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05/05/2024

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
70 ans après la bataille de Dien Bien Phu : la contribution du Vietnam à la lutte anticoloniale

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 4/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 7 mai, on commémorera le 70e anniversaire de la victoire du peuple vietnamien dans la bataille de Dien Bien Phu, qui a mis fin au pouvoir colonial français dans toute la péninsule indochinoise. Cette bataille, ainsi que la guerre d'indépendance algérienne qui s'est achevée en 1962* et la bataille de Cuito Cuanavale qui s'est achevée en novembre 1988 par l'action conjointe des forces cubaines et angolaises dans le sud de l’Angola, ont été les défaites les plus retentissantes infligées à la puissance coloniale européenne dans la seconde moitié du 20e siècle.



« Tout le peuple va à la guerre », premier volet de la peinture panoramique Bataille de Dien Bien Phu, de 132 mètres de long, peinte en 9 ans par 100 artistes pour le Musée historique de la Victoire de Dien Bien Phu

En décembre 1953, le président Ho Chi Minh envoie un message aux cadres et aux combattants du Front de Dien Bien Phu. Il leur indique que leur mission est de marcher jusqu'à l'endroit où se trouve un fort contingent français qu'ils doivent anéantir afin d'étendre la résistance et de libérer les compatriotes qui sont encore sous le joug de l'ennemi.

Dans sa lettre, le Président Ho rappelle les grands succès et les brillantes victoires de ce front. Aujourd'hui, après les campagnes d'éducation politique et d'entraînement militaire, ils ont fait de nouveaux progrès. Dans cette situation, ils doivent lutter avec plus de courage et, malgré les difficultés, ils doivent imposer leur conviction inébranlable dans la victoire.

 

Le drapeau « Déterminé à combattre, déterminé à vaincre » de l'Armée populaire vietnamienne flotte sur le toit du bunker de commandement du général français De Castries dans l'après-midi du 7 mai 1954, marquant la victoire complète de la campagne de Diên Biên Phu.

 

Dien Bien Phu est une ville située dans la vallée de Muong Thanh, au milieu d'une région montagneuse du nord-ouest du Viêt Nam, à environ 320 km de Hanoi. C'est la capitale de la province de Dien Bien et elle se trouve à environ 35 km de la frontière avec le Laos. La vallée de Muong Thanh est entourée d'une région de jungles, de rizières et de lacs.

Deux mois avant la lettre du président Ho aux combattants, en octobre, le général Vo Nguyen Giap a été convoqué au quartier général du haut commandement, où résidait le président Ho, pour discuter du plan militaire pour la campagne d'hiver-printemps 1953-1954. Le QG était situé dans le village de Khuoi Tat, dans la province de Thai Nguyen, au nord-est du pays. Outre le président Ho, Truong Chinh et Pham Van Dong, tous deux membres du Bureau politique du Parti communiste vietnamien (PCV), et le général Hoang Van Thai assistent à la réunion. En janvier, le général Giap est nommé commandant en chef du front de Dien Bien Phu, tandis que le général Hoang Van Thai est nommé chef d'état-major du front de Dien Bien Phu. 

Les images de l'oncle Ho et du général Vo Nguyen Giap apparaissent dans de nombreuses œuvres promotionnelles sur Dien Bien Phu.
Giap et l'Oncle Ho

 

À partir du mois de mai, l'armée française d'occupation a un nouveau commandant, le général Henri Navarre, qui se caractérise par une activité intense et une brutalité sans retenue à l'égard de la population civile. Son plan consiste à concentrer au Viêt Nam une force mobile d'une ampleur sans précédent, en plus de sa proposition de pacifier le sud du pays, en évitant une confrontation dans la région septentrionale, à la frontière de la Chine. Les Français prévoient de rester à l'offensive, en frappant à l'arrière afin d'immobiliser et d'épuiser l'armée populaire vietnamienne. Le plan Navarre, élaboré et financé en collaboration avec le Pentagone usaméricain, vise à anéantir le principal contingent militaire vietnamien en 18 mois et à transformer le pays en colonie et en base militaire pour la France et les USA.

Lors de la réunion d'octobre, le président Ho a calmement déclaré que l'ennemi s'était concentré pour se renforcer et qu'il fallait donc le forcer à se disperser et à réduire ses forces. À cette fin, le Comité central du Parti communiste vietnamien a émis une directive. Afin de maintenir et de développer l'initiative, une partie des forces régulières serait utilisée, en coordination avec les troupes régionales, pour attaquer les points stratégiques considérés comme les points faibles de l'ennemi, l'obligeant à se disperser pour se défendre. Il s'agit ainsi de créer une situation nouvelle, dans laquelle la dislocation de l'armée française doit être observée en permanence afin de pouvoir, le moment venu, concentrer les troupes, éliminer les forces les plus importantes de l'ennemi et changer le cours de la guerre.

Des dispositions ont également été prises pour intensifier la guérilla, défendre les zones libérées avec des troupes locales et coordonner étroitement les forces révolutionnaires au Laos et au Cambodge.

En application de cette résolution, en décembre 1953, l'armée vietnamienne a pris l'initiative de libérer d'importantes zones dans le nord-ouest du pays, en même temps que d'autres zones dans le sud et le centre du Laos et dans le nord-ouest du Cambodge, atteignant ainsi l'objectif de disperser les forces de l'ennemi et de le forcer à recomposer son plan en l'empêchant de mener des opérations dans certains territoires où il les avait préparées, en étant contraint de retirer des troupes du sud pour renforcer le nord, ce qui a entravé son plan de concentration de ses forces. Tout cela a préparé le terrain à son anéantissement, car il a été contraint d'abandonner des positions, des avant-postes et des bases aériennes, ce qui a entraîné de lourdes pertes pour la puissance coloniale.

Comme le dit le général Giap dans ses mémoires : « ...les Français n'ont jamais pu résoudre la contradiction concentration-dispersion de leurs forces ». L'offensive vietnamienne visait à approfondir cette contradiction. Elle se manifeste par le fait que l'armée française a besoin de se disperser pour occuper l'ensemble du territoire contesté, mais, « en se dispersant, elle se trouve en difficulté. Ses unités dispersées devenaient des proies faciles pour nos troupes, ses forces mobiles se réduisaient sans cesse et le manque de troupes s'accentuait... ».

Dans cette situation et dans le but de maintenir une bonne position au nord-ouest, les Français, avec l'appui des USA, s'emploient à construire et à renforcer avec une extrême rapidité une gigantesque base militaire à Dien Bien Phu,  située dans une zone stratégique où ils concentrent une bonne partie des forces et des moyens pour en faire la zone fortifiée qui deviendra un rempart pour la mise en œuvre du plan Navarre, l'extension et la prolongation de la guerre.

Dans ce contexte, le bureau politique du PCV a décidé de vaincre et d'anéantir l'ennemi à Diên Biên Phu, en mettant en place une série de mesures visant à la victoire. Des milliers de volontaires, de troupes locales et régionales et de forces régulières ont uni leurs forces pour vaincre la suprématie de l'armée coloniale en matière de technique et d'armement. Des centaines de kilomètres de routes rurales ont été ouvertes au milieu de la jungle et des montagnes, transportant les armes, les munitions et les fournitures logistiques nécessaires à la bataille finale sur des itinéraires presque inaccessibles.



L'arme de la victoire vietnamienne furent les "chevaux de fer", les vélos utilisés pour le transport des armes, des équipements, de la nourriture, des blessés. 20 000 vélos furent utilisés par les dizaines de milliers de paysans, de minorités ethniques et de porteurs assurant le soutien logistique aux 60 000 combattants . De marque française Peugeot ou tchécoslovaque Favorit, ces vélos renforcés pouvaient transporter jusqu'à 300 kgs de marchandises. Le “record” du transport à vélo appartient au porteur Ma Van Thang, qui a transporté au total 3 700 kg de marchandises sur  2100 km de routes montagneuses. Ce vélo est exposé au musée de la Victoire de Dien Bien Phu 5PHOTO 1°. Le 2è “record”, 345kg, appartient à Trinh Ngoc. Son vélo est exposé au musée de la province de Thanh Hóa (photo 2)


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 Le 7 mai, après 55 jours de combats acharnés, l'armée vietnamienne est parvenue à détruire l'ensemble du système de fortification de Dien Bien Phu, anéantissant ou capturant jusqu'à 16 000 soldats ennemis, y compris tous leurs officiers. Au total, sur l'ensemble de la campagne, 112 000 soldats ennemis ont été liquidés, libérant des zones stratégiquement importantes et reprenant les trois quarts du pays, tandis que des succès similaires ont été obtenus au Laos et au Cambodge.

Face à la défaite et à la possibilité d'une disparition totale, les Français se retirent au sud du 18e  parallèle. La victoire de Dien Bien Phu signifie la libération de tout le nord du pays, créant les conditions de sa réunification ultérieure, qui devra attendre 19 ans de combats, cette fois contre les USA, qui créent un gouvernement fantoche au sud.

En juillet 1954, les accords de Genève sont signés : la France officialise le retrait de ses troupes, reconnaît l'indépendance du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge et établit une ligne de démarcation au niveau du 17e parallèle.

La victoire de Dien Bien Phu et les accords de Genève qui en ont découlé ont mis en évidence la défaite totale de la France et ont constitué un stimulant pour tous les peuples en lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme. Ils ont également forcé l'ajournement des plans impérialistes élaborés à Washington pour l'Asie du Sud-Est.

Les USA n'ont pas respecté les accords, ce qui a créé une nouvelle situation qui, comme nous l'avons mentionné plus haut, a exigé 19 années supplémentaires de lutte jusqu'à la défaite totale de l'empire USaméricain, la réalisation de la réunification nationale tant attendue, la paix et le début progressif de la marche du pays vers le socialisme sous la direction du parti communiste du Viêt Nam, fondé par Ho Chi Minh.

NdT

*Ce fut la nouvelle de la victoire de Dien Bien Phu qui décida un groupe de militants indépendantistes algériens, pour la plupart anciens combattants de l'armée française pendant la deuxième guerre mondiale, à préparer l'insurrection qui éclata le 1er novembre 1954, entrant dans l'histoire sous le nom de “Toussaint rouge”.

 Works All pour la campagne Dien Bien Phu

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