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05/11/2021

GIDEON LEVY
La police israélienne a agressé un Palestinien et sa mère sous le regard de ses amis sur Facebook Live

Gideon Levy, Haaretz, 5/11/2021
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Marwan al-Husseini et sa mère Raissa se rendaient chez des proches lorsque des policiers en civil ont arrêté leur voiture et les ont violemment tirés de celle-ci. Les policiers ont battu Marwan et fouillé Raissa à nu avant de les relâcher. La police a ensuite menti sur ce qui s'était passé, mais l'incident avait été filmé.

Marwan Al-Husseini. Photo : Moti Milrod

Regardez simplement la vidéo. Vous serez stupéfaits. Un homme est assis au volant de sa voiture, vêtu d'un T-shirt blanc et de lunettes de soleil sombres. Des écouteurs de téléphone portable pendent de son visage ; il écoute de la musique arabe. Il porte une ceinture de sécurité, sa voiture avance à peine et est talonnée par une file d'autres véhicules. Ils sont coincés dans un embouteillage à un poste de contrôle de sécurité. Après un moment, il met un masque corona sur son visage. Il est détendu, une main appuyée sur la vitre de la voiture. Les voitures passent en sens inverse, tandis que la sienne avance à pas de tortue. La musique est forte. Il ajuste le masque.

Soudain, des voix fortes se font entendre. "Arrêtez la voiture !" "Sortez !" Les cris en hébreu et en arabe donnent l'impression qu'une tempête approche. Tout se passe rapidement. Alors qu'il semble encore se demander ce qui se passe, une matraque est déjà en train de briser la vitre de sa voiture. L'homme tente de se protéger la tête avec ses mains. Quelqu'un qui semble être un agent de sécurité ouvre la porte arrière, s'introduit dans la voiture et s'assied sur le siège arrière en criant. L'homme est effrayé ; le garde, qui porte des gants en caoutchouc bleus mais pas d'uniforme, lui saisit le cou par derrière. La mère âgée du conducteur, assise sur le siège passager à l'avant, n'apparaît pas sur les images prises par la caméra web de la voiture. Un autre garde ouvre la porte du conducteur, détache sa ceinture de sécurité et le traîne de force hors de la voiture. Les cris ne cessent pas. Un criminel très dangereux a apparemment été capturé.

La musique continue à jouer, la porte du conducteur reste ouverte, la webcam continue à enregistrer. Des voitures passent dans la direction opposée. Un homme armé - il s'avérera plus tard que lui et tous les autres étaient des policiers en civil - ouvre l'une des portes arrière de la voiture, tandis que ses camarades continuent de crier et de frapper le conducteur qui a été sorti de la voiture, et de briser la vitre à côté du siège du conducteur.

Il doit s'agir d'une soi-disant bombe à retardement qu'il faut désamorcer à tout prix. L'homme crie et les gardes continuent de le frapper à coups de pied et de poing, armes visibles dans leurs étuis. Les agresseurs sont d'abord quatre ou cinq, puis plus nombreux. La caméra parvient à capter ce qui se passe à travers la fenêtre brisée ; on voit quelqu'un d'autre se faire traîner dehors. La porte arrière se ferme en claquant. Une femme âgée portant un foulard est vue en train de crier, près de l'homme battu sur le sol. Le volume de la musique dans la voiture augmente de façon spectaculaire, comme si le réalisateur du film l'avait ordonné. On peut voir les hommes armés faire des allers-retours. Probablement un incident grave. La vidéo se coupe.

 Vidéo de l'arrestation. Selon la police, le "suspect a refusé d'ouvrir la porte du véhicule".

C'est ce qui s'est passé le mardi 12 octobre, vers 13 heures. Marwan al-Husseini, 38 ans, et sa mère Raissa, 65 ans, résidents d'Hébron, étaient en route pour rendre visite à de la famille dans le village d'Al-Azariya, à plusieurs kilomètres à l'est de Jérusalem. En passant par le village d'Al-Zaim, ils ont rencontré un poste de contrôle et le trafic a ralenti leur voiture. La vidéo obtenue par B'Tselem a été prise par Marwan, qui diffusait des images sur Facebook Live depuis la voiture. Il voulait s'enregistrer lors d'une sortie avec sa mère, comme il le fait de temps en temps, et s'est retrouvé à documenter un enlèvement sauvage en plein jour, en temps réel. Les agents de sécurité armés qui l'ont attaqué étaient des policiers israéliens en civil.

Au domicile de Husseini, dans la partie ouest d'Hébron, l'émotion est encore vive lors de notre visite cette semaine, et il règne une ambiance de deuil. Husseini, un homme trapu, est entouré de ses frères tout aussi trapus et de quelques amis. Il a travaillé pendant des années en Israël et travaille maintenant comme chauffeur de taxi en Cisjordanie. Sa femme est enceinte de leur premier enfant. Ce mardi-là, ils vont rendre visite à la sœur de sa mère à Anata, à quelques kilomètres au nord-est de Jérusalem. En route, environ 40 mètres avant le rond-point situé à l'entrée de la colonie de Ma'aleh Adumim, il remarque des véhicules de police des deux côtés de la route. Il se souvient avoir mis son masque à la hâte, de peur que la police ne lui colle une amende. Il ne s'est jamais rendu compte qu'ils étaient à l'affût - pour lui. Il y avait trois voitures civiles avant lui dans la file. Il se souvient avoir été violemment sorti de la voiture sans aucune explication et avoir été battu, même après avoir été mis à terre.

Il dit avoir perdu connaissance et s'être réveillé dans un fourgon qui l'a emmené dans un poste de police à l'entrée de Ma'aleh Adumim. Il a de nouveau perdu connaissance, la reprenant par intermittence. Dans le fourgon, se souvient-il, les officiers ont continué à le frapper avec leurs coudes. Ils n'ont pas dit un mot sur les raisons de sa détention.

Husseini raconte que sa mère a paniqué et a eu du mal à retirer sa ceinture de sécurité ; une policière l'a tirée hors de la voiture et l'a laissée tomber sur le sol. Raissa a été emmenée au même poste de police, mais dans un autre véhicule.

La police a amené la voiture d'Hussein au poste et en a démonté les sièges, apparemment à la recherche d'armes. Il saignait et souffrait beaucoup après avoir été battu de toutes parts. Une ambulance israélienne est arrivée, un auxiliaire médical l'a examiné et est parti. Les officiers l'ont fait asseoir sur une chaise dans le couloir. Tout son corps lui faisait mal et il ne pouvait pas s'asseoir à cause de la douleur, alors il s'est allongé sur le sol. Il se souvient avoir vomi deux fois à cet endroit, après quoi les agents l'ont grondé, le menaçant de lui faire nettoyer le couloir s'il vomissait à nouveau.


Raissa Al-Husseini, mère de Marwan. Trois policières l'ont fouillée à nu. Photo : Moti Milrod

Husseini a supplié les policiers de faire venir une ambulance pour l'emmener à l'hôpital. L'un d'eux lui a dit : "Si tu veux une ambulance, tu devras payer 4 000 shekels [1 100 €]", Marwan dit avoir répondu : "Je paierai 10 000 shekels, mais emmenez-moi à l'hôpital".

Lorsqu'il a demandé des nouvelles de sa mère, une porte s'est ouverte dans une des chambres et il l'a vue. Elle tremblait de partout. Quelques jours plus tard, Raissa a raconté à Musa Abu Hashhash, chercheur sur le terrain pour l'organisation israélienne de défense des droits humains B'Tselem, que trois agents féminins l'avaient forcée à se déshabiller pour une fouille corporelle - on ne sait pas exactement pour quelle raison. Son fils n'arrêtait pas de crier et de réclamer une ambulance. Les officiers leur ont interdit d'échanger un mot.

C'est ainsi qu'Husseini est resté allongé dans la douleur sur le sol du commissariat pendant environ cinq heures, jusqu'à environ 22 heures : "Parce que vous ne vous êtes pas arrêtés pour la police quand ils vous ont dit de le faire". Marwan a répondu : "Quand vous m'avez arrêté, la voiture n'était pas en mouvement" - la preuve en est donnée par la vidéo de sa webcam.

Il nous raconte maintenant que tout son interrogatoire s'est résumé à une seule question, posée par l'un des officiers dans le couloir : "Où est votre arme ?" Ce à quoi Husseini a répondu : "Vous avez ma voiture, et vous pouvez y trouver facilement l’arme que vous cherchez". Bien entendu, il n'avait aucune idée de l'arme dont ils parlaient.

Marwan Al-Husseini à Hébron, la semaine dernière. Il a été hospitalisé pendant six jours et a subi une intervention chirurgicale.

Peu après 22 heures, on a demandé à Marwan Al-Husseini s'il avait de la famille dans la région qui pourrait venir le ramener chez lui avec sa mère, mais il a d'abord exigé d'être emmené à l'hôpital. Il dit que les agents l'ont agressivement forcé à sortir du commissariat et à se rendre dans la cour, où il a été choqué de voir sa voiture démontée.

"Prenez votre voiture et partez", a ordonné la police.

"Comment voulez-vous que je conduise une voiture en panne ?" a-t-il demandé.

Puis le téléphone portable d'Husseini a sonné. Des proches inquiets les avaient cherchés, lui et sa mère, tout au long de l'après-midi et de la soirée, mais ce n'est que maintenant que les officiers qui le gardaient lui ont permis de répondre. Cette fois, quand il a répondu, c'était son frère Bader, un jeune homme barbu, qui était au bout du fil ; Bader est maintenant assis avec nous. Marwan lui a raconté ce qui s'était passé et a demandé que quelqu'un vienne les chercher, lui et sa mère.


La voiture de Marwan Al-Husseini après son arrestation, la semaine dernière. La police a dépiauté les sièges

La femme d'un des cousins des Husseini, qui vit à proximité, est venue les chercher, suivie de Bader et d'un autre frère, Ibrahim, qui vit à Jéricho. Ils ont emmené Marwan et sa mère à l'hôpital Hebron-Alia et ont fait remorquer la voiture à Hébron.

Raissa a dit à Abu Hashhash de B'Tselem que pendant son arrestation, elle a fait sur elle par anxiété : elle souffre de diabète et d'hypertension. Elle est maintenant assise avec nous dans la cour de sa maison, silencieuse et entourée de ses enfants et petits-enfants. Les signes du choc sont encore évidents. "Je suis épuisée", nous dit-elle.

Elle était sortie de l'hôpital à 4 heures du matin le 12 octobre, extrêmement secouée mais pas blessée.

Marwan Al-Husseini et son frère Bader à Hébron, la semaine dernière. Photo : Moti Milrod

Marwan a fini par être hospitalisé pendant six jours : il a dû être opéré pour des blessures à l'aine, suite aux coups de pied reçus de la police. Il nous montre des images de ses ecchymoses, qui sont difficiles à regarder. Même aujourd'hui, il a l'air meurtri et brisé ; sa démarche est lente et son regard désespéré. Il nous raconte qu'il a dû payer 20 000 shekels [5 500 €] pour réparer les dommages causés à sa voiture, qui appartient à sa belle-sœur aveugle, qu'il conduit partout.

La police israélienne a fourni cette déclaration concernant l'incident : "Dans le cadre d'une activité opérationnelle contre les infractions liées aux armes, l'arrestation d'un suspect a été effectuée près d'al-Azaryia. Au cours de l'arrestation, le suspect a refusé d'ouvrir la porte du véhicule et, craignant qu'il ne dissimule des preuves ou ne nuise aux policiers, ces derniers ont été contraints de pénétrer dans le véhicule et de l'arrêter. Le suspect ainsi qu'un autre passager qui se trouvait dans le véhicule ont été emmenés au poste de police et à la fin de l'enquête et de la fouille, ils ont été relâchés".

La vidéo - qui devait être transmise au département des enquêtes internes de la police du ministère de la Justice - prouve, comme le feraient des milliers de témoins, que l'affirmation de la police selon laquelle Marwan al-Husseini a refusé d'arrêter sa voiture et d'ouvrir la porte lorsqu'on le lui a demandé est un pur mensonge. Elle montre aussi clairement la violence brutale des pandores. Une violence qui a entraîné la blessure d'une nouvelle personne innocente de tout crime, même selon la police elle-même.

 

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