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10/07/2022

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
De la formation des élites en Uruguay : le cas Rozenblum

Luis E. Sabini Fernández, 8/7/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La manière dont s'est amassée la grande fortune du directeur et fondateur du prestigieux Collège international de Punta del Este, repaire de l'enfance et de la jeunesse dorées de Maldonado et même de Buenos Aires, est connue publiquement depuis longtemps.

On le sait, car plusieurs journalistes ont reconstitué les étapes de cet entrepreneur, Rolando Rozenblum, qui a fait fortune grâce à la ressource éprouvée de la sous- facturation des ventes et donc de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent qui en découle. Ces mécanismes bien huilés lui ont permis, avec son père, d’amasser au Brésil un argent « noir » que la justice brésilienne a estimé, il y a plus d'une décennie, à 80 millions de dollars (avec la dévaluation caractéristique   de   cette   monnaie   il faudrait parler aujourd'hui de centaines de millions...).

Ils n’ont eu aucune difficulté financière pour graisser la patte des gardiens de la prison de Curitiba (et sûrement d'autres à l'hôpital par la suite, car l'évasion du père et du fils a eu lieu de là, où ils avaient été transférés de la prison pour être opérés, en 2007*), et pour mettre fin à leur condition de prisonniers pour une escroquerie aussi énorme. Notre entrepreneur de Punta del Este a sûrement accumulé une grande partie du capital évadé à la mort de son père, Isidoro.

Avec des variations anecdotiques, c'est le processus de nombreux hommes d'affaires, honorables, sans la portée d'une vicissitude qui, dans ce cas, a conduit le père et le fils en prison. Mais ce qui m'intéresse, c'est de rappeler l'origine de ces fonds qui, par des opérations cosmétiques successives, acquièrent prestige, culture et, bien sûr, consolident le pouvoir.

Comme tous les hommes d'affaires habiles, il est aussi un gestionnaire de relations flexible. L'argent ne bouge pas tout seul (même s'il s'accumule par inertie). Les contacts et les relations sont le grand facteur d'animation de ces déploiements.

Rozenblum a fondé, par exemple, le Collège international, avec un bâtiment plus qu'impressionnant et en payant, sans problème, une équipe d'enseignants, d'administrateurs et de gestionnaires du plus haut calibre.

Rozenblum en famille lors d'une fête de la CIPEMU à Punta del Este, janvier 2020

Il a également fondé la CIPEMU -Comunidad Israelita de Punta del Este y Maldonado en Uruguay- qui a renforcé non pas tant l'aspect économique, mais l'aspect social, relationnel et de prestige, dédié à ce qui est devenu aux USA le proverbial lobbying.

Son entrée dans la haute société fernandina [de Maldonado] a été fulgurante. Et les contacts de plus en plus étroits avec l'élite politique locale ont permis à Rozenblum d'étendre ses activités économiques en servant de contact ou de lien avec le monde des affaires israélien. Comme premier fruit de ces relations, Rozenblum a proposé de doter l'ensemble de Maldonado de caméras de sécurité pour lutter contre les vols, à la charge de la municipalité. Cet accord de plusieurs millions de dollars est clairement symbolique. Et il y en a déjà d'autres "dans le pipeline", comme les conseils de la société israélienne qui se consacre au dessalement de l'eau de mer (ce qui dans le Proche-Orient aride est plus que compréhensible, mais dans la région humide de La Plata a des causes très différentes...).

Les succès de Rozenblum - la CIPEMU, le Collège international, les contacts commerciaux israéliens - doivent être considérés comme faisant partie de l'identité de la communauté juive en Uruguay. Contrairement à son homologue argentine, celle-ci n'a pas de divergence d'opinion à l'égard d'Israël.1


L'affaire  Rozenblum  nous  montre  à  quel  point  ce  personnage  est aggiornado [à la page]  dans le mouvement juif en Uruguay.
 

 

L'International College n'est pas une école juive, même s'il a une nette surreprésentation d’élèves juifs sur son campus.

La parabole de Rozenblum

L'histoire commence à montrer le monde dans lequel nous vivons. Les escrocs se démènent pour éviter le vol. Ceux qui ont réussi veulent éviter les petits larcins ; le petit voleur qui tente de s'emparer d'une voiture ou d'un portefeuille, ou encore le cambrioleur qui s'attaque aux coffres-forts privés... d'autres personnes.

Le roque pour l'accès à la « haute société » se fait par étapes. Les Anglais, qui ont réussi à faire de l'Angleterre « le vieux goupil avare, qui a arrêté l'histoire de l'Occident pendant plus de trois siècles » (selon le formidable portrait de l'Empire britannique de León Felipe) ont un dicton pragmatique : « il faut trois générations pour faire un gentleman ».

Ils le savaient, avec leurs histoires de pillage, de pirates, de vol et le temps qu'il faut pour qu'une sculpture arrachée de force à l'Égypte, par exemple, devienne un « bien culturel inestimable » déposé à Londres.

Il ne fait aucun doute que les descendants de Rolando, les petits-enfants d'Isidoro, seront des citoyens très honorables et sans tache.

Et que la « bonne conscience » se propage parmi ceux qui ont construit ou alimentent le Collège international.


La CIPEMU est bien plus qu'une association de quartier. Ce sont des gens alertes, politiquement parlant. Lorsque le maire distrait de Maldonado, Enrique Antía, a accordé des locaux dans la zone culturelle fernandina aux professeurs d'histoire de l'Uruguay pour une session de formation organisée par l'Association des professeurs d'histoire de l'Uruguay (APHU), la CIPEMU a averti le patron politique de Maldonado qu'il s'agissait d'un conclave antisémite et, sans autre forme de procès, le chien de Pavlov a interdit la réunion sous le toit de l'État uruguayen.

L'antisémitisme n'a pas pu être trouvé, même avec une loupe, mais, bien sûr, il y avait quelques enseignants qui critiquaient le comportement des Israéliens envers les Palestiniens, comme la coutume d'enfermer les enfants qui jettent des pierres dans des cages avec des barreaux à l'air libre, les laissant là « déposés », dans le froid ou la chaleur, de nuit ou de jour, jusqu'à ce qu'un juge examine l’affaire, s'ils ne meurent pas d'abord d'une mauvaise nutrition ou d'une pneumonie.... Des enseignants qui sont traités d' « antisémites » parce qu'ils critiquent le tir de balles de plomb par des tireurs d'élite parfaitement entraînés pour disperser des manifestations sans armes, pas même de pierres et tout au plus avec des drapeaux (palestiniens), ou le raid systématique à 3 heures du matin avec l'ordre de fouiller toute une maison, ce qui se solde par des couvertures piétinées sur le trottoir, de la nourriture gâchée, des tiroirs déglingués (et à une époque - je ne l'ai pas entendu répéter dernièrement - par la « coutume » des soldats israéliens de laisser des excréments sur les meubles et les affaires de la maison perquisitionnée...).). Il convient de rappeler qu'Israël affirme publiquement avoir « l'armée la plus morale du monde ».

Ces outrages et bien d'autres, comme le vol systématique de terres et de maisons ou la destruction massive d'arbres fruitiers, sont des événements de la vie quotidienne des Palestiniens dans l'artefact politique construit par le sionisme sous le nom d'État d'Israël, que certains professeurs d'histoire en Uruguay, et pas seulement eux, considèrent comme abusif et raciste.

 

Un professeur d'histoire a l'obligation morale de connaître, reconnaître et faire connaître des faits et des situations tels que ceux mentionnés ci- dessus.

Mais de telles observations ne concernent pas une organisation ou un réseau comme la CIPEMU, dont le nord semble être, plutôt que la relation de l'Uruguay avec Israël, l'identification de l'Uruguay avec Israël.

Le Who's Who uruguayen

L'Uruguay est un petit pays jeune.

La question de la « fabrication d’un gentleman en trois générations » est profondément ancrée dans les sociétés qui ont connu une grande prospérité. En fait, leurs classes dirigeantes, parce qu'elles ont pillé le reste de la planète, ont grandement prospéré. Et c'est ainsi qu'elles ont produit une abondance de gentlemen, comme l'Angleterre et les USA, par exemple. Et sûrement Israël.

Le petit Uruguay, économiquement marginal, est condamné à « produire » très peu de gentlemen. On peut s’interroger sur le rôle de la CIPEMU à cet égard.

 

Les élèves juifs en Uruguay : le parcours de l'intégration curriculaire

La relation de la population juive uruguayenne avec le reste de la société se reflète clairement dans l'insertion que les enfants juifs ont eue dans le pays.

Au milieu du 20e siècle, avec la création de l'État d'Israël et avec l'immigration juive, jusqu'alors très faible, qui a augmenté avec la persécution nazie des Juifs européens à partir des années 30 au moins, nous pouvons dire qu'il y a eu des milliers d'immigrants concentrés à Montevideo (comme cela se produit en général avec presque toute l'immigration européenne, parce que la doctrine battliste [de José Battle] n'a jamais parié sur l'entretien et le développement de la vie rurale mais plutôt sur la macrocéphalie de Montevideo, dans une alliance tacite avec les latifundistes avec tant de traits médiévaux et arriérés).

C'est à cette époque, dans l'immédiat après-guerre, que de nombreux quartiers de Montevideo, sinon tous, comptaient des commerçants, libraires, papetiers et épiciers juifs.

À cette époque, les enfants juifs fréquentaient, « comme tout le monde », l'école publique.

Mais avec la création de l'État d'Israël, une politique active d'implantation d'écoles juives a commencé. En quelques décennies, l'élève juif dans les écoles publiques uruguayennes a presque disparu. Avec la crise qui a commencé à la fin des années 50, et qui ne cessera de s'aggraver au fil des décennies, la qualité de l'enseignement s'est transformée, une attention de plus en plus grande étant accordée à des aspects auparavant impensables, comme l'alimentation des élèves.

Ce mouvement de repli des élèves juifs vers les écoles « de la communauté » a sûrement préservé une certaine qualité curriculaire, et au fil des années, il s'est étendu aux écoles secondaires et tertiaires, car cette population enfantine a évidemment augmenté, et au-delà de l'optimisme initial, il a révélé pour certains, la question de l'isolement et du manque de liens sociaux qui mettait en péril les fonctions que ces jeunes juifs allaient exercer à l'âge adulte.2

 NdT

*Les Rozenblum avaient été condamnés par la justice brésilienne en 2007 à 10 ans de prison pour le fils et 5 pour le père, pour corruption active, évasion fiscale et blanchiment d’argent.

NdA

[1]   L'Argentine est l'un des pays où la population juive est la plus importante au monde. Avec des histoires mouvementées comme le proxénétisme au début du 20ème siècle, avec l'établissement de "colonies rurales juives" promues et financées par des mécènes comme le Baron de Hirsch, avant le développement du sionisme contemporain.

La création de l'État d'Israël a entraîné une forte identification de la communauté juive à Israël, mais pas une identification complète et absolue.

La violence terroriste qui a rasé d'abord l'ambassade d'Israël (1992), puis le siège de l'association mutuelle juive, l'AMIA (1994), a accentué les différences au sein de la population juive du pays, donnant lieu à la distinction entre "Argentins juifs" et "Juifs argentins". Les premiers soulignent que leur patrie est l'Argentine et que leur réseau culturel est juif, tandis que les seconds considèrent qu'ils s'identifient à Israël et, par conséquent, que la terre qu'ils habitent est leur deuxième pays.

[2]   Avec l'avènement de l'État juif, la difficulté des différents sionismes au sein même de la communauté juive est apparue. L'Argentine, une fois de plus, présente une particularité, qui, si elle existait en Uruguay, était moins importante. Il y avait des écoles juives, bien avant l'existence de l'État d'Israël, et lorsque ce dernier a promu des écoles, la population juive enfantine y a été massivement incorporée et il y a eu un vide d'écoles juives non sionistes, qui ont disparu en quelques années. Ces turbulences peuvent expliquer ce que nous avons enregistré comme état des lieux à la fin de la note précédente.


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