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02/07/2023

CHRISTIAN MARAZZI
La panique financière par contagion numérique

Christian Marazzi, Machina, 15/5/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Christian Marazzi (Lugano, 1951) est un économiste et politologue suisse, titulaire d’un diplôme en sciences politiques de l’université de Padoue et d’un doctorat en économie de la City University de Londres. Ses principaux domaines de recherche ont été la théorie monétaire, l’évolution des marchés financiers et les transformations du monde du travail, ainsi que quelques incursions dans la philosophie du langage, domaines dans lesquels il a réalisé d’innombrables travaux analytiques. Entre 1985 et 2007, il a travaillé comme économiste-chercheur au Dipartimento delle Opere Sociali de la Scuola Universitaria Professionale della Svizzera italiana, où il enseigne toujours et mène des recherches sociales. Il a enseigné dans plusieurs universités, dont l’Università di Scienze politiche di Padova, la State University of New York, l’Université de Lausanne et l’Université de Genève. Au cours des dix dernières années, il a enseigné dans le cadre du master sur l’économie de l’art à la Nuova Accademia di Belle Arti de Milan. On peut lire de lui en français :  
  • La place des chaussettes : le tournant linguistique de l’économie et ses conséquences politiques (Paris, Éditions de l’Éclat, 1997). (ISBN 2-84162-013-1) Et vogue l’argent (Éditions de l’Aube, 2004). (ISBN 2-87678-811-X)
  • La brutalité financière ( Éditions de l’Éclat, Paris, et Éditions Réalisations Sociales, Lausanne, 2013)
  • Le socialisme du capital (Éditions diaphanes, Zurich, 2016) .

Dans ce neuvième épisode du “Journal de la crise” - un projet né de la collaboration entre Effimera, Machina et El Salto - Christian Marazzi propose une hypothèse importante : nous sommes face à une crise de surproduction numérique qui, si elle s’explique d’une part par les effets du renversement des politiques monétaires, c’est-à-dire l’augmentation des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation des profits, indique d’autre part la saturation de la demande, non seulement parce que les revenus réels stagnent, voire diminuent, mais aussi et peut-être surtout parce que la numérisation a atteint le seuil de l’assimilation sociale et humaine. Dans la transition d’une politique monétaire expansive à une politique monétaire restrictive, l’auteur soutient que la lutte politique autour du plafond de la dette publique usaméricaine pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le texte est publié simultanément dans Effimera et en espagnol dans El Salto.

Eneko

Mars, le serpent sort de l’hibernation

Gillian Tett, journaliste au Financial Times, a vécu de près certaines des plus importantes crises financières et bancaires des trente dernières années, comme celle qui a éclaté au Japon en 1997 et 1998, suite à la bulle immobilière des années 1980, ou la crise financière mondiale de 2007 et 2008 des subprimes et de Lehman Brothers [1]. S’inspirant de ces expériences, il a analysé la vague de panique qui a déferlé sur les banques au mois de mars, de la Silicon Valley Bank au Crédit Suisse en passant par First Republic, en mettant en évidence un certain nombre de caractéristiques récurrentes, mais aussi d’importantes discontinuités.

Tout d’abord, selon Tett, toute crise bancaire est liée à la notion de “crédit”, au sens du latin credere, faire confiance, et ce en relation avec le concept de “réserve fractionnaire” (fractional banking), apparu dans l’Italie du Moyen-Âge et du début de la Renaissance et qui façonne encore aujourd’hui la finance moderne. Par définition, la réserve fractionnaire est le pourcentage des dépôts bancaires que la banque est tenue de détenir sous forme d’espèces ou d’actifs facilement liquidables. Chaque déposant doit “croire” que, s’il souhaite retirer ses dépôts, la banque sera toujours en mesure d’honorer sa demande de liquidités. Comme il est très rare que tous les déposants essaient de retirer leur argent en même temps, cette croyance/confiance est importante (sinon personne ne déposerait son argent dans les banques). La réserve fractionnaire fonctionne bien en temps normal, lorsque les fonds sont recyclés en prêts et en titres avec des rendements plus ou moins croissants. Toutefois, lorsque les déposants sentent que le cycle économique change de signe, ils commencent à retirer leur argent - comme cela s’est produit en 1997, en 2007-2008 et en mars 2023, et continue de se produire en avril et en mai, comme dans le cas de First Republic et d’autres banques régionales usaméricaines ou du Credit Suisse lui-même - et le système bancaire fractionnaire, la réserve fractionnaire, finit par imploser. Il n’y a plus d’argent, et surtout plus le temps de le récupérer, soit en demandant à la banque centrale (qui n’a cependant ses guichets ouverts que quelques heures par jour, alors que le mobile banking fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 !), soit en vendant les obligations dans lesquelles les dépôts ont été investis, mais qui, en raison de la hausse des taux d’intérêt, comme dans le cas de cette dernière crise, valent beaucoup moins que leur valeur nominale [2]. C’est la crise.

Par rapport aux crises précédentes, toujours caractérisées par une relative opacité quant à l’accessibilité de l’information stratégique, la crise de mars se distingue par la rapidité et l’omniprésence de la diffusion de l’information dans un monde numérisé [3]. À son tour, l’information en flux tendu, accessible à tous et partout (sur les téléphones portables, sur les chaînes de télévision comme CNBC, sur YouTube, sur les réseaux sociaux, sur les plateformes), alimente fortement les risques de contagion, qui dans la crise de mars ont par exemple conduit au retrait de 42 milliards de dollars, soit un bon quart des fonds de la SVB, en seulement quelques d’heures [4]. Une contagion qui - comme cela a toujours été le cas dans l’histoire de la finance et des crises bancaires - ne s’est pas limitée à une seule banque, mais s’est étendue (et continue de s’étendre) à Signature Bank, First Republic et même Credit Suisse. En bref, les médias sociaux et les services bancaires mobiles numériques changent la donne, même dans le secteur financier. Selon Sam Altman, directeur de la technologie chez ChatGPT, « la vitesse du monde a changé, les gens parlent vite, les gens déplacent l’argent vite » [5].

Crises de surproduction numérique

Une autre caractéristique récurrente des crises bancaires et financières est la confusion entre le symptôme et la cause. Par exemple, pour les crises de la Silicon Valley Bank et du Crédit Suisse, on a dit que leurs problèmes étaient “idiosyncrasiques”, plus simplement qu’elles avaient été gérées par des idiots, des gestionnaires incapables, par exemple, de se couvrir contre les risques dans une période de changement radical comme celle qui a commencé l’année dernière avec le passage d’une politique monétaire ultra-expansive à une politique monétaire restrictive (de l’assouplissement quantitatif au resserrement quantitatif). Cependant, étant donné que de nombreuses banques ont d’importantes pertes non comptabilisées, c’est-à-dire des pertes comptables sur des investissements antérieurs qui peuvent se transformer en pertes réelles à tout moment (par exemple, aux USA, dans l’immobilier commercial), ou ont des niveaux élevés de dépôts non assurés (aux USA, ceux de plus de 250 000 dollars), cela signifie que les problèmes de certaines banques particulièrement mal gérées telles que la SVB ou le Crédit suisse sont en fait les symptômes d’un problème plus large. Plus précisément : après une décennie d’ingénierie financière visant à prendre des risques très élevés afin de réaliser des profits (pensez aux hypothèques émises dans les années 1980 au Japon et dans les années précédant la crise des subprimes de 2007-2008 aux USA).

Sur ce point, cependant, il convient d’approfondir l’analyse en rappelant que, selon Marx, toute crise capitaliste est toujours, d’une certaine manière, une crise de surproduction. C’est certainement le cas de la crise des prêts hypothécaires à risque de 2007-2008, résultat d’une vague d’investissements spéculatifs dans le secteur immobilier qui a suivi la bulle Internet précédente, avec ses investissements spéculatifs dans les sociétés Internet émergentes entre 1997 et 2000 (la bulle a éclaté en mars de cette année-là). Dans les deux cas, les banques se sont donné beaucoup de mal pour accorder des prêts afin d’investir dans des actifs (sociétés de haute technologie ou immobilier résidentiel) à “rendement croissant”, c’est-à-dire par le biais de hausses de prix spéculatives provoquées par une demande accrue, stimulée précisément par les facilités bancaires. Tant que les prix des actifs augmentaient, les banques avaient tout intérêt à faire des prêts (même aux fameux ninjas, les “no income, no job, no asset” [“pas de revenu, pas de boulot, pas de biens”], c’est-à-dire les pauvres à la merci du rêve usaméricain de la propriété privée), et à en faire de plus en plus en titrisant les hypothèques. Mais lorsque, en raison de la saturation du marché ou plutôt de la demande, les prix des actifs ont commencé à baisser, l’excès de demande s’est rapidement transformé en excès d’offre, réduisant à néant l’excédent de production accumulé dans la phase ascendante du cycle. Pour faire face à la dévalorisation du capital investi, les banques ont été contraintes d’augmenter les taux d’intérêt, accroissant ainsi la dette hypothécaire de millions de citoyens (ou de milliers d’entreprises, dans le cas de la bulle Internet) [6].



New-York, 1973 : Mister Panic nettoie les ordures de Wall Street

Il n’est pas nécessaire de retracer les années qui ont suivi la Grande Récession post-2008, avec la crise de la dette souveraine qui a frappé des pays comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, avec les politiques austéritaires imposées par la Troïka pour sauver le système bancaire et financier, en saignant à blanc les populations des soi-disant “pays périphériques”. Il suffit de rappeler que les politiques monétaires ultra-expansives qui ont été mises en place pour éviter l’effondrement du système financier et monétaire (le whatever it takes [quoiqu’il en coûte] de Draghi en Europe, le quantitative easing adopté par toutes les banques centrales occidentales), sont en fait des politiques qui ont fortement contribué à promouvoir l’accumulation capitaliste numérique, accélérée par la crise pandémique avec la prolifération de dispositifs télétechniques numériques toujours nouveaux.

L’hypothèse que nous faisons, et qui demande certainement à être développée, est que nous sommes face à une crise de surproduction numérique qui, si elle s’explique d’une part par les effets du renversement des politiques monétaires, c’est-à-dire la hausse des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation des profits [7], renvoie d’autre part à la saturation de la demande, non seulement parce que les revenus réels stagnent, voire diminuent, mais aussi et peut-être surtout parce que la numérisation a atteint le seuil de l’assimilation sociale et humaine [8].

D’un risque à l’autre

Une autre leçon que l’on peut tirer de l’analyse des dernières crises bancaires et financières est que les investisseurs et les régulateurs ont tendance à se concentrer sur les risques des crises précédentes, en omettant totalement de se concentrer sur les nouveaux risques. Comme le dit Gillian Tett, “Don’t fight the last war” [Ne menez pas la dernière guerre]. Dans les modèles utilisés, ou dans les tests de résistance des banques après 2008, par exemple, les scénarios incluaient de petites variations des taux d’intérêt et en aucun cas une augmentation majeure des taux d’intérêt. La crise de 2008 a laissé les investisseurs (et les régulateurs) obsédés par les risques de crédit, en raison des défaillances hypothécaires généralisées qui ont conduit à la débâcle. Le risque de taux d’intérêt a été complètement sous-estimé, probablement parce qu’il n’avait pas causé de problèmes particuliers depuis 1994. La même chose s’est produite en 2008, avec une sous-estimation totale du risque de défaillance hypothécaire, et ce parce que la crise du fonds spéculatif Long-Term Capital Management de 1998 et la bulle Internet de 2000 avaient provoqué des pertes énormes sur le front des prêts aux entreprises. Bref, le passé ne semble pas être un bon guide pour les risques futurs.

Il en va de même pour les règles conçues pour résoudre les dernières crises - des règles de “sécurité” - qui finissent souvent par créer de nouveaux risques. Prenons l’exemple de la crise de mars, qui a éclaté avec la faillite de la Silicon Valley Bank. Son talon d’Achille était les bons du Trésor à dix ans dans lesquels de nombreuses banques avaient investi (encouragées, voire forcées par les régulateurs eux-mêmes !) une grande partie de leurs dépôts [9]. Considérés comme les actifs les plus sûrs et les plus liquides (avec une faible exigence de fonds propres), ils se sont en réalité avérés vulnérables aux changements de l’environnement monétaire, dans la mesure où lorsque les banques ont essayé de les vendre, elles se sont retrouvées avec une valeur bien inférieure à leur valeur nominale [10].

Vienne, 1873 : la catastrophe boursière

Le communisme monétaire

Dès que la panique éclate, lorsque la “réserve fractionnaire” montre toute sa fragilité et son inconsistance, le mantra du libéralisme de marché se dissout dans l’air comme par enchantement. L’arrogance des banquiers se transforme en génuflexion pathétique. L’expérience historique montre que dans de tels moments, les gouvernements se donnent beaucoup de mal pour protéger certains de leurs dépôts, racheter des actifs douteux, parfois même nationaliser des banques entières. C’est ce qui s’est passé dans les années 1990 au Japon et dans le monde entier lors de la crise financière mondiale de 2007-2008.

Et c’est aussi ce qui s’est passé en mars dernier : même si l’assurance des dépôts sur les comptes SVB et Signature ne couvrait que les premiers 250 000 dollars, le gouvernement usaméricain les a tous protégés (pour un coût de plus de 20 milliards de dollars). En Suisse, dans le sauvetage du Crédit Suisse, avec son rachat par UBS (pour seulement 3,25 milliards de francs), même les actionnaires ont été protégés (quoique légèrement), tout en exigeant l’annulation de 16 milliards de dollars d’obligations (les plus risquées, les AT1) [11]. Des deux côtés de l’Atlantique, les gouvernements et les banques centrales ont offert aux banques d’impressionnantes lignes de liquidités (en Amérique, la Réserve fédérale permet même aux banques de continuer à s’échanger des bons du Trésor pour obtenir des liquidités à leur valeur nominale, comme si la hausse des taux d’intérêt n’avait jamais eu lieu).

Ces interventions monétaires de l’État visent à éviter que la contagion, l’effet domino numérique d’aujourd’hui, ne fasse exploser la règle des “réserves fractionnaires”, révélant la contradiction inhérente au processus d’accumulation capitaliste entre la production de valeur économique et sociale et la création-régulation monétaire. Il s’agit simplement de dire que, même si les interventions publiques ont réussi à amortir la crise de mars, l’histoire nous enseigne que les trajectoires des crises financières peuvent être longues et traversées par des flux et des reflux. Dans la crise financière mondiale, par exemple, Lehman Brothers (septembre 2008) s’est effondrée plus d’un an après les premiers signes de la crise des prêts hypothécaires à risque (printemps 2007).

La crise de mars 2023 a surtout touché des banques de taille moyenne, du moins aux USA. Mais le fait principal est que cette crise a déclenché un processus de concentration accrue du capital bancaire [12]. Aux USA, JPMorgan a racheté First Republic (en 2008, elle avait sauvé Bear Stearns et Washington Mutual) et dépasse désormais largement Goldman Sachs, Morgan Stanley et Bank of America [13]. Dans un pays doté d’un budget fédéral colossal et d’une banque centrale au bilan tout aussi colossal, de telles opérations de consolidation, bien que toujours dangereuses, peuvent s’inscrire dans la durée. Le problème est que la tendance aux grandes banques accentue l’asymétrie avec les pays économiquement plus petits, comme la Suisse, où UBS, suite à l’effondrement boursier du Crédit Suisse, a racheté son rival historique, un sauvetage très coûteux pour le gouvernement fédéral et la Banque nationale qui aura certainement des “effets secondaires” sur l’ensemble du système financier [14]. En fait, les actifs d’UBS représenteront désormais environ deux fois le PIB national, ce qui rend la nouvelle banque bien trop grande pour faire faillite. Comme on l’a écrit, “big finance works only for big players” |la grande finance ne fonctionne que pour les gros acteurs].

Ce n’est pas une coïncidence si l’historien de l’économie Harold James, professeur à l’université de Princeton, réfléchissant à l’achat du Crédit suisse par UBS, a rappelé l’opération de sauvetage de la Bodencreditanstalt (la deuxième plus grande banque après le Crédit suisse) par la Creditanstalt, fortement soutenue par le gouvernement autrichien en 1929 [15]. Moins de deux ans plus tard, c’est la Creditanstalt elle-même qui fait faillite, déclenchant un processus en chaîne qui provoque l’effondrement du système bancaire allemand et la panique dans les principaux centres de la finance mondiale, de Londres à New York.

Selon James, lorsqu’une institution financière en rachète une autre, on ne sait jamais vraiment ce qui se cache dans les bilans. Dans une telle période d’instabilité financière, il est très facile pour les déposants, les créanciers et les actionnaires “nerveux” de soupçonner que la pourriture pollue l’ensemble de l’opération. Dans le cas de Crédit suisse, on soupçonne que des milliards de produits dérivés à haut risque se cachent dans les plis du bilan. En outre, les très grandes banques deviennent une menace impossible à écarter si elles sont situées dans de petits pays. En 1931, le sauvetage de la Creditanstalt a nécessité d’énormes fonds publics, ce qui a entraîné une crise fiscale et, plus tard, une crise monétaire. En 2008, pour des pays comme l’Irlande et l’Islande, la crise des banques surdimensionnées a entraîné une intervention douloureuse du FMI.

Le passage de l’assouplissement quantitatif au resserrement quantitatif, d’une politique monétaire expansive à une politique monétaire restrictive, a profondément déformé le monde financier, de sorte qu’il est très probable que nous assistions dans les mois à venir à une chaîne de réactions aux résultats imprévisibles. La lutte politique autour du plafond de la dette usaméricaine pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase [16].


New-York, 1929 : Walter Thornton, un spéculateur qui a tout perdu dans le krach boursier du jeudi noir, met sa voiture en vente pour 100 dollars (cash exigé)

Notes

[1] Gillian Tett, What I learned from three bank crises, Financial Times, Life&Arts, 8-9 avril 2023.

[2] Voir, sur la corrélation inverse entre les rendements et le prix des obligations comme les bons du Trésor, notre Journal de la crise précédente. Également par Gillian Tett, voir : Wake up to the danger of digital bank runs, Financial Times, 21 avril 2023.

[3] D’autant plus lorsque les déposants d’une banque comme la SVB sont des startuppers de la technologie numérique.

Rien qu’au cours du premier trimestre de cette année, First Republic a vu ses dépôts s’envoler de 100 milliards de dollars [5].

[Mark Vandervelde, Antoine Gara, Joshua Franklin, Colby Smith et Tabby Kinder, SVB : the multiple warning signs that were missed, Financial Times, 25 avril 2023.

[6] Et, surtout dans le cas de la crise de 2007-2008, il ne s’agissait pas d’une crise limitée aux USA, car les banques occidentales avaient accumulé ces titres titrisés (les “titres toxiques”) qui semblaient ne pas rapporter grand-chose. Un exemple parmi d’autres, UBS qui s’est retrouvée en “faillite technique” en septembre 2008 et qui a été littéralement renflouée par l’État avec une injection de plus de 60 milliards de francs.

[7] L’inflation des profits ne se résorbera que lorsque les politiques monétaires anti-travailleurs des banques centrales auront réussi à comprimer davantage les revenus salariaux. Et ce, même si les mêmes analystes de banques comme UBS affirment que l’inflation n’est pas du tout due à la spirale salaires-prix, mais à la spirale bénéfices-prix. Même les banques centrales expliquent l’inflation comme la conséquence de la hausse des profits plutôt que des coûts salariaux Voir M. Arnold, P. Nilsson, C. Smith, D. Strauss, Central banks warn business over price gouging, "Financial Times", 31 mars 2023 ; voir aussi M. Minenna, Prices driven more by profits than wages, "Sole24Ore", 2 avril 2023 Paradoxalement, les taux d’intérêt élevés “justifient” les profits inflationnistes élevés simplement parce qu’ils augmentent le coût de l’argent pour les entreprises.

[8] Quant à la crise bancaire, il faut savoir que le pourcentage de ménages usaméricains utilisant des services bancaires mobiles ou en ligne est passé de 39 % en 2013 à 66 % en 2021, ce qui explique que, même avant la panique de mars dernier, il y a eu une augmentation sans précédent de la vitesse à laquelle l’argent se déplace d’un compte à l’autre à la recherche de rendements plus élevés. Ce qui rend tous les actifs financiers, y compris les bons du Trésor, vulnérables !

[9] Le Financial Times a souligné que l’une des causes de la fibrillation bancaire européenne, déclenchée par la fibrillation usaméricaine, est que les banques européennes « détiennent également d’importantes réserves d’obligations affectées par la hausse des taux d’intérêt » (voir N. Capelluto, Zero Risk Panic, “Communist Struggle”, mars 2023).

[10] Juste une remarque : on peut se demander si la théorie des conventions de Keynes (Ch. 12 de sa Théorie générale) ne devrait pas être étendue aux risques, plutôt que d’être limitée à la formation de la valeur des titres. Selon la théorie keynésienne des conventions, sur les marchés financiers, les agents, sous le double poids de l’incertitude et de la perte de confiance dans leurs estimations, adoptent un comportement mimétique, polarisant l’opinion sur la valeur d’un titre et l’auto-validant.  C’est alors que naît une pensée commune, une convention, qui sert de point d’ancrage aux anticipations. Il semblerait cependant que dans le capitalisme financier contemporain, ce soient plutôt les risques, et leur couverture, qui suscitent des comportements mimétiques. A reprendre.

[11] La décision sans précédent de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) à l’égard des détenteurs d’obligations, alors que généralement, en cas de faillite d’une banque, les actionnaires subissent les pertes avant les détenteurs d’obligations, visait à rendre l’opération moins coûteuse pour UBS. Un groupe d’investisseurs de Crédit Suisse, dont la caisse de pension de la chaîne de magasins Migros, a poursuivi les régulateurs financiers suisses en raison des milliards de pertes causées par cette décision.

[12] Sur les risques d’une concentration excessive du capital, pas seulement dans le secteur bancaire, voir Rana Foroohar, The problem of concentrated power, "Financial Times", 8 mai 2023.

[13] Voir B. Masters, J. Fontanella-Khan et J. Franklin, All roads lead to JPMorgan, "Financial Times", 6 mai 2023.

[14] Voir Christoph Eisenring, Berne crée un monstre pour sauver la finance, "Neue Zürcher Zeitung", "International", 24 mars 2023.

[15] Voir Harold James, "Mega-banks in small states spell dander", "Financial Times", 20 avril 2023.

[16] Voir Gillian Tett, "Investors wake up to US debt dysfunction", "Financial Times", 5 mai 2023.

 

 

 

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