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Sergio Rodríguez Gelfenstein
¿Qué hará Marcos Rubio? 

29/08/2023

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
USA-Israël : une solidarité “à l’épreuve des balles” quelque peu mise à mal

Luis E. Sabini Fernández, Revista Futuros, 27-8-2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La “réaction morale” des sionistes indignés par les nouvelles exigences de l’administration Biden à l’égard de l’État d’Israël en ce qui concerne les “droits des Palestiniens” vaut son pesant de hoummous.

 
Derniers sondages : humeur anti-israëlienne aux USA
Danziger, The Rutland Herald

Nous craignons que Biden lui-même ne soit choqué. Mais c’est une expression de l’époque, si démocratique, si pluraliste, si antiraciste, si attachée au politiquement correct ; cet air du temps a mis Biden et son équipe “progressiste” dans un sacré pétrin idéologique et tactique.

Nous n’avons plus de Teddy Roosevelt qui a choisi la politique du bâton pour redresser la ligne des nations satellites, nous n’avons plus de Winston Churchill qui se vantait de gazer les “nègres cabochards” ou de bombarder leurs villages ; nous n’avons plus (du moins dans l’arène politique), de WASP pur jus proclamant sur des bases éthiques, religieuses et scientifiques que la race blanche a été chargée par Dieu de guider et/ou de domestiquer les autres races (ou de les écarter du chemin, si elles dérangent plus que de raison).

Caroline, indignée, ne mâche pas ses mots : « Le rapport du département d’État nie fermement que l’État juif ait le droit d’imposer ses lois aux citoyens arabes ». [1]

Caroline poursuit : « Prenons, par exemple, la section du rapport sur les efforts d’Israël pour lutter contre l’occupation illégale des terres par les Bédouins dans le sud d’Israël. Selon l’ONG israélienne Regavim, qui documente les constructions arabes illégales, la minorité bédouine d’Israël a occupé dans le Néguev des terres plus vastes que Jérusalem, Tel Aviv et Beersheba réunis... Quelque 82 000 Bédouins - moins de 1 % de la population israélienne - ont occupé quelque 60 000 ha. Les 99 % restants d’Israël résident sur quelque 232 000 acres [un peu moins de 100 000 ha] ». Caroline utilise la comparaison de Regavim mais ne dit pas que ce que les Bédouins habitent est un désert dans lequel les humains survivent avec un minimum de moyens, et que les autres millions d’habitants d’Israël le font dans d’autres conditions, radicalement différentes, urbaines et industrielles.

Selon Hashomer Hadahash, une autre ONG israélienne, « qui protège les terres rurales israéliennes contre le terrorisme agricole arabe [sic], les Bédouins sont devenus des bandits qui exigent une rémunération pour leur protection ».

Caroline est déterminée à inverser le discours sur ce qui s’est réellement passé. Si ce n’était pas historiquement méprisable, on pourrait applaudir la construction d’un tel livret.

Récapitulons : Caroline voit « les efforts d’Israël pour lutter contre les empiètements illégaux des Bédouins dans le sud d’Israël ». Cependant, les Bédouins ont habité cette région - le désert du Néguev - pendant des siècles avant que les sionistes ne décident, au XXe siècle, de s’approprier ce territoire. Caroline parle de prise de terre “illégale” parce que les Bédouins n’ont pas utilisé le droit de l’occupant ; sans doute, le bon sens ancestral ne leur aurait jamais conseillé d’utiliser ce droit, car le droit de l’occupant n’est pas fait pour être exercé par l’occupé : les Bédouins occupent parce qu’ils savent pertinemment, ou par leur propre expérience du colonialisme, que les revendications juridiques des “originaires” n’existent pas ; si elles existent, elles ne sont pas reconnues.

Les Palestiniens en général, bédouins ou non, n’ont donc aucune protection juridique en Israël ; c’est pourquoi les Palestiniens dont les terres ont été prises (et généralement beaucoup plus) ne se sont vu reconnaître aucun droit en Israël, malgré toutes les dispositions “internationales” en faveur des réfugiés, qui obligent les États à verser diverses réparations, ce qu’Israël n’a jamais respecté.

Même le quotidien israélien Haaretz a rapporté dès 2016 que « 95 % de l’eau disponible dans la bande de Gaza serait imbuvable et mélangée aux eaux usées et aux pesticides ».[2]

On n’a pas tout vu, Sancho ! Mentionner si souvent le “terrorisme arabe” sans indiquer les éléments déclencheurs : ce que le sionisme a fait au fil des décennies et maintenant depuis des siècles, c’est - précisément - exercer le terrorisme sur la population arabe palestinienne, afin de continuer à la déposséder de ses terres. Déraciner les orangers, les vignes et les oliviers, dont certains sont centenaires ; déverser les eaux usées de leurs localités sur les terres côtières où vit, par exemple, la population de la bande de Gaza ; empêcher les agriculteurs et les villageois palestiniens de stocker l’eau de pluie qui se raréfie et appliquer ainsi des “garrots”. L’invasion de leurs villages, que les Palestiniens entretiennent en s’en tenant à leurs petites cultures soigneusement entretenues, si éloignées des projets agro-industriels promus dans l’Israël moderne, chargés de produits agrochimiques toxiques.

Cette curieuse invocation des droits de l’homme par des violateurs systématiques et de longue date montre à quel point il est difficile de parvenir à des accords qui soient équitables et dignes.[3]

Qu’est-ce qui a déclenché cette vague de plaintes, d’avertissements et de contre-plaintes ? Une simple remarque du président Biden sur le comportement d’Israël à l’égard des Bédouins, par exemple, « le fait d’ignorer leur mode de vie semi-nomade ».[4]

Il existe cependant d’autres points d’achoppement qui pourraient expliquer tant de malaise.

Pramila Jayapal, membre de la Chambre des représentants des USA, a provoqué un court-circuit en jouant le rôle du petit garçon qui demande à haute voix lors du défilé : « pourquoi le roi est nu ? » Alors, la vérité est devenue incontournable, incontrôlable.

La démocrate basanée d’origine indienne Jayapal a dit un mot : qu’Israël était “raciste”. Rien que ça.

Dans la même chambre, une foule d’autres démocrates sont venus démentir une telle affirmation, et ils ont déclaré publiquement qu’ils passaient la main sur le dos de l’entité non plus mythique mais biblique qu’ils ont parrainée et protégée (inversant les relations habituelles, cette entité biblique a nourri la grande majorité des membres du Congrès usaméricain sous la forme d’aumônes toujours généreuses).

Il y a quelques années, un quatuor de femmes critiques à l’égard de la conduite d’Israël a été formé au sein du caucus démocrate, qui s’est récemment élargi à huit membres (aujourd’hui mixtes), surnommés “l’Escouade”. Mais n’oublions pas que les membres démocrates du Congrès usaméricain sont actuellement au nombre de 212 (ils sont en minorité) et que, par une simple règle de trois, nous constatons que l’“Escouade” ne constitue même pas 4 % de ce corps législatif...

 

Patrick Chappatte, Le Temps, Lausanne

Mais l’indignation de Caroline Glick ne connaît pas de limites et porte le discours d’inversion de la vérité à de nouveaux sommets.

Elle affirme : « Biden s’est ingéré dans les querelles internes israéliennes sur les procédures judiciaires d’une manière dont le gouvernement usaméricain ne l’a jamais fait auparavant ». [1]

L’affirmation de Glick est vraisemblablement vraie ; ce qui est frappant, c’est l’aveuglement militant de la commentatrice qui ne veut même pas voir que les Israéliens se sont ingérés dans les querelles intérieures usaméricaines sur un nombre immense de questions : la violence dans les pays musulmans, les rapports qui se sont révélés faux sur l’armement de pays “inamicaux”, les assassinats par l’armée israélienne de citoyens usaméricains tels que Rachel Corrie ou la journaliste palestino-usaméricaine Shireen Abu Akleh ; l’expansion territoriale israélienne pendant les visites présidentielles usaméricaines, le contrôle de la frontière usaméricano-mexicaine par des entreprises israéliennes, avec l’“assistance"” par exemple, du Groupe Golan, ne sont que quelques exemples de l’influence israélienne sur la vie et les décisions des USA et de leur population.

Certains chercheurs vont beaucoup plus loin et parlent d’une véritable dépendance ou soumission usaméricaine aux décideurs israéliens. Voir, par exemple, l’approche de Gilad Atzmon, lui-même juif[2] : « Les USA sont prêts à sacrifier leurs jeunes soldats, leurs intérêts nationaux et même leur économie pour Israël. Les groupes de pression israéliens semblent croire qu’ils sont en fait plus puissants et certainement plus importants que la constitution américaine. » [3]

Deux intellectuels usaméricains, John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, posent la question suivante et y répondent : « Pourquoi les USA sont-ils prêts à mettre leur propre sécurité de côté dans l’intérêt d’un autre État ? Nous pourrions supposer que le lien entre les deux pays repose sur des intérêts stratégiques communs ou sur des impératifs moraux impérieux. […] Toutefois, aucune de ces deux explications ne justifie l’important soutien matériel et diplomatique que les USA apportent à Israël. Au contraire, l’orientation de la politique usaméricaine dans la région est presque entièrement due à la politique intérieure des USA, en particulier aux activités du “lobby israélien” ». [4]

Le boucher Ariel Sharon a dit la même chose d’une autre manière : « Nous, les Juifs, contrôlons l’Amérique et les Américains le savent ». Il n’avait pas tort, même si une telle franchise est dégoûtante.

Nous vivons une époque de sensibilité accrue à l’escamotage des libertés démocratiques... les nôtres.

Ainsi, Weinthal nous rappelle douloureusement que « l’ingérence présumée de Biden dans les affaires intérieures d’Israël a été une source d’angoisse pour certains Israéliens et pour plusieurs candidats républicains à l’élection présidentielle ». (ibid.)

Biden ne peut supporter tant de douleur et de vexation israéliennes : « Il a dit à Herzog de transmettre à Netanyahou la conviction que l’engagement de l’Amérique envers Israël est ferme et à l’épreuve des balles ». (ibid.)

Et pour parfaire la réconciliation, Joe Biden a promis un “plan national contre l’antisémitisme”.[5]

La Double alliance (qui est en fait une triple alliance avec le Royaume-Uni) reste intacte.

Notes

[1]   Caroline Glick, ”The Biden Adminstration Sinister Turn Against Israel”, Newsweek,  24 marzo 2023.

[3]  La violence terroriste en Palestine est attestée par les assassinats des commandos sionistes depuis au moins la deuxième décennie du XXe siècle ; les premiers attentats perpétrés par des organisations palestiniennes datent de la septième décennie du même siècle : pendant un demi-siècle, les Palestiniens , en matière de “terrorisme”, n'en ont été que des victimes..

[4]  Glick, ibid.

[5]   Weinthal, Benjamin. "Biden criticism of Netanyahu govt sparks anger as Israeli president set to address Congress", Fox News, 2023 07 19.

[6]   Non seulement juif, mais sioniste d'origine et croyant en son grand-père, organisateur de la violence contre les Palestiniens. En tant que conscrit, il avoue avoir eu le choc de sa vie, car il a découvert, sous les rires de ses pairs, les cages - qu'il avait prises pour des chenils - dans lesquelles étaient enfermés les Palestiniens les plus dignes ou les plus rebelles ; des cages où l'on ne peut ni s'allonger, ni se lever. Et en même temps, il a rencontré personnellement des Palestiniens emprisonnés et très dignes. La secousse psychique fut si forte qu'il quitta d'abord l'armée, puis le sionisme et enfin le pays et la tribu. Aujourd'hui, il n'a qu'une seule citoyenneté : britanniques.

Ça vient du Premier ministre Netanyahou:
"SVP, respectez le droit à l'existence de l'État d'Israël.
Nous apprécions votre coopération pendant que nous le construisons sur votre dos.
XO (Câlins et bisous),
Bibi
"
Dessin de Christofer Weyant, The Boston Globe

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
Israel ahora avasallada: el discurso como inversión de la verdad

Luis E. Sabini Fernández, Revista Futuros, 27-8-2023 

Sumamente ilustrativa es la “reacción moral” que les ha acometido a sionistas escandalizados por las novedosas exigencias de la administración Biden al Estado de  Israel, en lo que atañe a “derechos palestinos”.

 
Últimas encuestas: estado de ánimo antiisraelí en USA
Danziger, The Rutland Herald


Nos tememos que el mismo Biden debe  estar también escandalizado. Pero es expresión de los tiempos que corren, tan democráticos, tan pluralistas, tan antirracistas, tan apegados al “pensamiento correcto”… este “aire de época” ha metido a Biden y a su equipo progre en este berenjenal ideológico y táctico.

Ya no tenemos  un Teddy Roosevelt que elegía la política del garrote para enderezar la fila de naciones satélites, ya no tenemos un Winston Churchill que se vanagloriaba de gasear “negros retobados” o de bombardear sus aldeas; ya no tenemos (por lo menos en la arena política), a un wasp de pura raza que proclame con fundamentos éticos, religiosos y científicos que a la raza  blanca dios le ha encomendado la tarea de guiar y/o domesticar a las otras razas (o quitarlas del medio, si molestan más de la cuenta).

Una escandalizada Caroline lo expresa con todas las letras: “Informe del Dpto. de Estado niega terminantemente que  el estado judío tenga el derecho de imponer sus leyes a los ciudadanos árabes.” [1]

Prosigue Caroline: “Veamos, por ejemplo, la sección del informe acerca de los esfuerzos de Israel  para combatir las tomas ilegales de los beduinos en el sur de Israel. De acuerdo con la oenegé israelí Regavim que documenta las construcciones árabes ilegales: la minoría beduina israelí ha ocupado tierra en la zona del Negev más extensa que Jerusalén, Tel Aviv y Bersheva unidos… Unos 82 mil beduinos  –menos del 1% de la población israelí–  han ocupado unos 150 mil acres [60 mil ha]. El otro 99% de Israel reside en unas 232 mil acres [algo menos de 100 mil ha].” Caroline emplea la comparación de Regavim pero no dice  que lo que habitan los beduinos es un desierto en el cual con minimalismo sobreviven humanos allí, y que los otros millones que habitan Israel lo hacen en otras condiciones radicalmente distintas, urbanas, industriales.

De acuerdo con Hashomer Hadahash, otra oenegé israelí,  “que protege las tierras rurales israelíes del terrorismo agrícola árabe [sic], los beduinos se han convertido en bandoleros que reclaman paga por protección.”

Caroline lleva con empeño el discurso a la inversión de lo que verdaderamente ha acontecido. Si no fuera históricamente deleznable habría que aplaudir la construcción de semejante libreto.

Repasemos: Caroline ve “esfuerzos de Israel para combatir las tomas ilegales de los beduinos en el sur de Israel”. Sin embargo, los beduinos han habitado esa región   –el desierto de Négev– unos cuantos siglos antes de que los sionistas en el s XX decidieran apropiarse de ese territorio. Caroline habla de toma “ilegales” porque los beduinos no han usado el derecho del ocupante; sin duda, el sentido común ancestral jamás les habría aconsejado usar ese derecho, porque el derecho del ocupante no rige para que lo ejerciten los ocupados: los beduinos ocupan porque saben a ciencia cierta o a experiencia vivida con el colonialismo, que los reclamos judiciales de los “originarios” no existen; si existen no son reconocidos.

Así que los palestinos en general, beduinos o no, carecen en Israel de todo amparo legal; por eso a palestinos a quienes se les arrebató la tierra (y generalmente mucho más) no se les ha reconocido derecho alguno en Israel, pese a todas las disposiciones “internacionales” en favor de refugiados, que obligan a los estados a diversos resarcimientos, que Israel jamás ha cumplido.

Hasta el diario israelí Haaretz ha informado que ‘el 95% del agua disponible en la Franja de Gaza no sería potable y estaría mezclada con aguas residuales y plaguicidas’.[2]

¡Cosas veredes, Sancho! Mencionar tantas veces “el terrorismo  árabe” sin señalar los disparadores; lo que ha hecho el sionismo a lo largo de las décadas y ahora ya de los siglos es –precisamente–  ejercer terrorismo sobre la población palestina árabe, para seguir despojándola de sus tierras; arrancando de cuajo naranjos, vides y olivos algunos centenarios; arrojando aguas servidas de sus poblaciones hacia la tierra costera en que vive, por ejemplo, la población de la Franja de Gaza; impidiendo a campesinos y pobladores palestinos atesorar la escasa agua de lluvia y aplicando “torniquetes” por el estilo. Invadiendo sus aldeas, que palestinos mantienen con apego a sus cultivos en pequeña escala tratados con esmero, tan distantes de los proyectos agroindustriales que se impulsa en la moderna Israel, cargados de agrotóxicos.

Esta curiosa invocación a derechos humanos de parte de violadores sistemáticos y de muy larga data es una muestra de lo difícil que es alcanzar acuerdos con cierta justeza, dignidad.[3]

¿Qué es lo que ha disparado esta ola de quejas, advertencias, reconvenciones? Un señalamiento, apenas, del presidente estadounidense Biden sobre procederes israelíes ante los beduinos, por ejemplo, “ignorando su estilo seminómade de vida”.[4]

Hay, empero, otros puntos de fricción, que podrían explicar tanta molestia.

Pramila Jayapal, miembro de la Cámara Baja de EE.UU., ha provocado un cortocircuito cumpliendo el papel del niño pequeño que preguntó en voz alta en el desfile ¿por qué el rey está desnudo? Entonces, la verdad se hizo inevitable, incontenible.

La demócrata de origen indio Jayapal, morocha, dijo una palabra: que Israel era “racista”. Solo eso.

En su cámara salieron muchísimos otros demócratas a negar semejante afirmación y se dedicaron a pasar la mano por el lomo de la entidad, ya no mítica sino bíblica, que han auspiciado y protegido (invirtiendo las relaciones habituales, ese ente bíblico les ha dado de comer a la inmensa mayoría de congresales de EE.UU. bajo la forma de siempre generosas dádivas).

En las huestes demócratas se forjó un cuarteto de mujeres críticas a la conducta  de Israel hace unos pocos años, que ha devenido últimamente de ocho miembros (ahora mixto), bautizados como “la Escuadra”. Pero recordemos que los congresales demócratas en EE.UU. son ahora (que están en minoría) 212. Y que haciendo una simple regla del tres, vemos que la Escuadra” no llega ni al 4% de ese “cuerpo” legislativo…

Patrick Chappatte, Le Temps, Suiza

Pero la indignación de Caroline Glick no tiene freno y eleva el discurso como inversión de la verdad a nuevas alturas.

Sostuvo que: “Biden se ha insertado  en las peleas domésticas israelíes acerca de los procesos judiciales como nunca lo había hecho hasta ahora el gobierno de EE.UU.” [5]

Esta afirmación de Glick es presuntamente cierta; lo que llama la atención es la ceguera militante de la comentarista para siquiera atisbar si los israelíes se han insertado en las peleas domésticas estadounidenses  acerca de una cantidad inmensa de cuestiones; la violencia en países musulmanes, los informes que resultaron falsos sobre armamento en países “no amigos”, los asesinatos del EdI de ciudadanos norteamericanos como Rachel Corrie o la periodista palestino-estadounidense Shireen Abu Akleh; la expansión territorial israelí durante las visitas presidenciales estadounidenses; el control por empresas israelíes de la frontera mexicano-estadounidense, con “la asistencia” de, por ejemplo, el Golan Group,  son apenas unos pocos ejemplos de la incidencia israelí en la vida y las decisiones de EE.UU. y sus habitantes.

Algunos investigadores van mucho más allá y hablan de una verdadera dependencia o sumisión estadounidense a manos de los que toman las decisiones desde Israel. Véase, por ejemplo, el enfoque de Gilad Atzmon, él mismo judío:[6] “Estados Unidos está dispuesto a sacrificar a sus jóvenes soldados, intereses nacionales e incluso su economía por Israel”.  “Los grupos de presión israelíes parecen creer que en realidad son más poderosos y ciertamente más importantes que la constitución estadounidense”. [7]

Y dos intelectuales norteamericanos, John J. Mearsheimer y Stephen M. Walt,  se preguntan y nos contestan: “¿Por qué los EE. UU. están dispuestos a dejar de lado su propia seguridad anteponiendo los intereses de otro estado? Podríamos suponer que el vínculo entre los dos países se basa en intereses estratégicos comunes o en imperativos morales muy convincentes. […] sin embargo, ninguna de esas dos explicaciones justifica la importante cantidad de material y apoyo diplomático que los EE. UU. proporcionan a Israel. En lugar de eso, el empuje de la política estadounidense en la región se debe casi totalmente a la política interna de los EE. UU., especialmente a las actividades del «Lobby israelí».” [8]

Con otra carga, decía lo mismo el carnicero Ariel Sharon: “Los judíos controlamos América y los norteamericanos lo saben”. No se equivocaba, aunque asquee tanta franqueza.

Estamos en una era de alta sensibilidad ante el escamoteo de libertades democráticas… propias.

Por eso, nos recuerda dolorido Weinthal, que: “La alegada interferencia de Biden en los asuntos domésticos de Israel ha sido una fuente de angustia entre algunos israelíes y en varios políticos republicanos aspirantes a la presidencia.” (ibíd.)

Biden no puede soportar tanto dolor y vejamen israelí: “le dijo a Herzog que le enviara a Netanyahu la convicción que el compromiso de EE.UU. [America, dijo],  hacia Israel es firme y a prueba de balas.” (ibíd.)

Y para que la reconciliación sea plena, Biden ha prometido un ‘plan nacional contra el antisemitismo’.[9]

La Doble Alianza (que en realidad es una triple, con el Reino Unido) sigue incólume.


Viene del Primer Ministro Netanyahu:
Por favor, respete el derecho del Estado de Israel a existir.
Agradecemos su cooperación mientras lo construimos a sus espaldas.
XO (Besos y abrazos),
Bibi

Viñeta de Christofer Weyant, The Boston Globe


Notas


[1]   Caroline Glick, ”The Biden Adminstration Sinister Turn Against Israel” (El gobierno de Biden hace una siniestra movida contra Israel), Newsweek,  24 marzo 2023.

[3]  La violencia terrorista en Palestina se registra con asesinatos de comandos sionistas desde por lo menos la segunda década del s XX; los primeros atentados de ese tipo llevado a cabo por organizaciones palestinas datan de la séptima década del mismo siglo: durante medio siglo los palestinos fueron solo víctimas en el rubro abominable del “terrorismo”.

[4]  Glick, ibíd.

[6]   No sólo judío sino originariamente sionista y creyente de su abuelo, organizador de violencia contra palestinos. Como conscripto, confiesa, tuvo el sacudón de su vida, porque conoció, entre sonrisas de suficiencia de sus pares, las jaulas –que él había tomado como perreras– en que albergaban a los palestinos más dignos o rebeldes; jaulones donde no se puede permanecer ni acostado ni parado. Y a la vez, conoció personalmente a palestinos encarcelados y muy dignos. Y el sacudón psíquico fue tan fuerte que abandonó primero el ejército, luego el sionismo y finalmente el país y la tribu. Hoy tiene solo la ciudadanía británica.

[7]  La identidad errante, Editorial Canaán, Buenos Aires, 2012.

28/08/2023

GIDEON LEVY
Quand la Cour suprême d’Israël agit comme un tribunal militaire

Gideon Levy, Haaretz, 27/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le requérant numéro 6 est une fillette de 3 ans. Le plaignant numéro 5 est une fille de 11 ans. Le demandeur numéro 4 est un excellent élève du secondaire. Le demandeur numéro 3 fait partie du personnel de nettoyage du centre médical Hadassah, à Aïn Karem. Le plaignant numéro 1 est un entrepreneur en rénovation et le numéro 2 est sa femme. Ils vivent tous ensemble dans un appartement délabré dans le camp de réfugiés de Shu’faat  à Jérusalem.


Israël a l’intention de démolir leur maison et ils ont fait appel à la Haute Cour de justice dans une vaine tentative de faire annuler ce décret méprisable. La Haute Cour, en sa qualité de plus haut tribunal militaire d’Israël, a approuvé la démolition jeudi. Rien n’était plus prévisible.

Toutes les quelques semaines, les juges de la Haute Cour sont appelés au service de réserve. C’est le cas lorsqu’ils entendent des requêtes contre l’establishment de la défense. Ils ne portent pas d’uniformes militaires, comme il se doit, ni d’insignes d’officiers, mais la Cour est vêtue de kaki et fonctionne exactement comme le tribunal militaire de la base d’Ofer. Il est difficile de distinguer les différences entre les juges de la Haute Cour et le moindre juge militaire, sommé d’approuver une quelconque injustice.

Les deux cours ont un objectif idéologique identique : légitimer, blanchir et approuver tout ce que le service de sécurité Shin Bet et l’armée exigent ; refuser toute requête demandant une mesure de justice, une observation des droits humains ou un peu d’humanité à quant à l’occupation. Le phare de la justice éteint alors sa lumière, et l’obscurité s’installe jusqu’à ce que le tribunal revienne à des affaires civiles, où sa nature éclairée se révèle à nouveau.

Même dans cette réalité déprimante, certains points sont particulièrement intéressants. C’est le cas de l’arrêt 5933/23, rendu dans le cadre d’une requête déposée par la famille de l’enfant M.Z., accusé d’avoir poignardé un policier sans causer sa mort. Le policier est décédé lorsqu’un agent de sécurité a ouvert le feu. La famille de l’enfant a demandé à la Cour d’empêcher la destruction de leur maison. 


Uzi Vogelman, vice-président de la Haute cour 

Alex Stein, ancien champion d'échecs en Union soviétique, a supprimé sa page Facebook, dans laquelle il attaquait la Haute cour, une fois qu'il y a été élu sur recommandation de la ministre Ayelet Shaked en 2018


Gila Kanfi-Steinitz, première femme d'origine mizrahie élue à la Cour suprême en 2022. Mariée à un député du Likoud

Par une majorité de deux juges vicieux contre un vertueux, Alex Stein et Gila Kanfi contre Uzi Vogelman, la Cour a approuvé la démolition. Il est toujours bon d’avoir un juge éthique dans la position minoritaire, afin de ne pas briser complètement le prestige largement reconnu de la Cour.

On peut supposer que les trois juges n’ont jamais visité le camp de Shu’faat et qu’ils n’ont aucune idée de la vie qui y règne. Il s’agit de l’un des camps de réfugiés les plus durs. Les juges ont toutefois pris connaissance d’un rapport sur l’interrogatoire du père de l’enfant, mené par un agent du Shin Bet appelé “Majdi”. 



Au point numéro 10 de ce rapport, l’agent a écrit que le garçon était un ami de Mohammed Ali Abu Saleh, qui a été abattu le jour où une autre maison du camp a été démolie après qu’il eut menacé les forces israéliennes avec un fusil jouet. Selon l’acte d’accusation, M.Z. a trouvé un couteau près de la maison de sa tante et a décidé sur un coup de tête de poignarder un policier en réponse au meurtre de son ami. Ses parents et ses frères et sœurs n’avaient probablement aucune idée de ses intentions, mais sa sœur de 3 ans va maintenant payer le prix de son acte. Aujourd’hui, elle aussi va devenir sans-abri, grâce à la Haute Cour de justice.

La démolition de maisons est une punition collective, un crime de guerre. Raser la maison de la famille d’un garçon de 13 ans est plus grave et encore plus inconcevable. La démolition des maisons des agresseurs palestiniens, jamais de celles des agresseurs juifs, est la marque par excellence d’un système judiciaire fondé sur l’apartheid. Le fait que la Haute Cour de justice n’ait même pas attendu la condamnation du garçon - son procès est toujours en cours - ne fait que prouver que lorsqu’il s’agit de Palestiniens, il n’y a pas besoin de procès.

M.Z. a poignardé un policier dans un bus après que son ami a été tué lors d’une démolition dans le camp. Aujourd’hui, le prochain attaquant, qui grandira sur les ruines de la maison de M.Z., s’échauffe sur la ligne de touche. L’affirmation des juges majoritaires - que la démolition dissuadera les parents – est ridicule. Il est triste de constater à quel point elle est déconnectée de la réalité. À l’entrée du camp de Shoafat se trouve un poste de contrôle où des Sturmtruppen [troupes d’assaut] règnent sur les habitants. La police attaque le camp tous les jours et toutes les nuits et maltraite ses résidents. M.Z., 13 ans, était assez grand pour comprendre qu’il devait faire quelque chose. Les arbitres de la justice ont estimé que sa famille devait être cruellement punie. L’ignominie est au-delà des mots.


Le coup d'État militaire contre Salvador Allende vu par un général chilien
Extraits du livre Un ejército de todos, de Ricardo Martínez Menanteau

La Jornada, 27/8/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Avant même sa présentation officielle, le livre Un ejército de todos, écrit par le général à la retraite Ricardo Martínez Menanteau, commandant en chef de l'armée chilienne entre 2018 et 2022, a déjà provoqué des remous au sein de la direction militaire du pays. Le 50e anniversaire du coup d'État qui a renversé le président Salvador Allende et instauré la dictature sanglante d'Augusto Pinochet est un moment délicat pour la coexistence entre les dirigeants civils et l’establishment militaire, qui n’a jamais reconnu la responsabilité des militaires dans ce chapitre atroce de l'histoire chilienne.


Le Corps des généraux et amiraux (retraités) a adressé il y a quelques jours une lettre au président Gabriel Boric pour lui signaler que les activités commémoratives du 11 septembre “sont en train de provoquer une plus grande division parmi nos compatriotes” et affirme : « nous ne pouvons pas garder un silence coupable devant tant d'agressivité et de dénigrement des forces militaires et policières qui ont effectivement participé - sans l'avoir cherché ni voulu - à la rupture institutionnelle de 1973 », laquelle « semble avoir été réalisée unilatéralement par les Forces armées, oubliant que ses causes n'ont jamais été générées dans les casernes ».

Au grand dam de ses compagnons d'armes, Martínez Menanteau - un homme qui a rejoint l'armée à l'âge de 15 ans et l'a quittée après en avoir été le plus haut commandant - lancera un livre unique ce mardi à l'Aula Magna de l'Université catholique de Santiago, « Conçu à l'origine comme un document destiné à sauver et à renforcer l'éthique militaire au sein des forces armées », il « vise à revaloriser l'image de l'armée aux yeux du public » et à « contribuer, 50 ans après la rupture de notre coexistence nationale, à l'indispensable réunion de tous les Chiliens », selon la présentation de l'ouvrage. Cependant, Un ejército de todos constitue une reconnaissance crue et sans précédent, formulée de l'intérieur des forces armées, de certaines des plus graves violations des droits humains, de la légalité et de l'honneur militaire perpétrées par les porteurs d’uniformes.

En raison de la pertinence et de l'intérêt de cette perspective unique, à la veille du 50e  anniversaire du coup d'État du 11 septembre 1973, La Jornada offre à ses lecteurs, en exclusivité pour le Mexique, quelques extraits de Un ejército de todos, avec l'aimable autorisation de l'éditeur JC Sáez.- La rédaction de La Jornada


René Schneider, chef de l'armée chilienne, assassiné peu avant que Salvador Allende ne soit déclaré président.

Assassinat du général Schneider

En mai 1970, le commandant en chef [le général René Schneider] a défini une politique qui devait guider la conduite de l'armée. Elle s'inscrivait dans la continuité de l'approche institutionnelle historique du respect de la Constitution de la République, que la presse a appelé jusqu'à aujourd'hui la “doctrine Schneider”. Elle réaffirme un précepte fondamental de l'armée, qui est de soutenir et de respecter la charte fondamentale du pays.

Lorsqu'on lui a demandé quel était l'objet de ces candidatures, le commandant en chef a répondu : « Notre doctrine et notre mission consistent à respecter et à soutenir la Constitution politique de l'État. Conformément à celle-ci, le Congrès est le maître et le souverain dans le cas mentionné et notre mission est de veiller à ce qu'il soit respecté dans sa décision » (interview au journal El Mercurio, 8 mai 1970).

Cet engagement en faveur de la Constitution lui a coûté la vie. Deux jours avant l'accord entre la Démocratie chrétienne et l'Unité populaire au Congrès pour l'élection de Salvador Allende, le 22 octobre 1970, alors que le commandant en chef de l'armée se rendait à son travail, un groupe d'individus d'extrême droite a encerclé le véhicule, tirant plusieurs coups de feu sur le général, qui est décédé quelques jours plus tard à l'hôpital militaire, compte tenu de la gravité de ses blessures.

L'assassinat du général Schneider a impliqué des civils et des militaires actifs et retraités, qui auraient été soutenus par la Central Intelligence Agency (CIA) des USA.

En ce qui concerne la participation de cette entité étrangère, il convient de souligner que le 18 octobre de cette année-là, des communications ont fait état de l'envoi d'armes et de munitions en provenance des USA, arrivées à l'ambassade des USA au Chili et destinées à être utilisées pour l'enlèvement du commandant en chef de l'armée.

Dans l'une des notes de la CIA, il est indiqué que « la neutralisation de Schneider sera une condition préalable essentielle au coup d'État militaire, car il s'oppose à toute intervention des forces armées pour empêcher l'élection constitutionnelle d'Allende ».

Les armes fournies par la CIA auraient été livrées à un groupe d'officiers chiliens dirigé par les généraux Camilo Valenzuela et Roberto Viaux, qui ont joué le rôle principal dans la planification et la direction du groupe qui a attaqué et tué le général Schneider.


Carlos Prats est mort avec sa femme Sofía Cuthbert dans un attentat à Buenos Aires.

Nomination du général Prats comme commandant en chef

Après l'assassinat de Schneider, le président Frei Montalva a nommé l'officier qui le suivait dans l’ordre d’ancienneté, le général Carlos Prats, une décision qui a ensuite été ratifiée par le président Allende.

Il est important de souligner qu'après les élections de septembre 1970 et dans la période précédant son assassinat, les généraux Schneider et Prats, ainsi que les commandants en chef de la marine et de l'armée de l'air, ont été autorisés par le président de la République et son ministre de la défense à fournir des conseils techniques aux groupes parlementaires qui négociaient la réforme constitutionnelle connue sous le nom de statut des garanties démocratiques, à fournir des conseils techniques aux groupes parlementaires négociant la réforme constitutionnelle connue sous le nom de Statut des garanties démocratiques, qui établit à l'article 22 que « la force publique est constituée uniquement et exclusivement des forces armées et du corps des carabiniers, institutions essentiellement professionnelles, hiérarchisées, disciplinées, obéissantes et non délibératives. Ce n'est qu'en vertu d'une loi que l'on peut fixer l'effectif de ces institutions. L'incorporation de ce personnel dans les forces armées et les carabiniers ne peut se faire que par l'intermédiaire de leurs propres écoles institutionnelles spécialisées, à l'exception du personnel destiné à exercer des fonctions exclusivement civiles ».

Cette réforme reflétait deux objectifs inhérents aux armées du monde : la défense du monopole de l'usage des armes et le souci des carrières professionnelles initiées par leur formation dans les écoles mères.

L'assassinat du général Schneider a été un événement triste et funeste et un affront à l'éthique militaire. Il est clair que lorsque des officiers de haut rang perdent leurs références éthiques et conspirent avec des activistes politiques fanatiques pour des causes fondées sur un patriotisme erroné, en fin de compte, c'est l'armée qui subit des dommages qu'il sera très difficile de réparer. Un officier général enseigne toujours à ses troupes et est un phare, même s'il ne s'en rend pas compte. Son exemple est une référence et dans ce cas, il s'agit d'une honte pour l'institution, même si le crime lui-même a été commis par des civils.

Cet assassinat ignoble a non seulement abrégé l'existence d'un commandant en chef en exercice, mais a également détruit la vie d'un soldat exemplaire dans le respect et la défense des institutions démocratiques de la république.

Face à ce crime, il est également condamnable que, dans les années qui ont suivi, les commandants institutionnels n'aient pas honoré sa mémoire, sans aucune explication. Ce n'est qu'à la fin du gouvernement militaire que son nom a été progressivement mis en valeur. Sa figure a été politiquement justifiée par des secteurs qui ont défendu des positions opposées, ce qui a certainement influencé cette inaction institutionnelle.

Incorporation du personnel militaire dans les cabinets politiques

Suite à la grave crise politique, économique et sociale qui a commencé à se développer sous le gouvernement de l'Unité Populaire, le président Allende, pour tenter de renverser la situation, a nommé un cabinet comprenant des membres des forces armées, connu sous le nom de cabinet “civilo-militaire”. Quelques mois plus tard, il a mis en place un cabinet dit de “sécurité nationale” avec les commandants en chef institutionnels. Sa mission consistait essentiellement à contrôler les actions subversives en cours et à rétablir l'ordre public.

Avec cette décision présidentielle, soutenue par certains membres de l'Unidad Popular et contestée par d'autres, les forces armées, une fois de plus dans l'histoire du pays, ont été reconnues comme garantes de la normalité institutionnelle, ce qui n'était rien d'autre que la confirmation du rôle latent susmentionné, puisqu'avec cette mesure, elles étaient à nouveau impliquées dans la situation politique, après 40 ans d'exercice strictement militaire et de marginalisation par rapport à la politique contingente.

Cependant, l'implication des forces armées n'était pas seulement de nature ministérielle, puisqu'elle s'étendait également aux entreprises d'État. En effet, dans une quarantaine d'organismes, tels que la CORFO [Corporación de Fomento de la Producción, Société de promotion de la production], la Commission de l'énergie nucléaire et d'autres, il y avait une représentation militaire [...].

La participation militaire au gouvernement de l'Unité Populaire a eu deux lectures au sein de l'institution militaire : l'une qui donne un rôle délibératif aux forces armées en plaçant les commandants en chef et les officiers généraux dans des fonctions ministérielles, et l'autre qui prouve la subordination militaire à l'Exécutif, dans ce cas précis pour éviter la confrontation violente résultant des grèves et pour garantir des élections normales en mars 1973, afin de respecter l'institutionnalité.


Le “Tanquetazo”

En juin 1973 se déroule l'épisode connu sous le nom de “Tanquetazo”, un soulèvement du 2e  Régiment blindé, une unité dans laquelle il y avait du mécontentement, en particulier parmi ses jeunes officiers, qui avaient des contacts avec des civils de Patria y Libertad, un groupe d'extrême droite qui incitait à un soulèvement militaire. La situation a été maîtrisée par le général Prats et les protagonistes de ce mouvement ont été accusés de soulèvement et de manquement aux devoirs militaires. Une fois de plus, un groupe de militaires a été instrumentalisé par des mouvements politiques qui cherchaient à s'imposer par les armes. Une fois de plus, l'ethos militaire a été dépassé par des événements politiques extérieurs à l'institution.

Il est très important de souligner la position du général Prats dans la période turbulente qui a suivi l'assassinat du général Schneider et sa confirmation dans ses fonctions par le président Salvador Allende.

Le général Prats publia un document intitulé “Définition doctrinaire institutionnelle”, dans lequel il soulignait, entre autres, ce qui suit :

« (...) La fonction de l'armée est exclusivement professionnelle ; c'est la même que celle fermement maintenue dans le passé, ratifiée par le général Schneider dans les moments critiques des événements nationaux et confirmée par le commandant en chef soussigné depuis qu'il a pris ses fonctions ».

Plan de régulation de l'organisation de l'armée en temps de paix

Pendant son commandement, le général Prats a entrepris diverses actions pour améliorer la cohésion spirituelle et l'endoctrinement du personnel de l'armée, par le biais d'un programme de visites aux unités dans tout le pays, expliquant la pensée institutionnelle et profitant de l'occasion pour s'informer sur le moral et les besoins les plus urgents du personnel.

Parallèlement, il se concentre sur la réalisation du “Plan de régulation de l'organisation de l'armée en temps de paix”, basé sur le “Plan d'acquisitions” élaboré par le général Schneider, dont l'objectif est d'accroître les capacités opérationnelles de l'armée en la dotant d'équipements modernes.

Il se préoccupe aussi particulièrement de l'égalisation des salaires des militaires avec ceux des autres institutions des forces armées. Il promeut la réforme constitutionnelle de l'article 22 qui établit que les forces armées sont “professionnelles, disciplinées, hiérarchisées, obéissantes et non délibératives”, approuvée le 9 janvier 1971.

Prats propose au gouvernement une loi accordant le droit de vote aux sous-officiers des forces armées de la nation, qui est adoptée en 1972. Il a promu la loi 17.798, qui établissait le type d'armes devant faire l'objet d'un contrôle, les sanctions pour la création et le fonctionnement de milices armées, la possession ou le port d'armes interdites, et l'entrée non autorisée dans les locaux militaires et policiers, entre autres. Cette initiative juridique n'a jamais abouti, compte tenu de la polarisation du pays.

La Chambre des députés en appelle aux forces armées

Face à la crise qui sévit, le 22 août 1973, la Chambre des députés lance un appel à l'implication des forces armées dans la crise politique. Cet appel d'une fraction du Congrès réaffirme le rôle latent attribué aux Forces armées que nous avons défendu.

Comme on peut le constater, les institutions armées ont été confrontées en 1973 à deux situations extrêmement critiques qui allaient marquer l'avenir, principalement celui de l'Armée.

Ces convulsions atteignent l'institution elle-même, qui est affectée par les bouleversements sociaux que connaît le pays. Celles-ci sont accentuées par des événements tels que la manifestation des femmes d'officiers devant le domicile du commandant en chef, qui aboutit finalement à sa démission pour éviter les divisions internes.

La crise politique, économique, sociale et institutionnelle de la période 1970-1973 a conduit les forces armées à prendre une décision extrême, sans précédent au cours du siècle, qui a consisté à déposer le président de la République et à prendre en charge le gouvernement du pays, autrement dit à réaliser un coup d'État (pronunciamiento militaire).

Les droits humains sous le gouvernement civilo-militaire (1973-1990)

Le 11 septembre 1973, le haut commandement des forces armées et des forces de sécurité décide de réaliser un coup d'État contre le gouvernement du président Salvador Allende et de prendre la direction du pays en raison de la grave crise qui s'est déclenchée. Cette étape historique, dont les répercussions se font encore sentir aujourd'hui, marque le début d'une nouvelle étape institutionnelle en matière de doctrine militaire et de droits humains.

Ce contexte exceptionnel a obligé les membres de l'armée à concentrer leurs années de formation et leurs valeurs sur des activités inédites et diverses, le tout dans une atmosphère nationale de grande tension et de polarisation. L'armée a dû déployer son personnel pour couvrir toutes les fonctions requises, des plus hautes charges aux tâches les plus simples, en recourant même à l'utilisation de réservistes dans les premiers temps. Certains ont été affectés à des tâches gouvernementales, d'autres ont été commissionnés pour des activités de renseignement national ou politique (non militaire), et un troisième groupe, la majorité, a poursuivi ses tâches militaires de routine.

Ce compte rendu ne tente pas d'analyser au cas par cas ce qui s'est passé, mais plutôt de mettre en lumière les événements qui ont remis en question - et dans de nombreux cas violé - certains préceptes moraux, individuels et institutionnels et les principes de la responsabilité militaire.

L'auto-exil du général Prats

Le 15 septembre 1973, à l'aube, l'ancien commandant en chef de l'armée, le général Carlos Prats, a été transporté à Portillo à bord d'un hélicoptère Puma. Ensuite, dans sa voiture privée et escorté par une patrouille militaire, il est arrivé à Caracoles où, après avoir accompli les formalités douanières correspondantes et pris congé de l'escorte, il a remis une lettre adressée au général Augusto Pinochet, dont les principaux paragraphes indiquaient : « L'avenir dira qui s'est trompé. Si ce que vous avez fait apporte le bien-être général au pays et que le peuple sent réellement qu'une véritable justice sociale est imposée, je me réjouirai d'avoir eu tort de chercher si ardemment une solution politique pour éviter le coup d'État. Je vous suis reconnaissant pour les facilités que vous m'avez accordées pour me permettre de quitter le pays ».

Les exigences imposées à un officier général ou supérieur dépassent de loin celles imposées à ses subordonnés. Sa responsabilité est très élevée, car une décision ordonnant à un subordonné d'effectuer une tâche peut modifier l'interprétation de la valeur de ce dernier. En effet, l'exercice d'une valeur dans des circonstances extrêmes peut être soumis à un certain degré d'interprétation.

Un élément fondamental du maintien de la discipline militaire est que les ordres donnés par un supérieur doivent être légaux, d'où l'impératif qu'ils soient exécutés par les subordonnés. L'ordonnance générale de l'armée précise que la discipline dans les relations entre militaires n'est pas un acte de soumission, mais au contraire un acte de réflexion profonde, par lequel les subordonnés abandonnent une partie de leur liberté d'action pour permettre à un commandant d'accomplir une mission dans le cadre d'un code légal, réglementaire et professionnel. Un subordonné est donc obligé d'obéir aux ordres émanant d'un supérieur, bien qu'il soit doté de la capacité de représenter à ses supérieurs les conséquences d'ordres incorrects, illégaux ou injustes.

Dans les pages du livre Ejército de Chile : Un recorrido por su historia, il est clairement et explicitement indiqué : « Les violations des droits de l'homme qui se sont produites au cours de cette période et auxquelles ont participé des membres de l'armée - qu'elles soient la conséquence d'actes dérivés de l'obéissance due, d'un usage disproportionné de la force, d'excès individuels ou d'actions fortuites - ont été une blessure profonde infligée au devoir militaire ».

 

La Caravane de la mort

L'un des épisodes les plus condamnables en matière de droits humains sous le gouvernement militaire a été la visite du général Sergio Arellano Stark et de sa suite dans différentes garnisons du nord et du sud du pays en octobre 1973, dans le but supposé de “réviser et d'accélérer les procès” des prisonniers politiques. Cette expédition, connue à ce jour sous le nom de “Caravane de la mort” a laissé derrière elle la trace douloureuse d'exécutions massives, de dizaines d'individus sortis des prisons, sommairement abattus, sans avoir bénéficié du droit à une procédure régulière. La mission de ce général peut être décrite comme une tâche parfaitement planifiée depuis Santiago, exécutée selon un programme identique dans chaque ville, avec un comportement très indiscipliné de ses membres pour intimider le personnel subordonné dans les unités et pour donner des conseils voilés et déguisés sur le terrain sur la manière de procéder avec l'“adversaire”.

Le général responsable, agissant en sa qualité de “délégué du commandant en chef de l'armée”, s'est délibérément tenu à l'écart des lieux des fusillades, distrayant les commandants de régiment dans des activités sans importance, tandis que des membres de son entourage sortaient des personnes des prisons et les abattaient ou ordonnaient à des membres de l'unité de le faire, impliquant intentionnellement le personnel du régiment dans de fausses cours martiales.

Les faits et le dossier judiciaire confirment que la mission du général Arellano était d'accélérer les procédures dans les lieux où les commandants auraient fait preuve de faiblesse après le 11 septembre 1973 (“commandants pusillanimes”, selon ses propres termes). Mais sur le plan juridique, cela n'était pas possible, car la délégation ne comptait pas de conseiller juridique dans ses rangs. Dans cette situation dramatique, les capitaines, lieutenants et sous-officiers n'avaient d'autre choix que d'exécuter les ordres de leurs supérieurs sous la menace d’être déférés cour martiale.

Il ne faut pas oublier que le haut commandement de l'époque avait déclaré, par le décret-loi n° 5 du 12 septembre 1973, que l'état de siège décrété pour cause de troubles intérieurs, compte tenu des circonstances que connaissait le pays, devait être considéré comme un “état ou temps de guerre” aux fins de l'application des sanctions prévues par le code de justice militaire et d'autres lois pénales, ce qui signifiait que le non-respect des ordres par les militaires pouvait constituer un motif suffisant pour être fusillé.

Lors d'une confrontation entre le général Arellano et le capitaine Patricio Díaz au sujet des exécutions à Copiapó, le général nie catégoriquement avoir ordonné l'exécution de prisonniers politiques, tandis que le capitaine déclare que "...la raison qui me pousse le plus à dire que le major Haag (commandant du régiment d'Atacama à Copiapó) exécutait des ordres supérieurs est que les 16 exécutions à Copiapó ont eu lieu exactement pendant la période de séjour de mon général Arellano et de sa suite dans la garnison. En complément de ce qui a été dit, je tiens à préciser que ni avant ni après la présence de mon général Arellano à Copiapó, aucun détenu n'a été exécuté...» Ce qui précède confirme clairement que sa tournée dans chacune des villes où des meurtres ont été commis a été le résultat d'un ordre exprès de cette autorité.

Le statut du général Arellano en tant que “délégué du commandant en chef de l'armée” lors de cette tournée a été très important et décisif pour les résolutions adoptées, car il représentait en sa personne l'autorité du commandant en chef de l'armée devant les commandants militaires qui le recevaient dans les différentes garnisons.

 Cette délégation implique une grande responsabilité de la part de celui qui transmet ce pouvoir à un subordonné, en l'occurrence le général Pinochet, et de la part de celui qui le reçoit de l'utiliser avec le plus grand jugement, la plus grande responsabilité et la plus grande justice, le général Arellano.

On peut donc en déduire qu'il y a eu un comportement antérieur visant à susciter la peur et à impliquer les membres de toutes les unités visitées, en leur confiant la responsabilité de se confronter aux parents des personnes touchées et en laissant ainsi les jeunes officiers et sous-officiers de ces régiments comme la face visible des exécutions.

Les actions du général Arellano étaient absolument contraires à l'honneur militaire. En outre, il n'avait aucune considération pour ses subordonnés, ce que confirme la déclaration du juge Juan Guzmán Tapia lui-même, chargé de l'enquête judiciaire sur ces crimes, lorsqu'il raconte ce qui s'est passé à Copiapó en réponse à un ordre donné par le général Arellano, (...) « cependant, les deux sous-lieutenants ont représenté l'ordre, c'est-à-dire qu'ils se sont opposés à son exécution. Nonobstant, une fois l'ordre représenté, ils ont de nouveau été contraints de s'y conformer, car s'ils ne le faisaient pas, ils seraient jugés militairement pour les crimes de trahison et d'insubordination, crimes perpétrés “en temps de guerre” et passibles de la peine de mort » (...). Il en découle que le général susmentionné n'était pas responsable des conséquences de ses actes. Quant aux officiers chargés d'exécuter les ordres, ils ont tous deux été poursuivis et purgent actuellement leur peine à Colina I. Ainsi, Arellano n'a jamais répondu de ce qui s'est passé sous son commandement, ce qui lui a valu la répudiation des personnes concernées et de toute l'institution.

En résumé, ces événements dramatiques ont causé des dommages irréversibles à la population en raison des condamnations à mort arbitraires sans procédure régulière, ordonnées par un général de l'armée, et une grave atteinte à l'image de l'institution militaire, certains de ses membres ayant été contraints de tirer sur des civils sous la menace de la mort, alors même que certains d'entre eux purgeaient déjà des peines.

Enfin, il est important de mentionner que le type d'ordres que le général Arellano a reçu du commandant en chef de l'armée n'a jamais été clarifié ; en revanche, ses performances lui ont valu une promotion au sein de l'institution, par résolution du commandant en chef.

Assassinat du général Prats

Outre les crimes de la Caravane de la mort et d'autres qui se sont produits, l'assassinat de l'ancien commandant en chef, le général Carlos Prats, et de son épouse, Sofía Cuthbert, qui a eu lieu en septembre 1974 dans la ville de Buenos Aires et dont certains membres de la DINA ont été tenus pour responsables, a été également un crime lâche, cruel et répréhensible, ainsi qu'une honte institutionnelle. Bien qu'il ait été perpétré par un organisme de sécurité n'appartenant pas à l'armée, la plupart des personnes condamnées par les tribunaux étaient des membres de l'institution.

Selon le dossier d'enquête, l'agent de la DINA Michael Townley, de nationalité usaméricaine, a placé un engin explosif dans la voiture de Prats et, le 30 septembre 1974, à 00h50, il l'a fait exploser à l'aide d'un dispositif télécommandé au moment où le couple rentrait chez lui, provoquant la mort instantanée des deux personnes.

Des années plus tard, le 5 juin 2009, le commandant en chef de l'armée, Óscar Izurieta, a fait une déclaration sur cette situation lors de l'inauguration du camp militaire de San Bernardo, [il a dit] à propos du général Carlos Prats : « ... l'armée chilienne, son commandant en chef et les milliers d'hommes et de femmes qui la composent, condamnent publiquement la bassesse de cette action et désavouent les auteurs d'un crime aussi ignoble, ainsi que les personnes indifférentes qui n'ont pas apporté leur réconfort et leur soutien aux filles d'un commandant en chef assassiné... ». Il a ajouté : « ... si la participation d'anciens militaires à ces deux crimes est confirmée par une sentence exécutoire, un acte du plus grand déshonneur aura été commis. De plus, si l'attentat contre la vie du général Prats est déjà une atteinte à l'honneur militaire, la mort de son épouse constitue un outrage à notre culture militaire et à la notion de famille à laquelle nous tenons tant... ».

Les détenus disparus

Les plus de 1 000 détenus qui ont disparu pendant le gouvernement militaire constituent l'une des pages les plus sombres des violations des droits humains au cours de cette période et représentent une plaie ouverte dans l'âme nationale.

Ne pas avoir remis les corps des victimes au moment de leur mort et ne pas l'avoir fait des années plus tard lorsque les enterrements ont été effectués dans des fosses clandestines dans le cadre d'une opération décidée par le commandant et approuvée par les commandants supérieurs de l'époque représente un grave affront à l'éthique militaire et un affront très douloureux pour les familles touchées.

C'est aussi, et à juste titre, l'un des facteurs les plus déterminants dans les accusations portées aujourd'hui encore contre l'armée par les différentes organisations de défense des droits humains.