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06/01/2022

ANTONIO MAZZEO
Le Maroc achète des drones et des missiles en Israël

 Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 5/1/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Maroc va acheter à Israël des batteries de missiles sol-air de moyenne portée et des drones armés pour renforcer son arsenal militaire déployé contre l'Algérie voisine et le Front Polisario dans l'ancien Sahara espagnol.

Selon le site spécialisé Israel Defense, les autorités de Rabat ont entamé des négociations avec IAI - Israel Aerospace Industries, la principale holding militaro-industrielle d'Israël, pour l'acquisition du système de missiles Barak 8 (éclair en hébreu). Les négociations ont été menées par Sharon Bitton, directrice du marketing d'IAI pour les pays du Golfe, ancienne colonelle des forces armées et ancienne cheffe de la Coordination des activités gouvernementales dans les territoires occupés (COGAT).

Une batterie de missiles sol-air israéliens Barak 8

Le système de missiles Barak 8 a été développé par les forces armées et les industries de défense d'Israël et de l'Inde et est utilisé sur terre et en mer. Outre IAI-Israel Aerospace Industries, Rafael Advanced Defense Systems Ltd. de Haïfa et le groupe industriel Tata de Mumbai ont également participé à sa conception et à sa construction.

Avec une vitesse maximale de Mach 2 (580 mètres par seconde) et une capacité de charge allant jusqu'à 60 kg, le système de missiles sol-air a une portée opérationnelle d'environ 70 km. « Le Barak 8 est capable de neutraliser les menaces aériennes telles que les chasseurs, les missiles, les hélicoptères et les drones ennemis et peut frapper plusieurs cibles simultanément, même dans des conditions météorologiques défavorables », rapportent les responsables d'IAI.

Ces derniers mois, les forces armées marocaines ont inauguré la première base entièrement dédiée à la « défense aérienne » à longue portée, près de la ville de Sidi Yahia el Gharb, dans la région nord de Rabat-Sale-Kenitra. Quatre batteries de missiles du système FD-2000B, achetées à la Chine en 2017, ont été installées sur la base. Il est donc concevable que le nouveau dispositif de guerre fabriqué en Israël soit destiné précisément à cette installation.

En plus du Barak 8, le Maroc a également l'intention d'acheter à IAI un lot de drones kamikazes (avions sans pilote armés de bombes et d'explosifs qui explosent à l'impact avec la cible) de type Harop, pour un coût de 22 millions de dollars. Le Harop est un petit avion sans pilote (2,5 mètres de long), mais il peut transporter une charge explosive de 20 kg et voler pendant sept heures consécutives jusqu'à 1 000 kilomètres. Le drone a été utilisé par les forces armées israéliennes lors de raids à Gaza, au Liban et en Syrie, et par l'Azerbaïdjan lors du récent conflit du Haut-Karabakh.

Le drone israélien Heron acheté par le Maroc

Selon les médias israéliens, le feu vert pour les négociations sur les missiles et les drones entre le Maroc et IAI aurait été donné lors de la visite du ministre israélien de la Défense Benny Gantz à Rabat les 23 et 24 novembre 2021. Un accord sur la coopération militaire et l'échange de renseignements entre les deux parties a été signé à cette occasion. Le Maroc, ainsi que les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, avaient normalisé leurs relations diplomatiques et commerciales avec Israël dans le cadre des accords dits d'Abraham, promus par l'administration Trump à la veille de la fin de son mandat. Suite à l'accord formel signé par Rabat et Tel Aviv le 10 décembre 2020, les USA ont également reconnu la « souveraineté » du Maroc sur les territoires de l'ancien Sahara espagnol occupés illégalement en 1975.

Lors de la visite officielle du ministre Benny Gantz, il aurait également été décidé de construire deux usines au Maroc pour la production de drones de guerre, la première au nord-est et la seconde au sud. En octobre dernier, les médias internationaux ont rapporté que la holding aérospatiale Israel Aerospace Industries, par l'intermédiaire de sa filiale BlueBird Aero Systems, fournirait au pays d'Afrique du Nord le savoir-faire et les technologies nécessaires à la production de micro et mini-drones et d'avions sans pilote auto-explosifs.

Le Maroc avait déjà reçu des drones de fabrication israélienne par le passé. Selon le journal Times of Israel, quatre drones MALE (Medium Altitude Long Endurance) Heron TP produits par IAI, d'un coût total de 48 millions de dollars, ont été livrés à l'armée de l'air marocaine le 26 janvier 2020. Le Heron peut effectuer un large éventail de missions stratégiques (surveillance, reconnaissance et renseignement, acquisition de données sur les cibles à frapper, etc.), mais peut facilement être transformé en drone d'attaque pouvant lancer des missiles air-sol.

En 2017, l'armée de l'air marocaine s'était procuré trois drones tactiques Hermes 900 fabriqués par une autre grande entreprise aérospatiale israélienne, Elbit Systems Ltd. Ces drones seraient actuellement déployés sur les bases aériennes de Meknès et Dakhla, à la disposition des unités de renseignement. Fin novembre 2021, la nouvelle a filtré de Tel Aviv qu'un contrat avait été signé entre les forces armées marocaines et la société israélienne Skylock Systems Ltd. pour la fourniture du système de détection et de neutralisation anti-drone Skylock Dome. « Ce système est équipé de dispositifs de contrôle optique et thermique et d'un radar qui surveille et suit toutes les activités suspectes », expliquent les concepteurs de Skylock Systems Ltd.

« Rabat avait déjà acheté des systèmes de reconnaissance électronique sophistiqués mis au point par des industries israéliennes, qui sont en cours d’installation à bord de cellules Gulfstream G550 modifiées aux USA pour des tâches ISR (intelligence, surveillance et reconnaissance) et SIGINT (espionnage de signaux électromagnétiques) », note le site italien Ares Difesa. « Les programmes d'achat de nouveaux radars de surveillance et de détection, ainsi que la modernisation avec de l'avionique et de l'armement israéliens des chasseurs-bombardiers légers Northrop F-5E, dont environ 25 monoplaces et biplaces sont en service dans la Royal Air Force, semblent également être plus proches de la signature par Rabat et Tel Aviv ».

Les relations entre Rabat et Tel Aviv dans le domaine de la surveillance et de l'espionnage militaire sont également importantes et préoccupantes. En juillet 2021, le National Cyber Directorate d'Israël a annoncé que son chef, Yigal Unna (ancien capitaine de l'unité de renseignement 8200, l’unité d'espionnage militaire de pointe d'Israël), avait signé un accord avec les autorités marocaines pour « permettre le transfert de connaissances et de technologies par des entreprises israéliennes ». Le Maroc, avec le Mexique, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, était également l'un des plus gros clients de la société de cybersécurité et de renseignement NSO Group Technology, dont le siège est à Herzliya, qui a développé le logiciel espion Pegasus permettant la surveillance à distance des smartphones.

« La technologie développée par l'entreprise israélienne a été utilisée par le gouvernement marocain pour espionner le journaliste Omar Radi, qui critique les violations des droits humains au Maroc », rapporte Amnesty International. « Le téléphone portable du professionnel a été soumis à de nombreuses attaques avec la nouvelle technique sophistiquée Pegasus. Les attaques se sont produites pendant la période où Radi a été harcelé à plusieurs reprises par les autorités marocaines, certaines même plusieurs jours après que NSO Group Technology eut promis que ses produits ne seraient plus utilisés pour des violations des droits humains. Au lieu de cela, celles-ci ont continué pendant au moins tout le mois de janvier 2020 ».

Outre Omar Radi, sept autres journalistes marocains ont été placés sous "contrôle" par Pegasus : Taoufik Bouachrine, Aboubakr Jamai, Hicham Mansouri, Soulaimane Raissouni, Ali Amar, Omar Brousky et Maria Mokrim. Dans un article publié le 27 juillet 2021, Nigrizia a souligné que les autorités gouvernementales marocaines auraient utilisé l'application de NSO pour espionner également deux citoyens français, Claude Mangin et Philippe Bouyssou.

Mangin est l'épouse du prisonnier politique sahraoui Naama Asfari, qui a été condamné à 30 ans de prison pour avoir participé en 2010 aux manifestations populaires qui ont éclaté dans le camp de Gdeim Izik au Sahara occidental ; Philippe Bouyssou est le maire d'Ivry-sur-Seine, une ville qui a promu des projets de solidarité avec le peuple sahraoui. Selon Radio France, les téléphones portables de l'avocat français Joseph Breham et du représentant du Front Polisario en Europe, Oubi Bachir Bouchraya, ont également été "interceptés" par les services secrets marocains.

Le secteur technico-scientifique à double usage (civil-militaire) voit également fleurir des accords de coopération entre les universités marocaines et israéliennes. L'université de Tel Aviv a mis en place des bourses d'études et des stages pour les étudiants du pays d'Afrique du Nord. En outre, il y a quelques mois, l'université polytechnique Mohammed VI de Rabat a signé un mémorandum de coopération avec l'université Ben-Gourion du Néguev (l'un des centres universitaires israéliens les plus impliqués dans la recherche de nouveaux systèmes d'armes et le développement de technologies nucléaires) et l'université Reichman (IDC Herzliya), la plus grande institution universitaire privée d'Israël, fondée en 1994 par Uriel Reichman, ancien sous-officier de la Brigade des Parachutistes pendant la Guerre des Six Jours en 1967 et celle du Kippour en 1973.

Pour mémoire, l'Université Polytechnique Mohammed VI de Rabat est l'organisme académique avec lequel la Fondation Med-Or de Leonardo S.p.A. a récemment signé un accord de collaboration qui permet aux étudiants marocains d'accéder à des bourses financées par le groupe industriel italien qui produit des systèmes de guerre à la LUISS Guido Carli de Rome. Le président Marco Minniti, ancien député du PD et ministre de l'Intérieur de la République italienne au sein du gouvernement Gentiloni (décembre 2016-juin 2018), a signé l'accord pour la Fondation Leonardo.

 

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