Éditorial, Haaretz, 31/3/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
« Nous les entendions crier et nous étions sûrs qu'ils allaient nous tuer d'une minute à l'autre. Nous avons attendu tranquillement dans l'obscurité totale sans bouger d'un pouce. Nous nous sommes ensuite débarrassés de tout ce qui avait trait à la manifestation : pancartes, mégaphone et sacs, et nous nous sommes préparés à fuir. Au bout d'une demi-heure, nous avons ouvert la porte. ... Nous n'avions aucune idée de ce qui se passait à l'extérieur, seulement que quelques instants plus tôt, il y avait eu une marche, qu'ils avaient des couteaux et des gourdins et qu'ils voulaient nous tuer ».
C'est ainsi que Yuval, un adolescent qui a manifesté contre le projet de réforme juridique du gouvernement, a décrit les moments terrifiants que lui et ses amis ont endurés dimanche à Jérusalem, lorsqu'ils ont dû se cacher dans un ascenseur par crainte des voyous de droite (Haaretz, 28 mars).
Les descriptions et les témoignages recueillis par les reporters de Haaretz cette semaine sont terrifiants : messages menaçants de militants de droite sur les médias sociaux, appels à s'armer de couteaux, de haches, de gourdins et d'armes à feu, appels à asperger les manifestants de gaz poivré pour leur « donner une leçon sur les trois derniers mois », et descriptions répétées de manifestants contraints de fuir des voyous d'extrême-droite. Comme d'habitude, l'essentiel des violences a eu lieu à Jérusalem, où les voyous ont également agressé des Palestiniens avec une violence choquante, simplement parce qu'ils étaient Palestiniens, et n'ont même pas hésité à tabasser des journalistes. Mais dans le nord également, les partisans de la droite ont barricadé les routes et décidé des personnes à laisser passer en fonction de leur identité politique. Des personnes ont également été battues dans le centre du pays.
Le fil rouge de toutes ces descriptions et témoignages est le niveau de violence utilisé par la racaille d'extrême droite, la peur qu'elle a suscitée parmi les manifestants et l'inaction de la police. Certains des agresseurs n'appartenaient à aucune organisation, mais une organisation était manifestement à l'origine de la grande majorité des agressions. Il s'agit parfois de La Familia [supporters ultras de l’équipe de foot Beutar Jérusalem], parfois de Lehava*. Si ces deux abominables organisations s'étaient comportées de la même manière en Europe, elles auraient été qualifiées d'organisations néo-nazies et mises hors la loi [oui, enfin, pas dans toute l'Europe, pas en Ukraine, par exemple, NdT]. Et c'est ce qu'Israël doit faire aussi. Après des années d'agressions criminelles, il est grand temps de prendre enfin cette mesure contre La Familia et Lehava, les versions israéliennes du Ku Klux Klan.
Les dirigeants des partis de droite, et en premier lieu le Premier ministre Benjamin Netanyahou, n'ont peut-être pas envoyé ces voyous attaquer les gens, mais ils ont certainement soutenu les attaques par leur silence honteux. Mais une condamnation ne résoudrait de toute façon plus rien. Seule la mise hors la loi des organisations et le jugement de toutes les personnes impliquées y parviendront.
NdT
* Lehava (“Flamme” en hébreu, acronyme de LiMniat Hitbolelut B'eretz HaKodesh, Prévention de l'assimilation en Terre sainte) est une organisation suprémacistes juive, post-kahaniste, dirigée par Bentzion Gopstein, qui combat violemment l'assimilation juive, s'opposant à la plupart des relations personnelles entre juifs et non-juifs, en particulier les mariages, interdits par la loi juive orthodoxe mais aussi les plage mixtes, les entreprises juives employant des non-juifs, les propriétaires louant à des non-juifs. Elle s'oppose à la présence chrétienne en Israël et aux demandeurs d’asile africains et lutte contre le métissage. Le groupe compte plus de 10 000 membres. Un de leurs slogans les plus rigolos : « Voulez-vous que votre petit-fils s'appelle Ahmad Ben Sarah ? »
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