Hagar Shezaf, Haaretz, 22/8/2022
Traduit
par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Le nombre de détenus administratifs en Israël a grimpé en flèche depuis la vague d'attaques terroristes de mars dernier, atteignant plus de 700, dont 11 Palestiniens de nationalité israélienne
Israël détient actuellement 723 détenus en prison sans jugement, le nombre le plus élevé depuis 2008 et une augmentation significative par rapport aux 671 détenus début août. Onze des détenus sont des citoyens israéliens-aucun d'entre eux n'est juif-et les autres sont des Palestiniens.
Le nombre de détenus administratifs en Israël a grimpé en flèche depuis la vague d'attentats terroristes de mars, avec 52 nouveaux prisonniers depuis le début du mois d'août. Des arrestations ont été effectuées depuis les combats à Gaza au début du mois contre le Jihad islamique et la répression de l'organisation en Cisjordanie.
Les suspects placés en détention administrative sont incarcérés en Israël sans inculpation dans le cadre d'un système de “détention préventive”. Ils ne sont pas traduits devant un tribunal et leurs avocats ne reçoivent pas les preuves à leur encontre, à l'exception d'un bref résumé des principaux soupçons. Un rapport de renseignement confidentiel et un ordre de détention administrative signés par le chef du Commandement central des Forces de défense israéliennes sont présentés au juge qui doit approuver la détention, sans la présence du détenu.
Selon Haddad, dans cinq cas qu'elle a représentés récemment, les accusations résumées citaient la participation à des rassemblements, des discours lors de tels rassemblements ou la possession de symboles du Jihad islamique. Elle a déclaré que jusqu'à présent, les accusations formulées dans ces résumés étaient plus substantielles.
« La détention administrative est destinée à être utilisée dans des cas extrêmement rares, et voilà qu'elle est utilisée à mauvais escient », a déclaré Me Haddad. « Si vous savez qu'il y a eu un rassemblement et qu'il a été filmé, pourquoi ne pas présenter une preuve photo ou vidéo et déposer un acte d'accusation ? »
Elle a noté que dans plusieurs affaires récentes dans lesquelles elle a été impliquée, le service de sécurité Shin Bet a dit au tribunal qu'il demandait des ordres de détention ponctuels pour les accusés, pour une durée de trois à quatre mois, bien que la pratique habituelle soit de faire prolonger l'ordre plusieurs fois jusqu'à ce qu'il s'étende à plus d'un an.
Les chiffres fournis par l'administration pénitentiaire israélienne au Mouvement pour la liberté d'information montrent qu'à la mi-juin, 184 Palestiniens, dont un mineur, étaient détenus depuis plus d'un an. Les détenus administratifs représentent environ 15 % de l'ensemble des prisonniers, soit près du double du précédent record de détenus, établi en mai 2008, où le total était de 803.
Des manifestants devant l'hôpital Assaf Harofeh, au sud de Tel Aviv, où Khalil Awawdeh est détenu, ce mois-ci. Sur les pancartes, on peut lire en arabe : « Non à la détention administrative. Liberté pour Khalil Awawdeh ». Photo : Tsafrir Abayov /AP
Selon les avocats représentant les détenus administratifs, depuis mars, de nombreuses personnes ont été arrêtées pour leur appartenance au Hamas ou pour s'être identifiées à cette organisation. Les raisons qui leur sont données pour ces détentions sont formulées de manière laconique.
Bashir Rajbi, un habitant d'Hébron qui a été arrêté à la mi-juin, est soupçonné de « participation à des activités soutenant la terreur, trafic d'armes et association avec des activistes du Hamas », selon la version résumée des charges mise à la disposition de son avocat.
Abeidan Samara, originaire du village de Burkin, est considéré comme un membre du Hamas impliqué dans des actions contre les forces de sécurité. Un autre détenu administratif, Mohammad Zain, originaire de la région d'Hébron, a été accusé d'un important trafic d'armes et de contrebande en provenance de Jordanie. Les appels interjetés contre leur détention ont été rejetés par la Cour suprême.
Dans une autre affaire, le jugement d'un appel déposé par Omar Omar, détenu en raison de ses activités au sein de l'organisation d'étudiants du Hamas à l'université An-Najah de Naplouse, les juges ont écrit qu'ils étaient persuadés « que ses activités mettent en danger la paix et la sécurité de la région. Par conséquent, nous ne voyons aucune raison d'intervenir dans la décision de le placer en détention administrative ».
L'avocat d'Omar, Hamza Abu Maizer, a évoqué la frustration que ressentent les avocats lorsqu'ils représentent des personnes dans une telle situation. « Ce que vous dites n'a aucun poids. Vous parlez de la situation familiale ou personnelle, vous essayez d'expliquer les soupçons sous un autre angle et cela ne fonctionne pas - ce qui compte, c'est le matériel confidentiel », a-t-il déclaré.
Un examen par Haaretz a révélé que sur les 18 appels interjetés devant la Cour suprême pour annuler des détentions administratives, dans aucun cas les juges n'ont agi en faveur des requérants. Dans certains cas, les avocats des détenus ont retiré leurs requêtes après que le Shin Bet a annoncé - à la suite d'une audience au tribunal - que l'ordre de détention ne serait pas prolongé après son expiration.
En janvier, dans un geste inhabituel, la Cour suprême a réduit la détention administrative de Maher Anati, un habitant du camp de réfugiés d'al-Fawar près d'Hébron, qui avait été accusé d'être entré en Israël sans permis et de s’être disputé avec un soldat en service.
Dan Yakir, avocat de l'Association pour les droits civils en Israël, a déclaré qu'il ne se souvenait pas d'un autre cas où la Cour suprême était intervenue dans une affaire de détention administrative, à l'exception d'un cas survenu au début des années 1990. Il a ajouté qu'il ne se souvenait que d'un seul cas dans lequel un ordre de détention avait été purement et simplement annulé.
Le général (de réserve) Nitzan Alon, qui a dirigé le Commandement central des FDI de 2012 à 2015, a déclaré que l'utilisation des ordres de détention administrative était essentielle dans certains cas. « En général, je pense que la détention administrative a un objectif approprié », a-t-il déclaré. Il a expliqué qu'il s'agissait d'un outil permettant d'aider à prévenir les attaques terroristes lorsque les forces de sécurité sont confrontées à deux obstacles majeurs - le fait que les organisations terroristes informent leurs membres sur la façon de se comporter pendant les interrogatoires et la nécessité de protéger les sources de renseignement qui peuvent être exposées pendant une procédure pénale normale.
Alon a déclaré que le nombre de détentions administratives était lié aux politiques établies par les dirigeants politiques. « Pendant mon mandat, en raison de toutes sortes de considérations politiques, nous avons essayé très fort de réduire le nombre d'arrestations administratives, même si parfois nous avons commis des erreurs », a-t-il déclaré.
Il a notamment cité l'exemple des personnages impliqués dans l'enlèvement des trois jeunes Israéliens en Cisjordanie en 2014. « Nous avions une certaine compréhension concernant la menace qu'ils représentaient, et nous avons décidé de ne pas leur appliquer la détention administrative - et nous avons eu tort », a rappelé Alon.
Alon a partiellement attribué l'énorme écart entre le nombre de détenus administratifs palestiniens et juifs au fait que les détenus potentiels juifs « ont un système juridique de soutien qui saute sur cette question, comme le groupe Honenu. Le soutien juridique dont ils bénéficient est plus important » que celui dont bénéficient les Palestiniens.
Au total, les chiffres montrent que quatre Juifs ont été placés en détention administrative au cours des cinq dernières années. Deux d'entre eux, Avraham Yared et Ariel Dahari, ont été arrêtés cette année et détenus pendant trois mois sans être présentés à un juge. Yared a d'abord été arrêté selon la procédure normale, et la police a annoncé qu'elle avait l'intention de le poursuivre en justice. Mais l'acte d'accusation n'a jamais été déposé, et son statut d'arrestation a été changé en statut administratif. Pendant sa détention, 22 députés de droite de la Knesset ont signé une pétition pour sa libération.
L'avocat Or Sadan, du Mouvement pour la liberté d'information et de la Faculté de droit du Collège des études académiques de gestion, a déclaré que « le recours à la détention administrative est une mesure extrême, qui conduit en pratique à l'incarcération d'une personne sans procès ». « Un maximum de détails devrait être accessible publiquement concernant l'utilisation de cet outil, afin que chaque personne, y compris les élus, puisse examiner l'étendue de son utilisation », a-t-il ajouté.
L'unité du porte-parole des FDI a répondu que « l'outil de la détention administrative n'est utilisé que dans les situations où les autorités de sécurité disposent d'informations fiables et fondées indiquant un danger réel posé par le détenu pour la sécurité de la zone et en l'absence d'alternatives pour éliminer le risque. La décision de détention administrative est une décision individuelle basée sur des informations fondées concernant chaque détenu, en partie en prêtant attention à la situation de sécurité dans la zone ».
Elle a en outre noté que « dans chaque cas où un ordre de détention administrative est émis, une procédure de révision judiciaire est menée par le tribunal militaire... Les décisions du tribunal militaire sont soumises à la révision de la cour d'appel et de la Cour suprême ». [Ouf, nous voilà rassurés, NdT]
Le Shin Bet n'a pas répondu à notre demande de commentaire.
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