Featured articles en vedette Artículos Artigos destacados Ausgewählte Artikel Articoli in evidenza

18/08/2021

Les Talibans contrôlent désormais l'un des plus grands gisements de lithium au monde

Tim McDonnell, Quartz, 16/8/2021
Traduit par Fausto Giudice

 

Tim est un journaliste de Quartz qui couvre le changement climatique mondial et les questions énergétiques, basé à Washington, D.C. Il a travaillé auparavant pour National Public Radio et Mother Jones, et a passé quelques années en tant que pigiste à   travers l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud pour National Geographic, le New York Times et d'autres médias. Il a été boursier Fulbright-National Geographic Storytelling et National Geographic Explorer. Tim est originaire de Tucson et cuit son pain. @timmcdonnell

Lorsque les combattants talibans sont entrés dans Kaboul le 15 août, ils n'ont pas seulement pris le contrôle du gouvernement afghan. Ils ont également acquis la capacité de contrôler l'accès à d'énormes gisements de minéraux qui sont cruciaux pour l'économie mondiale de l'énergie propre.

Des caillasses qui valent de l'or : c’est un secret de Polichinelle depuis 40 ans : l’Afghanistan regorge de minerais en tous genres, ce qui en fait un « scandale géologique », à l’égal du Congo [NdT]

En 2010, une note interne du ministère usaméricain de la Défense a qualifié l'Afghanistan d'"Arabie saoudite du lithium", après que des géologues usaméricains eurent découvert l'étendue des richesses minérales du pays, évaluées à au moins 1 000 milliards de dollars. Ce métal argenté est essentiel pour les véhicules électriques et les batteries d'énergie renouvelable.

Dix ans plus tard, en raison des conflits, de la corruption et des dysfonctionnements bureaucratiques, ces ressources restent presque entièrement inexploitées. Et alors que les USA cherchent à découpler leurs chaînes d'approvisionnement en énergie propre de la Chine, premier producteur mondial de lithium, le fait que les minerais afghans soient sous le contrôle des talibans porte un coup sévère aux intérêts économiques usaméricains.

"Les talibans sont maintenant assis sur certains des minerais stratégiques les plus importants du monde", a déclaré Rod Schoonover, responsable du programme de sécurité écologique au Center for Strategic Risks, un groupe de réflexion de Washington. "Savoir s'ils peuvent/veulent les utiliser sera une question importante pour l'avenir".

Les minéraux sont une arme à double tranchant pour l'Afghanistan

Selon l'Agence internationale de l'énergie, la demande mondiale de lithium devrait être multipliée par 40 d'ici 2040 par rapport aux niveaux de 2020, tout comme les éléments des terres rares, le cuivre, le cobalt et d'autres minéraux dont l'Afghanistan est naturellement riche. Ces minéraux sont concentrés dans un petit nombre de poches à travers le monde, de sorte que la transition vers l'énergie propre pourrait rapporter gros à l'Afghanistan.

Dans le passé, les responsables du gouvernement afghan ont fait miroiter à leurs homologues usaméricains la perspective de contrats miniers lucratifs pour les inciter à prolonger la présence militaire US dans le pays. Avec les talibans aux commandes, cette option n'est probablement plus d'actualité.

Mais Ashraf Ghani, l'économiste de la Banque mondiale devenu président afghan, qui a fui le pays le jour de la prise de pouvoir par les talibans, a vu dans les minéraux une "malédiction" potentielle. D'une part, la plupart des économistes s'accordent à dire que les richesses minérales favorisent la corruption et la violence, en particulier dans les pays en développement, et qu'elles n'apportent souvent pas beaucoup de bénéfices aux citoyens moyens. Dans le même temps, les Talibans ont longtemps exploité illégalement les minerais du pays (en particulier le lapis-lazuli, une pierre précieuse) comme une source de revenus annuels pouvant atteindre 300 millions de dollars pour leur insurrection.

Que va-t-il se passer maintenant que les Talibans sont au pouvoir ?

Les talibans ne peuvent pas simplement appuyer sur un interrupteur et se lancer dans le commerce mondial du lithium, a déclaré M. Schoonover. Des années de conflit ont laissé l'infrastructure physique du pays - routes, centrales électriques, chemins de fer - en lambeaux. À l'heure actuelle, les militants talibans auraient même du mal à maintenir les services publics de base dans les villes qu'ils ont prises, et encore moins à mener des politiques économiques susceptibles d'attirer les investisseurs internationaux.

Selon Nick Crawford, chercheur en économie du développement au sein du groupe de réflexion de l'Institut international d'études stratégiques, les factions rivales au sein des Talibans rendraient très difficile la négociation d'accords miniers, et il est peu probable que la Chine accorde au groupe les prêts d'infrastructure nécessaires à la mise en place d'opérations minières de taille importante. Cela est d'autant plus vrai que les investisseurs chinois ont été échaudés par un projet d'extraction de cuivre de 3 milliards de dollars en Afghanistan, qui a démarré en 2007 et n'a rien donné, en grande partie à cause des problèmes liés au manque d'infrastructures.

"Tant qu'il y aura des sources plus sûres et plus fiables ailleurs, la pleine utilisation des minéraux afghans restera probablement lente", dit M. Schoonover. Toutefois, la Chine et la Russie maintiennent déjà des liens diplomatiques avec les talibans et feront presque certainement des affaires avec le nouveau régime sur son propre terrain.

Selon M. Crawford, l'une des raisons pour lesquelles la Chine agit de la sorte pourrait être de délocaliser une partie de la destruction environnementale localisée qui résulte de l'exploitation des terres rares et du lithium. Dans ce cas, l'exploitation minière risque de s'ajouter aux autres risques environnementaux - notamment la pénurie d'eau, la pollution atmosphérique et les catastrophes météorologiques extrêmes liées au changement climatique - auxquels le peuple afghan est déjà confronté.

https://static.dw.com/image/58897936_7.png
L'Institut de Géologie du Département de l'Intérieur des USA [US Geological Survey] a cartographié les ressources géologiques et minérales de l'Afghanistan dès 2006, en s'appuyant notamment sur les relevés soviétiques des années 60 à 80, au cours de missions d'exploration financées par le Département de la Défense et sous la protection de Marines. Ci-dessous, par exemple l'équipe de terrain qui a exploré en août 2010 le gisement de carbonatite du massif de Khan Neshin, dans la province du Helmland, constituée de 2 géologues civils, Robert D. Tucker et Mike Chorniak, et de 4 militaires, qui a identifé la présence de 5 millions de tonnes de terres rares, confirmant les découvertes de chercheurs soviétiques faites dans les années 70 [NdT]
 

 

 

Aucun commentaire: