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26/06/2024

RACHEL FINK
Le ministre israélien de la Diaspora, Amichai Chikli, fait l'éloge de Jordan Bardella, rompant ainsi le boycott officiel du RN par Israël

 Rachel Fink, Haaretz, 26/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le ministre israélien des Affaires de la Diaspora Amichai Chikli (Likoud) a fait l'éloge d'un discours prononcé par le président du Rassemblement national français d'extrême droite, Jordan Bardella, dans lequel celui-ci a déclaré qu'une solution à deux Etats était “caduque” et qu'un Etat palestinien relèverait d’une “reconnaissance du terrorisme”. Le bureau de Chikli déclare : « Nous avons d'excellents contacts » avec le parti de Mme Le Pen.


Marine Le Pen, lideure du Rassemblement national d'extrême droite, et Jordan Bardella, président du parti, à Paris ce mois-ci. Photo : Thomas Padilla, AP

Le ministre israélien des Affaires de la Diaspora, Amichai Chikli, a publiquement fait l'éloge d'un discours prononcé par Jordan Bardella, président du parti d'extrême droite français Rassemblement national et protégé de Marine Le Pen, dans lequel il a déclaré qu'une solution à deux États était “caduque” à la lumière des attaques menées par le Hamas le 7 octobre.

Le soutien de Chikli à Bardella, exprimé dans un message sur X mardi, constitue une rupture significative dans le boycott de longue date par Israël du parti du Rassemblement national et de son ancienne incarnation, le Front national. Toutefois, cela s'inscrit dans la continuité de l'adhésion de Chikli aux partis et factions d'extrême-droite en Europe. Le portefeuille ministériel de Chikli comprend la lutte contre l'antisémitisme dans le monde.

En réponse à une question de Haaretz demandant si le post de Chikli indiquait une révocation publique du boycott d'Israël, son porte-parole a répondu : « Le ministre est en excellent contact avec le Rassemblement national et nous sommes ravis à l'idée d'établir un dialogue productif avec eux ».

Bardella a tenu ces propos lors d'une conférence de presse qui s'est tenue lundi à l'approche des élections législatives françaises, dont le premier tour est prévu le 30 juin. Souvent décrit comme le “poster boy de l'extrême droite”, Bardella, âgé de 28 ans, serait le candidat du Rassemblement national au poste de premier ministre si le parti obtenait de bons résultats aux élections de la semaine prochaine. Marine Le Pen, figure de proue du parti, serait sa candidate à la présidence en 2027.

Lors de sa conférence de presse, Bardella a exposé le plan économique “réaliste et crédible” de son parti avant d'aborder les thèmes têtes de console de la droite, notamment la restauration de l'exceptionnalisme français et le durcissement des politiques migratoires. Il a mentionné Israël vers la fin de son intervention.

« La France a soutenu la solution des deux États au fil des ans », a déclaré Bardella. « Mais cette position est devenue caduque à la lumière des atrocités commises par le Hamas le 7 octobre. La reconnaissance d'un État palestinien en ce moment serait une reconnaissance du terrorisme et l'octroi d'une légitimité politique à un mouvement qui inscrit sur sa bannière la destruction d'Israël ».

Il s'est ensuite engagé à protéger les Juifs de France contre la montée de l'antisémitisme provenant « d'organisations politiques de gauche et d'extrême gauche » ainsi que contre « la menace de l'islam radical ». Lors d'une récente interview à la radio, Bardella a déclaré que « pour beaucoup de Juifs français [il voulait dire Français juifs, NdT], le Rassemblement national est un bouclier contre l'idéologie islamiste ».


Le lendemain, Chikli a publié cette partie du discours de Bardella, en y ajoutant des sous-titres en hébreu. Ce faisant, il a semblé rompre avec la politique officielle d'Israël qui consiste à boycotter le Rassemblement national.

Ce parti a été créé dans les années 1970 par le père de Marine, Jean-Marie Le Pen, qui  a tenu à plusieurs reprises des propos antisémites et a été condamné quatre fois en 15 ans pour négationnisme, après avoir affirmé que les chambres à gaz nazies n'étaient qu'un “point de détail” de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale (trois condamnations) et que l'occupation nazie de la France n'avait pas été “particulièrement inhumaine”.

Fervent défenseur du régime collaborationniste de Vichy, Le Pen père a également déclaré que la reconnaissance par la France de sa responsabilité dans la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale était une « chasse aux votes juifs, basée sur un tissu de mensonges ».

En 2011, Marine Le Pen a remplacé son père à la présidence du parti et a fait de la suppression du statut de paria du parti et de la mise au placard de l'antisémitisme de son père un objectif clé, un processus connu en France sous le nom de dédiabolisation.

L'un des aspects de cette stratégie de blanchiment a consisté à apporter son soutien à Israël. Toutefois, elle a conservé l'héritage des positions nationalistes, racistes et xénophobes de son père, en particulier à l'encontre des immigrés musulmans.

Bien que Le Pen fille ait depuis déclaré qu'elle n'autoriserait pas les personnes ayant des opinions antisémites à devenir membres du parti et qu'elle se soit publiquement opposée au boycott d'Israël, cela n'a pas empêché de nombreux militants du parti, y compris des hauts reponsables, d'être accusés d'antisémitisme.

Faisant écho à son père, Le Pen fille a elle-même attaqué la reconnaissance par la France de sa responsabilité dans la rafle et la déportation à Auschwitz des Juifs français pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a également demandé l'interdiction du port de la kippa pour les Juifs, dans le cadre d'une campagne visant à criminaliser le port du hijab.

Le CRIF, qui se veut l'organe officiel de représentation des juifs de France, et de nombreux autres groupes juifs s'opposent inconditionnellement à Le Pen fille et à tout contact avec son parti.


Le chef du parti d'extrême droite espagnol Vox, Santiago Abascal, publie une photo de lui, de Marine Le Pen et d'Amichai Chikli, écrivant que le ministre israélien est « désormais le représentant de l'avant-garde de la civilisation face à la barbarie ».

Depuis des années, les ministres et les représentants officiels d'Israël à l'étranger ont reçu pour instruction d'éviter toute rencontre avec les membres du parti, à la fois en raison de sa nature d'extrême droite, de son passé d'antisémitisme et de négationnisme, et par souci de coordination et de solidarité avec la communauté juive française. « Il y a une zone stérile autour d'eux », a déclaré un ancien haut fonctionnaire israélien en 2017. « On ne les touche pas ».

Néanmoins, il y a eu une brèche occasionnelle dans la politique. En janvier 2017, Nicolas Bay, alors secrétaire général du Front national, est arrivé en Israël pour une visite clandestine, au cours de laquelle il a rencontré le président des Jeunes du Likoud, David Shayan, ainsi que des membres de la communauté française d'Israël.

La même année, le député du Likoud Oren Hazan est devenu le premier homme politique israélien à exprimer ouvertement son soutien à Le Pen fille en publiant sur ce qui était alors Twitter un message écrit en français lui souhaitant de remporter les élections en France.

 

Le ministre israélien Amichai Chikli avec Marine Le Pen lors d'une conférence d'extrême droite en Espagne, la remerciant pour son amitié et sa « solidarité avec la communauté juive à la suite des événements du 7 octobre ».  Capture d'écran

Et puis il y a Chikli lui-même. Ce n'est pas la première fois qu'il exprime son soutien au parti de Mme Le Pen. Le mois dernier, lors d'une conférence organisée à Madrid, en Espagne, par le parti d'ultra-droite Vox, Chikli s'est acoquiné avec Le Pen fille. Posant pour des photos avec elle lors de l'événement, il a ensuite remercié la cheffe du parti, dans un message sur Facebook, pour son amitié et sa « solidarité avec la communauté juive à la suite des événements du 7 octobre ».

Depuis son entrée en fonction, Chikli a consacré beaucoup de temps et de déplacements à cultiver des relations avec les dirigeants de la droite dure en Europe. Outre Le Pen et Vox, Chikli a fait l'éloge du premier ministre hongrois d'extrême droite, Viktor Orban, et de l'ancien premier ministre slovène, Jans Jens, après avoir partagé la scène avec eux lors de la CPAC Hungary, l'antenne hongroise de la Conservative Political Action Conference usaméricaine, une conférence politique annuelle à laquelle participent des militants et des élus conservateurs.

En janvier, Chikli a rencontré une délégation de hauts responsables du parti d'extrême droite des Démocrates suédois, en visite officieuse en Israël, et les a accueillis à la Knesset. Tout comme le Rassemblement national, les racines néo-nazies et antisémites du parti et ses militants actuels ont conduit Israël à s'abstenir d'établir des liens formels avec eux.

Haaretz a contacté le bureau d'Israël Katz, ministre israélien des Affaires étrangères, au sujet des relations de Chikli avec Mme Le Pen et son parti, qui a répondu : « Nous n'avons pas l'intention de commenter cette question et nous vous suggérons de contacter le bureau du ministre Chikli ».

 

 

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