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15/09/2021

Vacances criminelles : l'été de Teodorin Obiang Nguema Mangue

Andrea Spinelli Barrile, il manifesto, 9/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Marqué par des condamnations internationales et des affrontements diplomatiques, l'été du fils et du dauphin du plus ancien dictateur du monde s'est terminé triomphalement en Italie. Devant le célèbre yacht du vice-président de la Guinée équatoriale, qui a le PIB de la Belgique et dont 80 % de la population vit dans la misère, Amnesty Internation a manifesté pour le prisonnier Fulgencio Obiang Esono, condamné à 58 ans de prison.

Manifestation d'Amnesty International devant le yacht

 

L'Italie est l'un des plus beaux endroits pour des vacances d'été de superluxe, et pas seulement pour des entrepreneurs ou des artistes millionnaires de renommée internationale. Elle l'est aussi pour certains personnages qui peuvent y passer de merveilleuses journées en toute détente et sécurité, malgré leur impressionnant casier judiciaire.

L'été 2021 de Teodorin Obiang Nguema Mangue, 53 ans, vice-président de la Guinée équatoriale (il est le fils du président Teodoro, le plus ancien dictateur du monde, au pouvoir depuis 44 ans), a été marqué par ce paradigme et s'est terminé en beauté dans notre pays. Et dire qu'il avait commencé sous les pires auspices.

LE 22 JUILLET, le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, a déclaré que Nguema avait été impliqué dans " des arrangements contractuels corrompus et la sollicitation de pots-de-vin, pour financer un style de vie somptueux ", annonçant des sanctions à son encontre : gel des avoirs et interdiction d'entrer au Royaume-Uni. En conséquence, le gouvernement équatoguinéen a annoncé la fermeture de son ambassade à Londres.

Le 28 juillet, la Cour de cassation française a confirmé la condamnation de Nguema pour détournement de fonds et blanchiment de fonds publics, mettant ainsi un terme à un litige qui durait depuis plus de dix ans : 150 millions d'euros d'avoirs saisis par le fisc français, qui devra les restituer aux citoyens du pays africain, trois ans de prison et 30 millions d'euros d'amende. Le gouvernement équatoguinéen a annoncé la fermeture de son ambassade à Paris, tandis que le parquet a transmis une demande de mandat d'arrêt international à Interpol.

LA DEMANDE est probablement encore en cours : Nguema est arrivé à Rome avec un passeport diplomatique le 28 août 2021 à bord de son jet privé, l’a garé à Ciampino pour faire un peu de shopping dans quelques magasins du centre et a tout posté sur ses comptes TikTok et Instagram. La veille, son yacht de 76 mètres et quatre étages battant pavillon des îles Caïmans, l’Ebony Shine, était arrivé à Cagliari en provenance de Gênes, où il est habituellement amarré.

Nguema a atteint Cagliari le 29 août. Le 3 septembre, des militants d'Amnesty International ont manifesté devant le yacht, demandant justice pour l'ingénieur Fulgencio Obiang Esono, un citoyen italien d'origine équatoguinéenne vivant à Pise qui avait disparu lors d'un voyage d'affaires au Togo. Kidnappé par les services du président Obiang, il réapparaît dans une prison de Malabo, la tristement célèbre Black Beach, où il se trouve encore aujourd'hui.

Esono a été condamné à 58 ans de prison à l'issue d'un procès au cours duquel il n'a pas eu la possibilité de se défendre : « Malheureusement, nous avons affaire à un pays avec lequel les relations diplomatiques sont très difficiles », a déclaré son avocat au journal La Nazione en février.

POUR EN REVENIR AU YACHT, son histoire est intéressante : construit en Hollande en 2009, d’une valeur estimée à un peu moins de 100 millions d'euros, il a été saisi par les autorités suisses en 2016 dans le cadre de certaines enquêtes sur le blanchiment d'argent contre Nguema. Le yacht a été libéré en raison des coûts d'entretien, qui étaient prohibitifs pour le parquet de Genève, et a depuis été mis en rade dans le port de Gênes.

Suivre le fil des médias sociaux du vice-président, c'est comme assister à de bruyants bras d’honneur à l'égard des autorités internationales : les voitures de luxe qu'il exhibe depuis la capitale guinéenne sont presque toutes saisies en Europe, enlevées en France ou en Suisse avant que la justice ne mette la main dessus. Il en va de même pour le yacht Ebony Shine, que le ministère usaméricain de la justice (DOJ) tente de lui confisquer depuis des années : en 2011, le DOJ a saisi des dizaines de millions de dollars d'actifs de Nguema, mais il est arrivé à en soustraire tout autant à la justice.

 


Pendant des années, Nguema a utilisé des sociétés anonymes derrière lesquelles il se camoufle, l'une d'entre elles s'appelant Ebony Shine Ltd, pour blanchir l'argent qu'il s'est illégalement approprié, qu'il s'agisse de fonds publics ou privés provenant de sociétés dont il était partenaire. Parmi celles-ci figurait Eloba Construction SA, dont le partenaire minoritaire était Roberto Berardi, un citoyen italien qui a été emprisonné et torturé pendant deux ans et demi sur les ordres directs de Nguema, pour avoir dénoncé sa fraude.


Voilà comment Nguema pille son propre pays : terrorisme, torture, traitements inhumains, aussi inhumains que les conditions dans lesquelles vivent 80 % de la population de Guinée équatoriale, avec moins d'un dollar par jour alors que le pays a le PIB de la Belgique, blanchiment d'argent et opulence exhibitionniste.

La procédure judiciaire aux USA a été longue et tortueuse : après des années de négociations, Nguema a accepté de payer 30 millions de dollars en échange de l'annulation du mandat d'arrêt international à son encontre. Après avoir vendu une partie des actifs saisis, le DOJ a transféré 19,2 millions de dollars aux Nations unies pour payer 1,2 million de doses de vaccins Moderna contre le coronavirus par le biais du système Covax de l'OMS, soit suffisamment pour vacciner toute la population du pays africain.

Le produit du séquestre usaméricain sera utilisé pour des programmes de développement social en Guinée équatoriale, programmes gérés par des organismes ou des associations locales qui, toutefois, selon Mediapart, sont gérés directement par Constancia Okomo, la mère de Teodorin.

La boucle est ainsi bouclée : la première dame est celle qui détient actuellement le véritable pouvoir dans le pays, une influence absolue qui prend racine dans la terreur que la famille instille à tous, dans les croyances populaires et dans les affaires louches d'un système économique kleptocratique et violent. « On se demande comment une telle personne peut voyager en toute impunité et prendre des vacances de luxe en Italie », a déclaré Riccardo Noury, porte-parole d'Amnesty International, au manifesto.

Le dernier voyage de Nguema en Italie remonte au mois d'avril, lorsqu'il a rencontré le pape François quelques semaines avant de présider les célébrations de la fête nationale guinéenne, pour la première fois en l'absence de son père : un véritable couronnement qui avait tout d’un pied-de-nez au monde entier, y compris l’Église catholique.

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