Éditorial, quotidien La Jornada, Mexico,
26/7/2022
Traduit
par Fausto
Giudice, Tlaxcala
« Je demande humblement pardon pour le mal commis par tant de chrétiens à l'encontre des peuples autochtones », a déclaré le pape François aux membres des Premières nations, des Métis et des Inuits lors d'un événement à Maskwacis, dans la province de l'Alberta, au Canada. Le lieu choisi pour la première rencontre du pontife avec les natifs sur le sol canadien est hautement symbolique car il s'agit de l'un des endroits où la politique d'assimilation forcée de ces peuples a été mise en pratique : de 1863 à 1998, les autorités canadiennes ont financé un programme dans le cadre duquel 150 000 enfants ont été arrachés à leur famille et placés dans des pensionnats où il leur était interdit de parler leur propre langue et où ils étaient contraints d'adopter les coutumes occidentales.
En 2015, quelques années après la fermeture de la dernière "école" de ce type, une Commission Vérité et Réconciliation a constaté que les enfants enlevés avaient souffert de malnutrition, de violences verbales et d'abus physiques et sexuels généralisés (selon les termes du Parlement canadien) de la part des directeurs et des enseignants. Les conditions dans ces instituts, gérés par des associations religieuses, étaient si déplorables qu'entre 3 200 et 6 000 enfants (selon les sources) sont morts des suites de mauvais traitements et de négligence. Le rapport de la commission avait déjà choqué la société canadienne, mais la demande de justice est devenue véhémente il y a un peu plus d'un an, lorsque des enterrements clandestins et des tombes anonymes contenant les restes de centaines d'enfants ont été découverts sur le terrain de trois centres résidentiels qui avaient été gérés par l'Église catholique.
Mis sous pression par ces révélations, François a reçu une délégation de peuples autochtones au Vatican en avril, et leur a exprimé son "indignation et sa honte" face à ces événements et a annoncé la visite qui a eu lieu ce dimanche. Il condamnait déjà à l'époque les méthodes de colonisation qui tentaient d'uniformiser les indigènes en les "extirpant de leur identité, de leur culture, en séparant les familles" et en induisant une homogénéisation au "nom du progrès et de la colonisation idéologique". Hier, en présence de victimes de ces centres, il a réitéré sa condamnation en présentant ses excuses "pour la manière dont de nombreux membres de l'Église et des communautés religieuses ont collaboré, également par indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d'assimilation forcée", politiques qu'il a qualifiées de "néfastes pour les populations de ces terres".
L'attitude du pontife devrait servir d'exemple aux institutions et aux individus qui, aujourd'hui encore, tentent de relativiser, voire de nier, des vérités indéniables : que le processus de colonisation des puissances européennes et de leurs descendants sur le continent américain s'est traduit par un génocide physique, mais aussi culturel, systématique à l'encontre des peuples indigènes ; que les actes des colonisateurs ne méritent pas une qualification plus douce que celle de crimes contre l'humanité, et que c'est dans ces siècles de discrimination, d'exclusion, d'assujettissement et de privation de droits qu'il faut chercher des explications au retard dont souffrent les communautés indigènes dans divers domaines, de l'éducation aux finances.
Dans le même temps, l'accueil chaleureux réservé par les Premières nations, les Métis et les Inuits au leader catholique démontre que le passé ne peut être laissé derrière soi que lorsque les crimes perpétrés sont reconnus, que le repentir est exprimé et qu'une véritable volonté de réparer les dommages est manifestée.
Prétendre que les communautés historiquement lésées accordent leur pardon sans être passées par ce processus ne guérit pas les blessures et ne favorise pas la réconciliation, mais minimise de manière ignominieuse la douleur des groupes subjugués, disculpe les responsables et ouvre la porte à la répétition des oppressions.
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