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04/10/2021

Pourquoi nous sommes solidaires de Mimmo Lucano, le hors-la-loi

Gaetano Lamanna , il manifesto, 3/10/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

13 ans et 2 mois de prison : c’est la condamnation incroyable prononcée en première instance par le tribunal de Locri contre Mimmo Lucano, l’ancien maire de Riace, en Calabre, suspendu en 2018, dont le crime est d’avoir hébergé et intégré des immigrants, faisant ainsi revivre ce village frappé par la désertification. Ci-dessous la réaction d'un encien dirigeant communiste et syndical calabrais, aujourd'hui actif dans le Syndicat des retraités de la CGIL-FG

Délit d’'humanité. Il s'agit d'une contradiction flagrante entre le droit et la justice, qui ne vont pas toujours de pair. Souvent, pour rendre ou faire rendre justice, il faut changer une loi. Cela s'est produit à plusieurs reprises.

Traité comme un criminel. Avant le procès, on lui a ordonné de quitter Riace. Il ne pouvait pas retourner dans son village, même pour rendre visite à son père âgé et malade. Il était considéré comme pire qu'un mafioso. Or, il se trouve que Mimmo Lucano n'est pas un mafioso, mais un citoyen honnête, bon et généreux. Une tête dure, comme beaucoup en Calabre. Nous sommes confrontés à une contradiction flagrante entre le droit et la justice. La loi n'est pas toujours en accord avec la justice. Souvent, pour rendre ou faire rendre justice, il faut changer une loi. Cela a été fait à de nombreuses reprises. Mais c'est un processus long et laborieux. Il faut parfois des batailles, des mouvements, des pétitions populaires, des référendums, pour que le parlement se décide à changer une loi injuste ou à promouvoir des droits.

Ce fut le cas avec le Statut des travailleurs. Il en était de même pour le ius soli (droit du sol). Il en va de même pour les crimes d'honneur, l'avortement, le divorce, et bien d'autres exemples pourraient être cités. La loi, qui est la base du droit, évolue, suit l'histoire et est mise à jour en fonction des changements historiques et politiques. Aux époques grecque et romaine, l'esclavage n'était pas illégal. Au Moyen Âge, les privilèges féodaux et le servage étaient légaux. Le droit n'est pas neutre.

La plupart du temps, il ne fait que codifier des règles, des conventions, des coutumes, déjà en usage. Il transforme le statu quo en loi. Il prend généralement acte des relations de pouvoir. Avec la Révolution française, la bourgeoisie montante a renversé l'ancien monde féodal, façonné à la mesure de l'aristocratie, serré par des contraintes, des privilèges et des règles qui empêchaient l'accumulation du capital, le libre marché et le développement industriel. Plus récemment, sous les gouvernements dirigés par Berlusconi, nous avons également vu des lois ad personam, des crimes déclassés ou faits disparaître du code du jour au lendemain.

Le droit a donc toujours été façonné par les intérêts de la ou des classes au pouvoir. C'est l'histoire. Les juges de Locri sont en dehors de l'histoire et du bon sens. Pour faire fonctionner le modèle Riace, un modèle d'accueil et d'inclusion étudié dans le monde entier, Mimmo Lucano a dû briser des lois anciennes et inadaptées. Comme celle, par exemple, qui ne donne pas aux enfants nés et étudiant en Italie le droit à la citoyenneté. Ou celle qui refuse les logements sociaux aux immigrants légaux qui résident en Italie depuis moins de 10 ans. Mimmo Lucano a inventé du travail et mis en mouvement une économie asphyxiée.

Pour ce faire, il a même dû inventer une monnaie alternative. Un moyen qui permettrait aux nouveaux arrivants de s'habiller et de manger jusqu'à ce que le ministère de l'Intérieur, dirigé à l'époque par Marco Minniti (et plus tard par Salvini), daigne transférer un peu d'argent pour payer les fournisseurs. À Riace, les maisons, les ateliers et les magasins avaient rouvert leurs portes. La ville s'était repeuplée, retrouvant une nouvelle vie, contrairement à tant de villes mortes en Calabre. Aux crocodiles qui pleurent sur les villages abandonnés, le maire de Riace avait montré un chemin concret vers la renaissance.

Une alternative au dépeuplement et à l'abandon des villages. Après l'éclatement du latifundium et la réforme agraire, la Calabre est entrée dans la modernité à un prix très élevé en termes d'émigration. Elle fournissait une main-d'œuvre bon marché pour le développement industriel du Nord et de l'Europe. Elle a détruit un artisanat florissant qui n'a pas pu résister à l'impact du marché des produits industriels. Même ceux qui avaient bénéficié de la réforme agraire ont été nombreux à abandonner la campagne en raison du manque de soutien public, qui visait principalement à faciliter la construction et les activités commerciales, ainsi que les emplois dans l'administration publique.

La Calabre est devenue une terre de consommation. Une économie dépendante et fonctionnelle de la croissance économique des régions du centre et du nord s'est développée. Avec une classe politique qui ne cherche qu'à intercepter le flux des dépenses publiques et à gérer les affaires et les malversations. Dans ce contexte, il n'y a pas de place pour la Calabre des villages, pour les communautés rurales, de colline et de montagne.

Mimmo Lucano nous a fait entrevoir (dans une petite réalité) une alternative possible, d'une manière innovante et solidaire de faire revivre nos villages. Il s'est heurté à l'obtusité de la bureaucratie et des politiciens qui ne s'intéressent qu'à leur intérêt personnel. Entre-temps, Marco Minniti, après avoir tout reçu (et plus) de son parti [le PD, ex-PCI, NdT], s'est assis dans le train confortable de la Fondation Leonardo [fondation de l'ex-Finmeccanica, appelée exactement Fondation Leonardo-Civilisation des machines (sic), NdT]. Mimmo, en revanche, a dû faire face à des magistrats qui, au lieu de poursuivre l'illégalité mafieuse, ont braqué les projecteurs sur ses délits. Engagé avec la conviction de faire le bien. C'était le seul moyen de sauver des vies, de faire avancer une véritable intégration, de débloquer des situations empêtrées dans les méandres de la bureaucratie ou retardées par des lois inadéquates.

Mimmo Lucano est un « hors-la-loi », il a agi en défiant des lois injustes ou erronées qui ne lui permettaient pas d'agir en faveur des immigrants et des habitants de Riace. Il n'est certainement pas un voleur ou un criminel, comme il y en a tant, même en costume croisé. Cette condamnation est une honte. Une grave injustice. Ceux qui n'acceptent pas l'injustice et luttent pour le changement n'ont d'autre choix que de se ranger à ses côtés, montrant ainsi qu'il n'est pas seul et isolé, mais un point de référence. Le vote des 3 et 4 octobre en est l'occasion. C'est la façon d'exprimer sa solidarité avec lui, et pas seulement en paroles. [Lucano est tête de liste pour la circonscription nord de "Une autre Calabre est possible", une des six listes appuyant la candidature de l'ancien maire de Naples, le magistrat Luigi De Magistris, à la présidence de la région, NdT]

Vient de paraître 


 

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