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21/10/2021

AMIRA HASS
Les « pommes pourries » de Cisjordanie
Comment l’armée israélienne sous-traite la violence aux colons

Amira Hass, Haaretz, 19/10/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Pendant la saison de la récolte des olives, les fontaines de la méchanceté, de la cruauté et de la chutzpah israéliennes jaillissent dans leur forme la plus concentrée. La source de cette violence de ceux qui ne craignent que Yahvé ne fait pas de distinction entre les jeunes et les vieux, l'homme et l'arbre, entre la destruction, le sabotage et le vol des récoltes.


Un olivier mutilé dans un village palestinien et la « signature » de l’acte. Photo : Alex Levac

C'est une violence qui connaît l'âme de son gouvernement. Après tout, la Cisjordanie est parsemée de caméras de surveillance, de miradors et de postes d'observation des forces de défense israéliennes, de patrouilles armées de l'armée et de la police. Malgré tout cela, nos forces de destruction et de sabotage dans les oliveraies rentrent toujours chez elles saines et sauves. Depuis les mêmes arènes. Vers les mêmes bases d'attache.

En l'espace de deux semaines, du 3 au 16 octobre, il y a eu au moins 18 agressions israéliennes contre des cueilleurs et leurs arbres. La liste compilée par le groupe de défense des droits humains Yesh Din : Volontaires pour les droits humains est pénible à lire. Le 3 octobre, nos forces ont frappé à cinq reprises : elles ont agressé un agriculteur, abattu des arbres, empêché des cueilleurs de récolter des olives et, à deux reprises, ont volé des olives. Le 11 octobre, quatre cas similaires de sabotage des arbres et de la récolte ont été enregistrés.

Tous les incidents se sont produits à proximité de colonies et d'avant-postes de colonies connus pour leurs frictions avec les villages sur lesquels ils sont situés : Yitzhar, encore et encore ; Maon, Beit El, Shiloh, Ariel, Havat Gilad, Avigayil. Depuis le début de l'année, des individus anonymes parmi nous, les Juifs, ont endommagé environ 8 000 arbres appartenant à des Palestiniens, selon les chiffres des Nations unies.

Dites que ce sont quelques pommes pourries. Des ados à problèmes. « Des mauvaises herbes égarées ». Des toxicos et des marginaux. Nous entendons ce refrain depuis qu'il est devenu évident qu'il s'agit d'un phénomène organisé et calculé - dans la seconde moitié des années 1990, avant et après qu'Ariel Sharon eut appelé à la colonisation de chaque colline de Cisjordanie. À l'époque, comme aujourd'hui : ceux qui abattent les arbres, les voleurs et les agresseurs sont les messagers du système et ses chers fils et frères dans la cause sacrée de la dépossession des Palestiniens indigènes de cette terre.

La communauté immédiate et chaleureuse des agresseurs ne les fuit pas, les rabbins ne les réprimandent pas et le silence de ses dirigeants est un consentement. Les soldats les soutiennent parce que les FDI ont le devoir de protéger les citoyens et les colons juifs. La police clôt les enquêtes (les rares qui ont été ouvertes) avec une efficacité qui rendrait jalouse la police blanche raciste du Sud usaméricain dans les années 1950. Les militants du clavier de l'État de Tel Aviv expriment leur dégoût. Et alors ?

Cette violence "privée" toujours plus importante, vieille de plusieurs décennies, atteint ses objectifs. Afin de "prévenir les tensions" avec les résidents des avant-postes qui poussent comme des champignons vénéneux autour des colonies bourgeoises, Tsahal interdit aux Palestiniens l'accès à leurs terres. Les colonies elles-mêmes ont été construites sur des terres palestiniennes dans le cadre du vol organisé et officiel que l'on appelle, pour plaire aux oreilles des membres de la Haute Cour de justice, "Déclaration de terre d'État", "Terre d'enquête" ou appropriation et fermeture pour des besoins sécuritaires et militaires.

De cette manière, dans un savant tissu de droit militaire qui dédaigne le droit international, associé à la violence des très sages mauvaises herbes, de grandes étendues de la Cisjordanie ont été rendues libres, ou presque, d'Arabes : le bloc Shiloh, le bloc Etzion, le bloc Talmonim, le bloc Ariel. Le bloc du nord de la vallée du Jourdain. Le bloc Meitarim. Le bloc Reihan. Le bloc Latrun. Le bloc Givat Ze'ev. Le bloc de la zone de jointure [située entre la barrière de séparation et la Ligne verte (la ligne d’armistice entre Israël et la Cisjordanie depuis 1948), une zone dite «fermée», NdT]. Le bloc Adumim. Les seuls Palestiniens autorisés dans ces zones sont les travailleurs. Dans sa grande générosité, l'armée permet à certains fermiers d'accéder à leurs terres deux ou trois fois par an, pour désherber et pulvériser. Pour labourer et semer. Pour récolter. Trouvez-moi un seul kibboutznik ou moshavnik israélien qui accepterait de ne travailler la terre que quelques jours par an. Cette interdiction, appuyée par les baïonnettes des FDI et les ordres de l'administration civile, est bien plus violente et efficace que n'importe quelle agression physique.

Et malgré tout, la violence privatisée des mauvaises herbes incorporées est instrumentalisée par les autorités précisément aux mêmes endroits où la violence officielle n'a pas réussi à déloger complètement les Palestiniens de leur terre. C'est pourquoi les autorités ferment les yeux sur cette violence. C'est pourquoi les déracineurs d'arbres, les voleurs de récoltes et les agresseurs de bergers et de fermiers restent en sécurité, ni vus ni connus.

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