Il y a 723
raisons de ne pas soutenir l’actuel gouvernement israélien, et six autres en bonus.
Les 723 personnes qui sont en prison sans jugement sont une raison suffisante
pour comprendre qu'il n'y a pas de réelle différence entre le gouvernement
actuel et son prédécesseur. L’interdiction et fermeture de six groupes de
défense des droits humains en Cisjordanie fournit six raisons supplémentaires à
quiconque insiste sur le fait que notre “gouvernement de changement” et
d'espoir diffère de son prédécesseur.
Des manifestant·es
palestinien·nes demandent la libération du détenu administratif Maher Akhras, dans
le centre-ville d'Hébron en Cisjordanie occupée, le 14 octobre 2020.Photo : AFP
Maintenant,
729 éléments de preuve montrent qu'aucune amélioration significative n'est visible
sur les questions fondamentales sous le gouvernement de centre-gauche. Nous
pourrions même aller plus loin et conclure, au moins en ce qui concerne les détentions
administratives scandaleuses - des détentions sans jugement - que Benjamin
Netanyahou était préférable. Pendant 14 ans, dont la quasi-totalité sous son
gouvernement, le nombre de détenus administratifs n'a jamais atteint ces
proportions monstrueuses - et puis le gouvernement de centre-gauche est arrivé.
L'incarcération
massive sans procès et la fermeture des groupes de défense des droits humains
constituent un bon test décisif pour le caractère réel d'un gouvernement et de
ses valeurs. « Cette loi est une loi nazie. Elle est tyrannique. Elle est
immorale - et une loi immorale est une loi illégale », a déclaré Menahem
Begin à propos des règlements d'urgence autorisant la détention administrative.
Begin s'exprimait en mai 1951 à la Knesset après que des membres de Brit
Hakanaim [Pacte des zélotes, qui voulait faire de la Halakha, la loi juive,
celle de l’État, NdT], un groupe clandestin ultra-orthodoxe radical, avaient
été placés en détention administrative.
Mais ses
paroles s'appliquent aujourd'hui aux détenus palestiniens retenus sans procès,
même si aucune personne de gauche n'oserait les qualifier de lois nazies comme
l'a fait Begin. Seule la droite peut le faire.
Lorsqu'il
s'agit de la détention administrative - l'une des tactiques gouvernementales
les plus agressives que l'on puisse imaginer, étant une forme de détention sans
jugement - il est impossible de se fier à la Cour suprêmee. Selon une enquête
du Haaretz, la Cour n'a pas fait droit à une seule demande d'annulation
d'un ordre de détention administrative depuis le début de l'année. Et
l'Association pour les droits civils en Israël ne se souvient d'aucun cas où
elle l'aurait fait - pas seulement cette année, mais jamais (Hagar
Shezaf, Haaretz de lundi).
Prisonniers palestiniens à
la prison de Megiddo. Photo : Itzik Ben-Malki
Le fait que la
Cour serve de blanc-seing au service de sécurité du Shin Bet et aux Forces de
défense israéliennes en ce qui concerne les détentions administratives est
particulièrement inquiétant étant donné l'utilisation massive qu'Israël fait de
cette tactique draconienne. Le nombre de personnes détenues dans les prisons
israéliennes sans jugement a atteint 723 la semaine dernière, soit le chiffre
le plus élevé depuis 2008. Onze de ces détenus sont des citoyens ou résidents
arabes d'Israël, les autres étant des Palestiniens. Aucun d'entre eux n'est
juif.
Aucune
charge n'est jamais retenue contre les détenus administratifs ; leur détention
est considérée comme une arrestation préventive. Les preuves à leur encontre ne
sont jamais entendues au tribunal. Même leurs avocats ne sont pas autorisés à
voir ces preuves, à l'exception d'un bref résumé de quelques phrases décrivant
les soupçons qui pèsent sur eux. Le droit international autorise la détention
administrative, mais seulement si elle est utilisée de manière limitée, dans
les cas où il existe une menace pour le bien-être public et qu'il n'y a pas
d'autre moyen de l'empêcher. Pour Israël, cependant, ce n'est jamais assez.
Hagar Shezaf est correspondante du quotidien israélien Haaretz en
Cisjordanie occupée.@hagar_shezaf
Malgré la détérioration de son état de santé, les
juges de la Cour suprême d'Israël ont déclaré que la Cour n'avait pas le droit
d'intervenir dans la décision de maintenir Khalil Awawdeh en détention.
La Cour suprême israélienne a rejeté dimanche un appel
à la libération du Palestinien Khalil Awawdeh, détenu administratif en grève de
la faim, qui est actuellement hospitalisé dans un état grave.
Khalil Awawdeh au
centre médical Assaf Harofeh, samedi. Photo : Ahlam Haddad
À la suite de l'ordre donné vendredi par le
commandement central de geler la détention administrative d'Awawdeh tant qu'il
est à l'hôpital, les juges de la Cour suprême ont écrit que la Cour n'avait pas
à intervenir dans la décision de maintenir Awawdeh en détention malgré son état
de santé.
Selon l'ordre du Commandement central, Awawdeh, qui
n'a pas été accusé d'un crime, n'est soumis à aucune restriction par rapport
aux autres patients pendant son hospitalisation, mais son arrestation doit être
rétablie dès qu'il quitte l'hôpital.
Les juges Daphne Barak-Erez, Ofer Grosskopf et Alex
Stein ont écrit que, après avoir examiné les documents confidentiels qui leur
ont été présentés, il existe une justification “très solide” pour maintenir
Awawdeh en détention administrative.
Les juges ont ajouté que, selon l'avis médical soumis
à la cour aujourd'hui, l'état d’Awawdeh est grave et il refuse de recevoir un
traitement médical. Il a également été noté qu'il « a montré sa volonté de
recevoir une intervention médicale immédiate » au cas où il atteindrait un
état critique mettant sa vie en danger.
L'avocate d'Awawdeh, Ahlam Haddad, a demandé aux juges
d'autoriser la famille d'Awawdeh à lui rendre visite, en se basant sur le fait
qu'il est actuellement autorisé à recevoir des visiteurs. En réponse, les juges
ont écrit qu'ils attendaient que des instructions claires soient données aux
autorités compétentes à ce sujet.
Dalal, l'épouse du
gréviste de la faim palestinien Khalil Awawdeh, montre sa photo dans la maison
familiale, dans la ville d'Idna, en Cisjordanie, mercredi. Photo : Nasser
Nasser /AP
Vendredi, Haddad a demandé à la Cour suprême de
libérer Awawdeh de sa détention administrative, son état s'étant détérioré
après 170 jours de grève de la faim.
Dans sa requête, Haddad demande à la Cour d'émettre
une ordonnance exigeant que l'État explique pourquoi il ne libère pas Awawdeh
et fournisse des informations complètes sur l'état de santé de son client.
Awawdeh a entamé sa grève de la faim en juillet
dernier pour protester contre sa détention administrative. Il a été admis au
centre médical Assaf Harofeh le 11 août, où il a été maintenu par des entraves
aux jambes pendant son traitement, jusqu'à ce que l'ordre de geler son
arrestation soit mis en œuvre.
La grève de la faim est la deuxième qu'Awawdeh
entreprend depuis son arrestation, selon la pétition. Awawdeh a mis fin à la
première grève, qui a duré de mars à juin, après avoir reçu la promesse qu'il
serait libéré. Il a entamé la grève actuelle après que sa détention
administrative a été prolongée.
Après
la bataille entre les « Tout-sauf-Bibi » et les « Bibi-rien-que-Bibi »,
le seul autre sujet qui attire l'attention dans la politique israélienne est
une question sans rapport qui est en train de devenir la seule question de
principe qui subsiste. Il s'agit de la guerre entre ceux qui vénèrent le
système judiciaire israélien et ses ennemis, et la position de chacun sur ce
sujet dépend entièrement de son camp politique.
Si vous êtes
un partisan de « Bibi-rien-que-Bibi », vous êtes contre les tribunaux,
et si vous êtes « Tout-sauf-Bibi », vous révérez le système
judiciaire. Il est tentant de rejoindre le second camp, éclairé et libéral, qui
tente de protéger le système judiciaire des menaces violentes agitées par
l'aile droite. Tentant mais impossible.
L'arrêt
de la Cour suprême de la semaine dernière, par lequel la Cour a décidé que
l'avant-poste de colons de Mitzpe Kramim ne devait pas être évacué, ne fait que
démontrer à quel point il n'est plus possible de défendre la Cour - et combien
les scénarios d'horreur et les prophéties de malheur diffusés par le camp
libéral ne sont pas pertinents lorsqu'il s'agit de savoir ce qui se passerait
si la droite s'en prenait à cette institution vénérée.
Le camp
libéral s'accroche à son soutien au pouvoir judiciaire comme on s'accroche à
une boussole sans laquelle on s'égare. Mais le chemin de la boussole a été
perdu depuis longtemps. Elle est cassée, ou si nous devons l'admettre, n'a
jamais fonctionné correctement. Le pouvoir judiciaire serait censé être la
bannière que le camp éclairé embrasse, mais cette bannière est en lambeaux.
Le test
suprême du pouvoir judiciaire, bien au-delà de toute autre question - plus
encore que sa gestion du cas crucial de Netanyahou - est sa gestion de
l'occupation, la question qui plus que toute autre définit Israël, dont la
conduite est honteuse et lâche. La reconnaissance des voleurs de terres de
l'avant-poste de Mitzpe Kramim et la récompense qui leur a été remise n'est que
la dernière d'une interminable série d'affaires. On ne peut soutenir un
tribunal qui se range systématiquement du côté des voyous et des criminels, qui
approuve les crimes de guerre et méprise le droit international.
On ne peut
même pas s'émouvoir des menaces d'un de ses adversaires de faire passer un bulldozer
sur la Cour*. Si celle-ci est détruite, que se passerait-il exactement pour le
pays, à part des dégâts immobiliers ? Israël deviendrait-il un pays qui ignore
le droit international ? Deviendrait-il un pays qui tolère l'apartheid ? Qui
blanchit les crimes de guerre ? Qui nourrit la suprématie juive ? Que se
passerait-il exactement si ces juges éclairés et exaltés étaient remplacés par
d'autres moins éclairés et exaltés ?
Même
l'hypothèse selon laquelle, comme aux USA, les juges de la Cour suprême sont
divisés entre libéraux et conservateurs est trompeuse. Dans les deux pays, les
conservateurs sont majoritaires. Mais en Israël, même les libéraux ne sont pas libéraux.
Qui a
soutenu le vol de terres à Mitzpe Kramim ? Noam Sohlberg [lui-même un colon,
vivant à Alon Shvut, dans le Bloc d’Etzion, NdT], bien sûr, mais aussi les
libéraux Daphne Erez-Barak et Isaac Amit. Eux aussi pensaient que les Juifs
avaient le droit de voler les Arabes. Eux aussi pensent que les colons ont le
droit de tout faire parce qu'ils sont juifs.
Concernant
la Cour suprême, une chose est indéniable : il n'y a rien de tel pour exposer
le vrai visage d'Israël. Il y a des libéraux bien-pensants au Meretz, au Parti
travailliste et à Yesh Atid, en plus de la Cour suprême. Ils parlent tous plus
gentiment que les sauvages de la droite.
Ils ont peur
de la menace d'un bulldozer visant la Cour. Ils pensent que la « pieuvre
de la corruption », comme l'a appelé le journaliste Mordechai Gilat dans Haaretz
(édition hébreue, 29 juillet), est le membre de la Knesset David Bitan**, et
au-dessus de lui, bien sûr, Benjamin Netanyahou, qui est le plus terrible de
tous. Mais pas les juges de la Cour suprême qui donnent leur approbation aux
familles criminelles et encouragent l'établissement de quartiers criminels dans
les territoires occupés.
Lorsque
les annales de l'époque actuelle et de celles qui l'ont précédée seront
écrites, la Cour suprême sera inscrite du côté négatif et honteux de
l'histoire, en tant que fondatrice et complice de l'État d'apartheid. Les
crimes de Netanyahou et les délits de Bitan paraîtront alors blancs comme neige
en comparaison.
NdT
*Moti
Yogev, député du parti Habayit Hayehudi (Le Foyer juif), vice-président de la
commission des Affaires étrangères et de la défense de la Knesset, avait déclaré
en 2015 qu'un bulldozer Caterpillar D9 devrait être utilisé contre la Cour
suprême.
**David
Bitan : député du Likoud, très proche de Netanyahou, inculpé de corruption, fraude, abus de
confiance, blanchiment d’argent et de délits fiscaux pour avoir touché des
pots-de-vin de spéculateurs immobiliers (200 000 €) lorsqu’il était maire
adjoint de Rishon Lezion