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03/08/2023

GIDEON LEVY
La capitulation est l’acte de courage le plus noblebr>Sortie due film israélien “The Stroinghold”

Gideon Levy, Haaretz, 3/8/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Dr Nahum Werbin est un héros israélien. À première vue, Werbin est un anti-héros - le moins héroïque aux yeux d’Israël, l’opposé complet des héros qu’Israël aime et vénère.

Lorsqu’il est revenu de la mission de sa vie, la plus audacieuse et la plus étonnante de toutes, il a même été interrogé par l’avocat général des armées. Il était sur le point d’être inculpé pour trahison, incitation à la rébellion ou Dieu sait quoi. Il n’est pas étonnant qu’il n’ait pas reçu la médaille du courage qu’il méritait.

Mais Werbin est un grand héros. Il y a tant à apprendre de son histoire, tant à saluer pour sa bravoure. 


Ce soir, le merveilleux long métrage de Lior Chefetz, “Le Bastion” [The Stronghold], superbement réalisé, qui raconte la chute du poste le plus au sud de la ligne Bar-Lev pendant la guerre du Kippour [octobre 1973], sortira en salles. “The Stronghold” est un film sur la bravoure de Nahum Werbin et, dans une certaine mesure, sur la bravoure de son rival, le commandant de l’avant-poste, Shlomo Erdinast, qui s’est opposé à la reddition jusqu’à ce qu’il soit persuadé et y consente, ce qui est tout à son honneur.

Cette reddition était la mesure la plus courageuse que les commandants de l’avant-poste auraient pu prendre dans leur position, après une semaine de siège suicidaire, des bombardements incessants et avec une grave pénurie de médicaments. Le médecin de l’avant-poste, le docteur Werbin, arrivé seulement un jour plus tôt, a non seulement sauvé ses patients, qu’il a soignés avec un dévouement sans bornes, mais il a également sauvé tous les soldats de la position. S’ils n’avaient pas cédé, ils seraient aujourd’hui tous enterrés dans des cimetières militaires.

Grâce à Werbin, ils ont assisté à la première d’un film festif sur eux-mêmes, avec de merveilleux acteurs jouant leurs personnages. Erdinast a fait une noble déclaration, Werbin est resté sur scène en silence et a laissé sa fille Rana lire les mots qu’il avait écrits sur le rôle d’un médecin. Et le film était déchirant.

Parfois, la reddition est l’acte de courage le plus noble. Imaginez le bastion sans Werbin. Erdinast l’aurait poussé à continuer à se battre, jusqu’à la mort. Cela aurait pu être un Masada moderne, avec tout le kitsch nationaliste répugnant, parce que c’était un combat qui n’avait aucune chance. Les fausses valeurs d’honneur et de bravoure auraient été maintenues, mais dans les cimetières. L’histoire de l’héroïsme et du sacrifice des soldats de “The Stronghold” serait enseignée dans les écoles, afin d’apprendre à une nouvelle génération qu’il est bon de mourir.

Si les 25 soldats du poste avaient été tués, comme on s’y attendait, nous chanterions des chants de deuil en leur mémoire à l’occasion de la Journée du Souvenir. Mais on ne chante pas la bravoure de la reddition, parce que céder est toujours une honte. Israël en a toujours honte. Le neveu de Werbin, l’écrivain Yishai Sarid, a attiré mon attention cette semaine sur le fait que son oncle n’a jamais présenté la capitulation comme un idéal, mais qu’il a insisté sur la réflexion angoissante qu’il a menée avant de choisir la vie. Mais on ne peut pas quitter ce film sans applaudir la reddition, qui demande parfois beaucoup plus de courage que son contraire.

La position “Stronghold” était un microcosme israélien, avec une guerre culturelle implicite entre les soldats qui allaient à la yeshiva [école religieuse] et le médecin semi-hippie de Tel Aviv qui venait pour le week-end. Lorsque j’ai rencontré Werbin, des années plus tard, il se promenait encore avec une queue de cheval dans les couloirs du service de chirurgie d’Ichilov. Werbin me connaît sur le bout des doigts. Il y a environ 25 ans, il m’a opéré au moins trois fois et a tout vu de mon intérieur. Je connaissais déjà l’histoire de sa bravoure pendant la guerre, mais le film a apporté la touche finale.

La capitulation est parfois la solution, et pas seulement en temps de guerre. Combien de fois n’avons-nous pas capitulé, juste pour ne pas céder, dans le domaine personnel et surtout national, et en avons-nous payé le prix fort ? Et qu’y a-t-il de mal à se rendre parfois ? Qu’y a-t-il de mal à sauver les soldats du bastion, même si c’est d’une manière apparemment humiliante, devant les caméras du monde entier ? Le poste du bastion, dirigé par son médecin, a choisi la vie. C’était une reddition glorieuse dont nous devrions nous inspirer.

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