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19/01/2022

NIR HASSON/JACK KHOURY
Cheikh Jarrah : démolition nocturne de la maison de la famille Salhiye, agrémentée d’une vingtaine d’arrestations

Nir Hasson et Jack Khoury, Haaretz, 19/1/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
 

La démolition avant l'aube a marqué la fin d'une lutte pour une maison familiale dans le quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est, sur un terrain qui a été exproprié par la municipalité de Jérusalem pour construire une école.


"Bienvenue à Cheikh Jarrah l’inébranlable". Photo Huda Imam

La police israélienne a exécuté un ordre de démolition et arrêté plus d'une douzaine de personnes dans le quartier de Cheikh Jarrah, point chaud de Jérusalem-Est, tôt mercredi matin, mettant fin à une lutte de deux jours entre une famille locale et la municipalité de Jérusalem.

Il y a cinq ans, la municipalité a annoncé qu'elle expropriait le terrain pour y construire une école. Depuis lors, la famille Salhiye a mené une bataille juridique pour empêcher son expulsion, mais elle n'a pas pu prouver qu'elle était propriétaire du bien. En tout état de cause, même si elle pouvait prouver qu'elle est propriétaire du terrain, la municipalité a le droit de l'exproprier à des fins publiques en échange d'une compensation monétaire.

 

Un partisan de la famille palestinienne Salhiye montre des photos près des ruines de la maison démolie par les forces israéliennes à Cheikh Jarrah, le 19 janvier 2022. Photo MENAHEM KAHANA - AFP

La police a fait irruption dans la maison vers 3 h 30 du matin et a violemment expulsé la famille et les militants, en utilisant des grenades assourdissantes. Au moins 18 personnes ont été arrêtées, selon l'avocat Walid Abou Thaya, qui représente la famille.

La plupart des interpellés ont été libérés peu après, à condition qu'ils ne reviennent pas dans la maison. Selon la police, tous les suspects étaient impliqués dans l'impasse de lundi, où la tentative d'expulsion a incité le père, Mahmoud Salhiye, à se barricader sur le toit avec ses enfants et à menacer de faire exploser une bombonne de gaz, réussissant à repousser l'expulsion.

« C'était un acte brutal », a déclaré Abou Thaya. « Nous étions en train de faire appel aux tribunaux, y compris à la Haute Cour, mais la police au service de la municipalité de Jérusalem était déterminée à mener à bien ce qu’elle considérait comme sa mission, évacuer le complexe ».


Une membre des forces israéliennes devant les ruines de maison Salhiye qu'elles ont démolie à Cheikh Jarrah, le 19 janvier 2022. Photo
: MENAHEM KAHANA - AFP

Jeudi après-midi, la police israélienne a demandé au tribunal de première instance de Jérusalem de prolonger de cinq jours la détention du père, Mahmoud Salhiye, et de quatre autres membres de la famille, mais le tribunal a rejeté la demande au motif qu'ils ne constituent plus une menace pour eux-mêmes ou pour le public après la démolition de leur maison.

La police a l'intention de faire appel auprès du tribunal de district, et le juge a consenti à un sursis qui permettra à la famille de rester en détention jusqu'à jeudi.

Entre-temps, des heurts ont éclaté entre la police et des manifestants lors d'une protestation contre les expulsions jeudi soir devant le domicile du maire de Jérusalem, Moshe Leon, et la police a arrêté cinq personnes.

Le bureau du président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé les expulsions forcées, les qualifiant de « crime de guerre », et a exhorté les USA à « prendre leurs responsabilités et à intervenir immédiatement pour mettre fin à ces crimes ».

Le ministère palestinien des Affaires étrangères a également publié une déclaration condamnant la démolition. « L'administration américaine doit intervenir et mettre en œuvre ses promesses et obligations envers les Palestiniens de Jérusalem-Est,  dont le quartier de Cheikh Jarrah, pour leur fournir une protection et empêcher les démolitions de maisons et le harcèlement ».

La déclaration souligne également la nécessité de rouvrir le consulat usaméricain à Jérusalem-Est afin d'envoyer un message à Israël.

Le député à la Knesset Ayman Odeh, président de la Liste commune, a dénoncé la démolition et a déclaré : « Les colons, la municipalité et le gouvernement coopèrent contre une solution à deux États et contre la paix ».

Le groupe de défense des droits Free Jerusalem a déclaré que « l'expulsion de la famille Salhiye, en recourant à une violence sévère, et l'arrestation des membres de la famille et des militants, est une escalade des politiques d'occupation de l'État et d'expropriation des maisons des Palestiniens ».

Mahmoud Salhiye et sa femme Lital, qui est juive, vivaient depuis des décennies dans une grande propriété du quartier. Ils affirment que le père de Mahmoud a acheté le terrain avant 1967. Le gouvernement a déclaré par le passé que le terrain faisait partie de la parcelle Kerem Hamufti qui appartenait à Mohammed Amin Al Husseini, l'ancien grand mufti de Jérusalem, et qu'il était probablement utilisé comme entrepôt. Le terrain a été confisqué conformément à la loi israélienne sur la propriété des absents, selon laquelle la famille n'a aucun droit sur ce terrain.

Il y a un an, la juge Anat Singer du tribunal de district de Jérusalem a statué en faveur de la municipalité et a autorisé l'expulsion. Il y a cinq jours, l'avocat représentant la famille, Ahmed Kadamani, a soumis une demande urgente d'annulation de l'expulsion, affirmant que l'ordre d'expulsion ne concerne que les parents, et non les autres membres de la famille.

La juge Einat Avman-Muller du tribunal de district de Jérusalem a demandé la réponse de la municipalité mais n'a pas émis d'ordonnance qui retarderait l'exécution de l'ordre d'expulsion.

Dans le contexte de l'expulsion, une discussion a également eu lieu sur l'importance historique du bâtiment. Alors que le bâtiment apparaît sur des photos aériennes de la région datant de la Première Guerre mondiale et sur des cartes du mandat britannique des années 1930, la municipalité a minimisé toute valeur historique, affirmant que le bâtiment avait été construit illégalement par la famille. La démolition de la structure allait à l'encontre des décisions prises par le comité d'urbanisme local, et sans obtenir les permis de démolition adéquats.

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