Affichage des articles dont le libellé est Droits humains. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Droits humains. Afficher tous les articles

15/08/2023

Save the life of Mohamed Lamine Haddi / Salven la vida de Mohamed Lamine Haddi / Sauvez la vie de Mohamed Lamine Haddi

 

 The League for the Protection of Saharawi Prisoners in Moroccan Prisons has sent this message to the African Union, to each of the "friends of Western Sahara" - France, England, Spain, Russia and the United States of America -, to Germany, to the permanent members of the United Nations Security Council and to various human rights organizations.
This letter intends to raise awareness of the terrible situation Haddi is suffering, and to call for human rights to be upheld, not only in declarations but in practice, by making every effort to save Haddi's life.
Haddi cannot succumb to hunger strike or ear infection due to medical negligence. The countries have their diplomatic channels, they have been warned and they should try everything to save his life.
Because this way of killing slowly cannot be tolerated. Morocco is a terrible torturer. The so-called civilised nations must stop it.

 Your Excellency,

Allow us to inform you of a case of vital importance.

Mohamed Lamine Haddi is a Saharawi human rights defender and a political prisoner of the Gdeim Izik group. He was detained on November 23, 2010 further to the dismantlement of the Gdeim Izik camp by the Moroccan occupation forces, and purges a sentence of 25 years, after an unfair trial. The prison is Tifilt 2, in Morocco, 1.200 kms away from his home in occupied Western Sahara.

His life in prison is unbearable because of the absolutely hostile treatment he is subject to. In 2021 his despair led him to go on two hunger strikes of 69 and 63 days to claim for his rights.

He is in isolation since September 16, 2017.

The communication with his family is difficult and scarce.

Torture and hunger strikes have provoked a real damage in his health, all over his body. He doesn’t receive medical assistance. Not even his hunger strikes were monitored.

Several special rapporteurs of the United Nations have denounced the tortures and the unfair trial to which the group of Gdeim Izik was submitted, i.e. the communication of July 20, 2017 (AL Mar 3/2017).

Now, as a result of the continuous and brutal slaps received during his torture, 13 years ago, his ear has been infected with pus for a long time. Now the pus is growing and the pain is very intense. Still no medical care.

He went on a warning hunger strike of 24 hours on August 3. On August 8, he went once again on an indefinite hunger strike to ask for his right to receive medical care.

What Morocco is doing with Haddi is a slow death sentence. We can’t let this man die in broad daylight. His harm can be avoided.

12/08/2023

RAÚL ZIBECHI
Un camp de concentration appelé El Salvador

Raúl Zibechi, La Jornada, 11/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le philosophe italien Giorgio Agamben a probablement fait preuve d’euphémisme en affirmant que le paradigme de la vie contemporaine n’est pas la ville, mais le camp de concentration. Si nous observons ce qui se passe dans différents coins de l’Amérique latine, nous sommes confrontés à un saut qualitatif et quantitatif dans l’expansion des camps d’enfermement.


Le président salvadorien, Nayib Bukele, a décrété le bouclage de tout un département (équivalent des provinces ou des états dans d’autres pays) agro-pastoral, habité par 160 000 personnes et situé dans le centre-nord du pays. Il s’agit de Cabañas, assiégé par 8 000 militaires et policiers qui seraient à la chasse d’une petite bande criminelle.

Pour de nombreux Salvadoriens, le siège actuel rappelle les opérations de “terre brûlée” lancées par l’armée contre les guérillas pendant la guerre civile qui s’est intensifiée dans les années 1980. Aujourd’hui, dans le cadre de l’état d’urgence, des municipalités et des villes se sont retrouvées en état de siège, mais c’est la première fois que tout un département est bouclé.

L’état d’urgence est en vigueur depuis mars 2022, accepté par un parlement et un pouvoir judiciaire soumis à la volonté du président. Durant cette période, plus de 70 000 personnes ont été arrêtées et emprisonnées, enfournées dans des prisons de haute sécurité où leur humanité est systématiquement violée, comme l’attestent les photos et vidéos diffusées par le gouvernement lui-même. Six organisations de défense des droits humains ont publié un rapport dans lequel elles affirment que cet État policier a fait 5 490 victimes de violations des droits humains en seulement 15 mois, soit une moyenne de 12 violations par jour.

Il s’agit notamment d’arrestations arbitraires, de menaces, de blessures, d’agressions et de viols, ainsi que de la mort de 173 personnes détenues par l’État. Le gouvernement multiplie les actions. Une récente réforme judiciaire autorise les procès de masse de groupes allant jusqu’à 900 personnes, au mépris des garanties légales minimales.

Un éditorial de l’Asociación de Radiodifusión Participativa de El Salvador (Arpas), basé sur un rapport du journal El Faro, affirme que le gouvernement de Bukele « négocie une réduction des homicides et un soutien électoral au parti Nuevas Ideas en échange d’avantages pour les membres des gangs et leurs familles ». Il ajoute que certains analystes considèrent que le pacte de Bukele avec les gangs n’est pas comme les trêves des gouvernements précédents, et pourrait être une « alliance stratégique pour la gouvernabilité » (Arpas, 4/22).

El Faro affirme, sur la base de documents officiels, que Bukele négocie depuis des années avec la Mara Salvatrucha 13 (MS-13) pour obtenir un soutien électoral à sa candidature, en libérant les chefs de gangs (El Faro, 3/9/20). De telles alliances sont courantes dans le monde entier et sont en fait créées avec un double objectif : stabiliser la gouvernance et détruire les organisations de la société, cet objectif étant peut-être le plus cher aux gouvernements d’aujourd’hui.

Dans une période de soulèvements et de révoltes populaires dans toute l’Amérique latine, attiser le crime organisé contre les peuples en lutte semble être une excellente “affaire” pour ceux d’en haut. Il est très probable que le gouvernement Lasso en Équateur et les gouvernements mexicains qui ont lancé la « guerre contre la drogue » ont eu et ont encore de tels accords avec le crime organisé, même s’ils sont mieux protégés de la couverture médiatique.

La militarisation et les attaques contre les peuples visent à libérer les territoires afin que le capital puisse transformer les biens communs en marchandises. Au Salvador, le Cabañas a été l’épicentre de la résistance à l’exploitation minière transnationale et une région d’intérêt pour les grandes entreprises qui cherchent à exploiter l’or et l’argent. Entre 2000 et 2017, des entreprises canadiennes et australiennes se sont heurtées à l’opposition des communautés concernées.

En Cabañas, les dirigeants communautaires font état de persécutions, de menaces, de harcèlement judiciaire et de surveillance. Plusieurs dirigeants ont été assassinés et emprisonnés ces dernières années. On peut conclure que le siège de Cabañas vise à affaiblir la résistance des communautés, qui savent très bien que l’exploitation minière finirait par porter un coup définitif à leur survie, car la crise de l’eau qui touche toute l’Amérique centrale s’aggrave au Salvador.

Dans le couloir sec de l’Amérique centrale, les longues sécheresses, les tempêtes et les pluies diluviennes aggravent la pauvreté en affectant les cycles de production de la terre. Près de 70 % du territoire salvadorien souffre d’une sécheresse importante ou grave. Les migrants de cette région, peuplée de 10 millions de personnes, peuvent être considérés comme des réfugiés climatiques.

Bukele boucle la boucle de la guerre de dépossession contre le peuple : il a créé un État policier, militarisé de grandes parties du pays, déplacé des populations et ouvert de nouveaux territoires à l’accumulation par dépossession. Un pays transformé en camp de concentration, que les autres classes dirigeantes veulent imiter.


Les Sept cercles de l’enfer : Bukele visite le tout nouveau “Centre de confinement du terrorisme » « digne du premier monde » (dixit le directeur nommé… Osiris Luna), qui, avec une capacité d’enfermement de 40 000 personnes, promet d’être la plus grande prison du monde. Plus de 70 000 personnes ont été emprisonnées en 18 mois dans ce pays comptant 6,3 millions d’habitants.

 

 

30/06/2023

GABRIEL TAN
La Cour d’appel britannique estime que le plan Rwanda est illégal car le Rwanda n’est pas un pays tiers sûr

Gabriel Tan, Freemovement, 29/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Gabriel Tan est un candidat à la licence en droit civil à l’Université d’Oxford et un ancien chargé de dossiers de droit public au cabinet Wilson Solicitors. @finishedloading

La Cour d’appel d‘Angleterre et du Pays de Galles a estimé, à la majorité, que le plan Rwanda était illégal car le Rwanda n’est pas un pays suffisamment sûr. En bref, les autorités rwandaises ne sont pas encore en mesure de faire le tri entre les réfugiés authentiques et les autres, et le risque est donc trop grand que les réfugiés authentiques soient renvoyés dans leur pays d’origine où ils risquent d’être persécutés. Les Afghans et les Syriens, par exemple, ont actuellement un taux de rejet de 100 % au Rwanda.


L’intégralité de l’arrêt est accessible ici, et un résumé de cet arrêt est accessible ici. L’arrêt majoritaire est rendu par le Master of the Rolls [garde des archives], Sir Geoffrey Vos, et le vice-président de la division civile de la Cour d’appel, Lord Justice Underhill. Le Lord Chief Justice, Lord Burnett, est en désaccord et aurait rejeté ce moyen d’appel.

Tous les autres moyens invoqués par les demandeurs d’asile contre le plan Rwanda ont été rejetés à l’unanimité.

Vous pouvez visionner le résumé des conclusions de la Cour par le Lord Chief Justice ici :

 

Le Rwanda n’est pas un pays tiers sûr

Sir Geoffrey Vos et Lord Justice Underhill rendent des jugements séparés. Lue ensemble, leur décision est que les déficiences du système d’asile rwandais signifient qu’il y a des raisons substantielles de croire qu’il existe un risque réel que les personnes envoyées au Rwanda soient renvoyées dans leur pays où elles ont été persécutées ou ont subi d’autres traitements inhumains, alors qu’elles ont en fait une bonne raison de demander l’asile.

Cela signifie que le plan Rwanda viole l’article 3 de la CEDH [Cour européenne des droits de l’homme], et plus précisément le critère énoncé dans l’affaire Soering contre Royaume-Uni (1989) 11 E.H.R.R. 439, selon lequel une décision ou une politique est contraire à l’article 3 lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle exposerait les demandeurs d’asile à un risque réel de mauvais traitements au titre de l’article 3.

Cette conclusion est fondée sur les preuves, principalement celles de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, selon lesquelles le système rwandais d’examen des demandes d’asile était, jusqu’à la finalisation du plan Rwanda, inadéquat.

Alors que la majorité (en accord avec Lord Burnett) souligne qu’il n’y a pas de preuve suggérant que le gouvernement rwandais a conclu l’accord de mauvaise foi, les points suivants sont soulignés dans le jugement de Lord Justice Underhill comme soutenant la conclusion que le système rwandais n’était pas fiable, équitable et efficace aux dates concernées :

1.      La preuve de la manière dont les entretiens sur l’asile sont menés.

2.     L’absence de possibilité pour les demandeurs de présenter leurs demandes par l’intermédiaire d’un avocat.

3.     La preuve que l’autorité chargée de statuer sur les demandes d’asile ne dispose pas des compétences et de l’expérience suffisantes pour prendre des décisions fiables.

4.    La preuve que les ONG censées être en mesure de fournir une assistance juridique n’ont probablement pas les capacités suffisantes pour le faire.

5.     Le fait que la procédure d’appel devant la Haute Cour rwandaise n’ait pas du tout été testée, ainsi que les motifs d’inquiétude quant à la culture judiciaire rwandaise, qui fait que les juges sont peu enclins à inverser les décisions des décideurs exécutifs, sont autant de raisons de s’inquiéter.

Cela a conduit le Master of the Rolls, Sir Geoffrey Vos, à conclure que « d’après les preuves présentées à cette Cour, il n’y avait tout simplement pas assez de preuves pour démontrer que les fonctionnaires seraient formés de manière adéquate pour prendre des décisions saines et raisonnées » (paragraphe 99). Lord Justice Underhill a souscrit à cette conclusion, estimant que « le système rwandais de détermination du statut de réfugié n’était pas, à la date pertinente, fiable, équitable et efficace » (paragraphe 263).

Les assurances données au gouvernement britannique par le gouvernement rwandais ont été jugées insuffisantes. Vos MR a souligné la conclusion de la Cour suprême israélienne selon laquelle le gouvernement rwandais avait déjà violé un accord similaire entre Israël et le Rwanda (paragraphe 102). Cela est important non seulement pour la procédure d’asile, mais aussi pour la sécurité même des réfugiés, étant donné que la police rwandaise a abattu au moins 12 réfugiés congolais en 2018. Vos MR poursuit en disant (paragraphe 104) :

le problème que pose l’acceptation sans critique du point de vue du SSHD [ministère de l’Intérieur] selon lequel les assurances sans équivoque du MEDP [l’acronyme du partenariat entre le Royaume-Uni et le Rwanda] peuvent éliminer tout risque réel de violation de l’article 3 est que les institutions structurelles à l’origine des violations du passé subsistent aujourd’hui au Rwanda.

Underhill LJ critique l’approche adoptée par le gouvernement britannique sur cette question. Il admet que les fonctionnaires ne se sont pas contentés de “suivre le mouvement”, mais il poursuit (paragraphe 268)

peut-être en raison de la pression du calendrier qu’ils devaient respecter, je pense que les fonctionnaires en question ont été trop prompts à accepter des assurances qui n’étaient pas spécifiées ou pas prouvées ou dont les détails n’étaient pas explorés : l’émergence tardive du problème des interprètes en est l’illustration.

Il poursuit en citant l’examen des informations sur les pays utilisé par le gouvernement britannique par le groupe consultatif indépendant sur les informations sur les pays au nom de l’inspecteur en chef indépendant des frontières et de l’immigration.

Il est important de noter que la majorité de la Cour n’a pas jugé que le Royaume-Uni était obligé de statuer sur les demandes d’asile des réfugiés qui arrivent dans sa juridiction ; elle a jugé que le Rwanda n’était pas un pays sûr vers lequel envoyer les réfugiés pour qu’ils fassent l’objet d’une décision sur leurs demandes. Les juges n’excluent pas la possibilité de renvoyer des réfugiés vers un pays véritablement sûr.

Tous les autres moyens du pourvoi sont rejetés

Tous les autres moyens de recours des demandeurs d’asile contre le plan Rwanda ont été rejetés. Voici un résumé des conclusions de la Cour.

Premièrement, en ce qui concerne l’effet de la Convention sur les réfugiés, la Cour d’appel conclut, en accord avec la Haute Cour, que l’article 31 n’empêche pas en principe le Royaume-Uni d’expulser les demandeurs d’asile vers un pays tiers sûr.

Deuxièmement, en ce qui concerne le maintien de la législation de l’UE, la Cour d’appel conclut, en accord avec la Haute Cour, que le droit de l’UE, qui permet uniquement aux demandeurs d’asile d’être renvoyés vers un pays tiers sûr lorsqu’ils ont un certain lien avec celui-ci (aucun des demandeurs d’asile requérants n’a de lien avec le Rwanda), a cessé de faire partie du droit du Royaume-Uni à la suite de la législation primaire qui a suivi le Brexit.

Troisièmement, en accord avec la Haute Cour, la Cour d’appel conclut que l’utilisation de conseils aux personnes chargées de traiter les dossiers pour qu’elles considèrent le Rwanda comme un pays tiers sûr, plutôt qu’une désignation officielle, n’était pas illégale.

Quatrièmement, en accord avec la Haute Cour, la Cour d’appel conclut que les renvois vers le Rwanda ne sont pas eux-mêmes rendus illégaux par des violations de la loi sur la protection des données.

Cinquièmement, en ce qui concerne l’équité de la procédure, si la Cour d’appel estime que le gouvernement doit donner des orientations aux responsables de dossiers en insistant sur la nécessité de faire preuve de souplesse en accordant des prolongations du délai de sept jours lorsque l’équité l’exige, elle conclut que la période de sept jours ne rend pas le processus décisionnel “structurellement inéquitable et injuste”.

L’effet de l’arrêt

Le résultat de l’arrêt de la Cour d’appel est que la décision de la Haute Cour selon laquelle le Rwanda était un pays tiers sûr est renversée et que tant que les lacunes de ses procédures d’asile n’auront pas été corrigées, l’expulsion des demandeurs d’asile vers le Rwanda sera illégale.

Il est très probable que l’affaire sera portée devant la Cour suprême. Il semble tout à fait possible que la Cour d’appel accorde elle-même l’autorisation, compte tenu de la division entre les juges. On ne sait pas combien de temps cela prendra, mais ce sera au moins une question de mois. Dans l’intervalle, compte tenu des conclusions majoritaires de la Cour, il est clair qu’aucun renvoi vers le Rwanda ne sera possible.

Quelle que soit la décision de la Cour suprême, il semble également probable que l’affaire sera portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, étant donné qu’elle soulève d’importantes questions en matière de droits de l’homme.