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31/10/2022

Liste von 77 Getöteten bei den Protesten wegen Mahsa Aminis Ermordung im Iran

Diese Liste wurde am 31. Oktober 2022 aktualisiert

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30/10/2022

GIDEON LEVY
Nous nous déguisons tous en démocrates
Tout vote pour un parti sioniste est un vote pour la poursuite d'une tyrannie

Gideon Levy, Haaretz, 30/10/2022Fausto Giudice, Tlaxcala

« Riez, riez de tous mes rêves », a écrit le poète Saül Tchernikhovsky. Les élections de mardi en Israël ne sont pas des élections générales, et ne sont donc pas démocratiques. L'Afrique du Sud de l'apartheid avait exactement la même supercherie : le régime était défini comme une démocratie parlementaire, puis comme une démocratie présidentielle. Des élections étaient organisées dans le respect de la loi, le Parti national et le Parti afrikaner formant une coalition. Une seule chose séparait l'Afrique du Sud de la démocratie : les élections étaient destinées uniquement aux Blancs.

« Riez, riez de tous mes rêves. » En Israël aussi, seuls les Blancs - ou l'équivalent israélien - participeront aux élections. Israël règne actuellement sur 15 millions de personnes, mais 5 millions d'entre elles sont empêchées de participer au processus démocratique qui choisit le gouvernement qui dirige leur vie. La mascarade dans laquelle Israël joue à la démocratie devrait enfin prendre fin par un démasquage. Ce n'est pas une démocratie.

Un régime dans lequel les élections ne sont organisées que pour les Blancs, à savoir les Juifs, ou pour ceux qui ont une citoyenneté qui n'est pas accordée à tous les sujets, y compris les autochtones vivant sous le régime permanent qui s'applique à leur terre, n'est pas une démocratie.

Lorsqu'une occupation cesse d'être temporaire, elle définit le régime de l'ensemble du pays. La démocratie partielle, ça n »existe pas. Même s'il y a une démocratie de Dan à Eilat, le fait qu'entre Jénine et Rafah il y ait une tyrannie militaire entache le régime de tout le pays. C'est incroyable de voir comment, pendant des décennies, les Israéliens se sont sciemment menti à eux-mêmes, tout comme les Blancs dans les partis des Afrikaners.

Qaddum et Kedumim, deux villages adjacents, existent côte à côte. Qaddum existe depuis le deuxième siècle de l'ère chrétienne et compte actuellement une population de 3 000 habitants. Kedumim existe depuis moins de 50 ans et compte aujourd'hui 4 500 habitants. Quelques centaines de mètres seulement séparent les deux communautés. Le village juif a été construit sur les terres du village palestinien, étouffant le village lorsque la route de sortie de Qaddum a été bloquée par Kedumim.

Mardi, seuls les habitants de Kedumim iront voter. Les habitants de Qaddum resteront chez eux. Comme si cela ne suffisait pas, ils seront soumis à un ordre de confinement, afin d'assurer la sécurité de la démocratie. Le sort des résidents de Qaddum sera affecté par les résultats de l'élection bien plus que celui de leurs voisins de Kedumim. Aucun gouvernement n'osera nuire à Kedumim. Tout gouvernement continuera à nuire à Qaddum et à tourmenter ses résidents. Mais Qaddum n'a pas de voix, pas de droit de vote, pas de liberté de choisir ou de droit d'exercer une influence.

Une élection dans laquelle une seule communauté peut voter, alors que sa voisine plus ancienne et indigène est interdite de participation, est antidémocratique. Comment les Israéliens peuvent-ils se tromper eux-mêmes si effrontément ? Comment peut-on dire que ce n'est pas à cela que ressemble l'apartheid ? Au nom de quelle valeur les résidents de Kedumim ont-ils le droit de vote, alors que ce droit est refusé aux résidents de Qaddum ? Les Juifs de Kedumim sont-ils supérieurs aux Palestiniens de Qaddum ? Après tout, ils partagent la même terre et vivent sous le même gouvernement. Mais la propagande sioniste a toujours une réponse appropriée à tout mal perpétré en son nom.

Participer à une élection dans un régime d'apartheid est problématique, presque impossible. Néanmoins, nous allons tous nous déguiser en démocrates mardi et aller voter. Aucune personne de conscience ne peut voter pour quiconque soutient la poursuite du régime actuel, dans lequel une partie de la population de ce pays vit sous une tyrannie militaire. Aucun vrai démocrate ne peut voter pour un parti qui a gravé sur sa bannière la continuation de la suprématie juive, ce qu'implique le sionisme. Tous les partis juifs, du Otzma Yehudit au Meretz, soutiennent la continuation d'un État juif, qui ose s'appeler démocratie, dans une réalité binationale. C'est pourquoi ils ne peuvent être pris en considération par quiconque prend une décision en toute conscience.

Il n'est pas facile de le dire, il est difficile de l'écrire, mais tout vote pour un parti sioniste est un vote pour la poursuite d'une tyrannie se faisant passer pour une démocratie.

29/10/2022

LUIS CASADO
Graffiti

Luis Casado, 29-10-2022

¿Y por qué hube de ser yo el que fuera el apaleado? (Quelentaro)

Hay muros que fueron editados... y publicados. Esos que ostentan inscripciones llamadas "Graffiti", o rayados, las más de las veces con frases inteligentes nacidas al calor de un combate... Para instruirse, a veces hay que leer los muros...


Mayo'68 en París: "Vivir sin interrupciones" "Gozar sin trabas"

A lo largo y ancho de mis viajes por el mundo siempre hubo un elemento común: la salpimienta de los graffiti. Ellos exigen estar atento a la literatura que ofrecen los muros. Muros exteriores, en calles canallas, destartaladas y de pobre reputación, o bien muros interiores, frecuentemente alicatados como conviene a las pissotières, edículos, urinarios, vespasianas, cagaderos, letrinas, toilettes o gogues según sea tu cariño.

En mis recuerdos figura un domingo franco y aburrido que pasé solo en Montevideo, hasta encontrar en sus calles un ceremil de frases para el bronce cuya abundancia daba de qué llenar un libro. Libro que por lo demás ya había sido publicado para solaz de los amantes de la chispa, las ocurrencias y nuestra bella lengua castellana.

El título de esa joya: Contra cualquier muro – Los graffiti de la transición 1985-1989. El orfebre fue Eduardo Roland, quien recogió cuidadosa y amorosamente esos estallidos de inteligencia, de humor y de significados profundos que me dieron la sensación de aprender filosofía mientras caminaba sin rumbo preciso.

Allí recogí en mi memoria esa oración que reza:

“Ánimo compañeros, la vida puede más…”

Mensaje de esperanza cuando en Chile corrían los tiempos de la dictadura en bruto, mucho antes de la dictadura en brote y en brete.

Mi acendrado ateísmo racionalista se sintió confortado al leer

“Dios no existe. Alejandro.”

Unos metros más allá otro graffiti me envió de regreso a la Biblia:

“Alejandro no existe. Dios.”

Lo que hizo venir a mi memoria chispazos más antiguos… Como esa frase atribuida al anarquista ruso Piotr Alexeievitch Kropotkin:

“La única iglesia que ilumina es la que arde…”

Como quiera que sea –no hemos inventado nada– los graffiti existían hace siglos. Se cuenta que en lugares inaccesibles de Nôtre Dame de Paris las piedras de los muros llevan salaces inscripciones hechas por los artesanos que la construyeron. A fin de cuentas nuestros amigos uruguayos no hacían sino emular con brío a los jóvenes de Mayo’68, esos que querían Tomar el cielo por asalto y escribieron en el Barrio Latino:

“La barricada cierra la calle, pero abre el camino”

O bien el inolvidable

“Sous les pavés la plage…”

(bajo el empedrado está la playa…): los adoquines eran arrancados del suelo para combatir a las fuerzas represivas.

La revolución de Mayo’68 también nos dejó un radical: “Seamos realistas. Pidamos lo imposible”. Y el recuerdo de las ansias de libertad del joven que rayó un muro para preguntar:

“¿Cómo pensar libremente a la sombra de una capilla?”

E incluso las amargas palabras que “N”, mi amigo rancagüino, leyó en La Sorbona:

“Obrero, si quieres ser libre… ¡ahórcate!”

Los graffiti de Mayo’68 también fueron objeto de un libro, uno de cuyos ejemplares forma parte de lo más preciado de mi modesta biblioteca. De ahí que cuando visité la librería básicamente elemental de Voulx, pueblito de apenas 1.761 habitantes en la provincia de Seine et Marne (Francia), me apresurase a poner en el montoncito de libros que compré (Rimbaud, Boris Vian, Sade, George Orwell, Balzac…) un ejemplar de Les Murs se Marrent (los muros se matan de la risa), recopilación de graffiti de Régis Hauser.

Lo que Hauser revela son chispas provenientes mayormente de sitios como el descrito por Cervantes, tú ya sabes, ese “…lugar sagrado donde acude tanta gente, hace fuerza el más cobarde y se caga el más valiente…"

Hauser y quienes tuvieron la amabilidad de enviarle frases descubiertas al azar de una meada aleatoria en letrinas improbables, nos permiten acercarnos a estas erupciones neuronales que provocan admiración, sonrisas y un no disimulado placer.

Entre otras perlas encontradas en Les Murs se Marrent…

Coca-Cola = Caca écolo… y que viva el tinto

Aquí había menos alemanes durante la guerra…

Puta: persona pública que incita, promete, se hace pagar por adelantado y te coge
Diputado: ídem

Haz el amor, no la guerra
Hice los dos: hace 20 años que estoy casado…

Tú, que te alivias en este edículo, honorable lector, tienes el futuro entre tus manos
Por lo que veo no cuentes con una familia numerosa…

Marca Registrada
(al lado de una mancha de dudosa proveniencia)

¿Soy realmente responsable si tengo este complejo de culpabilidad?

¿Dónde crece el cáñamo que servirá para colgar a los políticos?
¿Dónde crecen los pinos con que haremos sus féretros?

Dios existe
Desde luego, la prueba es que te respondo, hijo…

En caso de incendio no use el ascensor
Use el extintor…

Micción Imposible

La vida es una enfermedad transmisible sexualmente

Coito Ergo Sum

Si mi tía tuviera dos, la llamaría mi tío…
Si mi tío tuviera dos, llamaría a mi tía…

Estefanía de Mónaco toca los cojones…
¿Dónde? ¿A qué hora?

Este Restaurant tiene dos especialidades: el pollo y la mesera
Yo prefiero el pollo…

Siempre tube amvisioneh
Ahora soi funsionario de karavineroh

No sé tú, pero a mí estos ramalazos de inteligencia me alegran la vida, me dan la impresión de devenir más astuto, me devuelven la fe en la especie humana… A mí, que afecciono las frases que atravesaron siglos para llegar hasta nosotros, con su carga explosiva de racionalidad e inteligencia. Yo las uso en la banderola de POLITIKA, como una suerte de homenaje a quienes compartieron sus agudas reflexiones con generaciones que no tenían ninguna posibilidad de conocer. He aquí algunas:

Un cínico es un hombre que conoce el precio de todo y el valor de nada (O. Wilde)

Los EEUU son un país que pasó directamente de la barbarie a la decadencia sin haber conocido jamás la civilización (O. Wilde)

Si os dan papel pautado, escribid del otro lado… (J.J. Jiménez)

Ud. piensa demasiado, dijo Montag, incómodo… (Ray Bradbury – Fahrenheit 451)

¿Ud, es feliz?, preguntó Clarisse. ¿Qué si yo soy qué?, respondió Montag (Ray Bradbury – Fahrenheit 451)

La vida hay que vivirla, que es para lo único que sirve (Marcos Mundstock)

Jesús no dijo “Amaos los unos a los otros, sino Armaos los unos a los otros”

¡Osad! Esta palabra resume toda la política de nuestra revolución (Saint-Just)

La política es el arte de mentir de adrede… (Voltaire)

El mejor régimen político es la monarquía absoluta moderada por el asesinato… (Stendhal)

Todas estas reflexiones me hacen tomar caldo de cabeza, me obligan a reflexionar, a cuestionar la cuestión y a consolidar –o a modificar– opiniones que creía construidas en hormigón armado.

Por cierto, también hay citas de algunos enanos mentales, –al parecer la Naturaleza adora las simetrías–, que dan cuenta de la profundidad a la que se encuentra el ancla del fascismo. A título de vacuna indolora he aquí algunas que merecen el desvío:

A mí lo que no me gusta de la reforma educativa es la palabra ‘laica’ (Jorge Burgos)

La nueva constitución no tiene por qué ser de Golpe… (Jorge Pizarro)

Legalizar la eugenesia significa que se acabó la Teletón… (Gustavo Hasbún)

Solo una maquinación intelectual es capaz de decir que la mujer tiene derecho a decidir sobre su cuerpo (José Antonio Kast)

Una mujer violada no está en condiciones de pensar (Iván Flores)

Antes de abortar hay que preguntarle al feto (Andrea Molina)

Por alguna razón, aparte Mein Kampf y alguna cosilla de Mussolini, estas ‘gracias’ no han sido publicadas sino por POLITIKA, en su afán de demostrar que lo que Natura non da… Salamanca non presta.

JIM BOVARD
El espejismo de la inteligencia de Washington
Sobre las confesiones tardías del senador Pat Leahy

 

Jim Bovard, libertarianinstitute.org, 24/10/2022
Traducido por María Piedad Ossaba, editado por Fausto Giudice, Tlaxcala

James Bovard (1956) es un escritor y conferencista libertariano usamericano cuyos comentarios políticos se centran en ejemplos de derroche, fracasos, corrupción, amiguismo y abusos de poder en el gobierno. federal Es columnista de USA Today y colabora frecuentemente con The Hill. Es autor de Public Policy Hooligan (2012), Attention Deficit Democracy (2006), Lost Rights: The Destruction of American Liberty (1994) y otros 7 libros.  Ha escrito para el New York Times, Wall Street Journal, Washington Post, New Republic, Reader 's Digest, The American Conservative y muchas otras publicaciones. Sus libros han sido traducidos al español, árabe, japonés y coreano. Sus artículos han sido denunciados públicamente por el jefe del FBI, el Director General de Correos, el Secretario de HUD (Departamento de Vivienda y Desarrollo Urbano), y los jefes de la DEA  (Administración de Control de Drogas), FEMA (Agencia Federal de Gestión de Emergencias), y EEOC (Comisión de Igualdad de Oportunidades de Empleo) y numerosas agencias federales. (Como dijo Mao Zedong, “Ser atacado por el enemigo no es algo malo sino algo bueno”).

“Puedes enviar a un hombre al Congreso, pero no puedes hacerlo pensar”, bromeó el humorista Milton Berle en la década de 1950. Para actualizar a Berle: Puedes gastar 60 mil millones de dólares al año en agencias de inteligencia, pero no puedes obligar a los políticos a leer sus informes. En cambio, la mayoría de los políticos siguen siendo incorregiblemente ignorantes y desesperadamente cobardes cuando los presidentes arrastran a USAmérica  en nuevos fiascos ultramarinos

Reporting for Duty, por Clifford K. Berryman, 2 de abril de 1917: los representantes de las dos cámaras se paran ante el presidente Wilson, que se dispone a pedir su apoyo para la declaración de guerra a Alemania

La docilidad del Congreso ha estado allanando el camino a la guerra desde al menos la era de Vietnam. En 1964, el presidente Lyndon Johnson invocó un supuesto ataque norvietnamita contra un destructor usamericano en el Golfo de Tonkín para que el Congreso aprobara una resolución que daba a LBJ el poder ilimitado para atacar Vietnam del Norte. LBJ había decidido a principios de ese año atacar Vietnam del Norte para relanzar su campaña de reelección. El Pentágono y la Casa Blanca rápidamente reconocieron que las acusaciones centrales detrás de la resolución del Golfo de Tonkín eran falsas, pero las utilizaron para santificar la guerra.

Cuando la historia oficial de los ataques del Golfo de Tonkín comenzó a desenmascararse en las audiencias secretas del Senado de 1968, el secretario de Defensa Robert McNamara proclamó que era “inconcebible que alguien remotamente familiarizado con nuestra sociedad y sistema de gobierno pudiera sospechar la existencia de una conspiración” para llevar a USAmérica a la guerra con falsos pretextos. Pero la indignación no puede sustituir hechos concretos. El Senador Frank Church (Demócrata-Idaho) declaró: “En una democracia no se puede esperar que la gente, cuyos hijos son asesinados y serán asesinados, ejerzan su juicio si se les oculta la verdad”. El presidente de la Comisión, el Senador J. William Fulbright (Dem-Arizona), declaró que, si los senadores no se oponían a la guerra en ese momento, “no somos más que un apéndice inútil de la estructura gubernamental”. Pero otros senadores bloquearon la publicación de un informe del Estado Mayor sobre las mentiras detrás del incidente del Golfo de Tonkín que impulsaba una guerra que estaba matando a 400 soldados usamericanos por semana. El Senador Mike Mansfield (Dem- Montana) advirtió: “Les darán a las personas que no están interesadas en los hechos una oportunidad de explotarlos y magnificarlos fuera de toda proporción”. La misma presunción ha protegido cada debacle militar posterior (de USA.

Los congresistas perezosos y cobardes siempre allanaron el camino para la carnicería en el extranjero. En octubre de 2002, antes de la votación de la resolución del Congreso para permitir al presidente George W. Bush hacer lo que quisiera con Irak, la CIA entregó una evaluación clasificada de 92 páginas de las armas de destrucción masiva de Irak en el Capitol Hill (el Congreso). El informe clasificado de la CIA planteaba muchas más dudas sobre la existencia de armas de destrucción masiva iraquíes que el resumen ejecutivo de 5 páginas que recibieron todos los miembros del Congreso. El informe se conservó en dos salas seguras, una para la Cámara y otra para el Senado. Solo seis senadores se tomaron la molestia de visitar la sala para examinar el informe, y solo un “puñado” de miembros de la Cámara hicieron lo mismo, según The Washington Post. El Senador John Rockefeller (Dem-Virginia occ.) explicó que los congresistas estaban demasiado ocupados para leer el informe: 'Todo el mundo quiere venir a vernos' a nuestra oficina, e ir a la sala segura no es 'fácil'.”

GIDEON LEVY
Mahmoud Samudi, un garçon de 12 ans, va vendre de l'eau à un carrefour, et est abattu

 Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 28/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Mahmoud Samudi vendait des bouteilles d'eau dans le camp de réfugiés de Jénine pour gagner de l'argent de poche. Une jeep s'est arrêtée en face de lui pendant un raid de l'armée et un soldat à l'intérieur du véhicule a commencé à tirer sur un groupe de lanceurs de pierres. Samudi, à peine âgé de 12 ans, a été grièvement blessé et est mort deux semaines plus tard. Il est le plus jeune Palestinien à être tué à Jénine cette année


Le père endeuillé, Mohammed Samudi, chez lui à Al Yamun, cette semaine. Lui et deux autres fils travaillaient dans le Golan et n'avaient pas vu Mahmoud depuis près de trois semaines.

Du côté est de la ville d'Al Yamun, à l'ouest du camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie. La cour de la maison familiale de trois étages est remplie de plantes et de fleurs. Une photo de Mahmoud Samudi est accrochée au mur extérieur près de l'entrée. Un homme en survêtement noir porte une barbe de deuil, et une photo du défunt Mahmoud pend sur un pendentif autour de son cou. C'est le père endeuillé, Mohammed Samudi, 43 ans. À côté de lui est assis son frère, l'oncle en deuil, Abdu, un métallo de 41 ans qui parle couramment l'hébreu. Dans cette maison il y a beaucoup de douleur mais pas de larmes.

Mahmoud, 12 ans, a été abattu par un soldat de Tsahal le 28 septembre à Jénine et est décédé 13 jours plus tard dans un hôpital de Ramallah. C'était un élève de cinquième année, un garçon qui se rendait parfois à Jénine pour vendre des bouteilles d'eau aux automobilistes qui passaient aux carrefours, comme moyen de gagner un peu d'argent de poche.

C'est la saison des olives. Le long de toutes les routes du nord de la Cisjordanie, les familles sont dans leurs oliveraies– c'est la seule partie de la Cisjordanie où il n'y a pas de colons – et les vues sont impressionnantes.

Mohammed, le père endeuillé de Mahmoud, travaillait aussi jusqu'à récemment avec ses fils à la récolte des olives, non pas sur les terres d'Al Yamun mais à Givat Yoav sur le plateau du Golan. Il était là, travaillant dans des oliveraies israéliens, quand il a reçu la terrible nouvelle que son jeune fils avait été grièvement blessé. Il n’avait pas vu Mahmoud depuis 20 jours, puisque Mohammed et deux de ses autres fils s’étaient mis à récolter des olives pour les Juifs dans le Golan, et à dormir dans une tente de fortune près de Tibériade dans un espace réservé pour eux par le patron juif.


28/10/2022

YOSSI MELMAN
« Israël aura honte de ne pas avoir été à nos côtés » : Oleksii Reznikov, ministre ukrainien de la Défense

 Yossi Melman, Haaretz, 27/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

L’indécision israélienne concernant la guerre en Ukraine est à la fois une erreur morale et stratégique, a déclaré le ministre de la Défense ukrainien Oleksii Reznikov à Haaretz dans une interview exclusive. La Russie pourrait rétribuer l'Iran pour son aide en renforçant son projet nucléaire alors qu'Israël ne fait rien

Le ministre ukrainien de la Défense, Oleksii Reznikov, arrive à une réunion des ministres de la Défense de l'OTAN à Bruxelles ce mois-ci. Photo : Kenzo Tribouillard/AFP

Il y a à peine trois mois, une équipe d'assassins a tenté de tuer Oleksii Reznikov, mais le ministre ukrainien de la Défense dit qu'il n'a pas peur. « Même s'ils me tuent, cela ne changera rien », a-t-il déclaré à Haaretz cette semaine, dans une interview exclusive, la toute première avec un média israélien. L'Ukraine compte un million de personnes servant dans l'armée, les services de sécurité, la police et d'autres organisations – qui sont ensemble contre l'agression de Vladimir Poutine, a déclaré Reznikov. « S'ils me tuent, rien ne changera, parce qu'il y aura plus de gens pour défendre l'Ukraine. Quelqu'un d'autre prendra ma position, et nous poursuivrons la lutte pour la liberté et l'indépendance du pays. Je suis certain que nous vaincrons l'ennemi et gagnerons. »

L'entretien avec Reznikov s'est déroulé en anglais, lundi 24 octobre sur Skype, environ deux heures après sa conversation téléphonique – après de nombreux mois sans contact – avec le ministre israélien de la Défense Benny Gantz. Reznikov avait l'air détendu, calme et concentré. Il n'a pas éludé une seule question, mais au début de l'entretien, il a particulièrement essayé d'utiliser le langage diplomatique. « Nous avons eu une conversation chaleureuse », a dit Reznikov à propos de son appel avec Gantz. « Je lui ai souhaité bonne chance pour les élections et nous avons discuté de toutes les menaces auxquelles l'Ukraine était confrontée à la suite de l'invasion russe. »

Mais plus tard, le ministre a choisi ses mots moins soigneusement, et a exprimé sa déception et sa frustration à l'égard de la politique d'Israël ménageant la chèvre et le chou dans la guerre. « Quand je parle avec mes collègues, je comprends que tout le monde a son propre programme, et Israël a son propre programme, surtout avant les élections, et je suis conscient de ses considérations et de ses intérêts aussi, mais néanmoins je trouve difficile de comprendre pourquoi [Israël] agit de cette façon. »

Comment ça ?

« J'ai expliqué à mon collègue, Benny Gantz, que la Russie a utilisé des drones iraniens… pour frapper des installations civiles ukrainiennes… Au début, il a été dit que ces drones ne servaient qu’à la collecte de renseignements. Mais très rapidement, il s'est avéré que ce sont des drones d'attaque, qui attaquent la population civile sans défense et les biens de tous les citoyens ukrainiens, indépendamment de la religion ou de l'appartenance ethnique. »

Des institutions juives, y compris des synagogues et des cimetières ont été endommagés, a-t-il dit, et pour Rosh Hashanah, des drones iraniens ont survolé les dizaines de milliers de Juifs qui étaient venus en pèlerinage annuel dans la ville d'Uman : « Les drones ont ciblé et frappé les synagogues et autres sites juifs, y compris ceux liés à Israël, comme à Kiev, le lieu de naissance de Son Excellence, la distinguée Première ministre d'Israël, Golda Meir. »

SUPRIYO CHATTERJEE
Un curry korma pour la Britannia blanche : Rishi Sunak Premier ministre

Supriyo Chatterjee, Tlaxcala, 28/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Près de deux siècles après que Thomas Babington Macaulay,
peut-être l'idéologue le plus éloquent de l'empire britannique, eut rédigé sa vision de la création d' « une classe qui puisse être l'interprète entre nous et les millions de personnes que nous gouvernons ; une classe de personnes, indiennes par le sang et la couleur, mais anglaises par le goût, les opinions, la morale et l'intellect », l'un de ses produits gouverne maintenant la Grande-Bretagne. Ce n'est pas sans importance, mais ce n'est pas non plus une revanche des indigènes périphériques sur la métropole. Il s'agit plutôt d'un triomphe des intérêts de classe sur la couleur de peau de tous les côtés.

Rishi Sunak (ou Rashid Sanook, comme l’a appelé le comique en chef Joe Biden) est jeune, riche, très riche, soigné comme le sont les hommes de sa classe, et un enfant de l'Empire qui ne s'en cache pas. Ses grands-parents ont migré du Pendjab vers l'Afrique et ses parents se sont installés en Grande-Bretagne. En Afrique, les Indiens étaient des travailleurs qualifiés et des commis et servaient de contremaîtres pour superviser la main-d'œuvre africaine. Ils jouaient le rôle d'intermédiaires coloniaux que Macaulay leur avait assigné, cette fois sur un continent étranger.

Les Africains détestaient largement ces colons indiens. La plupart d'entre eux, en tant qu'orientalistes de couleur, suivirent leurs maîtres coloniaux en Grande-Bretagne, préférant affronter le racisme des Britanniques blancs plutôt que de rester dans l'Afrique indépendante ou de retourner en Inde. Le contingent afro-indien, comme la Brigade chinoise de Hong Kong, est férocement fidèle à la Grande-Bretagne et croit en l'idée de son empire civilisé.

Le jeune Sunak, né en Grande-Bretagne, a bénéficié d'une éducation privée privilégiée, a travaillé dans le secteur financier, notamment chez Goldman Sachs, comme le font les yuppies indiens de caste supérieure qui réussissent, car cela n'implique pas de travail manuel, et a épousé la fille d'un milliardaire indien. La plupart des richesses de la famille Sunak proviennent du côté de sa femme, mais elle a maintenant le droit de vivre à Downing Street, un privilège que l'argent peut acheter s'il est investi intelligemment.

En tant qu'enfant fidèle de l'empire, le foyer politique de Sunak est le parti conservateur, qui croit en la devise de Mme Thatcher, à savoir que la cupidité est une bonne chose. Il est le membre du Parlement le plus riche, deux fois plus riche que le roi Charles, et on murmure qu'il a mis de l'argent de côté sur des comptes bancaires offshore. On a découvert que sa femme évitait les impôts en Grande-Bretagne et il a été condamné à une amende pour avoir violé les normes covidiennes. Bref, ses références pour le parti de la loi et de l'ordre sont incontestablement impeccables.

Sunak est un Premier ministre accidentel. Il est au parlement depuis seulement sept ans. En tant que Chancelier pendant le confinement covidien, sa gestion de l'économie se situait entre la médiocrité et le désastre. Il a eu de la chance que Boris Johnson et Liz Truss aient trébuché dans leurs fonctions.  Le parti travailliste d'opposition a purgé son aile socialiste et s'est refondu en équipe B de l'establishment. Le Brexit a radicalisé la base conservatrice, si bien que Sunak a dû être nommé plutôt qu'élu par les membres du parti, qui auraient à nouveau voté Boris.

Les adversaires de Sunak se sont retirés de la course sans dire pourquoi ni qui les avait persuadés de le faire et les hommes de l'ombre ont adoubé Sunak comme leur homme. La version britannique de l'État profond a vu en lui une paire de mains sûres, leur meilleur pari dans un champ médiocre. Sunak n'est pas le premier chef de gouvernement d'origine indienne en Europe : l'Irlande et le Portugal en ont déjà eu. Sa position de Premier ministre britannique de couleur est néanmoins une nouveauté. Macaulay était peut-être un visionnaire, mais il est difficile de croire que même lui aurait prédit que la classe dirigeante britannique aurait un jour besoin d'un “indigène assimilé” pour garder la population blanche sous contrôle. Pire, la menace d'Enoch Powell de rivières de sang a été réduite à un torrent écumant de curry insipide.

SUPRIYO CHATTERJEE
Rishi Sunak PM: Karma curry for white Britannia

Supriyo Chatterjee, Tlaxcala, 28/10/2022

Almost two centuries after Thomas Babington Macaulay, perhaps the most eloquent ideologue of the British empire, drafted his vision of crafting “a class who may be interpreters between us and the millions whom we govern; a class of persons, Indian in blood and colour, but English in taste, in opinions, in morals, and in intellect”, one of his products now governs Britain. This is not without significance, but neither is it a revenge of the peripheral natives on the metropolis. More a triumph of class interests over skin colour on all sides.

Rishi Sunak (or Rashid Sanook, as comedy gold Joe Biden called him) is young, rich, very rich, well-groomed as men of his class are,  and an unapologetic child of the Empire. His grandparents migrated to Africa from Punjab and his parents moved to Britain. In Africa, the Indians were skilled workers and clerks and supervised African labour. They played the part of colonial intermediaries that Macaulay had set out for them, this time in an alien continent.

The Africans largely detested these settler-colonial Indians. Most of them, as Orientalists of colour, followed their colonial masters back to Britain, preferring to face the racism of the white Britons to staying in independent Africa or returning to India. The African Indian contingent, like the Hong Kong Chinese brigade, is ferociously loyal to Britain and believes in the idea of its civilised empire .

Young Sunak, born in Britain, had privileged private education, worked for the financial sector, including at Goldman Sachs, as successful higher-caste Indian yuppies do since it does not involve manual labout and married the daughter of an Indian billionaire. Most of the Sunak family wealth comes from his wife's side, but now she gets to live in Downing Street, a privilege money can buy if cleverly invested.

As a loyal child of the empire, Sunak's political home is the Conservative Party where they believe in Thatcher's motto of greed is good. He is the richest member of Parliament, twice as rich as King Charles, and there are whispers that he has put away money in offshore bank accounts. His wife was found to be avoiding taxes in Britain and he was fined for violating Covid norms. In short, there can be no questions of his impeccable credentials for the party of law and order.

Sunak is an accidental Prime Minister. He has been in parliament for only seven years. As Chancellor during the Covid lockdown, his handling of the economy was somewhere between poor and disastrous. He was lucky that Boris Johnson and Liz Truss both stumbled in their jobs.  The opposition Labour Party has purged its Socialist wing and recast itself as an establishment B team. Brexit has radicalised the Conservative rank and file, so Sunak had to be appointed rather than elected by party members, who had have voted Boris in again.

Sunak's opponents withdrew from the race without saying why or who had persuaded them to and the men in the shadows annointed Sunak as their man. The British version of the deep state saw in him a safe pair of hands, their best bet in a mediocre field. Sunak is not the first ethnic Indian head of government in Europe: Ireland and Portugal have had them before. His position as a British Prime Minister of colour is nevertheless a novelty. Macaulay might have been a visionary, but it is difficult to believe that even he would have predicted that the British ruling class would one day need a “learned native” to keep the white population in check. Worse, Enoch Powell's threat of  rivers of blood has been reduced to a foaming torrent of tasteless curry.

 

 

 

27/10/2022

ADAM RAZ
Pourquoi Israël a secrètement décidé d'effacer la Ligne verte des cartes

Adam Raz, Haaretz, 9/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

النسخة العربية  لماذا قررت إسرائيل محو الخط الأخضر سراً؟

Les procès-verbaux des réunions très secrètes du cabinet en 1967 révèlent comment la décision d'effacer la Ligne verte de la carte officielle d'Israël a été prise. Et ce n'était pas la seule chose qui a été effacée

Une tempête médiatique a éclaté le mois dernier à la suite de la décision de la municipalité de Tel-Aviv d'accrocher dans les salles de classe des cartes d'Israël montrant la Ligne verte – la ligne d'armistice sur laquelle Israël et ses voisins se sont mis d'accord en 1949, à la suite de la guerre d'indépendance d'Israël. Jusqu'en 1967, cette ligne représentait la frontière orientale de facto d'Israël et délimitait son territoire souverain. La ligne n'est pas apparue sur les cartes officielles de l'État d'Israël pendant toutes les années de l'occupation, et ce délibérément, à la suite de décisions secrètes prises par le cabinet de sécurité à la fin de 1967. Au lieu de la Ligne verte, il a été décidé de désigner les frontières (non officielles) d'Israël par les lignes de cessez-le-feu de la guerre de six jours qui a eu lieu en juin de la même année, englobant les territoires de la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), la bande de Gaza, la péninsule du Sinaï et les hauteurs du Golan.

Depuis lors, les cartes officielles imprimées par Survey of Israel, le service cartographique gouvernemental, n'ont pas établi de distinction entre le territoire de l'État tel qu'il était à la veille de la guerre de 1967 et ce qu'il comprenait par la suite. Dans la pratique, comme le montre la carte officielle, Israël (et non « État de » ni « Terre de ») s'étend de la mer Méditerranée, à l'ouest, au Jourdain, à l'est. La décision politique de 1967 d'effacer la ligne de la carte officielle a peut-être eu pour but de laisser ouvertes toutes les options concernant l'avenir de ces territoires. Toutefois, avec l'établissement de colonies de peuplement dans les territoires occupés et leur transformation, aux yeux de beaucoup, en une partie intégrante d'Israël, l'effacement de la ligne est passé d'un exercice cartographique à une réalité politique. La Ligne verte a en fait été oubliée et, pour de nombreux Israéliens, elle n'existe plus concrètement.

La réaction du maire Benny Kashriel, de Ma'aleh Adumim, une colonie urbaine en Cisjordanie, à la décision de la mairie de Tel-Aviv reflète fidèlement la réalité politique d'Israël. Selon Kashriel, « l'État de Tel-Aviv et ses dirigeants pensent que les frontières de la Terre d'Israël se terminent à Gush Dan [agglomération de Tel-Aviv]. Je les invite à quitter Sheinkin et Ibn Gavirol [rues de Tel-Aviv] et à venir nous voir à Ma'aleh Adumim pour voir de près ce qu'est une colonie. »

Au-delà du verbiage anti-Tel Aviv, qui est à la mode dans certains milieux, la position du maire, selon laquelle Ma'aleh Adumim fait partie d'Israël, reflète une position étatique de longue date. En effet, hityashvut (le terme politiquement neutre utilisé par Kashriel pour « colonisation », au lieu de hitnahlut, le mot habituellement employé, parfois de manière dérisoire, pour désigner la colonisation dans les territoires occupés) est un projet d'État. Cependant, comme les décideurs l'ont très bien compris, il était nécessaire d'être ambigu dès le départ sur la question.

Ainsi, en octobre 1967, lors d'une réunion du comité ministériel sur la sécurité concernant la « disparition » de la Ligne verte, le projet de colonisation n'étant pas encore à l'horizon, le ministre de la Défense Moshe Dayan a clairement indiqué que, selon certains, « nous ne devrions pas manifester nos intentions expansionnistes ». Depuis lors, Israël a clairement manifesté ses intentions. De son côté, le ministre sans portefeuille Menahem Begin a déclaré qu'il « n'était pas d'accord avec le terme « expansion » [hitpashtut, en hébreu], tout comme je n'étais pas d'accord avec le terme « occupation ». C'est une très mauvaise phraséologie. » 

Cartes officielles d'après les guerres de 1948,  1967 et 1973

 

Un certain nombre de réunions des hauts dirigeants israéliens en octobre et novembre 1967 ont été consacrées à l'avenir de la Ligne verte sur des cartes publiées par l'État. Pour les participants, il était clair que la décision sur le sujet n'était pas anodine. À la suite de la décision prise par le gouvernement à l'automne d'annuler les lignes d'armistice de 1949, le ministre du Travail, Yigal Allon, a soumis une résolution au comité ministériel sur la sécurité. Allon dit : « Ma proposition est simple. Prendre un instantané de la vraie réalité reconnue, telle qu'elle est. » 

 

« Assis sur de nouvelles lignes »

Ce qu'il voulait dire, c'est que l'État devrait publier des cartes basées sur le « statut du cessez-le-feu » dans la guerre des Six Jours et non sur celui des lignes d'armistice de 1949. En d'autres termes, effacer la frontière orientale reconnue d'Israël de la carte officielle. Comme l'a expliqué Allon lors d'une des réunions : « La logique est la suivante : le gouvernement a décidé que lors de la déclaration de la guerre des Six Jours, les accords d'armistice ont cessé d'exister, avec tout ce que cela implique. S'il n'y a pas de lignes d'armistice, il n'y a pas de frontières... Nous sommes assis sur de nouvelles lignes, qui ont le statut de lignes de cessez-le-feu. »

Pratiquement tous les ministres étaient en faveur du projet de résolution. Le Premier ministre, Levi Eshkol, l'a accepté, expliquant dans l'une des discussions : « C'est aujourd'hui une carte qui n'est qu'un instantané de la situation existante. [Mais] cela ne signifie pas que c'est la carte finale. » Les ministres étaient conscients des implications de leur décision. Le ministre du Commerce et de l'Industrie, Zeev Sherf, a noté que « la publication d'une carte du service cartographique gouvernemental est un acte politique, important et grave ». C'est pourquoi Eshkol a dit qu'il « préférerait que nous n'ayons pas d'opinions divergentes à ce sujet ».

Le ministre de la Police Eliahu Sasson, qui était également en faveur de la décision, a expliqué la logique qu'il y a trouvée : « Les territoires administrés sont trois fois plus grands que la zone précédente de l'État d'Israël. Il y a des pays qui savent que nous avons conquis tel ou tel territoire, mais ils n'imaginent pas la taille des territoires que nous avons conquis. Si nous leur donnons une carte sur laquelle nous marquons séparément les territoires administrés par les Forces de défense israéliennes, ils verront à quel point Israël était minuscule et quelle est la taille des territoires administrés. Nous ne devrions pas placer une telle carte entre les mains de ceux qui veulent que nous nous retirions des territoires administrés. »

Les discussions ont porté sur divers points. L'un des plus intéressants d'entre eux concernait le titre de la carte : « État d'Israël » ou simplement « Israël » ? « Nous avons convenu, nota Allon, que pour éviter les allégations d'annexions et autres, le titre de la carte serait ‘Israël’ et le sous-titre ‘Carte des lignes de cessez-le-feu’. »

Un débat a été consacré à la question de la censure et à la crainte que la décision d'effacer cette ligne ne devienne publique avant la réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies, prévue quelques semaines plus tard, début novembre. C'est le ministre des Affaires étrangères Abba Eban qui a demandé que les cartes ne soient imprimées qu'après les sessions de l'Assemblée générale, et c'est ce qui s'est passé. Cependant, ce n'était pas seulement une question de diplomatie, c'était aussi une question intérieure. En effet, Eban lui-même a déclaré dans l'une des discussions : « Je pense qu'il y a des raisons internes et externes pour effacer la ligne de la carte. »

L'une de ces raisons était probablement le désir d'établir des colonies sur les hauteurs du Golan. À l'époque, la plupart des ministres n'aspiraient pas à un vaste projet de colonisation en Cisjordanie. Mais les choses étaient différentes quand il s'agissait des hauteurs du Golan ; Allon a expliqué que laisser les cartes avec la Ligne verte dessus était quelque chose qui « ne pouvait nous contrarier que dans le cas des hauteurs du Golan ». Il avait raison. Aux yeux de la plupart des Israéliens, les colonies de peuplement qui ont été construites sur les hauteurs du Golan depuis lors sont considérées comme des yeshuvim - terme politiquement neutre – et non comme des hitnahaluyot, le terme utilisé, comme on l'a noté, pour désigner les colonies de peuplement d'après 1967.

Le ministre de la justice Yaakov Shimshon-Shapira a également évoqué la dissimulation de la décision et ses implications. « Des cartes [des lignes] du cessez-le-feu ont déjà été publiées des dizaines de fois. Quel est le secret ici ? Le secret est que le gouvernement a décidé de publier une carte de ce genre en tant que carte officielle. » Ainsi, les décisions du comité ministériel pour la sécurité d'effacer la Ligne verte des cartes officielles ont été qualifiées de « top secret » et n'ont pas été publiées pendant des années.

L'effacement de la ligne n'avait pas pour but de délimiter une nouvelle frontière pour Israël, mais cette question a été soulevée tout au long des discussions. « Il faut qu'il y ait une note [indiquant] qu'il ne s'agit pas d'une carte des frontières du pays, mais des lignes de cessez-le-feu. Cela enlève tout le « piquant » » », a déclaré le ministre de l'Information Israël Galili. Dans la pratique, cependant, la question de la frontière a été divisée en plusieurs questions. Le directeur général du ministère de l'Intérieur, Meir Silverstone, a écrit en septembre 1967 à son ministre, Haim-Moshe Shapira, que « le ministre de la Défense (et peut-être d'autres ministres) sont favorables à une approche de « brouillage » de la frontière entre l'État et le territoire administré. Pour cette raison, ils ne veulent pas que nous nous occupions de la question par le biais d'une supervision des frontières sur la base de la loi sur l'entrée en Israël. »

« Un seul Israël »

Il convient de rappeler que la municipalité de Tel-Aviv n'a pas été le premier organisme à vouloir restaurer la Ligne verte sur les cartes – le sujet a en fait été débattu au fil des ans. Par exemple, en 2006, lorsque le ministre de l'Éducation, Yuli Tamir (travailliste), a lancé une enquête pour déterminer si la ligne pouvait être restaurée sur des cartes dans les manuels scolaires, cela a généré une brève fureur politique. Le fait que la Ligne verte n'apparaisse pas sur les cartes officielles, et que l'histoire de son existence ne soit pas correctement enseignée dans le système éducatif, a permis de reproduire pendant des décennies l'ignorance sur les limites du territoire souverain d'Israël. « Il n'y a pas de Ligne verte. Il y a un Israël. Un enfant dans [la colonie de] Karnei Shmron, dans Netivot [en Israël souverain], dans [les colonies de] Ariel ou Ofra – ils sont un seul et même enfant », a déclaré le ministre de l'Éducation Naftali Bennett des années plus tard. « Nous enseignons sur toute la Terre d'Israël, sans distinction. »

La décision d'effacer la Ligne verte des publications de Survey of Israel a également été adoptée pour d'autres cartes. En décembre 1967, par exemple, de nouvelles cartes ont été imprimées pour marquer les « nouveaux sentiers » de la Société pour la protection de la nature en Israël. « La carte contient les nouveaux sentiers qui ont été marqués dans le désert de Judée libéré, le long desquels des milliers de jeunes vont faire de la randonnée durant quelques jours pendant les sorties de Hanoukka des mouvements de jeunesse », a écrit le journal Lamerhav (l'organe du parti de Galili et Allons, les travaillistes). La Ligne verte, notait-on dans l'article, avait été « complètement retirée de la carte ».

Les considérations étaient très claires. Dans l'une des discussions sur la question, le Premier ministre Eshkol a explicitement fait référence à la considération cachée qui sous-tend l'effacement de la Ligne verte et la décision de le garder secret, disant : « Nous savons tous pourquoi une mariée vient se tenir sous le dais*. Mais nous n’en parlons pas ».

NdT

*Dais : la houppa est un dais sous lequel les mariés juifs se tiennent lors de la cérémonie de mariage, pour symboliser le foyer commun qu’ils fondent


 

Pour apporter un peu d'oxygène, quelques cartes de la Palestine, réalisées par Rami Abou Qa'adan, un jeune Palestinien de Cisjordanie, sans aucune ligne, ni verte, ni bleue. Yalla Filastin!