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15/12/2021

GIANFRANCO LACCONE
Des étourneaux et des sangliers : à qui appartient la ville ?

Gianfranco Laccone, Comune-Info, 28/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

 

Les pages locales des quotidiens parlent de plus en plus des animaux « sauvages » dans les villes. Des ours, cerfs et élans qui, en Amérique du Nord, errent parmi les maisons et les poubelles, aux images récentes d'une famille de sangliers dans la banlieue nord de Rome, pendant les heures de classe, se promenant parmi les citoyens effrayés et d'autres personnes décidées à prendre les inévitables photos. Et puis il y a les étourneaux, dont la photo de leur vol attire de nombreux likes sur les réseaux dits sociaux, provoquant des commentaires contradictoires : admirables pour leur vol, insupportables pour leurs déjections. Qu'ont en commun ces animaux considérés comme sauvages et, surtout, qu'ont-ils en commun avec nous, les sapiens (comme nous appellent ironiquement les animaux de la série de films d'animation « Madagascar ») ?

 

À Rome, ils traversent (en bande) dans les bandes

 

Tout d'abord, nous parlons de deux espèces animales, le sanglier (classé Sus scrofa par Linné en 1758), un mammifère artiodactyle appartenant à la famille des suidés, et l'étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris, Linné, 1758), un oiseau de la famille des sturnidés, qui appartiennent à deux mondes apparemment éloignés, mais qui sont unis par certaines capacités peu prises en compte par « l'homme occidental » : l'intelligence, l'adaptabilité et la capacité de migration, éléments communs avec le genre humain, ainsi que la capacité de choix et la curiosité. Les observations et les différentes études réalisées sur ces animaux nous amènent à considérer ces aspects comme fondamentaux. Bien qu'ils puissent sembler peu orthodoxes pour la plupart, ils parlent du fonctionnement de la psyché et de la mémoire, des mécanismes qui ont été jusqu'à présent peu étudiés, même dans l'espèce humaine.

 

La lecture des textes scientifiques est souvent corroborée par l'expérience directe et, pour ceux qui vivent à Rome, par les témoignages recueillis dans la ville (Rome est la première commune agricole d'Europe) : une ville qui a toujours vu des volées d'oiseaux circuler dans les parcs au cœur de la métropole, auxquelles s'ajoutent désormais des familles de sangliers, et un vol saisonnier d'étourneaux estimé, selon les vagues, entre un et quatre millions et demi d'individus par vague migratoire. De plus, pour ceux qui, comme moi, vivent dans un immeuble qui a la particularité originale d'avoir deux magnolias géants dans son petit jardin intérieur, il est possible d'observer le retour et le départ quotidien des étourneaux, hôtes d'un collège-dortoir.

Chez les animaux que nous appelons sauvages, il existe un truc imprévisible résultant de la volonté, de la recherche d'harmonie, qui s'exprime de manière différente mais significative. Les deux exemples du sanglier et de l'étourneau sont quelques-unes des nombreuses manifestations de cette imprévisibilité : tant dans le vol des étourneaux que dans le trot calme et curieux d'une famille de sangliers dans la circulation romaine.

Un vol d'étourneaux à Rome

Les événements qui ont mis la présence de ces animaux sur le devant de la scène suscitent curiosité, incertitude et peur. La masse des citadins n'a pas l'habitude de voir de près d'autres espèces que les espèces domestiques et ne sait pas comment se comporter en leur présence. De plus, malgré l'augmentation du nombre de familles possédant des animaux de compagnie - notamment des chiens et des chats - la peur de la nature n'a pas diminué, bien au contraire. Considérer la nature comme fondamentalement ennemie, hostile et à dompter est l'un des lieux communs de la pensée moderne et positiviste qui guide la culture occidentale, de sorte que l'apparition d'êtres différents est facilement ramenée aux extraterrestres, tels qu'ils sont conçus dans l'imagerie occidentale contemporaine. Ainsi, l'Autre, surtout s'il n'est pas humain, est considéré avec méfiance, voire hostilité, contrairement à d'autres sociétés où les animaux étaient généralement une manifestation du divin et considérés comme sacrés. À Rome, après l'arrivée de Cléopâtre, les chats sont devenus sacrés - un temple leur était consacré - et, malgré les persécutions et les préjugés souvent véhiculés par la religion, ils ont conservé jusqu'à aujourd'hui un statut particulier, à tel point que les communes les plus clairvoyantes ont créé ces dernières années un service des animaux, dans le but de sauvegarder leur présence et de faire en sorte que même les animaux dits errants (chiens et chats) aient une existence digne. C'est leur comportement qui doit nous faire réfléchir, étant donné que, selon de nombreux auteurs, les animaux qui peuplent en permanence les villes ne peuvent être considérés comme sauvages, surtout si leur présence ne se limite pas aux espaces verts, mais se répand sur tout le territoire, comme dans le cas des perruches.

Performance à Curitiba, Brésil. Auteur : Alberto Salvetti/wikipedia

En quoi réside le succès de la présence du sanglier ? Si l'on s'en tient aux descriptions figurant dans n'importe quel manuel de zoologie, son "succès" et sa diffusion sur la planète tiennent à ses caractéristiques spécifiques : un régime omnivore ; une bonne fécondité des femelles (généralement deux naissances par an), ce qui se traduit par un taux de croissance annuel moyen élevé de la population (jusqu'à 66%) ; la capacité de réagir aux perturbations extérieures ; l'adaptabilité qui leur permet de vivre non seulement dans les forêts de feuillus, mais aussi dans les forêts de conifères, le maquis méditerranéen, les zones marécageuses, les prairies alpines, voire les steppes et, enfin, dans nos villes. Le grand potentiel reproducteur du sanglier et sa mobilité, c'est-à-dire sa capacité à se déplacer sur de longues distances grâce au phénomène de dispersion familiale, lui permettent d'étendre facilement son aire de répartition.

En ce qui concerne les étourneaux, leur propagation est basée sur des caractéristiques similaires. On dit que ce sont des oiseaux plutôt bruyants et grégaires : ils restent ensemble même la nuit, dormant dans des endroits adaptés à l'hébergement d'un grand nombre d'entre eux, comme les roselières et les arbres des villes. Ils sont omnivores, avec une certaine variation saisonnière en fonction de la présence de ressources alimentaires, car ils se nourrissent d'invertébrés, de graines et de fruits et parcourent jusqu'à 100 km par jour à la recherche de nourriture, avant de se rassembler et d'effectuer les évolutions typiques qui nous font lever la tête pour les admirer, interrompant notre routine quotidienne. Leur présence dans la ville est liée à la migration vers et depuis le sud, où ils séjournent jusqu'à six semaines en automne et au printemps, mais il arrive aussi qu'ils soient sédentaires. Ils s'accouplent deux fois par an (comme les sangliers) et font preuve d'une intelligence et d'une adaptabilité remarquable aux habitudes urbaines. Il a été prouvé qu'ils peuvent compter jusqu'à sept au moins et communiquer avec d'autres oiseaux, voire vivre avec eux. Quant à leur capacité à se disperser et à étendre leur aire de répartition, ils font preuve d'une grande aptitude, qui est également favorisée par leur capacité à communiquer : ils ont leur propre langue, des "dialectes" collectifs et sont capables d'apprendre les langues des oiseaux qu'ils rencontrent dans la journée.

Sturnus vulgaris. Wikipedia

Si nous devions donner - de la même manière sommaire - une description de l'espèce humaine, par rapport à son succès et à sa répartition sur la planète, que dirions-nous ? Que nous sommes plutôt bruyants et grégaires, que nous avons un régime omnivore, que nous nous montrons très intelligents (presque tous et presque toujours), avec la capacité de nous adapter aux habitudes urbaines, de compter au moins jusqu'à sept et de communiquer avec d'autres humains et de vivre avec eux. Pourquoi, dans ce cas, devrions-nous considérer comme sauvages les animaux ayant un comportement et une sensibilité similaires aux nôtres, et devrions-nous exclure la possibilité de croiser des individus ayant des habitudes similaires dans nos lieux de vie ? Après tout, il n'est pas exagéré de penser qu'ils pourraient trouver intéressant de vivre avec nous.

C'est à dessein que je n'ai pas mentionné les chiens, les chats et les chevaux, qui ont tous une histoire de vie commune avec nous, les humains, depuis des milliers d'années et qui sont passés par un processus complexe, encore peu étudié, connu sous le nom de domestication, qui a entraîné de profonds changements réciproques. Malgré le fait que ces animaux soient considérés comme domestiqués, ce n'est qu'aujourd'hui - en partie à cause de nos préjugés - que nous commençons à comprendre leurs sentiments et leur intelligence. Une intelligence différente de la nôtre, mais qui leur a permis de privilégier leur relation avec les humains sur celle avec les autres espèces. Dans le cas des sangliers et des étourneaux, nous avons affaire à des espèces qui ont développé une socialité interne, certes pas commune entre elles, mais qui ont découvert, grâce aussi à notre comportement, la socialité humaine : ils en sont curieux et la trouvent acceptable, donc ils la pratiquent. Ainsi, en partie à cause de l'expansion parallèle et du cosmopolitisme commun, nous nous retrouvons soudainement en contact direct avec ces animaux, sans en savoir beaucoup sur leur comportement et, de surcroît, avec peu d'envie de communiquer.

 

Le tigre de Tasmanie, aujourd'hui disparu, sur une photo de 1902.

Ce processus de séparation du reste du monde dit naturel est essentiellement dû aux préjugés de notre culture de "modernes-occidentaux", qui nous amène également à considérer notre propre comportement comme indépendant des règles "naturelles" régissant le développement ou la contraction des autres populations vivantes de la planète. Alfred W. Crosby décrit en détail les effets indirects des migrations résultant des conquêtes militaires et du développement des sociétés occidentales dans le monde, avec la masse de plantes, d'animaux, de micro-organismes et de maladies que les conquérants ont apportés sur les continents par déplacement au cours des siècles. Ces déplacements ont entraîné des changements dans les itinéraires, les implantations et aussi dans les habitudes des autres êtres vivants qui sont entrés en contact avec nos structures. Nous avons ainsi assisté non seulement à la disparition de nombreuses espèces (le dodo et le tigre de Tasmanie, pour ne citer que deux exemples célèbres), mais aussi à l'augmentation de la présence d'autres espèces et à la réapparition dans des endroits inattendus d'autres espèces qui sont parfaitement à l'aise dans les structures artificielles, fruit de la civilisation occidentale. L'analyse de Josef H. Reichholf, par exemple, permet de reconstruire le chemin par lequel certaines "repopulations" inattendues ont eu lieu, donnant une interprétation dynamique du comportement réciproque de l'homme et des autres espèces.

Mais quelle est la cause de l'augmentation des populations de sangliers et d'étourneaux ? Bien qu'il n'y ait manifestement pas de causes communes avec l'augmentation du nombre d'humains, il y a une raison sous-jacente à cela, qui n'est pas sans rapport avec la nature. Même avec le plastique, le pétrole et les villes faites de bitume, d'acier et de béton, nous contribuons à orienter l'évolution de la nature et les changements de population. L'incrédulité quant à notre rôle dans le changement climatique réside dans ce préjugé.

Les spécialistes identifient trois causes principales qui ont favorisé l'expansion du sanglier dans la zone européenne au cours des dernières décennies : les habitudes des chasseurs, l'évolution des paysages et le rôle de l'agriculture, le changement climatique mondial et le réchauffement progressif de la planète. Toutes ces causes peuvent être attribuées à la structure socio-anthropologique de la société industrielle que nous avons construite au cours des derniers siècles. Je tiens à préciser qu'aujourd'hui la pratique de la chasse, contraire à tout principe moral, est par essence la manifestation d'un exercice de la violence qui, tout en attendant d'être exercée contre sa propre espèce, est dirigée contre les autres êtres vivants, en les considérant comme inférieurs.

Les chasseurs, qui militent en faveur d'une réouverture généralisée de la chasse au sanglier, ne savent pas ou ne comprennent pas que c'est précisément leur action qui provoque l'expansion de la population, tant parce qu'ils ont encouragé sa propagation, notamment au cours des décennies passées, avec la pratique du repeuplement (même limité aux réserves de chasse) et du gavage, dans le but de transformer le sanglier en un produit commercialisable et de le vendre comme un "gibier" prisé dans les restaurants et les chaînes alimentaires (dans les supermarchés ou les magasins de nombreuses zones touristiques, on trouve souvent des produits typiques du sanglier : sauces, charcuterie, etc.).). Mais c'est la pratique même de la chasse qui a favorisé son expansion, car elle se pratique dans des conditions climatiques différentes de celles du passé : tant les hivers doux et la plus grande production de nourriture (glands) qui en découle, que l'agriculture moderne, qui a modifié les paysages européens en augmentant la superficie des forêts et en provoquant l'abandon des terres moins productives pour le marché, ont créé des conditions favorables à l'expansion de cette espèce. Le processus a été déclenché par les chasseurs qui, en tuant massivement les femelles adultes (mais les chasseurs ne se renseignent pas sur le sexe du soi-disant gibier), ont stimulé le début précoce du cycle de l'œstrus chez les femelles survivantes, avec pour résultat qu'il n'y a plus une seule famille composée d'une femelle fertile et d'autres individus dont des marcassins et des jeunes adultes en dormance, mais beaucoup plus de familles réparties sur le territoire, toutes avec des femelles fertiles, avec une augmentation conséquente de la population dans les mois suivants. Paradoxalement, pour limiter et contenir la population, il serait plus efficace de préserver les spécimens vivants : si les femelles fécondes qui existent aujourd'hui vivent plus longtemps, le nombre de la population sera contenu bien plus qu'en les chassant.

Le fait que la chasse et la tentative de "solution finale" (pratiquées tout au long de l'histoire contre de nombreuses créatures vivantes, y compris les humains) sont non seulement inefficaces, totalement improductives et substantiellement nuisibles, mais provoquent également des effets contraires aux intentions de ceux qui les pratiquent, est évident même en analysant l'histoire des étourneaux.

Cet oiseau cosmopolite, installé partout sauf en Amérique latine et en Antarctique (pour l'instant), migrant entre les régions septentrionales et méridionales des différents continents, considéré comme un ravageur des cultures, a fait l'objet de tentatives d'extermination et d'élimination, pratiquées avec tous les moyens dont dispose l'humanité. Ces interventions n'ont fait que favoriser sa multiplication, qui, pour ceux qui s'intéressent aux problèmes mathématiques, peut être facilement déduite de la formule relative à sa fertilité. Les raisons de leur succès sont les mêmes que pour les sangliers : le changement climatique qui, avec l'augmentation des températures, permet à un plus grand nombre d'individus de vivre plus longtemps (le taux de mortalité moyen de l'espèce est proche d'un sur deux) ; l'agriculture intensive qui augmente la production et laisse les produits sur les champs lorsqu'il n'est plus rentable de les récolter, augmentant ainsi la nourriture disponible ; la vie dans les villes qui crée des conditions stables de température (plus chaudes) et de survie.

Mais pourquoi les étourneaux et les sangliers s'approchent -ils des villes ? Comment se fait-il qu'en Europe, alors que les forêts et les friches se développent, les sangliers les abandonnent pour s'aventurer dans les villes ? Pourquoi les étourneaux préfèrent-ils dormir dans les agglomérations urbaines et parcourir jusqu'à 100 km dans la journée pour trouver de la nourriture, puis revenir en ville pour dormir ensemble ? Pour répondre à ces questions, nous devons abandonner nos préjugés sur la supériorité de l'espèce humaine et prendre conscience que nous ne sommes pas les seuls êtres intelligents de la création. Au contraire, à la grande surprise de ceux qui font appel au bon sens, la recherche a montré que la capacité de connaissance et de mémoire n'est pas notre apanage exclusif, mais que toutes les espèces la développent, bien que de manière différente.

Les sangliers vivent en famille, les femelles jouant un rôle majeur, notamment dans l'éducation de leurs petits. Ce sont elles qui enseignent les itinéraires, les endroits où chercher de la nourriture, elles apprennent aux jeunes comment vivre et leur donnent de l'expérience. La photo d'une famille de sangliers errant dans les rues d'un quartier de Rome sur le chemin de l'école ne devrait pas surprendre : de même que les parents emmènent leurs enfants à l'école le matin pour leur donner de l'expérience et acquérir les connaissances nécessaires pour affronter le monde, de même les truies emmènent leurs petits pour acquérir de l'expérience dans ce qui sera, en plus des bois, le territoire dans lequel ils devront apprendre à errer, sans avoir peur des voitures, en sachant où trouver de la nourriture, en apprenant à distinguer les humains accessibles des dangereux.

Mais il y a plus dans ces parcours, dans le regard des sangliers, dans les comportements révélés par les témoignages, qui ne sont pas seulement imputables à l'instinct et au besoin de manger. La même photo, présentée ici, montre des animaux qui ne sont pas effrayés ou désorientés, mais qui ont des regards attentifs et curieux, et non des attitudes agressives. Ces animaux expriment des sentiments, des sensations et des réflexions qui leur permettent d'élaborer leur comportement et leur "expérience". Réfléchir à la signification du "retour de la nature" dans nos villes, après la vaine tentative de les rendre absolument artificielles, devrait par conséquent nous amener à adapter notre comportement, en le liant à l'idée d'une coexistence progressive et inévitable avec des êtres intelligents si semblables à nous, même dans le cadre des soins familiaux.


C'est encore plus vrai pour les étourneaux, paradoxalement favorisés par notre comportement au fil des siècles. Le terrain de leur chasse aux invertébrés a été la campagne, qui est aujourd'hui moins riche en ces populations en raison de la quantité d'engrais et de pesticides distribués périodiquement, tandis que les terrains aménagés (terrains de sport, aéroports, etc.), les terrains abandonnés dans d'anciennes zones industrielles ou résidentielles, ainsi que les terrains en attente de changement d'affectation, situés dans des zones proches des villes, sont devenus plus riches. Notamment parce qu'elles sont peuplées de moins de prédateurs, les villes contemporaines elles-mêmes sont particulièrement accueillantes pour ces oiseaux, pleines de poteaux électriques, d'antennes et de corniches où se percher, de cours et d'intérieurs où se réchauffer, d'arbres où dormir. Cependant, ils vont encore dans les champs et les pâturages pour se nourrir (et sur les terrains de golf ou autour des pistes d'aéroport). Ainsi, en ville, on ne les voit que le matin et le soir : pendant la journée, ils sont comme des navetteurs entre la ville et la campagne mais, contrairement aux humains, ils "travaillent" en dehors de la ville et reviennent y dormir.

Ainsi, les étourneaux, comme nous, aiment vivre en communauté, communiquent avec d'autres oiseaux en apprenant leur langage et, bien que beaucoup aient du mal à l'admettre, sont des animaux très intelligents : Frank Heppner, un chercheur usaméricain qui a gardé des étourneaux en captivité pour ses observations et ses recherches, a observé que « les oiseaux étaient si doués pour ouvrir les serrures des cages qu'il fallait utiliser des cadenas » (j'espère qu'il a ensuite appris à les observer sans les enfermer). Aussi irréel que puisse paraître le comportement d'un étourneau (en fait un couple) décrit dans le récent film The Starling's Nest, son sujet et son intrigue montrent que l'idée selon laquelle les comportements de ces oiseaux ne sont pas des réactions instinctives, mais le résultat de choix individuels et complexes, commence à devenir plus populaire. Mais, avant de penser que les étourneaux développent des réactions "vindicatives" comme dans le film, il y a d'autres aspects qui devraient nous attirer en raison de l'harmonie dont ils font preuve, comme lorsqu'ils volent dans nos cieux. Pourquoi font-ils ces évolutions ? Comment font-ils pour ne pas se heurter les uns aux autres ?

Réfléchir à ces questions n'est pas une affaire bête ou sans intérêt, à tel point que l'une des études fondamentales du physicien théoricien Giorgio Parisi, récent lauréat du prix Nobel, repose précisément sur l'analyse de leur vol et des corollaires qui en découlent. Les étourneaux peuvent compter, au moins jusqu'à sept, le nombre d'individus avec lesquels ils communiquent en vol pour donner des indications. Il n'y a donc pas de guide, pas de leader qui entraîne des milliers d'individus dans la danse dans le ciel, mais une volée d'étourneaux qui se comporte comme une entité unique : elle agit comme un système critique et optimise également sa réponse collective à des défis tels que l'attaque d'un prédateur, selon le susdit Parisi et ses collègues de l'université de Rome. Ce phénomène, appelé « corrélation comportementale sans échelle », se produit en dehors de la biologie dans des événements tels qu'une avalanche ou la formation d'un cristal, qui sont tous deux des systèmes critiques dans lesquels une transformation quasi instantanée peut se produire. La physicienne Irene Giardina a déclaré que ces résultats suggèrent que les volées d'étourneaux se comportent comme des systèmes critiques « prêts à répondre aux perturbations environnementales dans toute la mesure du possible ». Mais cette affaire est plus complexe qu'il n'y paraît, car toutes les hypothèses utilitaires avancées pour justifier leur vol collectif (force collective contre les prédateurs, plus grande chaleur en volant en groupe) se sont avérées fausses ou du moins insuffisantes pour justifier un tel effort. Comme le dit Charlotte Hemelrijk de l'Université de Groningue : « En l'absence de prédateur, je pense qu'il est effectivement possible de considérer ces manifestations collectives comme une sorte de danse. C'est ce plus, cette recherche de la joie du mouvement, qui rend leur vol intéressant et qui peut nous en apprendre beaucoup sur nos structures sociales et la nature du chaos, bien plus qu'une avalanche ou des cristaux. Chez les animaux que nous appelons sauvages, il existe un truc imprévisible résultant de la volonté, de la recherche d'harmonie, qui s'exprime de manière différente mais significative ». Les deux exemples du sanglier et de l'étourneau sont quelques- unes des nombreuses manifestations de cette imprévisibilité : tant dans le vol des étourneaux que dans le trot calme et curieux d'une famille de sangliers dans la circulation romaine.

 


Essaouira. Photo Gianfranco Laccone

Les images de sangliers errant dans nos villes et celles d'étourneaux dansant dans le ciel ne génèrent pas en moi de la peur ou de la méfiance, mais évoquent des images comme celles du poème "Sabato del villaggio" de Leopardi ou de "San Martino" de Carducci et, surtout, l'espoir que cette harmonie puisse renaître dans nos villes. Cela sera-t-il possible ? Ma réponse se trouve dans la photo ci-dessus, prise dans la ville marocaine d'Essaouira : un groupe de travailleurs sénégalais, à la fin de la journée, se réunit pour danser et se détendre sur la grande place devant le port, comme le font les étourneaux migrateurs dans nos cieux, un jeune garçon les observe tandis que d'autres personnes regardent le coucher du soleil et, en arrière-plan, des centaines de mouettes volent, attendant le retour des bateaux de pêche et les déchets du nettoyage du poisson. Nous ne sommes pas dans l'Eden ; la vie est dure pour tout le monde, mais la recherche de l'harmonie est un objectif commun des vivants.

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