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01/07/2024

AHMED NADHIF
Comment nous avons perdu l’Inde : pourquoi New Delhi est-elle devenue une partisane d’Israël ?

Ahmed Nadhif, Hiber, 9/12/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Ahmed Nadhif est un journaliste et chercheur tunisien, traducteur au Courrier de l’UNESCO à Paris.

Il y a 85 ans, le Mahatma Gandhi finalisait la position du Parti du Congrès indien sur les intentions du mandat britannique de céder la Palestine aux Juifs. En novembre 1938, Gandhi écrivait : « Ma sympathie pour le sort des Juifs ne me rend pas aveugle aux exigences de la justice. La revendication d’un foyer national pour les Juifs ne m’intéresse pas beaucoup. La Palestine appartient aux Arabes au même titre que l’Angleterre appartient aux Anglais ou la France aux Français. Il est erroné et inhumain d’imposer les Juifs aux Arabes. Ce qui se passe aujourd’hui en Palestine ne peut être justifié par aucun code de conduite moral. Ce serait certainement un crime contre l’humanité que de réduire le nombre d’Arabes pour faire de la Palestine, en partie ou en totalité, une patrie juive ». La position de Gandhi était motivée, outre les impératifs de justice, par l’ennemi commun des Arabes et des Indiens, la Grande-Bretagne. L’homme avait depuis longtemps fait l’expérience des machinations des Anglais et des tragédies du colonialisme de peuplement. La position pionnière de Gandhi a caractérisé les positions du Parti du Congrès, même après le départ du Mahatma en 1947 et la naissance d’Israël en 1948.

 

Il y a deux mois, le Premier ministre indien Narendra Modi a dénoncé sur Twitter l’opération Déluge d’Al Aqsa : « Profondément choqué par les attaques terroristes en Israël. Nos prières accompagnent les victimes innocentes et leurs familles. Nous sommes solidaires d’Israël en ces temps difficiles ». Bien que la solidarité internationale avec Israël ait commencé à s’émousser quelques jours après l’attaque, qui a été suivie par les représailles brutales d’Israël contre les civils à Gaza, Modi a continué à se ranger du côté d’Israël lorsqu’il a écrit quelques jours plus tard, à la suite d’un appel téléphonique avec Netanyahou : « Le peuple de l’Inde se tient fermement du côté d’Israël : le peuple indien soutient fermement Israël en ces temps difficiles. L’Inde condamne fermement et sans équivoque le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations ». Le 19 octobre, le ministère indien des Affaires étrangères a réitéré son soutien à la guerre contre le terrorisme.

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Entre la position de Gandhi et du Parti du Congrès et celle de Modi, le leader du Bharatiya Janata Party (BJP), il y a un large fossé qui révèle les changements radicaux qui ont eu lieu en Inde au cours des huit dernières décennies, pendant lesquelles nous, Arabes, ou plus précisément la Palestine, avons perdu un allié fort qui non seulement a cessé de soutenir notre cause, mais est passé dans le camp opposé, en soutenant l’entité d’occupation. Comment cela s’est-il produit, dans quel contexte, et tous les Arabes sont-ils responsables de ce changement ?

Comment avons-nous perdu l’Inde ?

La naissance de l’Inde indépendante en 1947 a coïncidé avec l’intensification du conflit en Palestine et l’expansion des bandes sionistes. Jawaharlal Nehru, successeur de Gandhi et premier Premier ministre, a rejeté les décisions du Comité spécial des Nations unies sur la Palestine (UNSCOP), qui appelait à la partition de la Palestine entre Arabes et Juifs. L’Inde a également voté contre l’admission d’Israël aux Nations unies en 1949. Vingt ans plus tôt, Nehru avait défendu la même position aux côtés des nationalistes arabes lors du Congrès des nationalités opprimées de Bruxelles en 1927, qui avait vu la création de la Ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale. En 1947 à l’ONU, ‘Inde, soutenue par l’Iran et la Yougoslavie, a proposé la création d’un Palestine fédérale assortie d’une autonomie interne pour les Juifs, mais la proposition a été rejetée.

En mai 1960, Nehru visite la Bande de Gaza (alors administrée par l’Égypte) et passe en revue les soldats indiens de la Force d’urgence des Nations unies (FUNU) créée en 1956 durant la crise de Canal de Suez. L’avion de l’ONU qui le ramène à Beyrouth subit une tentative d’interception de l’aviation israélienne. Voir vidéo de la visite

La minorité musulmane de l’Inde était un élément clé de la politique de Nehru, mais ce n’était pas le seul motif de ce parti pris indien pour le côté arabe. À partir des années 1950, Nehru s’oriente vers l’établissement d’une ligne de non-alignement, dont le président égyptien Gamal Abdel Nasser est une figure clé. Bien que le gouvernement indien ait reconnu l’État hébreu en septembre 1950, il a refusé d’établir des relations diplomatiques avec lui. Ce soutien indien n’a cependant pas empêché les Arabes de se ranger du côté de la Chine lors de la guerre sino-indienne de 1962 pour le contrôle des régions frontalières de l’Aksai Chin et de l’Arunachal Pradesh. Lors des guerres pakistano-indiennes de 1965 et 1971, l’allié égyptien est resté neutre, tandis que le reste des capitales arabes s’est rangé du côté d’Islamabad. En 1969, le Pakistan a réussi à dissuader l’Organisation de la conférence islamique (OCI), dont un tiers des membres appartient à la Ligue arabe, d’admettre l’Inde au sein de l’organisation, alors que le pays compte plus de musulmans que certains pays arabes.

 

Cela a conduit l’Inde à mener une double politique sur la question de la Palestine, en maintenant un soutien clair à la partie arabe et un rejet absolu de la normalisation avec Israël, mais en ouvrant des canaux de communication avec l’entité d’occupation dans le cadre de relations limitées. Au cours de sa guerre contre la Chine, elle a été contrainte d’accepter l’assistance militaire fournie par le Premier ministre israélien Ben Gourion. Elle a également bénéficié de relations dans le domaine de la technologie agricole avec Israël. Plus tard, avec l’arrivée au pouvoir d’Indira Gandhi en 1966, il est apparu clairement que le soutien indien aux Arabes restait fort, en particulier pendant les guerres de 67 et 73. L’Inde a également soutenu fermement la résolution 3379 des Nations unies de 1975 condamnant le sionisme comme une forme de racisme et a permis à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) d’ouvrir un bureau à New Delhi, devenant ainsi le premier pays non arabe à lui accorder un statut diplomatique.

Arafat avec Indira Gandhi, 1980

Cependant, le conflit indo-israélien n’est pas seulement lié au soutien de New Delhi à la cause arabe, mais aussi au contexte de la guerre froide. Malgré son non-alignement, l’Inde entretient des liens très forts avec l’Union soviétique, avec laquelle elle a signé un traité d’amitié et de coopération en 1971, tandis qu’Israël doit trouver son plus grand soutien aux USA. En revanche, le Pakistan s’est rangé du côté usaméricain pendant la guerre froide et a joué un rôle essentiel dans le Pacte de Bagdad et le Pacte pour l’Asie du Sud et de l’Est, à l’exception de la période du mandat de Zulfikar Ali Bhutto (1971-1973). À partir de l’invasion soviétique de l’Afghanistan, le Pakistan est devenu une partie intégrante du projet usaméricain dans le sous-continent indien, fonctionnant comme base arrière pour le djihad afghan.

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À partir de 1979, la CIA a commencé à soutenir la mobilisation de groupes armés afghans ainsi que de jeunes hommes de tous les pays arabes pour lutter contre les Soviétiques en Afghanistan. Au cours de la première moitié des années 1980, la ville pakistanaise de Peshawar est devenue une base importante pour un grand nombre de combattants musulmans arabes, pakistanais et indiens, créant un environnement fertile pour la propagation des idées djihadistes et l’islamisation des conflits nationalistes. C’est dans ce contexte, largement créé par les USAméricains, que les tendances à transformer le conflit du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan d’un conflit national en une guerre djihadiste ont commencé à émerger. Ironiquement, c’est le Palestinien Abdullah Azzam, mentor idéologique de la vague de moudjahidines arabes en Afghanistan, qui jouera un rôle majeur dans l’incitation et le prosélytisme en faveur de cette transformation.

 

Mudasir Gul,32 ans, a été arrêté avec une vingtaine de jeunes à Srinagar, capitale du Cachemire, pour avoir peint cette fresque murale dans le quartier de Padshahi Bagh, en 2021

Quelques années plus tard, en 1988, tous ces discours incendiaires sont devenus réalité. Avec le déclin du Jammu Kashmir Liberation Front (JKLF), l’organisation révolutionnaire nationaliste qui luttait depuis les années 1970 pour la libération du Cachemire et la création d’un État indépendant, des organisations islamistes djihadistes, dont Harkat-ul-Mujahideen, Askar-e-Tayyiba et Jaish-e-Mohammad, sont apparues sur la scène cachemirie, avec le soutien appuyé de l’agence de renseignement pakistanaise ISI, qui était l’un des parrains du djihad afghan. Depuis lors, le conflit est devenu un conflit religieux, après avoir été un conflit de souveraineté. Les pays arabes, en particulier l’Arabie saoudite et l’Égypte, ont joué un rôle de premier plan en soutenant le projet usaméricain en Afghanistan et en soutenant le Pakistan contre l’Inde. Cela a coïncidé avec un déclin de la radicalité de la position arabe sur la question de la Palestine après la sortie de l’Égypte du conflit, l’exil de l’OLP en Tunisie et le déclenchement de la guerre Iran-Irak, qui a renforcé l’hégémonie usaméricaine sur la région et ouvert la voie au règlement qui a mûri dans le sillage de la deuxième guerre du Golfe et de la chute de l’Union soviétique.

 La naissance de l’“axe du bien”

À de nombreux moments, l’Inde a davantage soutenu la cause palestinienne que certains pays arabes. D’un autre côté, les Arabes n’étaient pas des alliés fidèles de l’Inde, en raison des transformations radicales subies par l’Égypte entre l’ère Nasser et l’ère Sadate, ainsi que du lien organique entre d’autres régimes arabes et le camp occidental pendant la guerre froide, qui était toujours falsifié par des slogans religieux prétendant prendre le parti du Pakistan musulman contre l’Inde hindoue, en dépit du fait que le régime indien était laïque à l’époque et que les musulmans y jouissaient d’une position respectable. La nouvelle situation internationale, née dans les années 1990, a incité l’Inde à revoir sa politique étrangère, en se rapprochant des USA, alors que l’alliance soviétique prenait fin, et en normalisant ses relations avec Israël à partir de 1992, après que l’OLP avait entamé des négociations avec Israël. Quelques jours après l’ouverture de l’ambassade d’Israël à New Delhi, le ministre indien de la défense, Sharad Pawar, a prononcé un discours devant le parlement pour justifier le rapprochement de son pays avec Israël par les besoins de la guerre contre le terrorisme. New Delhi était alors confrontée à un soulèvement djihadiste armé au Cachemire et s’est rapprochée d’Israël en adoptant le récit sur la menace du terrorisme islamiste.

La période qui a suivi l’effondrement a été le printemps de la montée des identités religieuses, qui a commencé dès la fin des années 1970 et s’est encore renforcée sous le duo Reagan-Thatcher et leur prescription néolibérale. Les années 1990 ont été marquées par une nette montée des forces politico-religieuses dans le monde entier, et ni le monde arabe ni l’Inde n’ont été à l’écart de cette évolution. Les partis et organisations nationalistes progressistes et de gauche ont atteint un état de délabrement organisationnel et de faillite idéologique. En Palestine, ces organisations n’ont pas réussi à obtenir la libération, et dans le monde arabe, elles se sont transformées d’organisations révolutionnaires en simples appendices des régimes au pouvoir ou des partis bureaucratiques au pouvoir avec des tendances totalitaires. En Inde, l’expérience du Congrès a atteint son apogée en 1998, lorsque le parti a cédé le pouvoir à son rival hindou, le Bharatiya Janata Party (BJP).

Ce parti hindou de droite a gouverné entre 1998 et 2004. Pendant cette période, il a ouvertement sympathisé avec Israël. En 1949, dans le contexte de la prise de position de l’Inde sur la résolution de partition, l’Hindu Mahasabha déclare ses “vœux fraternels” à l’égard d’Israël et dénonce la “politique discriminatoire du gouvernement Nehru qui refuse de reconnaître Israël”. À partir de 1999, la coopération entre le gouvernement sioniste et l’Inde s’est approfondie et a coïncidé avec le déclenchement de la troisième guerre indo-pakistanaise, au cours de laquelle Tel-Aviv a fourni à l’Inde des armes, notamment des drones de reconnaissance. En l’espace de deux ans, Israël est devenu le deuxième fournisseur d’armes de l’Inde, avec l’acquisition de neuf systèmes de missiles Barak en février 2001, et le commerce bilatéral entre les deux pays a atteint un milliard de dollars, alors qu’il était cinq fois moins important au début des années 1980. Le point culminant de cette phase a été la visite d’Ariel Sharon à New Delhi en 2003, la première visite d’un premier ministre israélien en Inde, suivie de l’accord portant sur les trois systèmes d’alerte précoce Falcon AWACS qu’Israël a fournis à l’Inde en 2004, avec l’approbation des USA, pour surveiller les zones de tension au Cachemire.

L’alliance de sécurité indo-israélienne reposait alors sur une vision commune des groupes islamistes : l’Inde était confrontée à une insurrection islamiste au Cachemire, tandis qu’Israël devait faire face à la montée en puissance des organisations de résistance palestinienne, le Hamas et le Jihad islamique ; cette alliance s’est encore renforcée dans le contexte de l’après-11 septembre, sous les auspices des USA Cette alliance n’était pas basée sur de simples intérêts, mais le résultat d’une vision idéologique convergente entre l’hindouisme de droite, représenté par le Bharatiya Janata Party (BJP), et le sionisme de droite, représenté à l’époque par le Likoud. Ce que Christophe Jaffrelot appelait à l’époque “l’axe du bien”, par opposition à "“‘axe du mal”, représenté par les forces islamiques. Cette vision a été renforcée par la guerre des civilisations qui a prévalu après la fin de la guerre froide avec le soutien des élites et des agences de renseignement.

Le train de l’alliance indo-israélienne ne s’est pas arrêté lorsque le Bharatiya Janata Party (BJP) a quitté le pouvoir en 2004. Le gouvernement de l’Alliance progressiste unie, qui, avec le Parti du Congrès, comprenait des partis de centre-gauche, a poursuivi sa coopération en matière de sécurité avec Tel-Aviv. En novembre 2007, le ministre israélien de l’intérieur, Meir Shitrit, s’est rendu à New Delhi pour coordonner cette coopération et, en décembre 2009, le chef d’état-major de l’armée israélienne, le général Gabi Ashkenazi, s’est rendu en Inde pour renforcer la coopération en matière de défense. Au cours de cette période, l’Inde, poussée par l’escalade des attaques menées par des groupes djihadistes, a commencé à travailler à la formation d’un front international uni contre le terrorisme et a trouvé en Israël un partenaire et un allié, avec le soutien des USA, qui va au-delà de la question du terrorisme pour soutenir l’Inde en tant que concurrent proche et voisin de la Chine, et peut-être comme alternative à la Chine dans les chaînes d’approvisionnement et comme plateforme de fabrication à faible coût pour les entreprises israéliennes et usaméricaines.

Avec le retour au pouvoir du Bharatiya Janata Party (BJP), avec en tête Narendra Modi, l’alliance entre l’Inde et Israël est devenue plus solide et plus manifeste. Modi a dominé la politique indienne, grâce à son modèle populiste de gouvernance, et démantèle depuis des années les fondements de la démocratie indienne en désinstitutionnalisant le système issu de la constitution de 1950, en particulier le système judiciaire. La Cour suprême ne s’oppose plus au pouvoir : elle ratifie les décisions de l’exécutif, même lorsqu’elles sont illégales, ou s’abstient de rendre des jugements, comme ce fut le cas en 2019, lorsque Modi a annulé l’article 370, qui prévoyait l’autonomie de l’État du Jammu-et-Cachemire depuis 1950. La loi sur la citoyenneté, qui n’était fondée ni sur la religion ni sur aucun critère ethnique, a été modifiée pour faire de la religion le critère de citoyenneté, pour la première fois dans l’histoire de l’Inde, afin d’empêcher les réfugiés afghans et pakistanais d’obtenir la citoyenneté. Ceci est totalement contraire à la constitution qui reconnaît le principe de laïcité.

 Le 22 octobre 2023, l’Inde a envoyé un avion militaire transportant près de 6,5 tonnes d’aide médicale et 32 tonnes de matériel de secours pour le peuple de Palestine à l’aéroport d’El-Arish en Égypte

Ce changement institutionnel semble sans rapport avec l’alliance avec Israël, mais il est au cœur de cette alliance. La politique populiste hindoue de Modi a joué un rôle majeur dans la consolidation de l’alliance dans une convergence idéologique, politique et peut-être personnelle avec la politique populiste sioniste de Benjamin Netanyahu et ses alliés extrémistes religieux, qui partagent la même vision des Arabes et des Musulmans que les extrémistes hindous. Ce qui unit Israël et l’Inde aujourd’hui, plus que leurs intérêts sécuritaires et leur vision commune de la menace terroriste, c’est le modèle de “démocratie ethnique” qui prévaut dans les deux pays, avec une “nation centrale” dominante et d’autres nations de second ordre qui se partagent les miettes des sièges et des positions insignifiantes dans le système politique. C’est exactement ce qui se passe en Inde et en Israël et qui est présenté au monde comme un système démocratique.

L’autre facette de cette alliance est constituée par les intérêts économiques. Aujourd’hui, Israël est le troisième plus grand fournisseur d’armes de l’Inde. En 2017, le Premier ministre Modi s’est rendu en Israël, devenant ainsi le premier dirigeant indien à se rendre à Tel-Aviv. Le groupe indien Adani a remporté l’appel d’offres pour privatiser une partie du port de Haïfa pour un milliard de dollars, prenant ainsi le contrôle de l’un des principaux ports maritimes d’Israël, où environ 99 % de toutes les marchandises entrant et sortant du pays circulent par voie maritime. New Delhi a également acheté 250 bombes Spice 2000 à Rafael, ainsi que des drones de reconnaissance et des missiles guidés antichars Spike. L’Inde est également membre du forum quadrilatéral I2U2 avec Israël, les Émirats arabes unis et les USA depuis 2022. Ce forum vise à créer des « investissements conjoints dans les domaines de l’eau, de l’énergie, des transports, de l’espace, de la santé et de la sécurité alimentaire ». Les échanges commerciaux entre l’Inde et Israël sont passés de 200 millions de dollars en 1992 à 7 milliards de dollars en 2022, sans compter les achats d’équipements militaires.

D’autre part, Modi tente de ne pas s’identifier totalement à son allié israélien en plaidant pour une solution à deux États, en invitant le président de l’AP, Mahmoud Abbas, à se rendre à New Delhi en 2017 et en maintenant un flux régulier de financement pour l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Cela repose sur sa vision de l’Autorité palestinienne comme antithèse aux factions islamistes, qu’il considère comme terroristes, et aussi pour préserver l’image de l’Inde dans la région arabe, pour des raisons géopolitiques et économiques. Lors du sommet du G20 organisé à New Delhi en septembre dernier, le corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe a été lancé. Il regroupe l’Inde, les USA, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la France, l’Allemagne et l’Italie, car ce corridor reliera l’Inde à l’Europe en passant par le Moyen-Orient. Par conséquent, l’Inde cherche à soutenir toute formule de solution, même si elle garantit un État nominal à la partie palestinienne, afin de soutenir ce projet vital pour elle, qui est parallèle au projet chinois de la route de la soie.

L’histoire des Arabes avec l’Inde, y compris par rapport à Israël, révèle une recette typique d’autodestruction. Comment perdre un allié de poids et de puissance géopolitique, démographique et économique en se mettant au service d’un projet fondamentalement hostile à ses intérêts. Certes, les transformations contemporaines de l’Inde sont une combinaison de la montée des identités religieuses et nationalistes extrêmes et du déclin du sécularisme d’une part, et d’un changement global radical manifesté par la fin de la guerre froide, mais les politiques arabes ont joué un rôle majeur dans ce changement, d’abord en servant le projet usaméricain qui a parrainé le djihadisme extrême pendant les années 1980, et ensuite par les politiques des régimes isolationnistes en se désengageant de la Palestine et en s’orientant vers des intérêts étroits qui semblent temporairement avoir une rente politique et économique, mais qui à long terme augmenteront leur dépendance et les dépouilleront de ce qui reste du vernis de souveraineté nominale. Votre allié ne se préoccupera pas plus de vos intérêts que vous-même.

Le Palestine India Technopark, ouvert en 2016 à proximité de l'Université Bir Zeit, dans le gouvernorat de Ramallah

Kozhikode (Calicut), État du Kerala, 26 octobre 2023 : manifestation de solidarité avec la Palestine avec plus de 200 000 participants. Le Kerala, gouverné par des communistes, a 38 millions d’habitants, dont un quart de musulmans. 3,5 millions de Kéralais travaillent au Moyen-Orient


À Kolkata (Calcutta), trois des cinq synagogues encore en fonction sont entretenues par six Musulmans, tous originaires du même village, Kakatpur, dans l’État d’Odisha, selon une tradition vieille de deux siècles. Le nombre de Juifs dans la capitale du Bengale occidental est passé de 5000 il y a 75 ans à 20 aujourd’hui. La plupart des Juifs de cette ville, appelés Baghdadis, étaient arrivés d’Irak au XVIIIème siècle. Sur la photo, Anouar Khan, dans la synagogue Maghen David

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