David Klebe (avec kna, agence de presse catholique), Jüdische Allgemeine, 14/09/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
« Qu'est-ce que je peux vous
dire ? Il n'y a tout simplement rien de plus grand que d'être avec moi à Rosh
Hashanah ! » Ces paroles rapportées de Rabbi Nahman de Bratslav
[Rebbe
Nohmen Breslover] illustrent le souhait de nombreux adeptes du mouvement
hassidique de Bratslav de se rassembler pour le Nouvel An juif [16-17/9/2023]
sur la tombe de cet érudit né en 1772. Il est décédé en 1810 à Ouman. Dans
cette ville située aujourd'hui en Ukraine, à environ 200 kilomètres de Kiev, sa
tombe est un lieu de pèlerinage.
Atmosphère
Le rabbin Kraus explique ce qui caractérise un pèlerinage à Ouman : « C’est la ville de toutes les nostalgies. L’atmosphère, surtout ce qui s’y passe en vous chez Rabbi Nahman, est incroyable et indescriptible. Il faut y avoir été, l’avoir ressenti et vécu pour le comprendre ».
Il prend les dangers au sérieux,
mais la force de la foi lui donne confiance. Et finalement, on vit aussi en
Israël sous une menace permanente : « J’y suis déjà allé deux fois cette
année et j’ai aussi visité la tombe du Baal Shem Tov, et tout
était sûr. Il n’y a rien à voir ou à ressentir de la guerre. Les événements de
la guerre se déroulent bien plus loin de là ».
L’ambassade usaméricaine à Jérusalem, par exemple, voit les choses tout
autrement. Elle a publié un avertissement jeudi dernier. Celui-ci est sans
équivoque : « Ne voyagez pas ».
Recommandation
La recommandation s’applique aux
citoyens usaméricains qui envisagent de se rendre en pèlerinage à Ouman pendant
Roch Hachana : « Depuis le début de la guerre en Ukraine, les frappes
aériennes russes ont touché des bâtiments civils et des infrastructures
critiques, y compris des lieux de culte, dans toutes les régions du pays,
souvent sans avertissement ou avec peu d’avertissement. Pas plus tard qu’en
juin, Ouman a subi plusieurs attaques de missiles russes ». Le ministère
israélien des Affaires étrangères a également émis une alerte aux voyages en
Ukraine et mis en garde contre les pèlerinages à Ouman.
En outre, l’entrée sur le territoire pourrait également s’avérer difficile cette année. Les questions de visa sont discutées. Car entre-temps, cette affaire est également devenue un sujet politique dans les relations déjà tendues entre les deux pays. Actuellement, la signature d’un accord culturel israélo-russe a suscité de vives critiques du côté ukrainien. En dépit des boycotts occidentaux contre la Russie, Jérusalem et Moscou ont décidé la semaine dernière de coopérer dans le domaine du cinéma. Kiev a réagi de manière plus qu’irritée.
Selon les médias, des divergences d’opinion récurrentes auraient déjà eu lieu auparavant, ce qui a notamment entraîné la convocation de l’ambassadeur ukrainien Evguen Korniytchouk au ministère israélien des Affaires étrangères.
L’un des points de discorde est le traitement qu’Israël réserve aux réfugiés d’Ukraine. Ainsi, les citoyens ukrainiens qui viennent dans le pays en tant que touristes seraient menacés d’expulsion si les autorités ont des raisons de penser qu’ils veulent rester illégalement. En outre, il existerait des projets de suspension des soins de santé.
Ambassade
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré en août que « les droits des citoyens ukrainiens doivent être garantis ». Il n’a pas explicitement cité Israël à cette occasion. Mais le lendemain, Korniytchuk a précisé que le message de Zelensky était adressé à Israël.
Cité par plusieurs médias, Korniytchouk a déclaré que l’Ukraine ne tolérerait pas les humiliations infligées à ses citoyens lors de leur entrée en Israël et qu’elle mettrait fin à sa politique d’exemption de visa pour les Israéliens. Des fonctionnaires de Jérusalem auraient rejeté comme infondée une menace de l’ambassadeur ukrainien en Israël selon laquelle Kiev fermerait ses frontières aux pèlerins israéliens se rendant à Ouman en représailles à l’expulsion d’Ukrainiens par Israël.
Il y a donc beaucoup à discuter. Ainsi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président ukrainien Zelensky se sont parlé au téléphone jeudi dernier. Tous deux se sont ensuite exprimés sur les médias sociaux. Netanyahou a écrit sur X (ex Twitter) : « Nous avons parlé de la poursuite de l’aide israélienne à l’Ukraine, y compris pour les réfugiés d’Ukraine qui se trouvent en Israël, et de la poursuite de la promotion de l’aide au développement des systèmes de protection civile ». Il aurait en outre évoqué la nécessité d’assurer cette année « autant que possible l’arrivée des fidèles à Ouman afin de garantir la liberté de culte ».
Volodymyr Zelensky a fait savoir que des discussions avaient eu lieu « sur la manière de garantir que l’exemption de visa pour les citoyens ukrainiens fonctionne pleinement et d’assurer la sécurité des juifs hassidiques lors de leur pèlerinage annuel à Ouman ».
Menace
L’Ukraine a toujours accueilli chaleureusement les pèlerins et assumé la responsabilité de leur sécurité, a poursuivi Zelensky. « Compte tenu de la menace des missiles russes et des drones iraniens, le pèlerinage de cette année présente des risques élevés pour la sécurité. Nos abris antiaériens ont une capacité d’environ 11.000 personnes. Une action commune rapide est nécessaire pour assurer la sécurité d’un plus grand nombre de personnes ».
Selon les estimations, jusqu’à 40.000 croyants d’Israël pourraient se rendre à Ouman.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a mis en garde dimanche, lors de la réunion hebdomadaire du cabinet, contre les dangers d’un voyage à Ouman. Les citoyens israéliens qui se rendraient malgré tout en Ukraine devraient en assumer la responsabilité personnelle. Le gouvernement a néanmoins approuvé une aide financière de quatre millions de shekels [= 1 million d’€] pour les pèlerins.
Passages de frontière
Cette aide doit notamment permettre d’installer des tentes aux points de passage de la frontière avec l’Ukraine et d’engager des assistants parlant hébreu. La remarque de Netanyahou : « Historiquement, Dieu ne nous a pas toujours protégés, surtout en Europe et en Ukraine », a déclenché une vive opposition dans les milieux strictement religieux.
Les paroles d’avertissement venues de Kiev et de Jérusalem n’empêcheront probablement pas de nombreux pèlerins de se rendre d’une manière ou d’une autre d’Israël à Ouman. Comme ils le pensent, c’est tout à fait dans l’esprit de Rabbi Nahman, dont on dit aussi que cette phrase est passée à la postérité : « Ce n’est pas que vous soyez tous dépendants de mon Rosh Hashanah, le monde entier en dépend !»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire