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10/06/2021

Moshe Dayan et les colons d'Hébron en juin 1968 : « On n’est pas là pour parler de l’aspect spirituel, mais de l’aspect pratique »

Institut Akevot | Juin 2021

Traduit par Fausto Giudice

L'anniversaire de la guerre des Six Jours, qui a éclaté il y a 54 ans cette semaine, est l'occasion de revenir sur un moment constitutif de l'entreprise de colonisation d'Israël dans les territoires occupés : l'affaire qui a débuté lors du seder de Pessah au Park Hotel d'Hébron en avril 1968. Les transcriptions d'une réunion entre le ministre de la Défense Moshe Dayan et les dirigeants des colons au début du mois de juin 1968 constituent un autre exemple de la manière dont les colons et les services de sécurité ont utilisé très tôt de fausses excuses, des insinuations et des jeux de mots pour tenter de promouvoir et de légitimer l'entreprise de colonisation.


La dépêche de l’Agence Télégraphique Juive annonçant le coup de force des colons

Lors d'une session plénière de la Knesset tenue le 12 juin 1968, le ministre de la Défense Moshe Dayan répond à plusieurs questions parlementaires soumises par des députés, dont Shmuel Mikunis, du parti communiste, qui demandent des explications sur l'affaire du Seder du Park Hotel à Hébron, qui a débuté environ deux mois plus tôt. Le 11 avril 1968, plusieurs dizaines d'Israéliens juifs ont loué des chambres au Park Hotel d'Hébron, propriété de Palestiniens, pour célébrer la Pâque. Il est vite devenu évident que le groupe avait prévu de rester définitivement dans la ville palestinienne, occupée moins d'un an auparavant, et ils ont refusé de partir. Il s'agit d'un moment crucial dans la politique israélienne en général et dans l'entreprise de colonisation en particulier.

Plusieurs jours après leur installation au Park Hotel, les colons ont été transférés dans un complexe utilisé par le gouverneur militaire de la ville. Ce transfert, qui devait à l'origine permettre de protéger la sécurité des colons, constituait en réalité l'autorisation initiale de s'installer dans la ville. « Deux semaines plus tard », ont écrit Idith Zertal et Akiva Eldar dans le livre Lords of the Land : The war over Israel's settlements in the Occupied Territories 1967-2007, « le comité ministériel a décidé de ne pas ordonner aux colons de quitter la ville. Les colons n'avaient besoin de rien d'autre pour asseoir davantage leur emprise sur l'endroit ».

Lors de la séance de la Knesset, le député Mikunis a demandé au ministre de la Défense : « Quel statut ont les membres de ce groupe dans leur nouvelle demeure ? » et « Quels sont les plans futurs du ministère de la Défense concernant ces personnes ? » Dayan a répondu brièvement. Sur le statut des colons, il a dit : « Ce sont des étudiants de yeshiva avec plusieurs autres personnes supplémentaires attachées au groupe ». À la deuxième question, Dayan a répondu : « Mon bureau n'a aucun projet dans ce domaine, et il suivra les instructions du gouvernement ».

Une semaine exactement avant de répondre aux questions du MK Mikunis, le 5 juin 1968, le ministre de la Défense Dayan a rencontré dans son bureau les colons d'Hébron dirigés par le rabbin Moshe Levinger. Le colonel Shlomo Gazit, qui présidait le Comité de coordination politique et de sécurité dans les territoires occupés, et le général de brigade Refael Vardi, commandant des territoires occupés, étaient également présents. Les transcriptions offrent un aperçu important de la relation entre les dirigeants des colons et le gouvernement d'Israël et mettent en lumière les premiers pas de la colonie d'Hébron, qui compte aujourd'hui quelques centaines d'habitants. Après une longue introduction par les délégués des colons sur l'élan spirituel derrière la colonie d'Hébron, Dayan a précisé : « nous ne discutons pas du côté spirituel aujourd'hui ; nous discutons du côté pratique ». Fidèle à sa parole et adoptant un ton plus pratique, Dayan a dit aux colons que la fondation d'une ville juive à Hébron, comme Israël l'avait fait à Nazareth Illit, par exemple, nécessitait une résolution du gouvernement. Dans le même temps et dans le même souffle, il a également laissé entendre qu'une décision d'établir une yeshiva dans la ville (le mot apparaît entre guillemets dans tout le document) aurait son plein soutien et son assistance. Les participants ont parfaitement compris ces signaux. 

Rencontre entre le ministre de la Défense Moshe Dayan et les colons d'Hébron

Document original

Les transcriptions d'une réunion entre les dirigeants des colons d'Hébron et le ministre de la Défense Moshe Dayan donnent un autre aperçu de la relation étroite que les colons ont entretenue avec les forces de sécurité dès le début, et de la politique de la porte ouverte du ministre à leur égard. Au cours de la réunion, le ministre Dayan a expliqué que l'établissement d'une ville juive à Hébron était une entreprise complexe, mais il a précisé qu'une implantation sous l'apparence d'une « yeshiva » était possible, et même souhaitable en ce qui le concerne. Pour ceux qui n'ont pas tout à fait compris, Dayan a ajouté : « Ni le gouvernement ni moi n'avons exclu que, à côté de cette "yeshiva", qu'elles y soient rattachées ou non, il y ait plusieurs autres personnes ». Dayan a encore expliqué : « dans le même cadre autour de la 'yeshiva, si la 'yeshiva' atteint 80-90 personnes et qu'il y a 10-20 personnes de plus autour, nous ne leur demanderons pas si elles travaillent ici ou là ».

La 295e session plénière de la sixième Knesset

 Document original

Le plénum s'est ouvert avec le ministre de la Défense Dayan répondant aux questions parlementaires soumises par les députés. Deux d'entre elles concernaient l'affaire de la colonie du Park Hotel Hebron. Le député Uri Avnery (Ha-olam Hazeh-Koah Hadash) a demandé dans quelle mesure la colonie d'Hébron était légale, ce à quoi Dayan a répondu sèchement que les colons suivaient les ordres émis par le commandant militaire. Avnery a également posé une question sur les armes que les colons avaient reçues. Ensuite, le MK Mikunis (Parti communiste) a demandé quel était le statut des colons d'Hébron, qui avait décidé de les transférer du Park Hotel au bâtiment du gouverneur militaire, et ce que le ministère de la Défense prévoyait de faire avec eux.

L'Institut Akevot (Empreintes) de recherche sur le conflit israélo-palestinien a été fondé en 2014 à partir de la reconnaissance du rôle unique que les archives peuvent jouer pour briser les mythes qui alimentent le conflit, favoriser un discours fondé sur les faits et soutenir le travail des défenseurs des droits humains.  Nous faisons des archives un outil de changement en recherchant et en exposant les mécanismes, processus et événements qui jouent un rôle dans la perpétuation du conflit. Nous aidons les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile à accéder à la documentation archivistique pertinente pour leur travail. Nous faisons campagne pour élargir l'accès du public aux archives gouvernementales afin de promouvoir la transparence et la liberté d'information.

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