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05/04/2025

OFER ADERET
La participation du philosophe israélo-allemand Omri Boehm à la commémoration de la libération du camp de concentration de Buchenwald annulée sous la pression d’Israël

Ofer Aderet, Haaretz, 4/4/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Le mémorial de Buchenwald et Mittelbau-Dora avait invité Boehm pour ses réflexions éthiques sur les droits humains universels et les crimes nazis. L’ambassade d’Israël a déclaré que Boehm « dilue la mémoire de l’Holocauste avec son discours sur les valeurs universelles »

Le philosophe Omri Boehm, en 2022. Photo Emil Salman

Sous la pression du gouvernement israélien, un discours du philosophe israélo-allemand Omri Boehm lors de la célébration [prévue le dimanche 6 avril à Weimar] du 80e anniversaire de la libération du camp de concentration de Buchenwald en Allemagne a été annulé. 

Dans une déclaration publiée sur X, l’ambassade d’Israël en Allemagne a qualifié la décision d’inviter Boehm à l’événement d’« insulte flagrante » à la mémoire des victimes de l’Holocauste. Elle a justifié sa décision en invoquant sa comparaison de l’Holocauste avec la Nakba palestinienne et sa description de Yad Vashem comme « un instrument de manipulation politique ».

Boehm a confirmé à Haaretz que sa participation à la cérémonie avait été annulée. Il a déclaré que lui-même et le site commémoratif avaient tenté d’éviter un scandale et avaient l’intention de coopérer à l’avenir.

L’ambassade d’Israël a déclaré que « sous couvert de science, Boehm tente de diluer la mémoire de l’Holocauste avec son discours sur les valeurs universelles, le privant ainsi de sa signification historique et morale ». 

« L’histoire n’est pas un débat abstrait et l’Holocauste n’est pas un terrain de jeu intellectuel », a ajouté l’ambassade. 


Omri Boehm prononçant son “discours à l’Europe”, intitulé “Les ombres de l’histoire, les spectres du présent : la guerre au Moyen-Orient et le défi de l’Europe”  sur la Judenplatz de Vienne, le 7 mai dernier. Photo Wiener Festwochen GesmbH / APA-Fotoservice / Tanzer

Le mémorial de Buchenwald (Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau-Dora) a déclaré dans un communiqué [lire ci-dessous] que Boehm - petit-fils d’une survivante de l’Holocauste - avait été invité à l’événement en raison de sa capacité à tenir « des réflexions éthiques et de valeur sur le lien entre l’histoire et la mémoire, en particulier en ce qui concerne la valeur des droits humains universels et leur importance par rapport aux crimes des nazis ».

Le directeur du mémorial de Buchenwald, Jens Christian Wagner, a déclaré aux médias que l’invitation de Boehm « a entraîné un conflit avec des représentants du gouvernement israélien, qui a également impliqué les survivants des camps. Afin de protéger les survivants et dans le but d’assurer un événement commémoratif pour le camp de concentration - où l’accent n’est pas mis sur un débat initié de l’extérieur, mais sur les survivants - nous avons décidé, après discussion avec Boehm, de reporter son discours à une date ultérieure.

Le gouvernement allemand a répondu vendredi que les anciens camps de concentration nazis sont libres de choisir qui ils invitent à leurs cérémonies.


Buchenwald


À propos du report du discours d’Omri Boehm à l’occasion du 80e anniversaire de la libération des camps de concentration de Buchenwald et de Mittelbau-Dora

Communiqué du Prof. Dr. Jens-Christian Wagner, directeur de la Fondation des mémoriaux de Buchenwald et de Mittelbau-Dora, 1/4/2025 

«Le professeur Omri Boehm est un philosophe germano-israélien de renommée internationale. Il est le petit-fils d’une survivante de l’Holocauste. Nous l’avons invité à prendre la parole lors du 80e anniversaire de la libération de Buchenwald et de Mittelbau-Dora, car nous attendions de lui qu’il nous fasse part de réflexions éthiques de haut niveau sur la relation entre l’histoire et la mémoire, en particulier sur la valeur des droits de l’homme universels et leur importance au regard des crimes nazis.

À notre grand regret, l’invitation d’Omri Boehm a provoqué un conflit avec des représentants du gouvernement israélien, dans lequel les survivants des camps ont malheureusement été entraînés. Cela risquait de peser sur le 80e anniversaire de la libération. Pire encore : les survivants, souvent blessés dans leur âme, risquaient d’être instrumentalisés et entraînés encore plus loin dans ce conflit.

Afin de protéger les survivants et dans le but d’assurer une cérémonie commémorative en souvenir des camps de concentration de Buchenwald et de Mittelbau-Dora, qui ne soit pas centrée sur un débat initié de l’extérieur, mais sur les survivants, nous avons décidé dans cette situation - après une conversation de confiance avec Omri Boehm - de reporter son discours à une date ultérieure.

« Comprendre l’histoire, apprendre pour l’avenir », telle est la devise de notre travail. Omri Boehm donne des impulsions importantes à cet égard grâce à ses travaux scientifiques de renommée internationale et récompensés à plusieurs reprises. En tant que lauréat du Prix du livre de Leipzig pour la compréhension européenne, Omri Boehm est un important bâtisseur de ponts au niveau international.

Lire La peinture à Dora, par François Le Lionnais, cofondateur de l’Oulipo avec Raymond Queneau, 1946. Ce texte sera lu à la cérémonie du 6 avril.


12/08/2023

RAÚL ZIBECHI
Un camp de concentration appelé El Salvador

Raúl Zibechi, La Jornada, 11/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le philosophe italien Giorgio Agamben a probablement fait preuve d’euphémisme en affirmant que le paradigme de la vie contemporaine n’est pas la ville, mais le camp de concentration. Si nous observons ce qui se passe dans différents coins de l’Amérique latine, nous sommes confrontés à un saut qualitatif et quantitatif dans l’expansion des camps d’enfermement.


Le président salvadorien, Nayib Bukele, a décrété le bouclage de tout un département (équivalent des provinces ou des états dans d’autres pays) agro-pastoral, habité par 160 000 personnes et situé dans le centre-nord du pays. Il s’agit de Cabañas, assiégé par 8 000 militaires et policiers qui seraient à la chasse d’une petite bande criminelle.

Pour de nombreux Salvadoriens, le siège actuel rappelle les opérations de “terre brûlée” lancées par l’armée contre les guérillas pendant la guerre civile qui s’est intensifiée dans les années 1980. Aujourd’hui, dans le cadre de l’état d’urgence, des municipalités et des villes se sont retrouvées en état de siège, mais c’est la première fois que tout un département est bouclé.

L’état d’urgence est en vigueur depuis mars 2022, accepté par un parlement et un pouvoir judiciaire soumis à la volonté du président. Durant cette période, plus de 70 000 personnes ont été arrêtées et emprisonnées, enfournées dans des prisons de haute sécurité où leur humanité est systématiquement violée, comme l’attestent les photos et vidéos diffusées par le gouvernement lui-même. Six organisations de défense des droits humains ont publié un rapport dans lequel elles affirment que cet État policier a fait 5 490 victimes de violations des droits humains en seulement 15 mois, soit une moyenne de 12 violations par jour.

Il s’agit notamment d’arrestations arbitraires, de menaces, de blessures, d’agressions et de viols, ainsi que de la mort de 173 personnes détenues par l’État. Le gouvernement multiplie les actions. Une récente réforme judiciaire autorise les procès de masse de groupes allant jusqu’à 900 personnes, au mépris des garanties légales minimales.

Un éditorial de l’Asociación de Radiodifusión Participativa de El Salvador (Arpas), basé sur un rapport du journal El Faro, affirme que le gouvernement de Bukele « négocie une réduction des homicides et un soutien électoral au parti Nuevas Ideas en échange d’avantages pour les membres des gangs et leurs familles ». Il ajoute que certains analystes considèrent que le pacte de Bukele avec les gangs n’est pas comme les trêves des gouvernements précédents, et pourrait être une « alliance stratégique pour la gouvernabilité » (Arpas, 4/22).

El Faro affirme, sur la base de documents officiels, que Bukele négocie depuis des années avec la Mara Salvatrucha 13 (MS-13) pour obtenir un soutien électoral à sa candidature, en libérant les chefs de gangs (El Faro, 3/9/20). De telles alliances sont courantes dans le monde entier et sont en fait créées avec un double objectif : stabiliser la gouvernance et détruire les organisations de la société, cet objectif étant peut-être le plus cher aux gouvernements d’aujourd’hui.

Dans une période de soulèvements et de révoltes populaires dans toute l’Amérique latine, attiser le crime organisé contre les peuples en lutte semble être une excellente “affaire” pour ceux d’en haut. Il est très probable que le gouvernement Lasso en Équateur et les gouvernements mexicains qui ont lancé la « guerre contre la drogue » ont eu et ont encore de tels accords avec le crime organisé, même s’ils sont mieux protégés de la couverture médiatique.

La militarisation et les attaques contre les peuples visent à libérer les territoires afin que le capital puisse transformer les biens communs en marchandises. Au Salvador, le Cabañas a été l’épicentre de la résistance à l’exploitation minière transnationale et une région d’intérêt pour les grandes entreprises qui cherchent à exploiter l’or et l’argent. Entre 2000 et 2017, des entreprises canadiennes et australiennes se sont heurtées à l’opposition des communautés concernées.

En Cabañas, les dirigeants communautaires font état de persécutions, de menaces, de harcèlement judiciaire et de surveillance. Plusieurs dirigeants ont été assassinés et emprisonnés ces dernières années. On peut conclure que le siège de Cabañas vise à affaiblir la résistance des communautés, qui savent très bien que l’exploitation minière finirait par porter un coup définitif à leur survie, car la crise de l’eau qui touche toute l’Amérique centrale s’aggrave au Salvador.

Dans le couloir sec de l’Amérique centrale, les longues sécheresses, les tempêtes et les pluies diluviennes aggravent la pauvreté en affectant les cycles de production de la terre. Près de 70 % du territoire salvadorien souffre d’une sécheresse importante ou grave. Les migrants de cette région, peuplée de 10 millions de personnes, peuvent être considérés comme des réfugiés climatiques.

Bukele boucle la boucle de la guerre de dépossession contre le peuple : il a créé un État policier, militarisé de grandes parties du pays, déplacé des populations et ouvert de nouveaux territoires à l’accumulation par dépossession. Un pays transformé en camp de concentration, que les autres classes dirigeantes veulent imiter.


Les Sept cercles de l’enfer : Bukele visite le tout nouveau “Centre de confinement du terrorisme » « digne du premier monde » (dixit le directeur nommé… Osiris Luna), qui, avec une capacité d’enfermement de 40 000 personnes, promet d’être la plus grande prison du monde. Plus de 70 000 personnes ont été emprisonnées en 18 mois dans ce pays comptant 6,3 millions d’habitants.