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18/06/2024

ELEONORA CAMILLI
La revanche de Mimmo Lucano, élu au Parlement européen et réélu maire de Riace

Eleonora Camilli, La Stampa, 11/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Journaliste professionnelle, Eleonora Camilli travaille depuis 2007 à la rédaction romaine du Redattore Sociale, la première agence de presse italienne spécialisée dans les questions d'État-providence, de marginalité et d'exclusion. Elle s'intéresse en particulier aux droits, à la migration et aux diasporas contemporaines. Ses analyses et reportages ont également été publiés dans plusieurs journaux nationaux italiens, dont La Stampa. X @EleonoraCamilli
Instagram eleonora.camilli  
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Une réhabilitation après des années de calvaire judiciaire : « J'appartiens au Sud, je veux faire le possible et l'impossible pour cette terre ».

Une double élection qui a une saveur de rédemption. Domenico Lucano, dit Mimmo, ne cache pas son émotion. Non seulement il a recueilli plus de 188 000 voix aux élections européennes, ce qui lui permet de siéger au Parlement [liste Alliance Verts et Gauche], mais il sera à nouveau maire de Riace. Dans cette commune où il avait imaginé « un rêve d'hospitalité », mais qui lui a coûté des années d'enquêtes judiciaires, lesquelles se sont terminées par une sentence qualifiant les accusations d'infondées. Aujourd'hui, il entame un double travail, qu'il veut honorer du mieux qu'il peut, afin que ceux qui l'ont attaqué au fil des ans (en premier lieu le ministre Salvini) ne puissent plus mettre en doute sa bonne foi. « Ils m'ont traité de tout, mais maintenant ils se taisent. N'ont-ils plus rien à dire des années plus tard ? »

Lucano, vous attendiez-vous à ce double résultat ?

Oui, je m'y attendais et je ne peux qu'être satisfait. J'ai attendu ce moment pendant longtemps et il est enfin arrivé. Même pendant la période de mon histoire judiciaire, j'ai toujours été entouré d'une grande communauté. Nous avons transformé la douleur en espoir, comme Riace l'a enseigné au monde en accueillant des personnes qui venaient des situations les plus diverses, des guerres, de la faim, de la persécution. Comme Riace, je suis donc sorti de l'oubli grâce à cette communauté qui est aujourd'hui une icône dans le monde. La plus grande œuvre publique est immatérielle et ne se voit pas. Je veux être le témoignage de la Calabre la plus authentique, des villages abandonnés qui renaissent, des gens qui sortent de chez eux sans fermer la porte à clé, de l'intégration.

Votre double élection est-elle aussi une revanche sur ceux qui vous ont attaqué ces dernières années ?

Salvini s'est réjoui de ma première condamnation, m'a traité de zéro et d'autres mots injurieux. Et d'autres à droite, pareil. C'est la plus belle des revanches, mon élection comme maire de Riace prouve que le théorème du grand remplacement et des cargaisons résiduelles* n'a aucun sens. Je me demande cependant : comment se fait-il que personne ne parle aujourd'hui, que Salvini ne commente pas mon élection ? J'ai été réélu sans demander de vote ni aux élections administratives ni aux élections européennes. La première fois que je me suis présenté, même mon père n'a pas voté pour moi, je ne fais pas partie des amis de mes amis.

 

En tant que maire de Riace, allez-vous relancer ce modèle d'accueil qui vous a coûté si cher ?

Le village global a toujours continué à exister et nous continuerons à le faire. De nouveaux réfugiés sont arrivés et ont maintenu les activités ouvertes. C'est notre force, il ne sert à rien de faire uniquement des travaux publics, il faut travailler sur les communautés sinon la réalité sociale meurt.

Allez-vous tenir vos deux engagements, avez-vous déjà réfléchi à la manière de partager votre temps entre Riace et Bruxelles ?

Je conserverai les deux postes, comme le permet la loi. En tant que maire, j'essaierai de collaborer autant que possible avec mes conseillers. Mon idée est celle d'un municipalisme démocratique sans formes autoritaires et de haut en bas. Lorsque j'ai été élu, un ami m'a offert un livre intitulé “L’arte del non governo” [L'art de ne pas gouverner], qui résume le sens de mon travail politique.

Comment voulez-vous avoir un impact au sein du Parlement européen en vous opposant aux politiques sécuritaires en matière d'immigration ?

Tout d'abord, je veux apporter le message d'espoir qui émane des communautés abandonnées. J'appartiens au sud profond de l'Italie, où le sentiment de résignation ne doit pas l'emporter. Je veux faire le possible et l'impossible pour notre terre et imaginer un avenir meilleur, où il n'y a plus de migration sanitaire parce que les gens ne savent pas comment se soigner. Et puis, bien sûr, j'apporterai le témoignage de ce que nous pouvons vivre ensemble, cet ensemble de couleurs et de nattes qui se trouve déjà dans notre école. Mon rêve est un rêve d'espoir et de paix. Riace est lié au peuple palestinien, j'apporterai aussi ma plus grande solidarité à ce peuple qui a le plus souffert dans l'histoire.

NdT

*Cargaison résiduelle : en novembre 2022, le ministre de l’Intérieur Piantedosi a justifié la décision de procéder à un « débarquement sélectif » d’un bateau humanitaire des seuls migrants ayant besoin d’assistance, « après quoi le navire devrait repartir avec tout le reste de la cargaison résiduelle» [con tutto il resto del carico che ne dovesse residuare].

 

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