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20/11/2025

La “malédiction bénie” qui redéfinit Israël : limites globales, tournant de Gaza et nouvel ordre

Gideon Levy, Haaretz, 19/11/2025
Traduit par Tlaxcala


Des manifestants protestent contre le Premier ministre Benjamin Netanyahou et la guerre à Gaza, près de Jérusalem en septembre. Photo Olivier Fitoussi

 

Les bonnes nouvelles nous tombent dessus comme des cadeaux venus du ciel. Tandis que dans les médias tout est présenté comme défaites et désastres, cela faisait longtemps que nous n’avions pas connu un changement susceptible d’augurer l’espoir.

Voici la liste : Israéliens et Palestiniens subissent une internationalisation accélérée du conflit ; le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé une résolution qui va dans le bon sens ; Israël est ramené à ses véritables dimensions à une vitesse encourageante, et le sort des Palestiniens est de plus en plus soustrait à son contrôle exclusif. Difficile d’en demander davantage. Ce qui a été présenté en Israël comme une série de défaites humiliantes est en réalité une collection d’évolutions encourageantes.

La plus importante d’entre elles est le retour d’Israël à ses véritables dimensions. La superpuissance est redevenue une superpuissance, et son État-client est revenu à sa place naturelle. L’état de choses où il était difficile de savoir qui était dans la poche de qui, l’effacement des rôles entre la superpuissance et son État-client, qui a duré des décennies, a pris fin. C’est une bonne nouvelle pour Israël.

La mégalomanie est morte, le délire de grandeur et d’omnipotence de l’État est terminé. Et c’est une bonne chose. Israël ne peut plus faire tout ce qui lui plaît. Le génocide à Gaza devait prendre fin – non pas parce que le Premier ministre Benjamin Netanyahou le voulait, mais parce que le président usaméricain Donald Trump l’a ordonné. Sans lui, le massacre aurait continué.

La « défaite » sous la forme de l’accord visant à fournir des avions de chasse F-35 à l’Arabie saoudite n’est pas nécessairement une défaite. La décentralisation des armes dans la région pourrait mener à une forme d’endiguement d’Israël, qui jusqu’ici s’est comporté comme le caïd du quartier que tout le monde craint : bombardant et assassinant à travers la région, violant toutes les souverainetés possibles, à qui tout était permis et qui n’était sanctionné pour rien.

C’est terminé – et c’est une bonne chose pour Israël, car nombre des désastres qui l’ont frappé étaient la conséquence directe de son arrogance et de son agressivité, comme s’il n’existait ici aucun autre pays. Désormais, il y en a un. Israël ne sera plus le seul dans le voisinage à posséder l’avion de chasse le plus avancé du monde ; cette arme ne sera plus exclusivement entre ses mains, et il lui faudra réfléchir avant sa prochaine sortie de bombardement dans la région.


Netanyahou s’adresse à la séance plénière de la Knesset, le parlement israélien, à Jérusalem, la semaine dernière.
Photo Ronen Zvulun/Reuters

L’appropriation par les USA de ce qui se passe à Gaza est également une évolution positive. Depuis des décennies, et tout particulièrement ces deux dernières années, nous avons vu ce qu’Israël sait faire dans la bande. Le résultat : Gaza est un cimetière. Il y a un nouveau garçon dans le quartier ; voyons ce qu’il saura faire. Cela ne peut être pire que ce qu’Israël a fait.

Retirer à Israël le contrôle pourrait mener à un processus similaire en Cisjordanie. Cela prend des allures de rêve. L’entrée d’une force multinationale en Cisjordanie pourrait mettre fin à une situation où une nation y vit, sans défense et sans droits, tandis qu’une autre l’abuse sans relâche. Cela reste une vision lointaine, mais elle pourrait se réaliser.

Pendant ce temps, les USA renforcent leurs liens avec l’Arabie saoudite. En quoi cela lèse-t-il exactement Israël ? Israël demande déjà une compensation pour la perte de son « avantage militaire qualitatif », comme si celui-ci lui avait été donné par une promesse divine en même temps que ses droits exclusifs sur cette terre. Sur quelle base Israël pense-t-il être le seul à mériter et à avoir le droit de s’armer jusqu’aux dents ?


Des Palestiniens passent devant les décombres de bâtiments détruits, au milieu d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, dans la ville de Gaza, mercredi.
Photo Dawoud Abu Alkas/Reuters

Des attaques chaque fois que quelque chose ne lui plaît pas, des violations flagrantes de cessez-le-feu, des assassinats et des actes de terreur : Israël ne croit pas seulement que tout lui est permis, il est convaincu que rien n’est permis aux autres.

Cet état d’esprit l’a corrompu, et peut-être qu’à présent il prendra fin. Un Israël plus modeste dans ses ambitions et moins armé de moyens offensifs pourrait avoir une chance d’être davantage accepté dans la région. 

En 1970, l’historien israélien Shabtai Teveth a publié les versions hébreue et anglaise de son livre sur le lourd prix qu’Israël a payé pour sa victoire lors de la guerre des Six-Jours en 1967, La bénédiction maudite : l’histoire de l’occupation par Israël de la Cisjordanie. L’heure est venue, aujourd’hui, de « la malédiction bénie » : il ne s’agit pas de malédictions qui s’abattent sur nous, mais peut-être de bénédictions qui marqueront la fin de l’ère du messianisme et de l’arrogance envers tous. Le début d’un retour à la réalité.


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