Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Les 1 500 milliards de dollars de dépenses militaires annuelles sont l'arnaque qui continue à alimenter le complexe militaro-industriel et les initiés de Washington, alors même qu'elle appauvrit et met en danger l'USAmérique et le monde.
À première vue, la politique étrangère des USA semble totalement irrationnelle. Les USA s'engagent dans une guerre désastreuse après l'autre - Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Ukraine et Gaza. Ces derniers jours, les USA se sont retrouvés globalement isolés dans leur soutien aux actions génocidaires d'Israël contre les Palestiniens, votant contre une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU pour un cessez-le-feu à Gaza, soutenue par 153 pays représentant 89 % de la population mondiale, et à laquelle s'opposaient seulement les USA et 9 petits pays représentant moins de 1 % de la population mondiale.
Au cours des 20 dernières années, tous les grands objectifs de la politique étrangère usaméricaine ont échoué. Les talibans sont revenus au pouvoir après 20 ans d'occupation usaméricaine de l'Afghanistan. L'Irak de l'après-Saddam est devenu dépendant de l'Iran. Le président syrien Bachar el-Assad est resté au pouvoir malgré les efforts de la CIA pour le renverser. La Libye a sombré dans une longue guerre civile après le renversement de Mouammar Kadhafi par une mission de l'OTAN dirigée par les USA. L'Ukraine a été ratiboisée sur le champ de bataille par la Russie en 2023 après que les USA ont secrètement sabordé un accord de paix entre la Russie et l'Ukraine en 2022.
Pour comprendre l'escroquerie de la politique étrangère, il suffit d'imaginer le gouvernement fédéral actuel comme un racket à plusieurs divisions contrôlé par les plus offrants.
Malgré ces débâcles remarquables et coûteuses, les unes après les autres, les mêmes personnages sont restés à la tête de la politique étrangère usaméricaine pendant des décennies, notamment Joe Biden, Victoria Nuland, Jake Sullivan, Chuck Schumer, Mitch McConnell et Hillary Clinton.
Qu'est-ce qui se passe ?
Pour résoudre l'énigme, il faut reconnaître que la politique étrangère usaméricaine n'a rien à voir avec les intérêts du peuple usaméricain. Il s'agit plutôt des intérêts des initiés de Washington, qui courent après les contributions aux campagnes électorales et les emplois lucratifs pour eux-mêmes, leur personnel et les membres de leur famille. En un mot, la politique étrangère usaméricaine a été piratée par les grandes fortunes.
En conséquence, le peuple usaméricain est largement perdant. Les guerres ratées depuis 2000 lui ont coûté environ 5 000 milliards de dollars en dépenses directes, soit environ 40 000 dollars par ménage. Environ 2 000 milliards de dollars supplémentaires seront dépensés au cours des prochaines décennies pour les soins aux anciens combattants. Au-delà des coûts directement supportés par les USAméricains, nous devrions également reconnaître les coûts terriblement élevés supportés à l'étranger, en millions de vies perdues et en milliers de milliards de dollars de destruction des biens et de la nature dans les zones de guerre.
Les coûts continuent de s'accumuler. En 2024, les dépenses liées à l'armée usaméricaine s'élèveront à environ 1 500 milliards de dollars, soit environ 12 000 dollars par ménage, si l'on ajoute les dépenses directes du Pentagone, les budgets de la CIA et d'autres agences de renseignement, le budget de la Veteran's Administration, le programme d'armes nucléaires du ministère de l'Énergie, l'“aide étrangère” militaire du département d'État (par exemple à Israël) et d'autres lignes budgétaires liées à la sécurité. Des centaines de milliards de dollars sont gaspillés dans des guerres inutiles, des bases militaires à l'étranger et une accumulation d'armes tout à fait superflue qui rapproche le monde de la troisième guerre mondiale.
Pourtant, décrire ces coûts gargantuesques, c'est aussi expliquer la “rationalité” tordue de la politique étrangère usaméricaine. Les 1 500 milliards de dollars de dépenses militaires sont l'arnaque qui continue à alimenter le complexe militaro-industriel et les initiés de Washington, alors même qu'elle appauvrit et met en danger l'USAmérique et le monde.
Pour comprendre l'arnaque de la politique étrangère, il suffit de considérer le gouvernement fédéral actuel comme un racket à plusieurs divisions contrôlé par les plus offrants. La division Wall Street est gérée par le Trésor. La division de l'industrie de la santé est gérée par le ministère de la santé et des services sociaux. La division du pétrole et du charbon est gérée par les départements de l'énergie et de l'intérieur. Enfin, la division de la politique étrangère est gérée par la Maison Blanche, le Pentagone et la CIA.
Chaque division utilise le pouvoir public à des fins privées par le biais de délits d'initiés, financés par les contributions des entreprises aux campagnes électorales et les dépenses de lobbying. Il est intéressant de noter que la division de l'industrie de la santé rivalise avec la division de la politique étrangère en tant que remarquable escroquerie financière. En 2022, les dépenses de santé des USA s'élevaient à la somme stupéfiante de 4 500 milliards de dollars, soit environ 36 000 dollars par ménage, ce qui représente de loin les coûts de santé les plus élevés au monde, alors que l'USAmérique se classe au 40e rang mondial en termes d'espérance de vie. Une politique de santé ratée se traduit par de très grosses sommes d'argent pour l'industrie de la santé, tout comme une politique étrangère ratée se traduit par des méga-revenus pour le complexe militaro-industriel.
Plus il y a de guerres, plus il y a d'affaires
La division de la politique étrangère est dirigée par une petite coterie secrète et très soudée, comprenant les hauts responsables de la Maison Blanche, de la CIA, du département d'État, du Pentagone, des commissions des services armés de la Chambre et du Sénat, et des principales entreprises militaires, notamment Boeing, Lockheed Martin, General Dynamics, Northrop Grumman et RTX (Raytheon). Il y a peut-être un millier de personnes clés impliquées dans la définition de la politique. L'intérêt public ne joue qu'un rôle limité.
Les principaux responsables de la politique étrangère gèrent les opérations de 800 bases militaires usaméricaines à l'étranger, des centaines de milliards de dollars de contrats militaires et les opérations de guerre où l'équipement est déployé. Plus il y a de guerres, plus il y a d'affaires. La privatisation de la politique étrangère a été considérablement amplifiée par la privatisation de la guerre elle-même, car de plus en plus de fonctions militaires “essentielles” sont confiées aux fabricants d'armes et à des sous-traitants tels que Haliburton, Booz Allen Hamilton et CACI.
Outre les centaines de milliards de dollars de contrats militaires, les opérations de l'armée et de la CIA ont d'importantes retombées commerciales. Avec des bases militaires dans 80 pays à travers le monde et des opérations de la CIA dans de nombreux autres, les USA jouent un rôle important, bien que le plus souvent secret, dans la détermination des dirigeants de ces pays, et donc dans les politiques qui façonnent les accords lucratifs concernant les minerais, les hydrocarbures, les oléoducs et les terres agricoles et forestières. Les USA ont cherché à renverser au moins 80 gouvernements depuis 1947, généralement sous la houlette de la CIA, par le biais de coups d'État, d'assassinats, d'insurrections, de troubles civils, de manipulations d'élections, de sanctions économiques et de guerres ouvertes. (Pour une superbe étude des opérations de changement de régime menées par les USA entre 1947 et 1989, voir l'ouvrage de Lindsey O'Rourke intitulé Covert Regime Change, 2018).
Outre les intérêts commerciaux, il y a bien sûr des idéologues qui croient vraiment au droit de l'USAmérique à diriger le monde. La famille Kagan, tous des bellicistes enragés, est le cas le plus célèbre, bien que ses intérêts financiers soient également profondément liés à l'industrie de la guerre. La question de l'idéologie est bien celle-là. Les idéologues se sont trompés dans presque tous les cas et auraient depuis longtemps perdu leur chaire d'orateur à Washington s'ils n'avaient pas été utiles en tant que bellicistes. Qu'ils le veuillent ou non, ils servent d'interprètes rémunérés au complexe militaro-industriel.
Il y a un inconvénient persistant à cette escroquerie commerciale permanente. En théorie, la politique étrangère est menée dans l'intérêt du peuple usaméricain, alors que c'est le contraire qui est vrai. (Une contradiction similaire s'applique bien sûr aux soins de santé hors de prix, au renflouement de Wall Street par le gouvernement, aux avantages de l'industrie pétrolière et à d'autres escroqueries). Le peuple usaméricain soutient rarement les machinations de la politique étrangère usaméricaine lorsqu'il lui arrive d’entendre la vérité. Les guerres usaméricaines ne sont pas menées à la demande du peuple, mais par des décisions venues d'en haut. Des mesures spéciales sont nécessaires pour tenir le peuple à l'écart de la prise de décision.
La première de ces mesures est une propagande implacable. George Orwell l'a bien compris dans 1984, lorsque “le Parti” a soudainement changé d'ennemi étranger, passant de l'Eurasie à l'Estasie, sans un mot d'explication. Les USA font essentiellement la même chose. Qui est le plus grand ennemi des USA ? Faites votre choix, selon la saison. Saddam Hussein, les talibans, Hugo Chavez, Bachar el-Assad, ISIS, Al-Qaïda, Kadhafi, Vladimir Poutine, le Hamas, ont tous joué le rôle d'“Hitler” dans la propagande usaméricaine. Le porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, diffuse cette propagande avec un sourire en coin, indiquant qu'il sait lui aussi que ce qu'il dit est ridicule, bien que légèrement divertissant.
La propagande est amplifiée par les groupes de réflexion de Washington qui vivent des dons des entreprises militaires et parfois des gouvernements étrangers qui font partie des opérations d'escroquerie des USA. Pensez au Conseil de l'Atlantique, au CSIS et, bien sûr, au très populaire Institut pour l'étude de la guerre, qui vous est offert par les principaux entrepreneurs militaires.
La seconde consiste à dissimuler les coûts des opérations de politique étrangère. Dans les années 1960, le gouvernement uaméricain a commis l'erreur de forcer le peuple usaméricain à supporter les coûts du complexe militaro-industriel en enrôlant des jeunes pour combattre au Viêt Nam et en augmentant les impôts pour payer la guerre. L'opinion publique s'y est opposée.
À partir des années 1970, le gouvernement s'est montré beaucoup plus habile. Il a mis fin à l'appel sous les drapeaux et a fait du service militaire un travail à louer plutôt qu'un service public, en s'appuyant sur les dépenses du Pentagone pour recruter des soldats issus des couches économiques inférieures. Il a également abandonné l'idée désuète selon laquelle les dépenses publiques devraient être financées par l'impôt et a, au contraire, réorienté le budget militaire vers les dépenses déficitaires, ce qui le protège de l'opposition populaire qui se déclencherait s'il était financé par l'impôt.
Il a également poussé des États clients tels que l'Ukraine à mener les guerres usaméricaines sur le terrain, afin qu'aucune dépouille usaméricaine ne vienne gâcher la machine de propagande des USA. Il va sans dire que les maîtres de guerre USaméricains tels que Sullivan, Blinken, Nuland, Schumer et McConnell restent à des milliers de kilomètres de la ligne de front. La mort est réservée aux Ukrainiens. Le sénateur Richard Blumenthal (Démocrate-Connecticut) a défendu l'aide militaire usaméricaine à l'Ukraine comme étant de l'argent bien dépensé parce que « sans qu'une seule femme ou un seul homme du service américain n'ait été blessé ou perdu», sans qu'il lui vienne à l'esprit d'épargner les vies des Ukrainiens, qui sont morts par centaines de milliers dans une guerre provoquée par les USA au sujet de l'élargissement de l'OTAN.
Ce système repose sur la subordination totale du Congrès usaméricain aux affaires de guerre, afin d'éviter toute remise en question des budgets démesurés du Pentagone et des guerres lancées par le pouvoir exécutif. La subordination du Congrès fonctionne comme suit. Premièrement, le contrôle de la guerre et de la paix par le Congrès est largement confié aux commissions des services armés de la Chambre et du Sénat, qui définissent en grande partie la politique générale du Congrès (et le budget du Pentagone). Deuxièmement, l'industrie militaire (Boeing, Raytheon et autres) finance les campagnes des membres des commissions des services armés des deux partis. Les industries militaires dépensent également des sommes considérables en lobbying afin d'offrir des salaires lucratifs aux membres du Congrès qui partent à la retraite, à leur personnel et à leur famille, soit directement dans les entreprises militaires, soit dans les cabinets de lobbying de Washington.
Le peuple usaméricain a pour tâche urgente de réformer une politique étrangère tellement défaillante, corrompue et trompeuse qu'elle enterre le gouvernement sous les dettes tout en rapprochant le monde de l'Armageddon nucléaire.
Le piratage de la politique étrangère du Congrès n'est pas seulement le fait du complexe militaro-industriel usaméricain. Le lobby israélien est depuis longtemps passé maître dans l'art d'acheter le Congrès. La complicité des USA avec l'État d'apartheid israélien et les crimes de guerre à Gaza n'a aucun sens pour la sécurité nationale et la diplomatie usaméricaines, sans parler de la décence humaine. Ce sont les fruits des investissements du lobby israélien qui ont atteint 30 millions de dollars en contributions de campagne en 2022, et qui dépasseront largement ce montant en 2024.
Lorsque le Congrès se réunira à nouveau en janvier, Biden, Kirby, Sullivan, Blinken, Nuland, Schumer, McConnell, Blumenthal et leurs semblables nous diront que nous devons absolument financer la guerre perdue, cruelle et trompeuse en Ukraine et le massacre et le nettoyage ethnique en cours à Gaza, de peur que nous, l'Europe et le monde libre, et peut-être le système solaire lui-même, ne succombent à l'ours russe, aux mollahs iraniens et au parti communiste chinois. Les pourvoyeurs de désastres en matière de politique étrangère ne sont pas irrationnels dans leurs discours alarmistes. Ils sont trompeurs et extraordinairement avides, poursuivant des intérêts étroits au détriment de ceux du peuple usaméricain.
Le peuple usaméricain a pour tâche urgente de réformer une politique étrangère qui est tellement brisée, corrompue et trompeuse qu'elle ensevelit le gouvernement sous les dettes tout en rapprochant le monde de l'Armageddon nucléaire. Cette refonte devrait commencer en 2024 par le rejet de tout financement supplémentaire pour la désastreuse guerre d'Ukraine et les crimes de guerre d'Israël à Gaza. Le rétablissement de la paix et la diplomatie, et non les dépenses militaires, sont la voie à suivre pour que la politique étrangère des USA soit conforme à l'intérêt public.
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