Le mémorial de Buchenwald et Mittelbau-Dora avait invité Boehm pour ses réflexions éthiques sur les droits humains universels et les crimes nazis. L’ambassade d’Israël a déclaré que Boehm « dilue la mémoire de l’Holocauste avec son discours sur les valeurs universelles »
Le philosophe Omri Boehm, en 2022. Photo Emil Salman
Sous la pression du gouvernement israélien, un discours du philosophe israélo-allemand Omri Boehm lors de la célébration [prévue le dimanche 6 avril à Weimar] du 80e anniversaire de la libération du camp de concentration de Buchenwald en Allemagne a été annulé.
Dans une déclaration publiée sur X, l’ambassade d’Israël en Allemagne a qualifié la décision d’inviter Boehm à l’événement d’« insulte flagrante » à la mémoire des victimes de l’Holocauste. Elle a justifié sa décision en invoquant sa comparaison de l’Holocauste avec la Nakba palestinienne et sa description de Yad Vashem comme « un instrument de manipulation politique ».
Boehm a confirmé à Haaretz que sa participation à la cérémonie avait été annulée. Il a déclaré que lui-même et le site commémoratif avaient tenté d’éviter un scandale et avaient l’intention de coopérer à l’avenir.
L’ambassade d’Israël a déclaré que « sous couvert de science, Boehm tente de diluer la mémoire de l’Holocauste avec son discours sur les valeurs universelles, le privant ainsi de sa signification historique et morale ».
« L’histoire n’est pas un débat abstrait et l’Holocauste n’est pas un terrain de jeu intellectuel », a ajouté l’ambassade.
Le mémorial de Buchenwald (Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau-Dora) a déclaré dans un communiqué [lire ci-dessous] que Boehm - petit-fils d’une survivante de l’Holocauste - avait été invité à l’événement en raison de sa capacité à tenir « des réflexions éthiques et de valeur sur le lien entre l’histoire et la mémoire, en particulier en ce qui concerne la valeur des droits humains universels et leur importance par rapport aux crimes des nazis ».
Le directeur du mémorial de Buchenwald, Jens Christian Wagner, a déclaré aux médias que l’invitation de Boehm « a entraîné un conflit avec des représentants du gouvernement israélien, qui a également impliqué les survivants des camps. Afin de protéger les survivants et dans le but d’assurer un événement commémoratif pour le camp de concentration - où l’accent n’est pas mis sur un débat initié de l’extérieur, mais sur les survivants - nous avons décidé, après discussion avec Boehm, de reporter son discours à une date ultérieure.
Le gouvernement allemand a répondu vendredi que les anciens camps de concentration nazis sont libres de choisir qui ils invitent à leurs cérémonies.
À propos du report du discours d’Omri Boehm à l’occasion du 80e anniversaire de la libération des camps de concentration de Buchenwald et de Mittelbau-Dora
Communiqué du Prof. Dr. Jens-Christian Wagner, directeur de la Fondation des mémoriaux de Buchenwald et de Mittelbau-Dora, 1/4/2025
«Le professeur Omri Boehm est un philosophe germano-israélien de renommée internationale. Il est le petit-fils d’une survivante de l’Holocauste. Nous l’avons invité à prendre la parole lors du 80e anniversaire de la libération de Buchenwald et de Mittelbau-Dora, car nous attendions de lui qu’il nous fasse part de réflexions éthiques de haut niveau sur la relation entre l’histoire et la mémoire, en particulier sur la valeur des droits de l’homme universels et leur importance au regard des crimes nazis.
À notre grand regret, l’invitation d’Omri Boehm a provoqué un conflit avec des représentants du gouvernement israélien, dans lequel les survivants des camps ont malheureusement été entraînés. Cela risquait de peser sur le 80e anniversaire de la libération. Pire encore : les survivants, souvent blessés dans leur âme, risquaient d’être instrumentalisés et entraînés encore plus loin dans ce conflit.
Afin de protéger les survivants et dans le but d’assurer une cérémonie commémorative en souvenir des camps de concentration de Buchenwald et de Mittelbau-Dora, qui ne soit pas centrée sur un débat initié de l’extérieur, mais sur les survivants, nous avons décidé dans cette situation - après une conversation de confiance avec Omri Boehm - de reporter son discours à une date ultérieure.
« Comprendre l’histoire, apprendre pour l’avenir », telle est la devise de notre travail. Omri Boehm donne des impulsions importantes à cet égard grâce à ses travaux scientifiques de renommée internationale et récompensés à plusieurs reprises. En tant que lauréat du Prix du livre de Leipzig pour la compréhension européenne, Omri Boehm est un important bâtisseur de ponts au niveau international.
Lire La peinture à Dora, par François Le Lionnais, cofondateur de l’Oulipo avec Raymond Queneau, 1946. Ce texte sera lu à la cérémonie du 6 avril.