. J’ai été inspirée par Aaron Bushnell

Joy Metzler, Mondoweiss, 27/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Je suis une lieutenante de l’armée de l’air en service actif qui cherche à obtenir une dispense d’objectrice de conscience en raison de l’horreur que m’inspire le rôle des USA dans le génocide de Gaza. L’auto-immolation d’Aaron Bushnell, il y a un an, a été le déclencheur de ma démarche.



L'auteure, à droite, lors d'une manifestation devant une base de la Garde nationale en 2024. 

Je m’appelle Joy Metzler et je suis lieutenante de l’armée de l’air en service actif, cherchant à obtenir une dispense d’objectrice de conscience. Cette décision est en grande partie due à l’horreur que m’inspire le soutien continu des USA au génocide de Gaza, en violation directe d’un grand nombre de lois et de valeurs qui m’ont été enseignées à l’Académie de l’armée de l’air.

J’attends que mon dossier soit approuvé, mais je n’ai jamais caché mon opposition à la politique usaméricaine à Gaza. L’auto-immolation d’Aaron Bushnell il y a un an m’a mis sur la voie, et en ce jour anniversaire de sa mort (25 février), je ressens plus que jamais le poids des crimes de notre pays.

L’une des pages que je suis et avec laquelle j’interagis, About Face : Veterans Against the War, a publié un message sur Instagram pour honorer sa mémoire. Les actions d’Aaron Bushnell ont joué un rôle déterminant dans l’évolution de ma pensée, et je lui attribue, ainsi qu’à Dieu, tout le bien que je fais. J’aimerais pouvoir dire que le fait de se souvenir de lui a été un baume pour mon âme, mais j’ai dû m’attendre aux inévitables commentaires condamnant ses actions.

Ayant moi-même lutté contre des idées de suicide, je comprends que l’on veuille éviter les imitateurs, et j’espère que beaucoup de ces commentaires partent d’une bonne intention, mais il y a peu ou pas de reconnaissance du fait que l’auto-immolation n’est pas un suicide. Au contraire, l’auto-immolation d’Aaron Bushnell a eu lieu pour une raison très explicite : Aaron refusait d’être complice d’un génocide plus longtemps. « C’est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal ».


Le 25 février 2025, des vétérans de tout le pays ont brûlé leur uniforme en souvenir d’Aaron Bushnell et de son appel à l’action.

Pourtant, la peur demeure chaque fois que quelqu’un essaie de se souvenir de lui, mais ce n’est pas la bonne façon d’empêcher d’autres auto-immolations. La réponse n’est pas de supprimer ou d’effacer ce qui s’est déjà produit, mais de supprimer le catalyseur ! Je suis convaincue que si le gouvernement usaméricain avait mis un terme à la crise humanitaire persistante en Palestine, Aaron Bushnell serait aujourd’hui en vie et en bonne santé. Il a expliqué très clairement la raison de sa protestation. Rappelons qu’Aaron est mort en criant “Palestine libre”. Il n’est donc pas difficile d’imaginer que s’il avait vu une Palestine libre avant de mourir, il serait encore là.

Il est important de noter que de nombreuses personnes ne peuvent tout simplement pas comprendre des sentiments aussi extrêmes. J’oserais dire que beaucoup de gens ressemblent à ceux de Fahrenheit 451 ; non, pas Guy Montag, mais plutôt sa femme et ses amis. Ils regardent un écran pendant que le monde brûle et rejettent violemment toute mention de la vérité lorsqu’elle menace de briser leur réalité. Pour le reste d’entre nous, qu’est-ce que cela fait d’être témoin de la souffrance humaine à un niveau aussi calamiteux ? En ce qui me concerne, je décrirais ce sentiment comme quelque chose de semblable à une blessure morale. Il s’agit d’une anxiété discrète mais qui s’accroît rapidement chaque fois que je mets mon uniforme. C’est un sentiment de dissonance lorsque je me rends au travail tous les jours après avoir parlé avec un habitant de Gaza qui a tout perdu. C’est la dépression qui me suit alors que je prétends que le monde va bien, riant de choses insignifiantes, comme Guy essayant de trouver de la compagnie auprès de sa femme alors que sa fausse réalité s’effondre. À l’intersection de mon désir d’être une bonne aviatrice (qui fait honneur à ceux avec qui je travaille) et de ma foi - imbriquée dans mon être même ! - exigeant que je ne contribue pas à un système destiné à apporter la mort et la destruction, se trouve une question simple : jusqu’à quel point puis-je supporter cela ?

Lorsque je pense au dernier message d’Aaron Bushnell, je me demande s’il ressentait la même chose.

À l’heure où j’écris ces lignes, j’imagine que de nombreuses personnes sont déjà en train de formuler leur réponse sur les raisons pour lesquelles l’auto-immolation est une mauvaise chose, et je vous couperai la parole en vous disant que je suis d’accord ! Je n’encouragerais jamais quelqu’un à s’immoler, pas plus que je n’encouragerais quelqu’un à s’ôter la vie, mais notre refus persistant de nous engager dans la réalité de ce que nous faisons ne fera que permettre la poursuite des atrocités contre lesquelles les gens protestent en premier lieu. Il est difficile de regarder une tragédie, qui implique souvent des violations graves et continues des droits humains, qui peut pousser quelqu’un à protester de manière aussi extrême - mais nous devons regarder. Nous devons ressentir la douleur de nos semblables, puis agir.

Le manque d’empathie qui imprègne notre monde aujourd’hui me préoccupe beaucoup. Même après la mort d’Aaron, de nombreuses personnes sont apathiques ou, pire encore, disent à d’autres qu’elles devraient faire de même. Certains disent qu’il « n’allait pas bien dans sa tête » ou tentent de détourner la conversation du sujet même de sa protestation. J’aimerais autant qu’une autre personne qu’Aaron soit encore en vie aujourd’hui pour prêter sa voix au mouvement, et j’aimerais qu’il puisse voir ce que ses actions ont déclenché. À défaut, la meilleure chose à faire - peut-être la seule - est de veiller à transmettre son message pour lui.

17/02/2025

MOSAB ABU TOHA
Gaza doit être reconstruite par les Palestiniens, pour les Palestiniens

Les Palestiniens qui reviennent après le cessez-le-feu sont confrontés à la destruction de leurs maisons et à l’horreur de la proposition du président Trump de transformer Gaza en « Riviera du Moyen-Orient » en commettant un nettoyage ethnique.

Mosab Abu Toha, The New Yorker, 12/2/2025
Traduit par 
Fausto GiudiceTlaxcala

Mosab Abu Toha (Gaza, 1992) est un poète de Gaza, fondateur en 2017 de la bibliothèque Edward-Said, la première bibliothèque anglophone de Gaza. Il a pu quitter Gaza avec sa famille en novembre 2023 et aller aux USA, après une brève détention par les Israéliens. Il est l’auteur de « Things You May Find Hidden in My Ear » [Ce que vous trouverez caché dans mon oreille, Julliard, 2024] et de « Forest of Noise ».


Lorsque j’ai entendu pour la première fois le président Donald Trump faire des commentaires sur l’avenir de Gaza, j’étais à New York, à une projection spéciale célébrant la nouvelle saison de l’émission Netflix de mon ami Mo Amer, « Mo ». Puis un autre ami m’a envoyé un texto : « Conférence de presse horrible de Trump dans laquelle il dit que l’Amérique prendra le contrôle de Gaza. Nous en reparlerons demain. » J’étais choqué. Mais à qui les USA prendraient-ils Gaza ? Les forces israéliennes ont rasé des quartiers entiers avant de se retirer. Mon ami Ahmad, de Beit Hanoun, dans le nord de Gaza, m’a dit que les gens étaient retournés dans leur quartier non pas pour reprendre leur ancienne vie, mais « pour vivre sur les décombres de leur maison ». Mais même les décombres de Gaza ont un sens pour nous. C’est là que nos proches ont vécu et sont morts. Le moment venu, nous serons les seuls à enlever ce qui doit être enlevé, pour le réutiliser ensuite afin de reconstruire.


Un homme de Jabaliya vend du pain sous les restes de sa boulangerie, détruite lors d’une attaque israélienne. Photo Kareem Hana / AP

Les Gazaouis « vont connaître la paix », a déclaré Trump. « Ils ne seront pas abattus, tués et détruits comme cette civilisation de gens merveilleux a dû le subir. La seule raison pour laquelle les Palestiniens veulent retourner à Gaza est qu’ils n’ont pas d’autre choix. C’est actuellement un site de démolition. » Il n’a pas parlé de qui avait tiré, tué et détruit : l’armée israélienne, avec le soutien du gouvernement usaméricain.

Au lieu de cela, Trump a parlé de transformer la bande de Gaza en « Riviera du Moyen-Orient », comme si personne n’y vivait. Plus tard, lorsqu’on lui a demandé combien de personnes devraient être contraintes de quitter leur patrie, Trump a répondu : « Toutes... Probablement environ 1,7 million de personnes, peut-être 1,8 million... Je pense qu’ils seront réinstallés dans des régions où ils pourront mener une belle vie et ne pas craindre de mourir chaque jour. » Il a également déclaré qu’il avait le sentiment que le roi de Jordanie et le président de l’Égypte « ouvriront leur cœur » aux Palestiniens pendant la reconstruction de la région, comme si quelqu’un d’autre que les Gazaouis allait faire ce travail difficile et lent.

Je ne vais pas prendre la peine de corriger les chiffres de Trump. J’ai plutôt une question. Qui a dit que les Gazaouis avaient peur de mourir ? Beaucoup de gens dans le monde ont peur de mourir, y compris certains USAméricains qui n’ont pas d’assurance maladie ou qui vivent dans des zones à risque d’incendies de forêt. Mais notre inquiétude n’est pas de mourir. Les Palestiniens craignent d’être tués par les soldats et les colons israéliens, par les bombes et les balles. Comment empêcher les gens d’être tués ? Pas en éliminant les personnes qui ont été victimes de tirs et de bombardements, mais en arrêtant ceux qui tirent et bombardent.