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31/07/2024

ALLISON KAPLAN SOMMER
Pour être une nation civilisée, Israël doit reconnaître sa propre barbarie

Allison Kaplan Sommer, Haaretz, 30/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

 

La semaine dernière, Benjamin Netanyahou s’est présenté avec assurance devant une session conjointe du Congrès usaméricain et a déclaré que la guerre d’Israël contre le Hamas à Gaza, et d’autres mandataires iraniens sur d’autres fronts, « n’est pas un choc des civilisations. C’est un choc entre la barbarie et la civilisation ».



« Pour que les forces de la civilisation triomphent », a déclaré le Premier ministre avec insistance, «l’USAmérique et Israël doivent être solidaires », ce qui a provoqué l’extase de son auditoire.


Mais quiconque a observé les actions de la populace israélienne qui a violemment envahi la base militaire de Beit Lid et le centre de détention de Sde Teiman lundi a vu un comportement bien plus proche de la barbarie que de la civilisation.


Le groupe d’infiltrés en colère qui a poussé les portes de ce qui est censé être des installations militaires sécurisées comprenait non seulement des députés mais aussi des ministres du gouvernement. Ils exigeaient la libération de neuf réservistes qui avaient été interpellés - et non arrêtés - dans le cadre d’une enquête sur les mauvais traitements présumés infligés à un prisonnier palestinien.


« Les combattants héroïques ne doivent pas être touchés », ont-ils crié. Les réservistes servant à Sde Teiman avaient été détenus pour interrogatoire par la police militaire sur ordre de la plus haute autorité juridique de l’armée, le général de division Yifat Tomer-Yerushalmi.


Les soldats sont soupçonnés de violences aggravées et de sodomie forcée à l’encontre du détenu, après qu’il eut été hospitalisé avec des blessures apparemment graves sur une partie intime du corps, ce qui indique une violation horrible. Le comportement abusif présumé des soldats que les manifestants demandaient avec tant de colère de “ne pas toucher” était, en fait, barbare. Il est également conforme aux allégations d’abus à Sde Teiman qui ont été rapportées par des médias tels que Haaretz depuis des mois.

 
Les traitements horribles infligés à l’ennemi en temps de guerre, y compris les abus sexuels extrêmes, ne sont pas rares, même aux USA, le pays que  Netanyahou a qualifié de « grande citadelle de la démocratie ». Ceux qui ont vécu le scandale d’Abou Ghraib en 2004, lorsque des photos ont été diffusées dans les médias montrant les terribles sévices infligés à des prisonniers irakiens, n’oublieront jamais les images de violence physique et d’humiliation (pour lesquelles 12 soldats ont finalement été condamnés).


À l’époque, certains politiciens usaméricains de premier plan ont tenté de présenter les coupables comme des voyous. Mais personne en position de pouvoir ou de responsabilité n’a contesté que les soldats ne devaient pas faire l’objet d’une enquête - puis de poursuites - pour leurs actes criminels présumés. Et certainement personne n’a mené un soulèvement populaire contre les procureurs militaires chargés de ces affaires.


Les médias israéliens sont remplis de commentateurs sombres qui énumèrent les façons dont cet incident causera un réel préjudice à la sécurité de la nation. Ils avertissent que, du Hamas au Hezbollah en passant par les ayatollahs de Téhéran, les ennemis du pays doivent être en train de regarder et de se réjouir. Pourquoi Yahya Sinwar devrait-il s’intéresser à un accord mettant fin à la guerre de Gaza et au retour des otages israéliens, alors qu’il peut regarder Israël se déchirer de l’intérieur ?


Comme toujours en période de troubles, Netanyahou est introuvable. Il a publié une courte et tiède déclaration appelant à « un apaisement immédiat des passions », notant qu’il « condamnait fermement » l’incident. Cependant, il n’est pas apparu devant les caméras pour aborder la question, et encore moins pour défendre l’avocat général des armées Tomer-Yerushalmi ou - à Dieu ne plaise - s’exprimer fermement en faveur de l’État de droit.


Netanyahou ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Il ne peut pas aller à Washington et essayer de présenter Israël comme une démocratie éclairée qui se défend (et défend le monde occidental) contre des monstres brutaux, tout en tolérant des ministres qui ne croient pas que les allégations de comportement barbare contre d’éventuels terroristes devraient faire l’objet d’une enquête et que leurs auteurs devraient être traduits en justice - comme c’est le cas dans la “civilisation”.

 

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