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19/07/2023

EL DIARIO
Une juge ouvre une procédure pénale contre Ada Colau pour avoir suspendu le jumelage de Barcelone avec Tel Aviv

Pau Rodríguez / Oriol Solé Altimira, El Diario, 17/7/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La magistrate accepte dexaminer la plainte pour “prevaricación” [équivalent d’un recours en excès de pouvoir] de l’avocat Francesc Jufresa contre l’ex-mairesse et le directeur de la Coopération de la mairie de l’époque ; une juge des contentieux administratifs avait, début juillet, refusé de bloquer le décret de la mairesse qui suspendait les relations.
Une juge a ouvert une nouvelle procédure pénale contre Ada Colau, cette fois pour avoir rompu les relations de Barcelone avec Israël et le jumelage avec la ville de Tel-Aviv. La magistrate du 5e tribunal d’instruction a admis la plainte de l’avocat Francesc Jufresa, qui voit dans cette décision un délit de “prévarication” [abus d’autorité], et l’attribue à la fois à l’ancienne mairesses et à l’ancien responsable de la Justice globale et de la coopération internationale. 

Dans sa décision, rendue le 11 juillet et consultée par elDiario.es, la magistrate admet également la plainte déposée par l’Association et communication sur le Moyen-Orient, pro-israélienne, auprès du ministère public. C’est cette organisation qui avait déjà saisi la juridiction contentieuse pour demander l’arrêt du décret de la mairesse suspendant les relations, mais la juge a rejeté sa demande de mesure conservatoire visant à bloquer la décision.

Bien qu’elles concernent la même décision, les deux procédures sont différentes : dans la juridiction contentieuse, le juge annulera tout au plus la suspension des relations entre Israël et Barcelone. Mais la procédure pénale est plus grave, car Colau et son responsable de la coopération risquent d’être déchus de leurs droits d’exercer une fonction publique s’ils sont condamnés.

Les procédures judiciaires s’ajoutent à la liste des plaintes et des dénonciations que Colau et d’autres membres de son administration ont reçues dans le cadre de procédures pénales, que les membres de Barcelona en Comú en ont toujours qualifiées de guerre judiciaire, étant donné qu’à ce jour aucune d’entre elles n’a abouti à un procès : toutes ont été classées sans suite ou se trouvent dans la phase d’instruction.

La nouvelle affaire concernant la suspension des relations avec Israël consiste, une fois de plus, à transférer une divergence politique à une procédure pénale en considérant une décision symbolique comme un délit d’excès de pouvoir. L’avocat Jufresa, considéré comme l’un des ténors du barreau de Barcelone, avait déjà poursuivi Colau dans le passé pour la piétonnisation de la ville, qu’il considérait également comme un délit.

La décision de Colau de suspendre le jumelage avec Tel-Aviv a été l’une des plus controversées de sa dernière période en tant que mairesse. La cheffe de file de Barcelona en Comú l’a approuvée par décret le 9 février, mettant ainsi fin à l’accord d’amitié signé par le maire socialiste de l’époque, Joan Clos, en 1998. Les comuns s’appuyaient sur une initiative menée par la plateforme Prou Complicitat, avec plus de 4 000 signatures et le soutien de 80 organisations, qui demandait la fin de cette relation en signe de protestation contre la violation des droits humains par l’État d’Israël au sein de la population palestinienne. 

Mais Colau a été rejetée par son propre partenaire gouvernemental, le PSC [branche catalane du PSOE], et par tous les autres partis représentés au sein de la plénière municipale. À l’exception d’ERC [Gauche républicaine de Catalogne], qui s’est abstenue, tous les autres ont accusé Colau d’avoir agi “unilatéralemen” et lui ont demandé de lever la suspension. Cette décision est maintenant sur la table du nouveau maire, le socialiste Jaume Collboni, qui était contre la rupture de la relation mais qui n’a pas encore pris de décision sur ce qu’il fera (même s’il a déjà reçu une lettre du maire de Tel-Aviv). 

Le manque de compétences de Colau est mis en avant

La plainte a d’abord été déposée auprès de l’Audience nationale, car il était entendu que les effets du délit présumé se produisaient dans un autre pays, Israël, mais la réponse du tribunal a été que les tribunaux compétents étaient ceux de la capitale catalane. Les arguments avancés par les plaignants pour alléguer la “prévarication” sont que le conseil municipal n’a pas le pouvoir de prendre des décisions qui affectent la politique étrangère, ce qui correspondrait au gouvernement central, et que l’option de contourner la plénière municipale - où Colau n’avait pas la majorité - rendrait l’initiative "juridiquement irréalisable". 

La plainte souligne que Colau n’avait pas lautorité pour rompre formellement les relations avec Israël, bien que le décret approuvé ne fasse référence qu’au jumelage avec Tel Aviv. En revanche, Colau a accompagné sa décision d’une lettre adressée au premier ministre du pays, Benyamin Netanyahou, dans laquelle elle annonce qu’elle suspend “temporairement” les relations avec l’État d’Israël “jusqu’à ce que les autorités mettent un terme à la violation systématique des droits humains à l’égard de la population palestinienne”. Selon les plaignants, cette lettre a le statut d’“acte administratif”, ce que les comuns nient. 

Marc Serra, conseiller municipal des comuns, estime que la lettre est rédigée “en termes politiques”. « Un maire peut se prononcer sur les droits humains et conditionner les relations de sa ville avec un acteur comme l’État d’Israël », argumente-t-il, en rappelant que le jumelage avec Tel-Aviv - qui inclut également le jumelage avec Gaza, lequel n’a pas été suspendu - a déjà été formalisé par arrêté de la mairesse. 

“Apartheid” et “antisémitisme”

Enfin, la plainte voit également dans les actions de Colau un possible délit de haine, vu que la lettre contiendrait “toutes sortes d’invectives antisémite”, au point d’affirmer qu’Israël est un État “raciste” ou de soutenir qu’il s’agit d’un “régime militaire et autocratique qui incarne le soi-disant ‘colonialisme sioniste’”. Mais ces dernières expressions ne figurent pas dans la missive. 

Dans sa lettre, Colau qualifie d’“apartheid” ce que vit la population palestinienne en Israël, en référence à des déclarations antérieures de l’ancien secrétaire général des Nations unies, Ban-Ki Moon. Selon les plaignants, cette déclaration est “antisémite” et “génère de la haine” envers les Juifs. Serra, pour sa part, considère comme “pervers” cet argument, selon lequel, ajoute-t-il, “toute critique d’ Israël peut être considérée comme un délit de haine”. "Il confond délibérément l’Etat d’Israël et le peuple juif", souligne le conseiller des Comuns, qui ajoute que la lettre fait une distinction explicite entre l’Etat et "la population juive et sa culture dans son ensemble". 

Serra voit dans cette plainte "le même schéma" que dans les autres procès intentés à Colau au cours de ses huit années en tant que mairesse. « Ce qu’ils essaient de faire, ce n’est pas d’obtenir une condamnation, ce qui est impossible, mais de faire les gros titres et d’épuiser les dirigeants politiques », déclare-t-il. 

Avant de décider d’inculper Colau, la magistrate a demandé à la mairie le dossier de la suspension de l’accord de jumelage avec Tel-Aviv. Outre cette nouvelle affaire, cinq autres procédures sont ouvertes contre la mairesse pour des plaintes déposées par un fonds vautour et une société immobilière, des subventions à des organisations sociales et la piétonnisation. Aucune d’entre elles n’est susceptible de faire l’objet d’un procès pour le moment.

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