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21/05/2021

La résolution du comité directeur du parti Die Linke, « Stop à la violence en Israël et en Palestine » : une nouvelle courbette devant la « raison d'Etat »

Groupe de travail régional pour une paix juste au Proche-Orient de DIE LINKE Basse-Saxe, LAG Nahost 19 mai  2021

Original : Stellungnahme zum Beschluss des Parteivorstandes: Stoppt die Gewalt in Israel und Palästina

Traduit par Fausto Giudice

NdT : L’ensemble des politicien·nes allemand·es, à commencer par la chancelière Merkel, rabâchent que le soutien inconditionnel à Israël relève de la « raison d’État » de l’Allemagne. La direction du parti Die Linke vient de leur emboîter le pas. Mais la base du parti se rebiffe, comme les militant·es qui, à Hanovre, animent le groupe de travail pour une paix juste au Proche-Orient. Voici leur réponse à la résolution adoptée par le comité directeur (Parteivorstand) de Die Linke.

Le comité directeur du parti Die Linke (La Gauche) a adopté le 15 mai une résolution dont le texte se trouve ici : www.die-linke.de/partei/parteidemokratie/parteivorstand/parteivorstand/detail/stoppt-die-gewalt-in-israel-und-palaestina/

Voici notre position sur ce texte :

Il y a deux façons de voir ce qui se passe en Israël/Palestine.

Toute personne qui croit que le statu quo est un « conflit » tragique et mutuellement symétrique et NON un état permanent d'oppression systématique et unilatérale - une dictature militaire comme réalité d'occupation depuis 54 ans - a du mal à expliquer l'escalade actuelle. Qui, en outre, annonce la couleur dès la première ligne et attribue l'escalade en premier lieu aux roquettes lancées depuis Gaza, doit cependant, en plus, ignorer délibérément l'ensemble des événements survenus pendant le Ramadhan, bien avant la première roquette du Hamas (le lundi 10 mai au soir). C'est ce que font la presse bourgeoise, le gouvernement allemand, attaché à sa seule raison d'État, et, malheureusement, aussi la résolution du comité directeur du parti du 15 mai 2021.

Ce « calme » censé avoir régné des derniers mois jusqu'au début d'avril 2021, le début des provocations israéliennes à la Porte de Damas, était-il alors une véritable coexistence pacifique quotidienne en Israël ? Ceux qui voient les choses ainsi, qui ont cru à une telle « idylle », doivent maintenant être surpris.

Tout d'abord, d'un point de vue purement chronologique, selon la lecture de la résoliution, la « violence », les échanges de « tirs » n'auraient commencé qu'à la fin du Ramadan, le lundi soir (10 mai) avec la première roquette du Hamas. On peut le voir ainsi - c'est le mainstream bourgeois [1]. C’est alors ne pas considérer les meurtres et les blessures des manifestants palestiniens pendant les semaines précédentes comme de la violence, mais comme une qualité différente, moins dramatique et donc apparemment comme un état normal d'une « coexistence à égalité ».

Ainsi, quiconque, comme le comité directeur dans sa résolution, fait commencer « l'escalade de la violence » le 10 mai - date des premiers tirs de roquettes du Hamas depuis Gaza - doit avoir déjà fait abstraction de la campagne constante et en escalade de nettoyage ethnique pour une Jérusalem juive ethniquement pure, comme à Sheikh Jarrah ; sans parler de la réalité quotidienne de l'occupation brutale de la Cisjordanie et de l'étranglement de Gaza. 


-Mais où sont donc les courageux défenseurs de gauche des opprimés quand des milliers de Palestiniens sont virés à coups de matraque de leurs maisons pour faire la place à des colons israéliens ?
-D'abord on prend un capuccino puis on va à la manif antiraciste, s'il ne pleut pas
Dessin de Karsten Schley

Quiconque comprend le statu quo d'une dictature militaire de 54 ans (officiellement en hébreu :  « régime militaire temporaire » יאבצה קוח ינמזה) non pas comme un scandale quotidien criant, mais comme un état normal des choses, aboutit précisément à la fausse symétrie de « violence des deux côtés » que la résolution du comité directeur du parti affirme systématiquement. On peut le faire au vu de l'escalade actuelle, ce faisant on occulte complètement la réalité coloniale.

La résolution ne considère plus du tout l'occupation militaire, ni même l'escalade récente jusqu'au 10 mai, comme de la violence lorsqu'elle affirme : « Dans tous les cas de violence, la population civile souffre, en Israël et à Gaza ». « Tous les cas », alors, c’est-à-dire simplement Israël et Gaza. Il est vrai que la population civile souffre, mais avec cette liste on oublie et on ignore complètement les morts et les blessés de l'escalade actuelle à Jérusalem et en Cisjordanie [2] !


Mais surtout, la résolution avec son énumération interprète la relation entre la violence coloniale [3] et la contre-violence anticoloniale comme une « coexistence à égalité ». On peut bien sûr le faire, mais alors, on n’est plus de gauche !

La résolution va même plus loin : ce dont souffrent les deux millions d'habitants de Gaza, ce ne sont pas seulement les bombes et le blocus, mais également le Hamas [4]. Le peuple palestinien d'Israël, de Jérusalem, de Cisjordanie et de Gaza serait donc opprimé de la même manière par deux forces - il « souffre » également des « expulsions illégales, de la violence et de l'oppression d'Israël ... et ... de l'occupation ainsi que du Hamas à Gaza » ! Ainsi, la résolution assimile une dictature militaire coloniale à un gouvernement qui, après tout, a été largement élu lors d'élections libres ! Il n'est pas nécessaire d'aimer le Hamas pour voir cette différence. Cependant, l'exécutif du parti refuse ainsi à la population palestinienne le simple droit démocratique d'élire un parti réactionnaire au gouvernement, comme le font les Allemands ou les Israéliens [5] ! On peut bien sûr le faire, mais alors on n’est pas démocrate.

L'occupation, le nettoyage ethnique de Jérusalem, le blocus de la bande de Gaza est - contrairement à ce que prétend la résolution - non pas un projet de la « droite israélienne », mais le consensus de base de la politique israélienne, la raison d'État d'Israël [6] ! On peut souhaiter que le vol de terres, le nettoyage ethnique et la privation coloniale des droits par le biais d'une dictature militaire soient des caprices d'une petite minorité de droite en Israël - la situation serait alors beaucoup moins dramatique. On peut bien sûr le souhaiter, mais ça n'a rien à voir avec la réalité.

L'exécutif du parti adopte sans critique la logique de la raison d'État de la République fédérale. Son appel en 2021 est le mantra, hypocrite de Merkel et Maas, d' « une solution pacifique à deux États ». La résolution, cependant, omet complètement de nommer le rôle du gouvernement allemand. L'Allemagne joue un rôle décisif en soutenant Israël dans sa démolition systématique et très réussie de cette « solution ». On peut souhaiter la paix et une solution mutuellement acceptable, mais l'adoption sans critique de la raison d'État de la République ne relève pas d’une politique d'opposition, mais revient à se faire des moutons de Panurge du gouvernement fédéral.

L'exécutif du parti propose d’« encourager une nouvelle tentative de pourparlers de paix » [7]. Mais même pour mettre en œuvre cette proposition, la résolution s'abstient de tout appel exercer à une réelle pression [8] sur Israël. Pour imposer un telle « amorce » l'UE et le gouvernement allemand devraient simplement « utiliser les moyens dont ils disposent ». Le gouvernement allemand, qui utilise tous les « moyens à sa disposition » pour empêcher activement la création d'un tel État palestinien [9] en ne votant pas pour sa reconnaissance à l'ONU, et qui va ensuite de l'avant pour garantir l'impunité d'Israël dans le processus : la RFA est intervenue contre les enquêtes de la CPI sur les crimes de guerre israéliens, arguant que celle-ci n'était pas compétente vu que - - - la Palestine n'était pas un État.

La résolution se termine par une nouvelle courbette devant la raison d'État : en toute netteté, le conseil se distancie de tout antisémitisme supposé [10] ou réel lors des rassemblements de solidarité allemands. La lutte contre la haine des Juifs et l'antisémitisme en Allemagne est toujours juste, mais elle n'a rien à voir avec le sujet réel – l’intitulé de la résolution - à savoir cette « violence » qui se produit actuellement « en Israël et en Palestine » et qui devrait y être « arrêtée ». Bien entendu, une déclaration politique peut également aborder ces questions qui ne concernent que l'Allemagne sur le plan interne. Cependant, l'appel ne contribue pas à la lutte pour la justice en Palestine et contre la tyrannie israélienne là où elle se déroule. Elle ne le peut pas et ne le veut manifestement pas.

Hanovre, 19/05/2021

Porte-paroles du groupe de travail régional : Anette Mücke , Kerstin Cademartori, Rezzak Yayar, Ulrich Glade

Notes

[1] C'est exactement ce que le JT a fait - son premier rapport a été publié le 10 mai, juste à temps pour proclamer la la symétrie.

2] en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, jusqu'à présent 25 morts, 2800 blessés, dont 188 à balles réelles (18.5.21)

[3] non seulement la violence des colons, mais aussi la violence militaire quotidienne, comme la violence gouvernementale.

[4] La Gauche se positionne ici à droite de l'ONU et même de Joe Biden.

[5] Un parti ouvertement fasciste comme Pouvoir juif d'Itamar Ben Gvir ne vient-il pas de réussir son entrée à la Knesset ?

[6] depuis 1947 et 1967 respectivement

[7] Le fait qu'Israël ne voudra jamais abandonner les territoires occupés n'est apparemment plus pris en compte dans la décision.

[8] Les sections du parti des Länder de Basse-Saxe et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, par exemple, demandent la suspension de l'accord d'association avec l'UE comme moyen de pression éprouvé.

[9] Au cas où on croit encore à cette solution.

[10] « Mettre le feu à des drapeaux israéliens ... ou la haine sur les médias sociaux » : cela PEUT être de l’antisémitisme, mais ça ne l’est pas en soi ou automatiquement, et certainement pas de manière générale.

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