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15/07/2023

VIRIATO SOROMENHO-MARQUES
De Sarajevo à Vilnius, via Bucarest

Viriato Soromenho-Marques, Diário de Noticias, 15/7/2023

Versión española

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

José Viriato Soromenho Marques (nom de plume Viriato Soromenho-Marques) (Setúbal, Portugal,1957) est professeur titulaire à la faculté des lettres de l'université de Lisbonne depuis 2003. Il est diplômé en philosophie de l'université de Lisbonne (1979). Maîtrise en philosophie contemporaine de l'Universidade Nova de Lisboa, obtenue avec la soutenance d'une thèse sur La caractérisation tragique du nihilisme chez Nietzsche (1985). Doctorat en philosophie de l'université de Lisbonne, avec une thèse sur La raison et le progrès dans la philosophie de Kant (1991). Depuis 1978, il a développé une intense activité dans le mouvement associatif lié à la défense de l'environnement, ayant été - de 1992 à 1995 - président de la plus importante association environnementale nationale, QUERCUS- Association nationale pour la conservation de la nature. Membre fondateur de ZERO, en 2016. Bio-bibliographie

La guerre en Ukraine est une tragédie, comme l'était la situation dans les Balkans avant la Première Guerre mondiale. Cependant, l'attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 contre l'héritier de l'empire austro-hongrois, en fait un épisode de la tourmente balkanique, n'est resté dans les mémoires que parce qu'il a déclenché la grande hécatombe européenne et mondiale de 1914-1918. 

L'étincelle balkanique a mis le feu à l'équilibre fragile de l'Europe, qui existait depuis le Congrès de Vienne (1815) et avait été rétabli en 1871, après la fondation de l'Allemagne, à la suite des victoires rapides de Bismarck contre le Danemark, l'Autriche et la France. Dans les quelques semaines qui séparent Sarajevo de l'invasion de la Belgique par l'armée allemande le 4 août 1914, un processus d' “irresponsabilité organisée” (dixit Ulrich Beck), typique des sociétés bureaucratisées contemporaines, s'est mis en place.


Bons baisers de Vilnius, par Oli, Belgique

Un petit groupe de dirigeants médiocres (il n'y avait pas une seule personnalité marquante) refusa d'aller à la racine du problème pour trouver une alternative diplomatique à un conflit généralisé. Ils ont préféré s'en tenir au scénario des alliances et des plans de guerre existants, en aggravant la situation par quelques pincées d'ambiguïté diplomatique (voir le comportement des Britanniques). Médiocrité et dogmatisme “patriotique”, et voilà le monstre de la guerre industrielle moderne en roue libre pendant plus de 4 ans !

Le sommet de l'OTAN à Vilnius présente de dangereuses analogies avec 1914. La multitude de politiciens, de diplomates et de conseillers présents démontre le peu d'attrait actuel de la fonction publique pour le recrutement de talents et la promotion de l'esprit critique. L'OTAN semble souffrir du symptôme que Hannah Arendt a qualifié de “mensonge moderne” : l'adhésion à une falsification de la vérité factuelle qui trompe les créateurs mêmes de la falsification. Ce qui est ressorti de Vilnius, c'est l'escalade sur une voie qui pourrait transformer le prix de la guerre en cours en une hécatombe de destruction thermonucléaire dont le bilan serait des centaines de fois supérieur aux vies perdues entre 1914 et 1918.

S'il y avait eu une quelconque intelligence collective, Vilnius aurait peut-être pu se rappeler le sommet de l'OTAN à Bucarest en avril 2008, lorsque l'Alliance atlantique a invité Kiev à devenir membre. Poutine était présent. Il a expliqué les raisons pour lesquelles, pour la Russie, l'Ukraine devait rester neutre. Il l'a fait devant le secrétaire général de l'OTAN de l'époque, Jaap de Hoop Scheffer, devant le président G.W. Bush et les autres chefs d'État et de gouvernement. Il a souligné la nature “compliquée” de la formation de l'État ukrainien, avec des territoires originellement polonais, tchèques et roumains, et d'autres cédés par la Russie à l'époque de l'URSS, dont la stratégique Crimée. Il a rappelé que 17 des 45 millions d'Ukrainiens (à l'époque) étaient russophones. L'intervention s'est faite dans un esprit de conciliation (malgré les élargissements de l'OTAN en 1999 et 2004). Les propos de Poutine à Bucarest ont eu un certain écho à Paris et à Berlin, mais aucun effet à Washington.

La guerre en Ukraine ne prendra fin, et la paix en Europe ne sera rétablie, que lorsque les intérêts essentiels des différents membres du système international et européen seront pris en compte, y compris ceux de la Russie. Dans les relations internationales, la priorité est de comprendre même ce que l'on condamne. Repousser la plus grande puissance nucléaire du monde hors du concert européen et mondial, en pensant lui faire accepter une défaite sur le champ de bataille conventionnel, est un signe d'incompétence profonde et un danger pour notre survie à tous.

Un bus de l'OTAN sur lequel on peut lire “Armons l'Ukraine” et “Pendant que vous attendez ce bus, l'Ukraine attend des F-16” sur le site du sommet de l'OTAN, à Vilnius, le 11 juillet 2023. Photo Ludovic Marin / AFP

 

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